dimanche 26 janvier 2025

Les rapports préparés par l’inspecteur des collèges et des lycées

 


Hédi Bouhouch

Dans la rubrique « mémoire d’un inspecteur des années 80 et 90 », le blog pédagogique reprend le texte d’une communication  sur les rapports que les inspecteurs de l’enseignement secondaire sont appelés à rédiger au cours de sa carrière,  présentée à l’occasion des journées d’information pour les nouveaux inspecteurs de l’enseignement secondaires, organisées conjointement  par la direction générale des programmes et de la formation continue et de l’Amicale des inspecteurs de l’enseignement secondaire.

 La communication, présentée par Mongi Akrout, inspecteur principal de l'enseignement secondaire, porte sur les rapports que tout inspecteur est appelé à rédiger au cours de sa carrière.

 Tunis – Créfoc Al-Omrane, octobre 1991


Introduction

Le rapport occupe une place importante dans l'activité de l'inspecteur. C'est la trace matérielle qui reste après une visite d’inspection ou d’assistance ou après une activité quelconque. Le rapport est ce document que l'institution attend et que l'enseignant appréhende, malgré cette importance, nous avons constaté  une rareté des documents officiels qui traitent de cette question ( notes de services, circulaires…) ainsi nous trouvons peu d’informations qui  éclairent et clarifient les caractéristiques du rapport, ses composantes et ses objectifs.

C'est cette indigence qui a déterminé le choix de ce sujet pour qu'il soit parmi  les thèmes de ces journées de sensibilisation organisées par le Ministère au profit des nouveaux inspecteurs.

Tentative de définition du rapport.

 En se  référant aux dictionnaires de langue française et de langue arabe,  nous avons pu donner une définition suivante au rapport : «  C’est un document qui rapporte ce que nous voyons, entendons et observons. Le rapport  peut être verbal ou écrit ».

Le rapport que nous intéresse est le rapport écrit, qui est établi et rédigé après une activité  de l'inspecteur pour rendre compte  de ce qu’il a constaté et visionné  lors de l'exercice de sa mission.

L'inspecteur étant appelé à exercer des activités multiformes et diverses en vertu de ses prérogatives, il est amené à rédiger un nombre important de rapports, et si nous voulions énumérer les différentes missions de l’inspecteur en se référant aux textes officiels (statut du corps de l’inspection pédagogique 1973[1]) et à l’usage, nous pouvons citer les activités suivantes :   

L'inspecteur est appelé:

§  à effectuer  des visites d’assistance  aux stagiaires ;

§  à faire des visites d’inspection  aux professeurs titulaires;

§    à donner son avis  sur l’organisation pédagogique des collèges et des lycées ;

§   à mener des enquêtes à caractère administratif et disciplinaire.

Telles sont les activités prévues  par la loi de 1973, mais l’usage et la pratique ont ajouté d'autres tâches  comme l'évaluation des manuels et des guides scolaires, la présidence des commissions de correction des examens et des concours professionnels …

 Si l'on se réfère à la définition que nous avons présentée au début de ce paragraphe, à savoir que le rapport est une procédure qui suit chaque activité de l'inspecteur, nous concluons que  L'inspecteur consacre beaucoup de temps à rédiger plusieurs sortes de rapports

Les types de rapport

La multiplicité des rapports que doit rédiger l’inspecteur nécessite leur classification, si l'on adopte le sujet comme critère de base pour cette classification, nous pouvons distinguer trois principaux types de rapports :

1)   Les rapports qui concernent  l'activité des professeurs.

Ce  type est  le plus répandu, il comprend les rapports d'assistance, d'inspection, des cahiers de stage, le rapport de fin de stage de la ère année , de la 2ème année et de la 3ème année, les rapports de non renouvellement, les rapports de confirmation. (Je reviendrais plus tard à ces rapports avec plus de détails).

2)   Les rapports qui concernent   l’inspecteur lui-même

Il s'agit d'une catégorie de rapport qui consignent  les activités de l’inspecteur dont :

-       Le rapport d'activité mensuel[2], il s’agit  d’un tableau détaillé des activités réalisées au cours du mois (date et type d’activités doivent être consignés), ce rapport  est destiné à  la direction générale des programmes via la direction régionale  d’attache qui garde une copie pour régler les frais de déplacement et l’indemnité  journalière  dus à l’inspecteur).

-        Le rapport de synthèse, c'est un rapport  qui doit présenter  une synthèse des  observations de l’inspecteur, de ses conclusions et de ses suggestions sur l’application des programmes, du contrôle  continu et tout ce qui concerne sa  spécialiste, ce rapport doit être remis à la fin du mois d’avril de chaque année à la direction régionale, qui se charge de le transmettre  à la Direction générale des programmes et de formation  Continue.

3)   les rapports qui concernent les établissements scolaires (lycées et collèges). C’est le type la moins fréquent malgré son importance  (rapport sur l’état du matériel didactique de la spécialité, rapport sur les emplois du temps des enseignants et sur l’organisation pédagogique…).

Après cette rapide présentation rapide des différents types de rapports, nous allons nous intéresser  aux rapports qui concernent les professeurs pour des raisons purement pragmatiques.

Les rapports qui concernent l'activité du professeur.

 Comme nous l'avons indiqué les rapports concernant le professeur se distinguent par leur diversité, et ils sont au nombre de six (6).

§  Le rapport d’inspection

C’est un rapport qui vient après chaque visite  d’un professeur titulaire (visite  de la classe, suivi la leçon, discussion après l’observation)

a.    Ce rapport : Pour qui ? et pourquoi ? La réponse à ces deux questions va déterminer le contenu du rapport ; ses parties et les conditions qui doivent être remplies par le rapport qui émet un message  à trois destinataires en même temps :

-       Le 1er destinataire est l’enseignant inspecté, le message contient des informations sur la séance (le test oral ou écrit, le cours, le cahier de texte, l’avancement du programme…) en plus de l’information ; le rapport doit donner une évaluation (aspects  positifs et aspects négatifs, une appréciation générale, une note chiffrée , et des recommandations).

-       Le 2ème destinataire est l’institution (la direction régionale) qui a besoin de collecter des données sur la qualité et les performances du cadre enseignant, et sur le degré de la réalisation des objectifs de l’école.

-       Le 3ème destinataire est l'inspecteur lui-même, le rapport va  lui fournir des informations sur l’impact de son travail de formation continue  et d’encadrement et sur les performances de ses enseignants ce qui va lui permettre  de mettre en place un plan. pour consolider les acquis et rectifier les points faibles.

Or pour que  chacune de ces trois parties trouve ce qu'il attend du rapport, celui-ci doit contenir un ensemble d’éléments qui puissent répondre aux attentes de chacune de ces parties.

b.   Les principales composantes du rapport d’inspection.

Notre étude d’un large échantillon de rapports représentatif de toutes les spécialités, rédigés par nos anciens inspecteurs et les nouveaux, nous a permis de préciser les composantes du rapport qui sont au nombre de quatre (4)

§  Une composante descriptive qui donne une image fidèle du déroulement de la séance (les étapes, le contenu et les moyens mises en œuvre …) ;

§  Une composante critique qui montre les points positifs et les points négatifs (faire un choix sélectif).

§  Une composante formative qui doit contenir des recommandations et des conseils pour consolider les bonnes pratiques et remédier aux insuffisances.

§  Une composante évaluative, une évaluation globalement de la séance  par une observation générale accompagnée d’une note sur 20 ou une lettre A.B.C…  (l’inspecteur peut se réserver le droit de ne pas donner une note si la leçon est ratée et donner une nouvelle chance à l’enseignant en programmant une autre visite).

En plus des ces 4 composantes, le rapport comporte d’autres informations comme le nom et le prénom de l’inspecteur et de l’enseignant, le nom de l’établissement, la date de la visite…

c.    Les différentes formes de rapports d’inspection

Si tous les rapports d’inspection  que nous avons pus étudier comportent toutes les composantes citées précédemment, leur forme varie (il n’y a pas un modèle unique imposé par l’administration). Nous avons rencontré les trois modèles suivants [3]:

§  Le 1ère  modèle : le modèle détaillé qui présente séparément chacune des 4 composantes, ainsi le rapport se présente avec 4 parties distinctes portant chacune un titre ( le déroulement de la séance, les observations, les recommandations, l’évaluation).

Le mérite de ce modèle est la bonne visibilité et la clarté, il est facile à lire, mais son défaut c’est qu’il saucissonne artificiellement l’acte pédagogique.

§  Le 2ème modèle: le modèle intégratif, c’est le modèle qui intègre deux ou trois composantes dans le même paragraphe comme par exemple l’intégration de la description  avec la critique et l’évaluation ; parmi les avantages de cette forme c’est la synthèse de tous les éléments de l’action éducative, mais son tort c’est qu’elle est obligée de passer sous silence parfois quelques aspects de l’acte éducatif.

§  Le 3ème modèle: le modèle de la grille, c’est le dernier né des modèles et le moins utilisé, il adopte le principe de la décomposition de la séance en une série de domaines qui sont décomposés à leur tour en une série de comportements et de capacités, par exemple  le domaine de la matière de la leçon qui se fractionne en préparation - plan- connaissances  et degré de la maitrise… ou le domaine des moyens didactiques (préparation- diversité- exploitation…)

 

Ce modèle a été introduit par  les inspecteurs d'histoire et de géographie de Sousse (MM. Rachid Toumi & Abdelhamid Jedda) et puis il s'est répandu peu à peu auprès de plusieurs autres inspecteurs d'histoire et de géographie et des disciplines techniques.

Parmi  les avantages de ce modèle est qu’il couvre presque tous les aspects de la leçon et plus particulièrement  les  comportements et les  capacités, son défaut  c’est le fractionnement qui rend toute synthèse très difficile

 

Le rapport doit remplir certaines  conditions.

Quelques soient les modèles et styles, et pour assurer une bonne qualité du message , tous les rapports d’inspection doivent être  :

§  Fidèles  et objectifs. C’est-à-dire qu’ils doivent  donner  une information fidèle à ce que l’inspecteur a vu et entendu au cours de la séance et lors de la discussion, sans  déformation ni altération et pour garantir cela, il est recommandé  de rédiger le rapport  immédiatement après l’inspection, car avec le temps nous pouvons oublier certains points importants.

§  Précis et concis : La combinaison de ces  deux exigences semble étrange à première vue. mais en réalité, il est possible de combiner les deux qualités. La concision  nécessite des choix et l'exclusion des détails, il faudrait se limiter  aux aspects les plus importants et les  traiter d’une manière  précise afin de réduire les risques d'interprétation (choisir les bons termes explicites).

§  cohérents et sans fautes. Les rapport doivent être rédigés dans une langue, un  style et une expression irréprochable ( n’hésiter pas à recourir aux dictionnaires et prendre son temps), quant à la cohérence , il faudrait éviter qu’il y ait une contradiction entre les composantes, par exemples entre la critique et l’observation ou entre cette dernière et l’évaluation.

Telles sont les conditions de base qui sont les seules capables de garantir une bonne qualité  du  message que le rapport souhaite  transmettre aux différentes parties intéressées..

Les rapports réservés aux stagiaires.

Les rapports destinés aux stagiaires arrivent en deuxième position en termes de nombre en général, avec des exceptions selon les régions et les spécialités. Ils sont au nombre de cinq.

1.   les rapports d'assistance

Le rapport d'assistance se distingue du rapport d'inspection en cela qu’il axe principalement sur des directives et des recommandations, mais il partage avec le rapport  d'inspection les mêmes conditions, il doit être concis, bref et sélectif, il est donc inutile de verser dans les détails et de multiplier  les conseils et  les recommandations pour que le stagiaire ne se perd pas entre ce qui est  important et ce qui est secondaire[4].

Il doit être bien structuré en séparant  le contenu  de la méthode ; enfin, il doit valoriser les points positifs ( même s’ils sont rares, ce qui est normal pour un stagiaire lors de la 1ère visite) pour encourager le stagiaire et lui donner confiance  car le rapport  d’assistance a pour premier objectif de l’aider et de le former, c’est pour cela qu’il doit lui parvenir le plus rapidement possible. Le rapport d’assistance ne porte pas de note, le stagiaire devrait coller une copie dans son cahier de stage accompagné d’un compte rendu de la discussion[5].

 

2.   Les rapports de synthèse  du stage

Les objectifs de ces rapports diffèrent des rapports que nous avons décrits jusqu’à maintenant :  

-       Ils couronnent chaque phase du stage, c'est-à-dire à la fin de la première année de stage  et à la fin de la deuxième année de stage ou parfois de la 3ème année.

-        Ils n'ont pas pour objectif la formation de l'enseignant en lui fournissant des recommandations et des conseils, ni un bilan de son stage ;

-       Ils sont destinés à l’administration, ce sont (en principe)  des rapports confidentiels ;

-        Ce sont des rapports qui fournissent à l’administration  une information  sur les capacités et les compétences du stagiaire à la fin de sa de formation ;

-        Ce sont enfin des rapports qui comportent  des décisions  sur l’avenir du stagiaire en proposant soit sa titularisation, soit son ajournement soit son licenciement.

 Nous remarquons que ces rapports ont leurs propres objectifs, ce qui rend leur contenu fondamentalement différent du contenu des rapports d'inspection et d’assistance. Et cette fois, nous avons trouvé des documents officiels qui précisent  le contenu de ces rapports[6]

a.    Le rapport final de la première année  de stage doit donner des précisions sur :

§  L’assiduité  du stagiaire aux séances de formation [7];

§   La qualité de ses participations aux discussions des leçons modèles

§   Le degré de son  bénéfice de ces leçons et de la formation en général

§  L'avis de l’inspecteur  sur le travail du professeur à travers les cours et le cahier de stage

Ce rapport constitue  un élément du dossier de titularisation.

3.   Le rapport de la mémoire pédagogique

En deuxième année de stage, l’enseignant stagiaire est appelé à préparer un mémoire sur un sujet en accord avec l’inspecteur directeur du stage, le mémoire peut porter sur une question pédagogique ou une analyse critique d’un manuel scolaire[8]

4.   Rapport de non renouvellement du recrutement

Ce dernier rapport est comparable au rapport de fin de la 2ème année de stage  sauf au niveau de la décision, dans le cas où l’inspecteur  juge que le stage n’est pas concluant au bout de la 3ème année, il propose le licenciement de l’enseignant pour incompétence, et vu la gravité d’une telle décision, la circulaire 43/91 a amené une nouvelle procédure , la décision devrait être prise par une commission composée de deux professeurs et de l’inspecteur, après une dernière visite d’inspection.

 

5.   Le rapport de confirmation

Ce dernier type de rapport concerne les enseignants titulaires qui réussissent un concours pour passer d’un grade à un autre (d’un instituteur à un professeur de 1er cycle ou d’un professeur de 1er cycle à un PES), ces derniers sont astreints à une année de confirmation au terme de laquelle, ils font l’objet d’une inspection qui peut proposer leur confirmation dans le nouveau grade ou un retour à leur ancien grade. Ce rapport sera obligatoirement accompagné d’une note chiffrée.

 

Conclusion

Tels sont les différents rapports préparés par l’inspecteur  et les spécificités de chaque type, nous avons essayé de vous donner une idée générale dans un but d’information et non de formation et d’initiation à la rédaction de ces rapports, c’est là un deuxième aspect non moins important que l’information. Nous espérons que la direction des programmes et de la formation continue  organisera une autre rencontre  qui prendrait la forme d'un atelier associant information  et formation.

Merci de votre attention.

 

 Tunis le 3 octobre 1991,

Mongi Akrout, inspecteur principal de l'enseignement secondaire, (histoire et géographie)

Pour accéder à la version Arabe, cliquer ici



[1] Décret 110/1973  en date  du 17 /3/1973 , portant statut particulier des personnels de l’inspection pédagogique du M.E.N

[2]  Circulaire 10-88 émanant de la dirction des programmes et de la formation continue en date du 29 janvier 1988.

[3] Cette typologie est l’œuvre du professeur Abdelaziz Ben Youssef – inspecteur principal  .

[4] A.B.Youssef op.cit

[5] La circulaire  fixe le délai de la remise du rapport d’assistance à deux semaines

[6] Note de service 8853 émanant de la direction de l’enseignement  secondaire en date du 26 /1/ 1976 portant sur le stage pédagogique.

[7] Circulaire 43/1991 émanant du cabinet en date du 8 mai 1991 fixant le nombre d’absence qui entraine  l’obligation de refaire le stage de 1er année, ( si le taux d’absence dépasse le tiers des séances)

[8] Circulaire 185/1976  émanant  de la direction de l’enseignement  secondaire en date du 8 /11/ 1976.

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