lundi 29 juin 2020

Les examens nationaux il y a 40 ans



                           
Hédi Bouhouch
A l'occasion du démarrage  de la saison des examens nationaux de cette année  dans des conditions particulières imposées par l'épidémie du Covid 19 ( programmation des examens après un arrêt des cours tout le long du troisième trimestre c'est-à-dire une partie des programmes n'a pas été réalisée, déroulement des examens au mois de juillet qui est marqué habituellement par des températures élevées, qui n'aident pas les élèves à se concentré surtout après un " chômage forcé depuis la fi n du mois de mars.
 Malgré toutes ces conditions nous souhaitons  bonne chance à tous les candidats , et bon courage aux différents acteurs qui vont veiller au bon déroulement de cette session exceptionnelle. Donc à  cette occasion, le blog a choisi de remonter l'histoire et de présenter à ses lectrices et ses lecteurs  les examens que le Ministère avait organisé il y a quarante ans  auxquels ont participé celles et ceux qui étaient né entre au cours des années soixante.


Le ministère de l'éducation organisait ou supervisait à cette époque sept examens nationaux dont six ont disparu aujourd'hui. Le seul rescapé est l'examen du baccalauréat.
1- Le concours d'entrée en première année de l'enseignement secondaire
- Présentation
Le concours d'entrée en première année du secondaire est né à l'époque du protectorat[1]. Il s'appelait à l'époque l'examen de sixième[2] et il a gardé cette appellation pendant très longtemps. Son institution remonte à 1933, et sa première session a eu lieu à la fin de l'année scolaire 1933-1934. L'examen a pris depuis son institution la forme d'un examen écrit afin de permettre aux commissions chargées de fixer les listes des élèves dont le niveau scolaire leur permet de poursuivre leurs études en classe de sixième des établissements publics.[3]

La réforme de 1958 a maintenu cet examen qui changea d'appellation tout en gardant à peu près la même fonction. Il sanctionnait les études primaires et ouvrait la voie pour les admis vers l'enseignement secondaire avec ses deux composantes : l'enseignement secondaire long  (dont la durée était de 5 à 6 ans  selon la filière jusqu'en 1968 puis de 6 à 7 ans)  qui est ouvert aux élèves des écoles primaires âgés de moins de 14 ans à la rentrée de l'année de l'examen et l'enseignement secondaire moyen puis professionnel (durée trois années) qui accueillait les élèves âgés de plus de 14 ans.
Le concours dans sa forme originelle a cessé d'exister avec l'entrée en application de la nouvelle loi de l'enseignement qui a institué l'enseignement de base. Il a vécu sa dernière session en juin 1991.


- Statistiques de la session 1979/1980

Présentés
Admis
Taux de réussite
l'enseignement secondaire long
186920*
45049
39.38%
l'enseignement secondaire professionnel
28562
Total
73611
* Tous les candidats passent les mêmes épreuves, en cas de réussite ils sont orientés selon l'âge comme indiqué plus haut.
Commentaire : six élèves sur 10 sont recalés. Certains ont redoublé et d'autres ont quitté les bancs de l'école sans aucune certification. Ils étaient d'après les chiffres officiels 38167, soit 20% de l'ensemble des élèves inscrits en 6ème et 7ème année[4] en 1979/80[5]. Mais à comparer avec la session précédente (1978/79), les résultats ont enregistré un bond très important (+13 points). L'amélioration s'est poursuivie l'année suivante (1980/81 : 48.1%). Les résultats avaient toutefois rechuté à la session suivante (1981/82) pour n’atteindre que 39.1%.
2- Le diplôme de technicien
- Présentation
Ces diplômes remontent à l'époque coloniale. En 1945 le brevet de l'enseignement commercial sanctionnait les études commerciales, suivi en 1948 par le certificat d'aptitude industrielle pour les garçons et le brevet industriel pour les jeunes filles.
La réforme de 1958 a créé trois options pour l'enseignement secondaire long : l'enseignement général, l'enseignement secondaire technique et l'enseignement secondaire économique[6].
L'enseignement secondaire économique comportait deux sections : la section économique[7] qui préparait les élèves pour les études supérieures après le baccalauréat et la section commerciale destinée à former des cadres moyens[8].
Et c'est en 1959 que le brevet d'enseignement commercial fut institué par décret[9], qui changera plus tard de nom plusieurs fois. L'enseignement secondaire technique comportait lui aussi deux sections : la section math technique qui préparait les élèves pour les études supérieures après le baccalauréat et la section industrielle destinée à former les agents techniques, les techniciens moyens et les cadres de maîtrise[10]. Cette section comportait plusieurs spécialités qui conduisaient au brevet d'enseignement industriel[11] qui changera lui aussi plusieurs fois d'appellation.
Ces deux examens ont continué à exister jusqu'en 1994 (dernière session) puisque la réforme de 1991 avait supprimé ces sections après avoir unifié le cursus de l'enseignement secondaire.

Statistiques session juin 1979/1980
Option économique
candidats
admis
Taux d'admission
Technique Economique Administrative TEA secrétariat
620
488
78,7%
Technique Economique de Gestion TEG   comptabilité
713
348
48,8%
Option industrielle
candidats
admis
Taux d'admission
Mécanique
958
462
48,2%
Electrotechnique
1038
579
55,8%
Travaux public
550
248
45,1%
Topographie
261
170
65,1%
Hydraulique
92
59
64,1%
Métiers d'habillement
147
122
83,0%
Autres
282
241
85,5%
Total
4661
2717
58,3%

3- Le Baccalauréat

- Présentation

L'examen du baccalauréat est une institution qui remonte selon certaines sources à l'année 1891[12], c'est-à-dire 10 ans après l'occupation française[13]. A l'époque c'était le baccalauréat français destiné aux enfants des français installés en Tunisie. En 1947 le conseil d'administration d'al Khaldounya[14] créa un diplôme arabe qui sanctionnait l'enseignement secondaire tunisien moderne. Ce diplôme fut appelé le baccalauréat moderne qui permettait l'accès à l'université, mais l'autorité coloniale a refusé de reconnaitre ce diplôme.
En 1950 fut créé le baccalauréat franco tunisien[15] qui a inclus une épreuve d'arabe en plus des épreuves du bac français.

Et c'est en 1957, une année avant la promulgation de la loi de 1958, et deux années après l'autonomie interne, que le baccalauréat tunisien est né par décret[16], suivi par un arrêté d'organisation signé par le premier secrétaire d'état à l'instruction Mohamed Lamine Chebbi. La première session eut lieu le 31 mai 1957.

Statistiques : session 1979/1980
Section
candidats
% par rapport total des admis
Admis
% par rapport total des admis
Taux d'admission par section
Lettres
4532
30,1%
2611
38,1%
57,6%
Math-Sciences
9105
60,5%
3536
51,7%
38,8%
Math-Techniques
1413
9,4%
698
10,2%
49,4%

15050
100
6845
 100
45,5%

Commentaire
Le nombre des candidats qui se sont présentés, cela représente 11.4% du nombre d’inscrits à l’examen du baccalauréat de l'année passé (2019).  Cela traduit le bon réalisé par la scolarisation .

4- Le Diplôme de Fin d'Études Secondaires Normales
- Présentation
C'est l'un des plus anciens diplômes en Tunisie qui remonte à la fin du dix-neuvième siècle. Il a été institué avec l'ouverture de l'école normale des instituteurs de Tunis en 1884 et l'école normale des institutrices en 1912. Ce diplôme sanctionnait les études normales et permettait l'accès à la fonction d'instituteur.
Après l'indépendance, la loi de 1958 a maintenu cet examen (article 18) suite à l'instauration de la section normale destinée à la formation des instituteurs et la création du diplôme de fin d'études secondaires normales (article 24)[17].
Ce qui est paradoxal, c'est que le décret[18] instituant ce diplôme et l'arrêté d'organisation n'ont été publiés qu'en 1963 (année qui correspond à l'arrivée de la première cohorte de la réforme de 1958 au niveau de la classe terminale).
La dernière session de cet examen s'est tenue à la fin de l'année scolaire 1991/1992 après la transformation des écoles normales en Instituts Supérieurs de Formation des Maîtres (ISFM) avec la réforme de 1991.

Statistiques : sessions 1979/1980 - 80/81 et 81/82

Juin 1980
Juin 1981
1982
Candidats
506
1225
1133
Admis
452
913
856
Taux de réussite
89,3%
74,5%
75,6%

5- Le Brevet de l'enseignement secondaire professionnel
- Présentation
L'enseignement secondaire professionnel n'existe pas dans la loi de 1958, il a pris la place de l'enseignement moyen à la rentrée 1968/69[19] en application des recommandations de la commission nationale d'évaluation de la réforme de 1958[20].
 L'enseignement secondaire professionnel accueillait les élèves admis au concours d'entrée en première année secondaire dont l'âge dépassait 14 ans au mois de septembre de l'année du concours. Leur nombre a dépassé les 50 milles à la fin des années soixante-dix, soit un peu plus du tiers de l'effectif de l'enseignement secondaire.
Cet enseignement secondaire court (dure 3 ans) est sanctionné par le Brevet de l'enseignement secondaire professionnel qui n'est pas un examen national car il est délivré par l'établissement de l'élève et il couvrait plusieurs spécialités (23 en 1980/1981).
Contrairement aux autres diplômes, aucun décret ou arrêté n'est publié au sujet du BESP[21]. Il semble que l'organisation de cet examen s'est référée au texte relatif au brevet de l'enseignement moyen. Ce n'est qu'en 1975 qu'une circulaire est venue préciser les modalités de l'examen en précisant qu'il s'agit d'un examen local, c'est-à-dire qu'il relève de l'établissement même.
La dernière session de cet examen a eu lieu à la fin de l'année scolaire 1990/1991 auquel ont participé 8492 candidats seulement soit 2.8% de l'ensemble des élèves du premier cycle de l'enseignement secondaire.

Statistiques : sessions 1979/1980- 80/81 et 81/82

Juin 1980
Juin 1981
1982
candidats
15695
15888
12995
Admis
14002
13584
11692
Taux de réussite
89,2%
85,5%
90,0%

6- Le diplôme de fin d'études secondaires islamiques (7 ans) et le diplôme de prédication et d'orientation (6 ans).

- Présentation
Au sujet de ces deux derniers examens éphémères, nous ne disposons d'aucune information écrite. Nous avons fait appel à notre collègue Mohamed Habib Sallami, ancien inspecteur de l'éducation islamique qui nous a informé que ce cursus avait été institué à Rakkada  au milieu des années quatre-vingt par la direction des affaires religieuses dirigée à l'époque par Mustapha Kamel Tarzi. Ce cursus comportait deux sections, la première préparait les élèves à rejoindre l'université de la Zitouna après le diplôme de fin d'études secondaires islamiques, la deuxième  formait les futurs Imams et les prédicateurs. La population de ces deux filières était constituée surtout par des élèves venus des pays de l'Afrique subsaharienne.
- Statistiques


présentés
admis
%
diplôme de fin d'études secondaires islamiques

45
41
91.1%
diplôme de prédication et d'orientation

10
10
100%

Source des statistiques : Annuaire statistique de la Tunisie, Année 1982 , volume n° 27 , République Tunisienne, Ministère du Plan et des Finances , Institut national de la statistique .

Mongi Akrout&Abdessalam Bouzid, Inspecteurs généraux de l'éducation à la retraite
Tunis, juin 2020



[1]L'appellation sixième est en rapport avec l'appellation de la première classe du collège à l'époque, c'est-à-dire le cycle secondaire qui durait 4 années de la sixième jusqu'à la troisième.
[2]l'examen de sixième fut institué par l'arrêté du 1° septembre 1933.
[3] Bouhouch,H et Akrout,M. comment accédait-on à l’enseignement secondaire à la fin des années quarante ? Le blog pédagogique , 14 juin 2014; https://bouhouchakrout.blogspot.com/2014/06/comment-accedait-on-lenseignement.html

[4] en 1977 fut lancé un projet expérimental avec la création d'une 7ème et une 8ème année , pour faire face au redoublement en 6ème et limiter l'abandon scolaire, ces deux années sont destinées à préparer les élèves à la vie active par un programme de formation manuelle, les élèves de 7ème avaient le droit de passer le concours et non les élèves de la 8 ème.
[5] Ministère de l'éducation nationale/ direction de la planification, des statistiques, de l'organisation et de l'informatique /statistique de l'année scolaire 1981/1982
[6]l'article 15 de la loi 1958/118 sur l'enseignement datée du 4 novembre 1958
[7]la section économique n'a vu le jour qu'en 1963 appelée à l'époque section sciences économiques qui mène au baccalauréat (voit décret n°87 de l'année 1963 du 1 avril 1963.
[8]l'article 19 de la loi 1958/118 sur l'enseignement datée du 4 novembre 1958
[9]décret 1959-154 du 22 mai 1959 instituant un nouveau diplôme appelé brevet d'enseignement commercial
[10]l'article 20 de la loi 1958/118 sur l'enseignement datée du 4 novembre 1958
[11]décret 1959-153 du 22 mai 1959 instituant un nouveau diplôme appelé brevet d'enseignement industriel
[12] Le bac tunisien fête son 120e anniversaire- abdel-aziz-hali.blogspot.com/.../le-baccalaureat-tunisien-fete-son-120e.ht, publié le 24 juin 2O1 - Le baccalauréat souffle ses 119 bougies - www.turess.com/fr/lapresse/6694
Abdelaziz Hali publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 06 - 2010
[13]Machuel a évoqué l'ouverture de la première classe qui prépare au baccalauréat en 1886 au lycée de l'abbé Louis à Carthage (qui changea plus tard de nom pour s'appeler le lycée de l'abbé saint Charles,  puis le lycée Carnot). Après la signature d'un accord entre le Cardinal Lavigerie, propriétaire du lycée, le gouvernement tunisien  et le ministre de l'instruction publique qui stipule de faire appel à des professeurs universitaires pour y donner des cours pour les élèves du secondaire classique et les préparer pour passer le baccalauréat. Trois classes ont été ouvertes : une classe de Mathématiques élémentaires, une autre pour les mathématiques préparatoires et une troisième de sciences et de rhétorique. Machuel précise que depuis la création de la direction de l'enseignement public en 1883, huit baccalauréats ont été délivrés, 5 en Lettres et 3 en sciences. Ces informations sont tirées d'un document intitulé :" l'enseignement public dans la régence de Tunis préparé en 1889 par MACHUEL, directeur de l'instruction publique.

[14] Al Khadounya est la 1ere école tunisienne moderniste, fondée en 1896 par les principaux membres du mouvement jeunes tunisiens présidé par Béchir Sfar, son objectif était de donner une culture scientifique aux élèves de la Zitouna, on y enseigna la géographie, les mathématiques, le droit et les langues étrangères, l'association était subventionnée par des dons des jeunes tunisiens et par d'autres institutions.
[15] Décret du 26 janvier 1950 en application du décret d'aout 1948 relatif aux épreuves du baccalauréat français dans les colonies qui permet d'inclure une épreuve de langue de la colonie (décret 1267 de l'année 1948 du 17 aout 1948).

[16] Décret du premier ministre président du conseil daté du 17 ramadhan 1376 / 17 avril 1957 relatif au baccalauréat de l'enseignement secondaire, JORT N° 32 ? année 100 ? ; vendredi 19 avril 1957


[17] Depuis le début de l'indépendance et l'entrée en vigueur de la loi 58/118, plusieurs sections normales ont été ouvertes dans les lycées.
[18] Décret 1963/87 du 1 avril 1963 relatif au baccalauréat de l'enseignement secondaire, du diplôme de fin d'études normales, commerciales et industrielles, jort n° 16 du 2 avril 1963.
[19].  Le secrétaire d'état à l'instruction publique l'a annoncée dans une conférence de presse consacrée à la rentrée scolaire 1967/1968
[20].  C'est une commission créée par le parti et présidée par Ahmed Ben Salah, le vice-secrétaire général du parti, elle remit son rapport en juin 1967.
[21].  Un document de la direction général des examens (daté du 18/11/1988) relative aux examens nationaux précise que cet examen était organisé à l'échelle nationale en 1974 et 1975 en parlant d'un certificat de l'enseignement secondaire professionnel, puis on ne trouve aucune indication dans aucun document.


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