lundi 18 décembre 2017

L’école aux yeux du Ministre de l’instruction publique en 1923



Le blog pédagogique a choisi de présenter à ses lecteurs la conclusion des instructions qui ont accompagné les nouveaux programmes scolaires français  entrés en application en 1923 , ces instructions étaient signées par le Ministre en personne ; bien qu’elles remontent à peu d’un siècle , les instructions -  qui s’appliquaient à l’école en Tunisie à cette époque -  renferment plusieurs principes qui n’ont rien perdu de leur  valeur -  et sont encore valables de nos jours , c’est la raison  pour laquelle le blog a voulu les partager avec ses lecteurs  et invite tous les enseignants à y méditer .

Le   texte de la conclusion

Les anciennes pratiques n'auront pas été du jour au lendemain remplacées par des pratiques contraires; aucune révolution brutale n'aura bouleversé nos institutions scolaires

 « Lorsque le nouveau plan d'études entrera en vigueur, lorsque les instructions qui le commentent seront appliquées selon leur esprit, qu'y aura-t-il de changé dans notre école nationale ? Certes, les anciennes pratiques n'auront pas été du jour au lendemain remplacées par des pratiques contraires; aucune révolution brutale n'aura bouleversé nos institutions scolaires. Nombreux sont les maîtres qui, dès  maintenant, s'inspirent de principes analogues à ceux qui ont dicté les nouveaux programmes. Mais, en devenant plus générale, l'application de ces principes permettra de réaliser de sérieux progrès.

commentaire
le Ministre rappelle un principe, souvent ignoré par les concepteurs des réformes : la mise en application de nouveaux programmes et des instructions qui les accompagnent nécessite du temps, les enseignants ont besoin  d’accompagnement et de temps pour les assimiler, il faudrait être patient pour voir disparaitre les anciennes pratiques qui sont souvent très résistantes

L'école, telle que nous la rêvons, sera, du dehors, avenante et accueillante, entre un jardin fleuri et des cours ensoleillées. à l'intérieur elle sera inondée d'air et de lumière. Et cette gaieté que lui donneront les dispositions matérielles prises par l'architecte, nous voudrions qu'elle soit entretenue grâce aux dispositions pédagogiques prises par l'instituteur.
On ne travaille bien que dans la joie. Bien démodées sont les bâtisses scolaires — encore trop fréquentes cependant — qui ressemblent à de sombres prisons. Mais un magister au ton rude ne serait pas moins archaïque. Ce n'est pas à dire que tout règlement disciplinaire doit être aboli : la volonté et la raison de l'enfant sont trop peu formées pour qu'on puisse tout espérer de la persuasion. Mais on peut faire en sorte que l'emploi de la punition devienne exceptionnel et que l'atmosphère de la classe soit à peu près constamment d'une parfaite sérénité. Ce n'est pas par la crainte, c'est par l'affection que le maître obtient le travail le plus régulier et le plus productif.
commentaire
« On ne travaille bien que dans la joie …c'est par l'affection que le maître obtient le travail le plus régulier et le plus productif » .  Ce principe  est aujourd’hui intégré dans un concept  appelé le climat scolaire qui inclut entre autre les rapports maitre/élève , les études sur la question qui ont connu un grand développement   depuis les années cinquante du siècle passé  ont montré  le  lien  très fort  entre «  climat scolaire » et qualité de l’apprentissage  , l’engagement des élèves, leur motivation et leur   réussite .

Le travail sera d'autant plus régulier, d'autant plus productif que l'enseignement sera plus vivant. A chaque page de ces instructions, qu'il s'agisse de l'enseignement de la morale ou de celui du travail manuel, de celui de la grammaire ou de celui de la musique, de celui de l'histoire ou de celui des sciences, nous avons préconisé les méthodes susceptibles d'intéresser l'enfant, bien plus, de lui inspirer pour son travail une sorte d'enthousiasme.
nous voulons que les écoliers travaillent avec plaisir, parce que le plaisir est un moyen efficace de stimuler leur activité

On aurait tort de confondre la théorie contenue dans ces pages avec la théorie de l'éducation attrayante. Notre but n'est pas d'amuser les écoliers. Mais nous voulons que les écoliers travaillent avec plaisir, parce que le plaisir est un moyen efficace de stimuler leur activité. Le plaisir dont il s'agit n'est pas une jouissance passive, c'est la joie qui accompagne toute activité libre, consciente de travailler à la réalisation d'un bel idéal.
C'est la joie qu'éprouve le touriste au cours d'une ascension qui exige pourtant de lui beaucoup d'efforts et beaucoup de fatigue, mais où il sait que chaque pas le rapproche d'un spectacle magnifique. Ce que nous souhaitons, ce n'est pas qu'on réduise au minimum les efforts intellectuels de l'écolier : c'est, au contraire, qu'on l'amène à les multiplier en les lui faisant accomplir dans la joie.
Tous les procédés qui rendent l'enseignement concret, qui font appel à l'activité de l'enfant, qui permettent de passer par d'habiles transitions du jeu à la leçon, sont de nature à créer dans la classe les dispositions intellectuelles et morales sans lesquelles il n'est pas de bon travail : la curiosité est éveillée, l'intérêt excité, et chacun fait avec une tâche dont il tirera bon profit. Nous ne demandons pas qu'on laisse chacun agir au gré de son caprice : l'école n'est pas plus une salle de jeu qu'elle n'est une prison. L'école est l'école : une réunion d'enfants qui travaillent de bon cœur à leur éducation commune, sous la direction de leur maître.

commentaire :
« Le travail sera d'autant plus régulier, d'autant plus productif que l'enseignement sera plus vivant »
la troisième recommandation du Ministre porte sur la méthode d’enseignement, elle défend la méthode active qui permet à l’enfant d’être un acteur actif dans toutes les leçons, c’est pour le ministre une condition pour intéresser l’enfant et l’impliquer dans l’apprentissage
 « Tous les procédés qui rendent l'enseignement concret, qui font appel à l'activité de l'enfant, qui permettent de passer par d'habiles transitions du jeu à la leçon, sont de nature à créer dans la classe les dispositions intellectuelles et morales sans lesquelles il n'est pas de bon travail »
Le quatrième principe avancé par les instructions officielles touche aussi  la méthode d’enseignement, c’est un appel à rendre l’enseignement concret pour les enfants  pour les aider à comprendre et à acquérir les savoirs, pousser l’enfant à être actif au cours de l’apprentissage et  joindre  jeux et leçons  en passant des uns aux autres , tout cela est à même de créer une bonne condition pour un travail utile et bénéfique
Plus d'air, plus d'aisance, plus de liberté, plus de joie et partant plus de travail. Des efforts plus nombreux parce qu'ils seront plus volontairement consentis; des efforts mieux équilibrés et mieux coordonnés parce que chaque discipline occupera sa juste place; des efforts plus fructueux parce qu'ils seront mieux adaptés aux besoins présents de notre patrie; des enfants mieux instruits par un dosage plus exact des connaissances qu'ils doivent progressivement acquérir, par une culture plus méthodique de leurs facultés; des caractères mieux formés par une éducation morale moins abstraite mais non moins haute : voilà ce que nous attendons de cette réforme de l'enseignement primaire. Puisse-t-elle donner au pays des travailleurs, des citoyens, des hommes qui, imbus de son idéal, contribuent à accroître sa prospérité et sa grandeur.

Paris, le 20 juin 1923.
Le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-arts,
LÉON BERARD.

Arrêté du 23 février 1923 modifiant les programmes des écoles primaires élémentaires
Source : Bulletin officiel de la direction générale de l’instruction publique et des beaux arts - Régence de Tunis, protectorat français, N°13 - Mai -Juin 1923, 37° année.


Présentation , et commentaire  Hédi bouhouch , Mongi Akrout Inspecteurs généraux de l’éducation, et Brahim Ben Atig, Professeur Principal émérite.
Tunis , 2017






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire