Toute réforme éducative s’articule autour de trois étapes fondamentales
:
1. Une 1er
étape de diagnostic : Elle permet d’évaluer l’état du système éducatif, d’en analyser les
performances et d’apprécier son adéquation aux besoins de la société à un
moment donné. Des commissions spécialisées, internes ou externes à
l’institution éducative, mènent ce travail.
2. Une 2ème
étape de conception : Des experts formulent des choix et des principes qui seront traduits
en mesures (organisation des structures, programmes, horaires, etc.) à travers
des commissions supérieures.
3. Une 3ème
étape de mise en œuvre : Le succès de cette phase repose en grande partie sur l’action
conjointe de l’enseignant et de l'inspecteur. Ce dernier se voit confier le
rôle de clarifier les objectifs de la réforme, de veiller à sa bonne
application et de former et encadrer les enseignants.
L’inspecteur pédagogique, en première ligne pour mettre en œuvre la
réforme, voit ses responsabilités s'accroître en l'absence des commissions (qui
ont terminé leur mission) après la
promulgation des lois et des textes d'application.
Cette communication s’interroge sur l’efficacité réelle de l’inspecteur aujourd’hui
et examine les moyens d’optimiser son action.
Complexité et diversité des tâches de
l’inspecteur
Le rôle de l'inspecteur est défini par plusieurs sources : le statut de l'inspection
pédagogique (décret 110 de 1973), la loi de 1991 sur le système éducatif, et la
pratique.
1- le statut particulier de l'inspection
pédagogique de 1973 a défini les tâches selon les grades des inspecteurs, comme
le montre le tableau suivant :
|
Le grade |
Les attributions |
|
L’inspecteur général |
-
mission de conception ils peuvent être chargés notamment de
l'orientation pédagogique de l'enseignement -
l'animation et de l'exploitation des travaux des commissions permanentes
de l'éducation nationale -
participer à toute réunion à caractère pédagogique concernant
l'enseignement supérieur |
|
L’inspecteur principal |
-
la conception, la définition des réformes des programmes et des
méthodes d'enseignement de leur discipline -
la coordination des activités de groupes d'inspecteurs de leur spécialité -
coordination des activités et de groupes d'inspecteurs de la
spécialité -
diriger un service ou un groupe de service d'enseignement |
|
L’inspecteur |
-
assurer l'assistance pédagogique et l'inspection du personnel
enseignant de leur discipline; -
promouvoir toute étude et
recherche pédagogiques et proposer toutes mesures de nature à définir,
rénover et améliorer les programmes et les méthodes d'enseignement -
donner leur avis sur l'organisation pédagogique des établissements
dans le cadre de leur discipline -
diriger un service ou un groupe de services d'enseignement, conseiller
les directeurs d'établissement, effectuer toute en quête d'ordre
administrative ou disciplinaire ; animer les groupes d'études de
recherche ou les séminaires organisés dans leur discipline
|
les inspecteurs de l'enseignement général sont chargés d'assurer
l'assistance pédagogique et l'inspection du personnel enseignant de leur
discipline; à cet effet ils doivent promouvoir toutes études et recherches
pédagogiques, proposer toutes mesures de nature à rénover et améliorer les programmes et les
méthodes d'enseignement, de donner leur avis sur l'organisation pédagogique des
établissements dans le cadre de leur discipline. Ils peuvent être chargés de
diriger un service, de conseiller les directeurs
des établissements scolaires, d'effectuer des enquêtes administrative ou
disciplinaire, d'animer les groupes d'études de recherche…
Le statut reconnait une sorte de spécialisation selon le grade, ainsi
l’inspecteur général se retrouve au dessus de sa spécialité d’origine pour s'occuper
des questions générales alors que l’inspecteur de l’enseignement
secondaire est l’homme de la spécialité
et du terrain, il suit le travail de l’enseignant. Cette spécialisation est
formelle car dans la pratique nous ne voyons pas de différence entre les trois
grades.
2- La loi relative
au système éducatif de 1991 consacre l’article 17 au corps de l’inspection pédagogique et elle
définit sa mission dans les termes suivants : « le corps des
inspecteurs est chargé :
-
de veiller à l'application des programmes fixés par le
ministère ;
-
d'inspecter les
enseignants ;
-
de superviser
l'exécution des mesures relatives à leur vie professionnelle ;
-
de participer à la prise des décisions relatives aux
programmes, aux matériels didactiques et à la formation des enseignants,
-
il peut également être chargé par l'autorité de
tutelle de toute autre mission rentrant dans le cadre de ces attributions.
3- En plus de ces tâches prescrites par les
textes officiels, l’inspecteur est appelé à remplir de multiples autres tâches comme la formations des stagiaires,
participer à l’élaboration de manuels et de guides, présider les jurys des
examens professionnels et scolaires…
Pour récapituler nous pouvons présenter les
tâches du corps des inspecteurs dans le tableau suivant :
|
L’inspection et le contrôle |
La conception |
La formation |
|
-
Inspecter les enseignants -
Suivi de l’application des programmes – -
Inspecter les établissements scolaires |
-
Des programmes scolaires -
Des sujets des examens -
Des programmes de formation -
Les outils didactiques et les méthodes pédagogiques |
-
La formation initiale et continue des enseignants |
Ainsi, L’inspecteur est chargé de multiples fonctions
qui s'étendent de l’inspection et du contrôle à la conception de programmes et
à la formation des enseignants, mais la réalité montre que ces tâches se
diversifient et se complexifient, soulevant la question de l’efficacité de
l’inspecteur à les accomplir pleinement.
Facteurs limitant l’efficacité de
l'inspecteur.
Plusieurs obstacles structurels et
conjoncturels freinent la pleine efficacité des inspecteurs dans leurs tâches :
1. La
multiplicité et la complexité des tâches : Les exigences modernes nécessitent de plus
en plus de spécialisation, comme pour l’évaluation ou la formation continue ou
encore la conception des programmes. Quant
à nous, en Tunisie, nous voulons que l'inspecteur puisse assurer toutes ces spécialités et les réussir, or vouloir tout faire va provoquer une dispersion de l’effort et la négligence de certaines tâches au profit d'autres. Nous pensons que nous devons réfléchir dans deux voies :
-
Premièrement, penser à la spécialisation des
inspecteurs dans certaines branches, notamment dans le domaine de la formation
pour que nous ayons des spécialistes
dans l'un des domaines pédagogiques. Ces spécialistes pourraient intervenir
auprès de tous les enseignants de toutes les spécialités.
-
Deuxièmement
transférer certains tâches vers des
institutions spécialisées, et c'est ce qui s'est produit dans de nombreux pays
arabes ou occidentaux oùla fonction de formation initiale et de formation continue est assurée par instituts spécialisés.
2. Formation incomplète :
Bien que des progrès aient été faits avec
des sessions de formation pour les nouveaux inspecteurs, une formation plus
complète et continue semble nécessaire pour répondre aux exigences de la
fonction, mais nous pensons que cela n'est pas suffisant pour permettre au
futur inspecteur de faire face avec succès aux multiples tâches qui l’attendent.
Nous pensons donc qu'il est nécessaire de mettre en place un cycle de formation initiale pour les futurs inspecteurs, qui comprend une formation de
base complète avant de passer le
concours, cette formation pourrait être confiée à l'Institut Supérieur de
Formation Continue et une formation
continue qui va permettre à l'inspecteur
d’être à jour et d’enrichir ses compétences.
3. Charge
excessive et répartition géographique inéquitable : Le nombre élevé d’enseignants par
inspecteur, les disparités géographiques, rendent difficile un suivi
pédagogique efficace et équitable. Une augmentation du nombre d’inspecteurs
pourrait améliorer cette situation.
Les statistiques (voir le tableau en annexe), mettent en évidence deux aspects :
-
La moyenne générale toute discipline confondue est environ de 152 professeurs par inspecteur.
-
Le second est l’écart
entre les disciplines ; le taux se
situe entre 125 en anglais et 241 en philo, il faut signaler que le taux est
supérieur à la moyenne dans la plupart des disciplines (Sciences naturelles 160,
Arabe 164, Mathématiques 161…).
Ces taux sont parmi les plus importants obstacles qui
affectent négativement l'efficacité du travail de l'inspecteur. La
situation se complique si l'on aborde son étude sous un deuxième angle, celui
du champ géographique dans lequel exerce l’inspecteur, dans ce cas nous nous
trouvons face à des réalités ingérables parmi les quelles nous pouvons citer
celles-ci.
-
l'immensité du champ géographique pour certaines disciplines c’est le
cas du génie mécanique où il y a un inspecteur pour tous les lycées du pays, de
même pour les 3ème langues étrangères. Nous trouvons également deux inspecteurs de philo et deux inspecteurs d'économie et
3 inspecteurs d’éducation musicale, d’éducation artistique et
d’éducation civique qui se partagent les
lycées du pays.
-
Un déséquilibre
entre les inspecteurs d’une même discipline, nous retrouvons cela dans de très nombreuses disciplines, je me contente
de citer deux exemples, l’un dans les
disciplines littéraires, et l’autre dans
les disciplines scientifiques, ainsi en sciences physiques , nous trouvons un inspecteur qui
exerce dans un seul gouvernorat qui compte 133 professeurs, et un autre qui exercent dans quatre gouvernorats qui comptent 162
professeurs ( ce sont les gouvernorats du
Sud-est).
Pour les matières littéraires, spécifiquement pour l’anglais, nous retrouvons le même
phénomène : un inspecteur exerce dans le cadre d’un seul gouvernorat avec
105 professeurs et un autre couvre quatre
gouvernorats avec 126 professeurs.
Cette situation, caractérisée par le nombre
élevé de professeurs par inspecteur d'une
part et le déséquilibre de la répartition géographique, ne permet pas
d'atteindre une couverture satisfaisante, même si le taux est un indicateur
important, il est insuffisant pour assurer
l’équité entre les inspecteurs, il est nécessaire de tenir
compte de l’espace géographique, car L'efficacité
de l'inspecteur décroit avec l’augmentation du nombre des professeurs
à sa charge, l’étendue géographique de
son activité, et la multiplicité des tâches.
4. Suivi
des recommandations : L’inspecteur se trouve souvent marginalisé dans le
processus décisionnel, ce qui réduit l’impact de son travail sur l’évolution
des pratiques éducatives.
La loi de 1991 met l'accent sur le rôle de l'inspecteur dans « la
supervision de la mise en œuvre des
procédures liées à la vie professionnelle du professeur, notamment pour sa
nomination, sa titularisation, sa mutation et ses promotions », mais dans les faits l'inspecteur est souvent la
dernière personne qui est informée des nominations et des mutations … L'inspecteur
rédige des centaines de rapports qui s’entassent dans les bureaux et ne sont
exploités que pour la titularisation , le renouvellement du recrutement et les
concours professionnels.
Cette situation ne contribue pas à donner au travail de l’inspecteur toutes les dimensions qui contribuent à consolider
les bases solides du système éducatif.
5 - L’aspect financier et le problème du déplacement
L’aspect financier est devenu depuis des
années un véritable problème. Les inspecteurs sont obligés de se déplacer pour
effectuer leurs tâches en utilisant leur propre voiture. Tout déplacement entraîne
des dépenses or l'inspecteur ne récupère qu'une partie qui ne couvre même pas
le coût du carburant, car l’indemnité kilométrique n'a pas été mise à jour depuis environ 14 ans, c’est-à-dire depuis 1973, alors que
les éléments qui sont à la base du calcul de cette indemnité ont augmenté à des
taux qui dépassent parfois 200% et même
400%. De ce fait, l’inspecteur se trouve
souvent obligé de limiter ses
déplacements pour les cas urgents (la titularisation,
examen professionnel) ce qui a un impact négatif sur l’encadrement des
enseignants qui travaillent dans des établissements situés loin du lieu de résidence
de l’inspecteur.
Conclusion
Ces constats
appellent à un renforcement des moyens accordés aux inspecteurs pour garantir
l’efficacité de leur travail, dans le cadre d’un système éducatif en réforme.
Un recrutement plus adapté, un plan de formation continue et spécialisée, de
meilleures conditions de travail et une meilleure exploitation des rapports
d’inspection sont des pistes essentielles pour faire de l'inspecteur un acteur
central et efficace de la réforme éducative.
Mongi Akrout, inspecteur principal de
l’enseignement secondaire d’histoire et de géographie.
Sfax 1993
Pour accéder à la version Arabe, cliquer
ICI
Annexe statistique
|
Spécialité |
Nombre
d’enseignants |
Nombre
d’inspecteurs |
Taux de
couverture |
|
Arabe |
3938 |
24 |
164 |
|
E,
religieuse |
1869 |
14 |
135.4 |
|
E.civique |
523 |
3 |
174.3 |
|
Philo |
482 |
2 |
241 |
|
Hist-Geo |
1854 |
16 |
115.6 |
|
Français |
3578 |
24 |
149 |
|
Anglais |
1232 |
12 |
102.5 |
|
Autres L.V |
160 |
1 |
160 |
|
Mathématiques |
3390 |
21 |
161.4 |
|
S.physiques |
1533 |
10 |
153.3 |
|
S.naturelles |
2250 |
14 |
160.7 |
|
E.artistique |
456 |
3 |
152 |
|
E.musicale |
365 |
3 |
121.6 |
|
Informatiques |
93 |
0 |
…. |
|
Mécanique |
457 |
1 |
457 |
|
Electricité |
286 |
9* |
45.1 |
|
E.technique |
2931 |
25* |
117.2 |
|
Economie |
297 |
2 |
148.5 |
|
Total |
26097 |
174 |
149.9 |
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