Hédi Bouhouch |
Le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) est une
institution fort ancienne qui a connu de fréquents changements au niveau de son
appellation, de sa composition et de ses prérogatives. La création du conseil
remonte à la fin du XIX siècle, le premier texte fondateur date de 1888 sous le
régime du protectorat et le texte le plus récent date de l'an 2000.
Le blog pédagogique consacre les premiers billets de
la nouvelle année 2020 à l'histoire de cette institution, et publiera les
procès verbaux des deux seules réunions du conseil, à savoir la réunion de 1971
et celle de 1988.
Le conseil de l'instruction publique et le conseil
supérieur de l'éducation dans les textes des lois relatives à l'éducation et
l'enseignement
- La loi de 1888 a créé cette institution : La première loi sur l'enseignement qui fut promulguée par Ali Pacha Bey le 15 septembre 1888[1] avait consacré le chapitre 3 à cette institution. L'article 13 de la loi
dit : " il est établi dans la régence
un conseil de l’instruction publique[2]".
L'article a en outre défini la composition dudit conseil, ses prérogatives et
son mode de fonctionnement. Le conseil a fonctionné d'une façon régulière
durant toute la période coloniale.
Extrait de
la loi de 1888 sur l'enseignement
chapitre III.- conseil de l’instruction publique
art.- 13.il est établi dans la régence un conseil de
l’instruction publique, composé ainsi qu’il suit :
le directeur de l’enseignement public,
président ;
un inspecteur des écoles primaires ;
le professeur de la chaire publique d’arabe ;
l’inspecteur général des études arabes ;
le directeur du collège Sadiki ;
le directeur du collège Alaoui
un professeur de la grande mosquée, désigné ses
collègues ;
le directeur du collège saint Charles ;
un professeur du dit collège nommé par ses
collègues ;
le contrôleur civil de Tunis ;
le président et le procureur de la république du
tribunal de Tunis ;
trois directeurs d’écoles privées nommés par le
directeur de l’enseignement public.
art.- 14.les membres du conseil de l’instruction publique
sont nommés pour trois ans.
art.- 15.le conseil de l’instruction publique donne
ses avis :
sur les réformes introduites dans l’enseignement, la
discipline et l’administration des écoles publiques,
sur les budgets de ces écoles,
il instruit les affaires disciplinaires relatives
aux membres de l’enseignement,
il se prononce sur les affaires contentieuses
relatives à l’ouverture des écoles privées, aux droits des maitres
particuliers et à l’exercice du droit d’enseigner, sur les poursuites
dirigées contre les membres de l’enseignement primaire ou secondaire, dans
les déterminés par la présente loi.
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- La Loi 118 de l'année 1958[3] a consacré elle aussi le chapitre trois aux conseils
de l'enseignement parmi lesquels "le conseil supérieur de
l'éducation nationale". On lit dans l'article 38 de ladite
loi ce qui suit : "Il est institué, auprès du secrétaire d'état à
l'éducation nationale, à la jeunesse et au sport et sous sa présidence, un
conseil supérieur de l'éducation nationale appelé à donner son avis sur les
questions relatives à l'enseignement et notamment sur la création des
établissements scolaires, sur les programmes des études et des examens, sur les
livres qui peuvent être introduits dans les écoles ou qui doivent y être
interdits parce que contraires à l'ordre public, aux lois ou aux bonnes mœurs.
La composition, l'organisation et le fonctionnement du
conseil supérieur seront fixés par décret".
- La loi n° 91-65[4] a consacré à cette institution un bref article laconique (article 2) dans le
premier chapitre (principes de base) qui dit que "le conseil supérieur
de l'éducation est consulté sur les questions d'intérêt national relatives à
l'éducation et à l'enseignement"
- La loi n°80-2002[5] n'a pas prévu cette institution qui a disparu puisque
l'article 70 de la nouvelle loi "a
abrogé toutes les dispositions antérieures contraires à la présente loi. En
même temps que la présente loi entre en application, la loi n° 91-65 du 29
juillet 1991 relative au système éducatif, ensemble des textes qui l'ont
modifiée ou complétée, cessera progressivement d'être appliquée".
L'évolution des attributions du conseil à travers les
différents textes.
1* les attributions du conseil de l'instruction
publique à l'époque du protectorat.
L'article 15 du décret de
1888 avait accordé au conseil de l'instruction publique de larges
attributions. Il lui revient de
"donner ses avis sur les réformes introduites dans
l’enseignement, la discipline et l’administration des écoles publiques, sur les
budgets de ces écoles. Il instruit les affaires disciplinaires relatives aux
membres de l’enseignement. Il se
prononce sur les affaires contentieuses relatives à l’ouverture des écoles
privées, aux droits des maitres particuliers et à l’exercice du droit
d’enseigner, sur les poursuites dirigées contre les membres de l’Enseignement
primaire ou secondaire, dans les cas déterminés par la présente loi".
Ces attributions ont évolué avec le temps. Plusieurs
décrets comme le décret du 2 décembre 1903, le décret du 24 avril 1906, celui
du 8 mars 1910 et surtout le décret du 4 février 1920 ont enrichit le texte de
1888 pour assurer sa mise à jour, mais c'est surtout le décret de 1920 qui a profondément réorganisé
cette assemblée. En revenant à tous ces textes, on déduit que le CIP
intervient dans trois grands domaines qui touchent la vie scolaire :
- le domaine pédagogiques (art. 4) : le conseil
délibère sur toutes les questions pédagogiques que lui soumet la direction de
l'instruction publique comme les programmes scolaires, les méthodes et les
moyens pédagogiques et les examens …
- le domaine disciplinaire en rapport avec la carrière professionnelle des
fonctionnaires du secteur
public : depuis 1903 le conseil instruit les infractions commises par le
personnel enseignant du public. Il peut
proposer l'ajournement ou l'annulation de l'avancement ou la suspension
provisoire ou même l'interdiction définitive d'exercer. Le conseil instruit
aussi les questions disciplinaires qui concernent les membres de l'enseignement
privé (art. 5). Depuis le décret de 1920 le CIP a la
possibilité de constituer une commission "pour étudier les textes
relatifs aux statuts des fonctionnaires"[6].
- en matière de justice : le conseil
se mue en une juridiction de première instance pour juger les affaires qui
opposent les personnes et l'administration à propos du refus de cette dernière
des autorisations d'ouverture d'écoles privées (art. 6).
Ainsi, on constate l'importance du rôle joué par le CIP dans le domaine de l'instruction à
l'époque du protectorat.
2* Les attributions du conseil supérieur de
l'éducation nationale (CSEN)
D'après la loi 118 de 1958 qui a créé le CSEN, le rôle de celui-ci est
devenu consultatif (art 38) (voir plus haut), le décret d'application paru
en 1962[7] a confirmé le caractère consultatif du conseil et a
précisé ses attributions (art5) comme suit :
"- le CSEN est "consulté sur toutes les
questions d'intérêt national relatives à l'enseignement et à l'éducation et
portées à l'ordre du jour de ses réunions par le Secrétaire d'état à
l'éducation nationale."
-"Les commissions techniques[8] du conseil relatives aux divers ordres de
l'enseignement sont consultées sur les questions intéressant les programmes,
les horaires, les livres en usage dans l'enseignement de son ressort. Elles
donnent leur avis sur toute question portée à l'ordre du jour des réunions".
"- la commissions des bâtiments scolaires est
appelée à donner son avis sur les programmes de constructions scolaires
nécessaires aux besoins du pays".
On constate que les attributions du CSEN sont
différentes de celles du CIP de l'époque du protectorat. il a en effet perdu la
fonction disciplinaire et la fonction judiciaire, il ne prend pas de décisions
et son avis n'est que consultatif.
Si le décret, paru en 1971[9] pour remplacer celui de 1962, a confirmé le caractère
consultatif du conseil (le conseil supérieur de l'éducation nationale est un
conseil consultatif, art 1), il a cependant élargi ses attributions.
Désormais, le CSEN est appelé à donner son avis sur :
"-l'orientation de la politique nationale en
matière d'éducation,
- l'harmonisation de la politique nationale en matière
de formation des cadres avec la possibilité de leur insertion dans le secteur
économique et social,
- toutes les questions d'intérêt national relatives à
l'enseignement et à l'éducation et portées à l'ordre du jour de ses réunions
par le Ministre de l'éducation nationale."
Le décret de 1971 est resté en vigueur jusqu'en 1988[10], date à laquelle est paru un nouveau décret qui l'a
abrogé. Le décret de 1988 fut rapidement abrogé en 1989[11] qui fut abrogé à son tour en 2000[12]. Ces nouveaux décrets n'ont pas évoqué le caractère
consultatif, d'autre part les décrets de 1988 et de 1989 ont changé le nom
suite à la fusion des départements de l'éducation, de l'enseignement supérieur
et de la recherche scientifique. Le conseil est devenu le conseil de
l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Mais les trois décrets ont conservé pratiquement les
mêmes attributions qui rappellent celles fixées depuis 1971. En effet, d'après
ces différents textes le Conseil est appelé à donner son avis sur :
"- l'organisation de la politique nationale en
matière d'éducation et d'enseignement
supérieur ainsi que sur les moyens susceptibles d'en assurer le réalisation.
- les moyens susceptibles d'assurer la coordination
entre les options nationales en matière
de formation des différentes catégories de cadres.
- les moyens susceptibles d'assurer l'adaptation de
l'éducation et de l'enseignement aux besoins du développement économique,
social et culturel et d'assurer l'ouverture constante des établissements
d'enseignement sur leur environnement."
- les réformes à entreprendre à tous les niveaux de
l'éducation et de l'enseignement et aussi les mesures d'accompagnement
nécessaires à leur réalisation.
- toutes les questions qui lui sont soumises par le
premier ministre ou par le ministre de l'éducation ou du ministre de
l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Le texte de 2000 a enlevé les termes d'enseignement
supérieur et de recherche scientifique et a gardé le reste du paragraphe sans changement.
Fin de la première partie ( A SUIVRE).
Mongi Akrout, & Abdessalem Bouzid inspecteurs
généraux de l'éducation retraités
Tunis , janvier 2020
Les sources
- Ar RAYED ATTOUNISSI
N° 2 -jeudi 12 Mouharrem 1306 (20septembre 1888).
- Le journal officiel de la république tunisienne n°
63 - 21 -25 décembre 1962.
-Le journal officiel de la république tunisienne n° 28
-29 juin 1971.
- Le journal officiel de la république tunisienne n° 74
-premier novembre 1988
- Le journal officiel de la république tunisienne n° 62
- 15 septembre 1989
- Le journal officiel de la république tunisienne n°
82 - 13 octobre 2000
[1] Ar-Rayed Attounissi N° 2-
Jeudi 12 Mouharrem 1306, 20 septembre 1888
[2] Cette institution a pris différentes appellations selon les textes
successifs : conseil de l’instruction publique (1888 et 1906 ), conseil de
l'enseignement public (1903 )
[3] Loi n°58-118 du 4 novembre 1958(21 Rabia II 1378° relative à l'enseignement,
Jort N° 89 du 7 novembre 1958.
[5]
La loi n°80-2002 du 23juillet 2002 relative à
l'éducation et à l'enseignement scolaire; Jort n°62 du 30juillet 2002.
[8] Le CSEN est constitué par une assemblée plénière et 4
commissions techniques ( une pour l'enseignement primaire, une pour
l'enseignement moyen , une pour l'enseignement secondaire et une pour les
bâtiments scolaires.
[9] Décret n°46 du 26 juin 1971 fixant les
attributions, la composition et le fonctionnement du conseil supérieur de l'éducation nationale.
[10] Décret n° 1819 du 25 octobre 1988 fixant
les attributions, la composition et le fonctionnement du
conseil supérieur de l'éducation nationale.
[11] Décret n° 1295 du 31 aout 1989 fixant les
attributions, la composition et le fonctionnement du
conseil supérieur de l'éducation
, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique
[12] Décret n° 2260 du 10 octobre2000 fixant
les attributions, la composition et le fonctionnement du conseil
supérieur de l'éducation , de l'enseignement supérieur et de la
recherche scientifique.
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