lundi 25 avril 2016

Partie V : les années quatre- vingt, les travaux préparatoires de la réforme de 1991 (Troisième partie)


Nous clôturons cette semaine l’étude de la période des années quatre vingt par la présentation des principales mesures  et les évolutions  qu’avaient connues la scène éducative à la fin de la décennie ( depuis 1987), et surtout l’aboutissement des travaux de réflexion et la préparation de la loi d’orientation en 1988 qui a préparé la voie à la loi de 1991.
Pour accéder à la première partie :CLIQUER ICI   et pour accéder à la deuxième partie : CLIQUER ICI  

lundi 18 avril 2016

Partie V : les années quatre- vingt, la fin d’une période et les travaux préparatoires de la réforme de 1991 (Deuxième partie)
Nous poursuivons cette semaine la présentation des principales mesures prises par les différents ministres au cours des années quatre vingt , des mesures qui ont touché des aspects administratifs , professionnels et pédagogiques ( pour revenir à la première partie :Cliquer ici)

lundi 11 avril 2016

Les grandes réformes scolaire depuis l’indépendance( Partie V ) : les années quatre- vingt : les travaux préparatoires de la réforme de 1991


Nous abordons l’histoire des années quatre –vingt, par le témoignage d’un acteur direct de cette période ; il s’agit du Ministre de l’éducation nationale, M° Mohamed Hédi Khelil,[1] qui a nous a fait l’honneur et le plaisir d’introduire l’étude de cette période.   

lundi 4 avril 2016

« L’enseignement tunisien entre le présent et l’avenir » par Abou al Kacem Mohamed Kerrou


 Il y a juste un an ( le 4 avril 2015) , la Tunisie a perdu l’un de ses hommes de culture Abou al Kacem Mohamed Kerrou,   pour commémorer sa mémoire, le blog pédagogique offre à ses lecteurs le texte d’une conférence que l’illustre défunt avait donné en 1955 sur la réforme de l’enseignement en Tunisie. 
Qui était Abou al Kacem Mohamed Kerrou ?
Abou al Kacem Mohamed Kerrou est né, à Gafsa, en 1924 ; il est décédé le 4 avril 2015.  Il a fait ses études à la grande mosquée Az-zaituna ; il fut un grand opposant au régime du protectorat, et un grand défenseur de la cause palestinienne. En 1948, il décida de s’engager pour combattre à coté de ses frères en Palestine, et entreprend le voyage ; mais, on lui interdisait d’entrer en Palestine. Il se dirigea vers l’Irak et poursuivra ses études à l’école normale de Baghdâd, entre 1948 et 1952. Rentré au pays, il deviendra professeur de l’enseignement secondaire, puis rejoindra le ministère de la culture pour présider le service des colloques depuis 1978 jusqu’en 1992 ; l’homme a écrit plusieurs ouvrages comme : Chebbi : sa vie et sa poésie, Taher Haddad , Ibn Zaidoun ; le combat de Chebbi , des études sur l’histoire de Gafsa…


Avant propos
Nous savons que la période qui avait précédé la réforme de l’enseignement de 1958 fut marquée par un large débat au sujet de quelle école allons- nous mettre en place, pour la  Tunisie indépendante ; plusieurs revues et plusieurs journaux, comme la revue AL Nadwa et la revue Al Fikr[1] avaient contribué à cet effort : Al Nadwa avait consacré un numéro spécial en novembre 1954 à la culture et l’éducation ; Al Fikhr avait consacré le numéro du mois de novembre 1956 à l’enseignement intitulé : «  notre enseignement, entre hier et aujourd’hui » ; plusieurs personnalités se sont illustrées au cours de ces débats, comme le professeur Ahmed Abdessalam et le professeur Ahmed Fani qui avaient participé activement à la conception de la réforme de 1958.
Nous savons aussi que l’Etat tunisien avait, depuis les premiers mois de l’indépendance, accordé un intérêt particulier aux écoles coraniques modernes qu’il a étatisées [2],  il a  aussi réorganisé la grande Mosquée et ses annexes, en créant l’université de la Zitouna et la nomination d’un doyen, et en transformant les annexes de la grande mosquée en collèges secondaires et en créant de nouvelles sections et de nouveaux diplômes ; à partir de 1955, la grande mosquée et ses annexes sont passées sous tutelle du nouveau  ministère   de l’Instruction qui venait d’être crée en 1955[3].   
Avec ces  mesures, qui visaient à rapprocher l’ancien système scolaire «  indigène » de l’enseignement public, pour les unifier sous la même autorité, de nouvelles conceptions sur la forme que devait prendre le nouveau système scolaire du jeune état tunisien commençaient à prendre forme ; parmi ces approches et ces conceptions, nous citons celle que M° Kerrou avait présenté au cours d’une conférence qu’il avait donnée  à Sfax, puis à Bizerte, au mois de septembre 1955. Sous le titre évocateur : « l’enseignement tunisien entre le présent et l’avenir »[4].
La conférence est constituée d’un avant propos et d’une introduction ( p 3-6), d’une première partie intitulée : vue générale sur notre enseignement actuel ( p 7 à 21), d’une deuxième partie sous le titre de : vers l’avenir ( p 21- 31)  et de 3 annexes ( le 1er  est une réponse à un sondage à propos de la culture, le 2ème est constitué de données statistiques comparées ,le 3ème porte le titre de la voie de l’avenir.)
Comme l’auteur est  un zitounien de formation qui a parachevé ses études dans les universités arabes d’orient (c’était un ancien normalien de l’ENS de Baghdâd,) et qui avait une bonne connaissance des expériences irakiennes, syriennes et libanaises dans le domaine de l’enseignement en général, et de l’arabisation en particulier, et qu’il avait déjà publié plusieurs articles sur le sujet dans les pages de la revue «  l’école moderne »[5], c’est pour dire que l’homme avait une parfaite connaissance de son sujet ; c’est pour cette raison que nous avons jugé utile de faire connaitre son approche qui a influencé d’une certaine manière la réforme scolaire qui était en gestation à cette époque ;  et pour cela, nous allons suivre le plan de la conférence .
Première partie : les caractéristiques du système éducatif tunisien
Dans l’avant-propos, M° kerrou a évoqué les difficultés rencontrées et qui l’avaient empêché de faire un travail scientifique approfondi ; parmi lesquelles, il cite son long séjour à l’étranger, la rareté des documents et des rapports et ses grandes préoccupations ; c’est pour cela qu’il a essayé de faire « un travail modéré où l’on trouve de ci et de là qui permet de saisir globalement les problèmes et de montrer l’avenir sans entre dans les faits précis et les détails ».[6] En réalité, l’approche de l’auteur nous semble une bonne approche, car elle permet de centrer sur l’essentiel, en laissant les détails pour les commissions techniques spécialisées.
1.    Les institutions de l’enseignement en Tunisie
L’auteur distingue 4 types d’institutions, qui sont :
a.    Les anciennes institutions constituées par les zaouïas, les Kouttabs, et la grande mosquée de la Zitouna.
·       les zaouïas, les Kouttabs : d’après M° Kerrou, ces institutions n’ont qu’un seul avantage ; c’est la sauvegarde du Coran et son apprentissage pour les nouvelles générations ; Kerrou les compare aux squelettes qui restent après plusieurs années de la mort de l’homme, c'est-à-dire qu’on n’y trouve pas de signes de vie réelle, et elles ne peuvent pas préparer les enfants à la vie, et ne peuvent pas les préparer utilement. »[7]
·       la grande Mosquée : malgré les progrès réalisés, l’enseignement de la grande mosquée se caractérise par l’absence d’objectif qu’il cherche à atteindre, et par son activité scientifique limité, sur deux plans fondamentaux qui servent pour « mesurer le degré de l’efficacité de tout système éducatif, ou de toute institution scientifique » ; il s’agit de la production scientifique (publications et découvertes) et de la contribution au progrès social, culturel et économique du pays ». En résumé, selon M°Kerrou, le diplômé Zitounien ne sert qu’à l’enseignement, ou à occuper quelques fonctions religieuses (Imam, notaire, juge), mais jamais il ne peut être médecin ou ingénieur ou comptable dans une banque, ou chef d’un service technique et directeur technique d’une manufacture ou d’une entreprise économique »,[8] parce que ses compétences scolaires zitouniennes ne l’aident guère dans ces domaines. (Au cours de son exposé le conférencier anticipe les discussions, et imagine les réserves prévisibles, et y répond longuement.[9]
b.    les institutions créées au XIXème siècle avant le protectorat  en vue d’être au diapason des progrès du monde occidental,  et pour suivre les progrès scientifiques réalisés par la civilisation occidentale à cette époque ; parmi ces institutions,  il y avait le collège Sadiki que l’auteur considère « comme le modèle le plus proche dans notre pays  auquel nous aspirons. »[10] 
c.     les institutions modernes privées de l’enseignement primaire et secondaire qui ont été créées, selon le conférencier, par «  des citoyens conscients…pour combattre les visées de la colonisation par la savoir » ; parmi ces institutions, M°Kerrou cite le cas des écoles coraniques, qui étaient au départ des écoles privées, mais dont la plupart ont ensuite rejoint  la direction de l’instruction publique, pour des raisons matérielles pures, comme la société Al Khaldounia, ou l’école Lakhmia de Sfax[11] . Ces institutions accordaient une place importante à l’enseignement de la langue arabe et aux disciplines scientifiques, tout en s’engageant à respecter les programmes et la règlementation de l’enseignement public[12].
d.    Les institutions officielles créées par les autorités du protectorat, dont les objectifs et les programmes étaient conçus pour servir le régime du protectorat et de sa culture. Le conférencier parle « d’écoles de l’enseignement officiels », il s’agit en fait des écoles françaises et des écoles franco- arabes mises en place par Machuel, le premier directeur de l’instruction publique.
Le conférencier avait déjà exprimé, dans l’introduction du livre, un avis qui dit que « suivre le cours des idées et des programmes français constitue un danger pour notre peuple, pour ses hautes valeurs, et pour sa personnalité et son existence même. »[13] Il  présenta , dans ce sens, une liste de 15 reproches et maux relatifs aux dérives des objectifs de cet enseignement, par rapport aux valeurs de notre peuple: le bilinguisme au niveau de l’enseignement, l’obligation d’apprendre le français à tous les niveaux des études, l’absence de l’éducation civique nationale, la faiblesse de la place de la langue arabe au niveau des programmes et de l’horaire, la négligence de la formation professionnelle des enseignants surtout au niveau de l’enseignement secondaire, le manque de constructions et d’équipements scolaires, l’intérêt pour la quantité et non pour la qualité, et le faible intérêt pour l’éducation des filles, l’absence de l’enseignement supérieur, et la rareté des écoles professionnelles industrielles, agricoles et commerciales ».[14] Le conférencier a inclus, dans ce même paragraphe, quelques propositions comme la « création d’un institut supérieur de l’éducation ou une faculté pour les enseignants qui se charge de la formation fondamentale académique et de la formation professionnelle théorique et pratique, ou encore l’ouverture au moins de 10 écoles normales pour former les instituteurs »[15] .
2.    Résumé des vérités
Après ce diagnostic, le conférencier est arrivé à une conclusion générale que l’on pourrait résumer ainsi[16] :
-         Les objectifs de l’enseignement sont au service du régime colonial et la culture française.
-         Les problèmes de l’enseignement sont nombreux ; il faut les résoudre selon l’intérêt du peuple dans les pus brefs délais avec la collaboration de toutes les parties (l’état, la population et les organisations).
-         L’enseignement zitounien est en retard par rapport à notre époque ; il est incapable de préparer le citoyen à la vie citoyenne.
-         Les problèmes de l’enseignement zitounien doivent être résolus selon une politique unique, dans l’intérêt de l’avenir culturel du peuple tunisien, et pour conserver les fondements de notre culture attachée à l’islam et l’arabité.
Deuxième partie : le futur système éducatif tunisien
Les conceptions pour le futur système éducatif tunisien présentées par le conférencier consistaient dans l’extension de la scolarisation primaire et secondaire, la création d’une université tunisienne moderne, l’enseignement des filles et la lutte contre l’analphabétisme . Ainsi, le projet défendu par le conférencier est global ; il touche l’enseignement scolaire et supérieur ; il s’intéresse aux deux catégories sociales défavorisées, les femmes et les analphabètes.
Fidèle à sa démarche, le conférencier avantage les principes et les objectifs, et évite les détails en traitant les questions de cette partie .C’est ainsi qu’il va se limiter aux fondements et aux objectifs du futur système éducatif et à la transformation de la grande mosquée en une université moderne, l’enseignement de la fille, la formation des institutrices et la préparation d’un projet de lutte contre l’analphabétisme.  
1.    Les grands objectifs éducatifs
Pour M° Kerrou, Le futur système éducatif devrait réaliser cinq objectifs orientés vers l’avenir, inspirés de la culture moderne progressiste, et qui se réfèrent à des nouvelles valeurs utiles et à même d’améliorer la vie sociale, économique et morale du citoyen ; ces objectifs sont :
-         Former de bons citoyens imbus d’une culture moderne et progressiste et fiers de leur patrimoine national.
-         Sauvegarder les fondements de notre patrimoine culturel.
-         Montrer nos propres possibilités dans une culture arabe contemporaine, et y contribuer avec une part respectable, soit en redonnant vie à notre passé, ou par des productions nouvelles.
-         Améliorer notre vie sociale, économique et morale par la présentation de nouvelles valeurs utiles, et avancer avec notre peuple vers un idéal commun, et participer à améliorer le niveau de vie d’une façon continue »[17].
2.    Les fondements et les principes du système éducatif
Le conférencier avait fixé trois principes qui devraient, selon lui, constituer les fondements du système éducatif ; ces trois principes sont : l’unification de l’enseignement, l’arabisation, et la généralisation.
a.    Un enseignement unifié
C'est-à-dire « un programme et des objectifs uniques, en accord avec les valeurs suprêmes de notre peuple, et qui préparent l’individu à vivre son époque et à comprendre sa civilisation et à y contribuer.» M° Kerrou, contrairement aux autres Zitouniens, voit que c’est dans l’intérêt du peuple d’unifier l’enseignement ; mais cela « ne signifie ni la fin de l’action culturelle de la Zitouna,  ni la suppression de l’enseignement religieux » ; au contraire, l’enseignement religieux va conserver sa place qui sera une matière essentielle dans toutes les écoles avec deux heures par semaine dans tous les niveaux de l’enseignement secondaire »[18] .
b.    L’arabisation des trois cycles de l’enseignement
M°Kerrou préconise l’arabisation de tous les cycles : le primaire, le secondaire et le supérieur, et d’accorder aux langues étrangères une place secondaire dans les programmes, avec un statut de langues complémentaires qui permettent à l’élève de compléter sa formation et de poursuivre ses étude en Europe ; mais tous les enseignements devraient être faits en langue arabe.
Le conférencier s’est contenté, dans son intervention, de parler des principes, mais heureusement nous trouvons dans l’annexe intitulé :   « réponse au sondage », des précisions sur le plan de l’arabisation tel qu’il était conçu par l’auteur, dont les principaux éléments étaient :  
-         L’arabisation totale de l’école primaire
-         l’enseignement secondaire qui dure 7 ans [19] sera divisé en deux cycles ; le premier dure 4 ans où la langue française sera une matière obligatoire en tant que deuxième langue, et un deuxième cycle de trois années où la langue française garde le même statut avec l’obligation pour l’élève d’apprendre une troisième langue au choix, parmi trois langues (l’allemand, l’anglais et l’italien). L’enseignement de toutes les matières sera progressivement en arabe[20]; l’arabisation commencera en 1956, avec les deux premières années en même temps, et en octobre 1955 selon les disponibilités en enseignants ; l’essentiel est que l’arabisation serait achevée en cinq ans ; le premier cycle ou le tronc commun sera sanction par un brevet ( al ahlia), le deuxième cycle est constitué de deux sections : une section de sciences religieuses (qui sera sanctionnée par le diplôme appelé   «Tahcyle »,  et une section moderne qui sera scindée en deux spécialités ; une section scientifique et mathématique, et une section lettres et philosophie ; la première sera sanctionnée par le diplôme de Tahcyle moderne scientifique, la deuxième par le Tahcyle littéraire.[21]
c.     Expansion de l’enseignement primaire et secondaire pour toucher tous les enfants aptes à les suivre ; l’enseignement primaire doit devenir obligatoire et gratuit, et l’enseignement secondaire gratuit et accessible à tous qui en sont aptes à le suivre.[22]
Le conférencier pense que la généralisation ne devrait pas poser de problème au niveau de la disponibilité d’enseignants ; il propose plusieurs pistes de solutions pour assurer les besoins en professeurs de l’enseignement secondaire : ( faire appel aux étudiants tunisiens résidant à l’étranger, sélectionner les plus qualifiés parmi les diplômés de la grande mosquée, envoyer des étudiants vers les pays arabes d’orient et vers les pays d’Europe, faire appels à des enseignants égyptiens; quant aux manuels, la question pourrait être résolu facilement pour M°Kerrou, en constituant par le ministère de l’instruction de commissions d’élaboration de manuels, ou  en choisissant parmi les manuels des pays arabes ceux qui seraient les mieux adaptés à nos besoins.[23]
Donc, pour résumer, M°Kerrou propose un enseignement primaire et secondaire unique, gratuit et arabisé dans tous trois niveaux de l’école primaire jusqu’à l’université ; les langues étrangères ont un rôle complémentaire, et aident à poursuivre les études universitaires.
3.    Transformer la grande mosquée en une université tunisienne
M°Kerrou pense le plus grand bien pour le pays et pour la grande mosquée est « la transformation la Zitouna en une véritable université qui portera le même nom, avec toutes les spécialités religieuses et scientifiques[24] ; l’université pourrait ouvrir ses portes dès octobre 1956, avec la faculté des sciences religieuses, la faculté de droit, l’école nationale d’administration, l’école normale supérieure qu’il faut créer, une faculté agricole et une faculté de lettres.[25] Le premier pas pour fonder l’université tunisienne est de couper les liens entre la Zitouna et les instances religieuses du pays, et la transférer sous la tutelle du secrétariat de l’instruction publique.
Dans cette étape, la langue française va occuper la première place, après la langue arabe, sauf dans les spécialités scientifiques où le français restera la première langue pour une période transitoire qui ne devrait pas dépasser 10 ans.[26]
4.      Création d’un service au sein du ministère de l’instruction qui s’occupe des affaires de la Zitouna, au cours de la période transitoire.
5.      « Création d’un conseil supérieur de l’enseignement présidé par le ministre de l’instruction publique et comprenant parmi ses membres des professeurs et les experts responsables de la gestion de l’enseignement.»[27]
Troisième partie : comment surmonter les difficultés ?
Le conférencier était conscient que des difficultés nombreuses, d’ordre financier, scientifique, psychologique et sociologique, vont se dresser devant l’application du nouveau système éducatif dans le pays. Elles seront générées par l’unification, l’arabisation et la généralisation de l’enseignement ; les difficultés financières vont résulter de la nécessité de construire de nouveaux locaux et de les équiper, et du recrutement de plus d’enseignants; les difficultés scientifiques et techniques vont être le produit de l’arabisation, à cause de la rareté de spécialistes capables de bien mener cette opération, et de la rareté des experts aptes à élaborer les programmes et les manuels conformes à ces programmes . Quant aux difficultés psychologiques et sociologiques, elles résultent de la position de quelques professeurs de la grande mosquée, opposés à l’unification de l’enseignement, qui s’inquiétaient pour la place de l’enseignement religieux dans le nouveau système ; et pour surmonter ces difficultés, Abou Kacem Mohamed Kerrou présenta quelques propositions dont :
-         La nécessité d’associer les efforts de la population aux efforts de l’état pour la construction des écoles nécessaires par la voie des dons ou des souscriptions générales.[28]
-         S’atteler à la formation des instituteurs et des professeurs  par le renforcement du réseau des écoles normales d’instituteurs et des institutrices, pour atteindre le nombre de dix en cinq ans,  et en augmentant leurs capacités  d’accueil,  et par l’organisation de sessions de formation accélérée pendant les grandes vacances, et par l’ouverture d’un institut supérieur de l’éducation, ou d’une école normale supérieure pour former les professeurs de l’enseignement secondaire .
-         Constituer des commissions spécialisées pour s’occuper des aspects techniques.
En résumé
Telles étaient les grandes lignes de la réformes, selon les vue de M° Kerrou qui disait « que certaines idées avaient été conçues par d’autres, bien avant lui, mais pour le reste, ce fut le produit de sa réflexion personnelle. »[29]  Mais le plus important pour lui, c’est que la future réforme doit respecter les trois principes (unité, arabisation et généralisation) ; il pense aussi que le plus important département, dans le proche avenir, sera le département de l’instruction, car son action touche l’avenir de la nation, et constituera la base de la renaissance souhaitée »[30] .
En conclusion, on peut dire que le projet défendu par M°Kerrou est un projet national, car il met en avant l’intérêt de la nation ; c’est aussi un projet complet qui englobe les différents cycles et les différentes composantes de la société, avec une attention particulière aux plus fragiles, à savoir la femme et les analphabètes ; il a aussi intégré les aspects financiers.
Le projet a prévu aussi un calendrier d’application qui s’étend sur cinq années pour l’arabisation complète de l’enseignement secondaire, et sur dix ans pour celle de l’université.
Il semble que les orientations des intellectuels ,tel que fut M° Kerrou, partageaient les mêmes vues à cette époque, surtout en 1955 et 1956 ; on avance, pour preuve, la décision de la nationalisation des écoles coraniques modernes, le 15 mars 1956, et la transformation des annexes de la grande mosquée en lycées ou collèges secondaires, la modernisation des sections et des diplômes de la grande mosquée, et la création de l’université de la Zitouna et la  nomination  de Mohamed Taher Ben Achour doyen de la nouvelle université, et son passage sous la tutelle du ministère de l’instruction publique, dès le mois d’avril 1956.
Ces mesures, qui ne manquent pas de courage, étaient l’expression d’un réel désir de réformes qui avaient changé le statut de l’enseignement zitounien d’un enseignement « indigène » au statut d’enseignement public national.
La réforme de 1958 a été conçue sur les trois principes défendus par M° Kerrou ; cette correspondance nous interpelle : est- ce que M° Kerrou avait présenté son projet au département de l’instruction ou s’est-il contenté de publier sa conférence, au mois d’octobre 1955 ? Faisait-il partie des commissions instituées à l’époque du ministre Mohamed Lamine Chebbi ? Avait- il fait partie des commissions techniques créées par son successeur Mahmoud Messadi en 1958 ? Nous ne possédons pas, à l’heure actuelle, de réponses à toutes ces questions ; de telles réponses pourraient nous donner plus d’éclaircissements sur le cadre qui a vu  naître la réforme de 1958.

Hédi Bouhouch & Mongi Akrout, Inspecteurs généraux de l’éducation retraités
Tunis le 17 octobre 2016


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Bouhouch et Akrout. Histoire des réformes éducatives en Tunisie depuis le XIXème siècle jusqu’à no jours 3ème partie : Evaluation de la réforme de 1958 et les tentatives d’adapter le système à l’évolution continue de la réalité : Les réformes de la période de 1967 à 1969(2ème partie)
http://bouhouchakrout.blogspot.com/2016/01/lhistoire-des-reformes-scolaires-en_25.html








[1]  Voir SRAIEB, N. (1967): "Mutations et réformes des structures de l’enseignement en Tunisie", Annuaire de l’Afrique du Nord, VI, pp. 45-114.http://aan.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/AAN-1967-06_36.pdf

[2] Le décret du 22 février 1956 relatif au statut des écoles coraniques modernes.
[3] Voir le décret beylical du 15 mars 1956 relatif aux congés et le décret du 26 avril 1956 portant réorganisation de l’enseignement zitounien et le décret du 29 mars 1956 relatif aux diplômes et aux sections.
[4] La conférence fut publiée dans un livre une première fois en 1955 par l’imprimerie Attaraqui, rue du Caire, Tunis, 48 pages.
[5]  L’auteur a signalé lui même ce point en note de bas de page du livre (p 15)
[6] Voir la conférence p 6.
[7] Voir la conférence p 8.
[8] Voir la conférence p 10.
[9] Voir la conférence p 11,12 et 13.
[10] Voir la conférence p 6 et 15.
[11] Le conférencier a omis de parler des écoles privées des communautés étrangères et celles qui appartenaient aux différentes congrégations religieuses (chrétiennes et israélites)
[12] Voir la conférence p 7 et 15
[13] Voir la conférence p 4 .
[14] Voir la conférence  de page  16 à la page   20.
[15] Voir la conférence p 16 et 17
[16] Voir la conférence p 20
[17] Voir la conférence p 21
[18] Voir la conférence p 23 et 28.
[19] Kerrou pense que cette durée est trop longue il préfère une durée de - ou même  cinq ans , voir p 31  , note 1.
[20] Voir la conférence p 43.
[21] Voir la conférence p 30 et 31.
[22] Voir la conférence p 22.
[23] Voir la conférence p 27.
[24] Voir la conférence p 24
[25] Voir la conférence p 29-30, le conférencier a tenu compte des instituts supérieurs existants à son époque.
[26] Voir annexe 1 p 44
[27] Voir la conférence p 30
[28]  Le conférencier cite les expériences de pays arabes comme l’Irak, la Syrie , le Liban  dans ce domaine Voir la conférence p 39
[29] Voir la conférence p 39 .
[30] Voir la conférence p 32