Le Conseil Supérieur de l'Education,
créée en 1888 au sein de la Direction Générale de l'Enseignement Public en
Tunisie (5 ans après la fondation de cette dernière), a connu plusieurs changements au niveau de son
appellation, de sa composition et dans ses prérogatives, du début de la période
coloniale jusqu'à l'an 2000.
Il convient de rappeler ici que ce
Conseil a été créé dans le cadre des nouvelles lois sur l'éducation, édictées
par le Président du Conseil des Ministres français, et (en même temps)
ministre de l'Éducation, Jules Ferry, lors de la décision de mainmise de la IIIème
République sur ce service public. Les dispositions juridiques, ou
législatives, prises en France, dans le cadre des mesures démocratiques,
trouvaient automatiquement leur projection ou échos dans les colonies, au
profit des communautés françaises et européennes qui y vivaient à l'époque.
Cette institution, qui représente un
"Comité de Pilotage" ou
une sorte de "parlement de l'éducation" pour le
système éducatif public français en Tunisie, si elle a été initialement créée
en faveur de la communauté étrangère, les Tunisiens en ont également
bénéficié en tant que nouvelles traditions démocratiques introduites dans le
pays, tout comme d’autres codes démocratiques et valeurs humaines
universelles aussi importantes. Cette structure éducative a été, heureusement,
adoptée après l’indépendance, par la loi du 4 novembre 1958, qui a
fondé le système éducatif national, dont l'article 38 stipule la création
d'un «Conseil Supérieur de l’Education Nationale».
Cependant, cette mesure est restée lettre
morte, compte tenu des « crispations » politiques qui seraient
liées aux circonstances des lendemains de l’indépendance : opposition
youssefiste puis tentative de coup d'État, fomenté par le groupe Lazhar Chraïti, etc…
Malheureusement, ce Conseil Supérieur de
l’Education n'a pas connu de
continuité dans son activité, voire même dans sa mise en place réelle, car
son histoire, après l'Indépendance du pays, n'a été qu'une série
d'interruptions, dont la dernière en date a été exprimée par le décret de
juin 1971. Ce dernier, lui accordant un caractère consultatif, annonçait,
tout de même, pour la première fois, après 13 ans, son activation. La
première réunion de ce Conseil a eu lieu, sous la supervision du Premier
ministre Hédi Nouira.
Le P.V. de cette réunion (que le blog se
propose de publier), est d'une grande importance, vu qu’il annonce les orientations politiques pour la période de la décennie post Mahmoud Messaâdi
(1958-1968/69) d'une part, et l'orientation socialiste (ou travailliste) du
projet d’Ahmed Ben Salah et de l'UGTT, d'autre part.
L’on peut nous demander, enfin, si le
type de discours officiel, et
particulièrement les (sept) points mentionnés dans l’intervention de
Hédi Nouira, annoncent vraiment une nouvelle orientation de la politique
éducative nationale au cours de cette deuxième décennie de l'indépendance
Ou
encore, est-ce que le plan décennal (1959-1969) de
développement économique et social, intégrant le projet du système éducatif
dans le cadre des investissements dans les ressources humaines (notamment
pour la fonction économique de l'éducation),
a déjà traité ces points
importants mentionnés dans le discours de Nouira ? Par ailleurs, ce
discours, lui-même, n'a-t-il pas été une reprise, en effet, de ce qui était
dit précédemment, dans les nombreux discours d'Ahmed Ben Salah ?
Mokhtar
Ayachi
|
Le discours du Premier Ministre M° Hédi Nouira
Monsieur le Ministre
Messieurs , Mesdames
J’ai l’honneur de présider, au nom du chef de l’état,
la première réunion du conseil supérieur
de l’éducation , et puisque mon ami et collègue M° le ministre de
l’éducation nationale va vous parler
plus longuement sur la mission de votre conseil, permettez-moi d’émettre
quelques remarques sur ce qu’on pourrait appeler notre politique éducative.
L’éducation est la base du mouvement de la croissance
nationale continue
Avant toute chose, il est connu que nos
choix éducatifs sont des choix nationaux, parce que de notre point de vue , l’éducation et
l’enseignement sont la base du changement social et de la transformation de la
mentalité sociale et de l’interaction
entre la société et son environnement et donc
la base de la formation d’une
société consciente.
l’éducation et l’enseignement sont aussi la
base du mouvement de la croissance continue et global, car ils permettent en
même temps la développement des potentialités et des ressources humaines, qui
sans elles il serait impossible de créer les richesses matérielles qui constituent la base de la croissance
économique et du progrès social.
Les choix
éducatifs intéressent la nation entière
C’est pour cela que je considère que les
choix éducatifs doivent se faire au niveau national, et il n’est pas question que le gouvernement, ou l’administration, ou un groupe social quelque soit sa valeur monopolise ces
choix que je considère comme une
affaire de la nation entière.
L’ère n’est
plus une ère de l’enseignement pour l’enseignement, mais l’enseignement pour le
bien de la société
Ce ci d’une part ,
d’autre part l’éduction se trouve entre deux courants : le courant romantique et le
courant économique pur.
Le courant romantique
Ce courant considère l’éducation comme une
fin en soi et qu’elle n’a de finalité que l’acquisition des savoirs et de la
science , sans aucune autre ambition , ce courant était prédominant dans le
passé… mais à notre époque-ci l’apprenant ne peut plus resté à l’écart de la
société et celle-ci ne peut plus renier le détenteur du savoir…
C’est ainsi que le courant romantique pur
qui exposait la société au danger et la mettait entre les mains des ignorants fut
abandonné pour céder la place à un deuxième courant qui respecte les
compétences scientifiques selon leur degré de leur maîtrise de la science et du savoir.
Personnellement et je pense, que mon
collègue le Ministre de l’Education Chedly Ayari est de mon avis, qu’on ne peut s’appuyer sur l'un de ces deux courants pour asseoir les bases d’une
politique éducative sûre, car l’éducation et l’enseignement , si on les prend en
tant un facteur décisif , et un facteur de formation , de création, et de
développement de la société , ne peuvent pas ignorer la société et ignorer ce
qui s’y passe tôt ou tard , de même la société de son coté ne peut pas ignorer
l’éducation et l’enseignement.
On ne peut guère concevoir une politique de
développement sans concevoir la politique éducative
Il est évident que l’éducation nécessite le
développement et la croissance et qu’il n’est pas possible d’adapter une
politique de développement sans l’adaptation d’une politique éducative, car
l’éducation - comme vous le saviez- est
la création de possibilités spirituelles et un enrichissement des forces humaines.
Et sans cette création et cette richesse,
on ne peut guère créer des possibilités matérielles et enrichir des forces économiques et par là ouvrir les
voies qui mènent au développement et à la promotion de la société.
L’enseignement primaire est un droit pour
tout citoyen…l’enseignement secondaire
est une nécessité… L’enseignement supérieur est une chance qu’on doit saisir grâce à la compétence et au
mérite , c’est ainsi que nous pensons que par rapport à l’éducation , il ya des
devoirs que l’état se doit d’assumer et
l’Etat c’est la société et son porte parole.
Ces devoirs , dans ce domaine, se limitent à fournir les moyens d’apprendre pour tous les citoyens. Cela signifie que nous
considérons l’enseignement primaire comme
un droit d'une part, et un devoir
d'autre part, c'est-à-dire c’est un
droit pour tout citoyen et un devoir pour l'Etat ; alors que l'enseignement
secondaire est- à notre avis- une nécessité et un besoin pour le développement de nos moyens et pour aller vers l'avant sur la voie du
progrès. Quant à l'enseignement supérieur c’est un mérite qu’il faut exploiter et une opportunité qu’il faut gagner.
la démocratie est le fondement de notre
politique éducative
Sur cette base, nous pouvons considérer que
notre politique éducative et scolaire est fondée sur la vraie démocratie . Mais la démocratie ne se suffit pas à une telle définition pour s'imposer et justifier son existence, mais il est impératif que notre politique soit
efficace et efficiente, à la fois à intérieurement et extérieurement.
intérieurement, il nous faut, en face des
sacrifices que consent la société pour l'éducation, éviter les déchets et les
pertes , et rendre notre politique éducative une politique efficace au maximum.
Et extérieurement, il faut que le résultat de cet effort qui vise la formation
de la société et assurer son développement soit un résultat positif à grande échelle ...
L’authenticité est notre voie éducative
Parmi les signes de l'éducation démocratique c’est son authenticité. Nous croyons que notre
arabité et notre islam expriment véritablement notre authenticité
et renforcent notre personnalité.
Il n’est pas question que notre politique éducative puisse les ignorer , au contraire elle doit puiser de ses sources et de ses lumières .
Notre politique éducative suit une ouverture positive
Ce qui renforce également la démocratie de notre
politique éducative , c’est que nous
comptons sur nous-mêmes d'abord et avant
tout, sur notre fierté de notre passé et
de notre présent, et notre ouverture sur le monde , c'est-à-dire sur les différentes civilisations étrangères
et notre ouverture sur le monde la
technologie et sur les progrès qui
dominent le monde extérieur, et notre attachement à former notre élite nationale, pour que cette ouverture soit
positive . Une ouverture qui permet la création et à la construction, et non une ouverture passive où nous serons des gens téléguidés et non des gens qui sont
maitres de leur avenir , des gens poussés et entrainés et non une force qui pousse vers l'avant.
Nous devons accepter le débat et la critique, sans
intolérance, et sans préjugés . Ce sont là les règles sur lesquelles nous souhaitons fonder notre
politique éducative, une politique que
nous considérons digne d’être étudiée ,
débattue et discutée , surtout que c’est votre conseil qui va être est le premier à ouvrir les débats
sur cette politique.
Parmi les preuves de notre ouverture ,
c’est que nous acceptons le débat et le
dialogue et la critique honnête, et nous ne sommes pas des fanatiques d'une
quelconque théorie, ni d'aucun système ...
Et nous appelons tous ceux que la question
de l’éducation concerne, qu'ils soient
professeurs , élèves , étudiants ou parents, à répugner l'intolérance qui est
inutile, et sans aucun intérêt.
Que La
paix soit sur vous.
Fin de la deuxième partie, A suivre
Présentation Mongi
Akrout, Traduction Abdessalam Bouzid , Inspecteurs Généraux de l'enseignement retraité
Tunis , mars 2020.
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