Ce lundi 20 juin 2022
démarrent les épreuves de l'examen du diplôme de fin de l'enseignement de base qui
se prolongent jusqu'au 23 juin , la majorité des participants visent une place
dans l'un des lycées pilotes , pour ceux-ci l'examen se transforme en un concours assez
ardu , à cette occasion le blog
pédagogique a voulu publier ce billet consacré au " concours de 2018" trois années après la session concernée parce
que nous avons préféré laisser passer l'orage pour étudier la question
sereinement. Jamais dans l'histoire de cet examen nous n'avons enregistré un
tel débat dans les média, dans la rue, au sein du parlement et jusqu'aux
tribunaux ; débat qui s'est transformé en confrontation entre le ministre
personnellement et tous les autres.
L'origine
du problème : deux faits ont été à l'origine du
problème : les résultats catastrophiques de la session 2018 et la décision du
ministre de respecter les textes en vigueur.
1- Les résultats
catastrophiques au cours de la session 2018
Au cours de la
session de juin 2018, sur les 26043 candidats qui avaient passé l'examen seuls
1364 avaient obtenu une moyenne égale ou supérieure à 15 sur vingt qui leur
permet de figurer parmi les admissibles à l'un des 26 lycées pilotes du pays,
soit 5.23% des candidats présentés.
Or ce nombre ne
permet pas de pourvoir les 3150 places disponibles ; ainsi le taux de
couverture n'était que de 43.3%,
c'est-à-dire qu'à peu près 6 places sur 10 sont restées vacantes.
Résultat :
après l'affectation des admissibles, seul le lycée pilote Mohamed Frej Chedly
de l'Ariana a réussi à faire le plein, alors que le taux de remplissage des
autres établissements variait entre 79.56% et 12% seulement : (voir le tableau
ci-dessous)
-
19 établissements ont eu un taux de remplissage inférieur à 50%.
-
5 établissements ont eu un taux de remplissage inférieur à 20 %
-
6 établissements n'ont pas réussi à avoir suffisamment d'élèves pour constituer
une classe de 20 élèves (voir tableau ci-dessous):
Etablissement |
Places ouvertes |
Nombre d'admis |
Taux de remplissage |
Kebili |
50 |
9 |
18% |
Tozeur |
50 |
8 |
16% |
Zaghouan |
50 |
11 |
22% |
Tataouine |
50 |
12 |
24% |
Sfax2 |
125 |
15 |
12% |
Mahdia |
50 |
17 |
34% |
Gabès |
150 |
17 |
12% |
2-
Le ministre se tient aux conditions prévues par les textes officiels
Devant cette
situation exceptionnelle, la position du ministre était intransigeante. Il a
demandé à ses services de respecter à la lettre les conditions d'accession aux
lycées pilotes prévues par la circulaire[1]
du 6 février 2018 et surtout la deuxième condition qui exige l'obtention d'une
moyenne au moins égale à 15 sur vingt. Le ministre a campé sur sa position
malgré les pressions de toutes sortes.
Il faudrait
noter que cette situation de déficit n'est pas nouvelle, mais elle n'a jamais
atteint cette ampleur, à part peut être les résultats de la session 2016
lorsque le taux de remplissage est tombé à 65.58% (2033 admis aux lycées
pilotes pour 3100 places disponibles). On est très loin des résultats de la
session 2008 par exemple lorsque les candidats qui remplissaient la condition
de la moyenne (15 sur vingt) étaient trois fois plus nombreux que les places
ouvertes (voir graphique ci-dessous). Il est vrai que les lycées pilotes
étaient moins nombreux à cette date (12 lycées alors qu'en 2016 et 2018 on
était à 23 lycées pilotes).
Année |
Places disponibles |
Candidats remplissant
la condition de la moyenne |
Nombre d'orientés |
Taux de remplissage |
2008 |
1958 |
6154 |
2364 |
120
% |
2016 |
3100 |
2033 |
2033 |
65.58% |
2018 |
3150 |
1364 |
1364 |
43.3% |
Mais
même en 2008, il y avait aussi un déficit limité puisqu'il n'avait touché que 4
établissements sur 12. Il s'agissait des lycées de Médenine (-84), de Gabès
(-43), de Kairouan (-37) et de Gafsa (-15),
déficit qu'on a comblé en descendant en dessous de 15 .
En
2016, le déficit a touché 20 lycées pilotes à des degrés différents ; il
variait entre moins 19 élèves au lycée pilote de Médenine et moins 113 au lycée
pilote de Jendouba. La situation est dramatique dans certains cas puisque le
nombre d’admis est si faible qu’il ne pourrait même pas constituer une classe,
ce qui est le cas des lycées pilotes de Béja, Zaghouan, Tozeur, Tataouine.
Seuls les trois lycées pilotes du grand Tunis avaient réussi à faire le
plein : 818 candidats remplissent les conditions pour 800 places dans les
4 lycées pilotes du grand Tunis. L’existence d’un nombre important de candidats
issus des collèges pilotes et des collèges privés explique cette situation, ce
qui n’est qu’une simple hypothèse. Malheureusement nous ne disposons pas de
données statistiques pour valider cette explication. Par contre, nous disposons
d’informations qui concernent les deux délégations Sfax 1 et Sfax 2 qui vont
dans ce sens. La première (Sfax 1 qui possède un collège pilote) a réussi à
envoyer 197 élèves au lycée pilote de la région alors que Sfax 2 qui n'avait
pas de collège pilote, n’a réussi à
envoyer que 23 élèves seulement.
Dans
ces cas, le déficit est comblé en descendant en de ça de la moyenne de 15 et en
ouvrant les lycées pilotes qui connaissent un déficit à des candidats provenant
d'autres régions qui n'ont pas pu avoir une place dans les lycées de leur
région.
Les
différentes positions vis-à-vis de la décision du ministre
*
soutien mitigé de la décision du ministre
C'est la position de l'association
tunisienne pour la qualité de l'enseignement (ATUQUE)
et de l'organisation tunisienne pour l'éducation et la famille (OTEF) qui ont
exprimé dans un communiqué commun publié
le 16 juillet 2018 leur soutien au ministère dans son souci de maintenir le
niveau d'exigence pour les candidats aux lycées et collèges pilotes, mais elles
appellent le ministère à prendre une mesure exceptionnelle pour racheter les
bons élèves ou pour organiser une session de rattrapage exceptionnelle au début
de septembre prochain.
* Rejet et condamnation
de la décision du ministre
La décision du
ministre a provoqué un tollé de réactions de la part des parents, des candidats
malchanceux, de l'association des parents et des élèves (ATPE). Il a appelé au mois
de juillet à baisser la moyenne pour remplir toutes les places encore non
pourvues. Des parents avaient organisé des rassemblements devant le siège du
chef du gouvernement à la Kasba. Certains ont même déposé des plaintes auprès
des tribunaux administratifs. Les verdicts rendus étaient contradictoires
puisque le tribunal de Tunis a rejeté les plaintes alors que certains tribunaux
régionaux avaient demandé la suspension des décisions du ministère qui a
profité de cette divergence pour refuser d'appliquer les jugements. Cette
position a provoqué la colère des syndicats de juges du tribunal administratif.[2]
En septembre
2018, des parents ont investi le lycée pilote de Gafsa et
le lycée pilote de Kasserine et les avaient fermer en empêchant la rentrée de
se faire et en exigeant l'inscription de leurs enfants dans le lycée.
Le syndicat de
l'enseignement secondaire s'est joint aux protestataires qualifiant la décision
du ministère d'injuste et d'inéquitable et faisant porter la responsabilité aux
épreuves mal conçues et "appelant le ministère à procéder à une
évaluation radicale et complète du déroulement de ces examens et à prendre les
mesures nécessaires pour identifier ses lacunes et trouver des moyens de les
éviter à l'avenir". Le syndicat demande "une participation
plus large des enseignantes et des enseignants et du corps des inspecteurs
pédagogiques dans l'élaboration de la
consistance des épreuves, le choix des sujets et les critères de la correction estimant qu'ils sont plus qualifiés que
d'autres pour connaitre les exigences et les normes de l'évaluation"[3].
Le syndicat feint d'ignorer que c'est exactement ce même protocole qui est
appliqué depuis des années.
Malgré toutes les pressions, le ministre
est resté ferme. Hatem Ben Salem avait affirmé que le ministère ne prendra
aucune mesure qui s’oppose aux dispositions de la circulaire[4].
Le 31 juillet 2018, à l’occasion de la célébration de la Journée du savoir dans
le gouvernorat de Kasserine, le ministre est revenu sur la question pour
préciser que le ministère de l’éducation ne reviendra pas sur sa décision,
ajoutant qu’il serait envisageable de fermer la filière des collèges et des
lycées pilotes, alors que “des parents d'élèves manifestaient en brandissant
des pancartes portant le slogan "Intégrer les lycées
pilotes n’est pas une faveur" auquel le ministre a répondu : évidemment,
ce n’est pas une faveur, on doit le mériter, il faut avoir la moyenne qui
permette d’intégrer ces écoles”.
La question n'est pas terminée, et pour éviter la
reproduction de ce type de débat à l'avenir, le ministère a publié au mois de
juillet 2019 un décret[5]
qui précise les conditions d'accès aux lycées pilotes. L'article 5 lève toute
équivoque en affirmant que " dans tous les cas,
nul ne peut être déclaré admis aux lycées pilotes s'il a obtenu une moyenne
générale inférieure à 15/20 dans l'examen d'obtention du diplôme de fin
d'études de l'enseignement de base général". Il faudrait comprendre par "dans tous les
cas" même si toutes les places ouvertes ne sont pas remplies.
Il semble que l'orage soit passé, mais nous
n'avons pas d'éléments pour savoir ce qui s'est passé après le départ du
ministre Ben Salem, mais la chose qui est sûre c'est que pour le concours
d'entrée aux collèges pilotes, le
ministère a fait un pas en arrière en modifiant l'arrêté du 29 juillet 2019[6], un
nouvel arrêté publié au mois de mai 2021[7] donne la
possibilité d'accepter "les candidats classés par ordre de mérite parmi
les premiers méritants … et ce dans la limite de la capacité d’accueil à
condition que la moyenne requise ne soit pas inférieure à 14 sur 20. (Article
16 nouveau). Cette mesure a pris effet à compter de l’année
scolaire 2020-2021.
P.S - En 2021, pour combler le déficit, le ministère a décidé de rouvrir le
site dédié aux candidatures pour rejoindre les lycées pilotes devant les élèves
qui ont déjà postulé pour une place sans
succès, ce site est resté ouvert du 1er au 31 aout 2021 .
Mongi Akrout & Abdessalam Bouzid,
Inspecteurs généraux de l'éducation retraités.
Tunis, mai 2022
Pour accéder à la version FR, clique ICI
Annexe1: Evolution de la capacité des orientés et
du taux de remplissage
|
Annexe
2
Décret gouvernemental n° 2019-656 du 29 juillet 2019, fixant les critères d'accès aux lycées pilotes. Art. 4 - Les
titulaires du diplôme de fin d'études d'enseignement de base général
candidats à l'accès aux lycées pilotes sont classés par ordre de mérite en
fonction des lycées pilotes auprès desquels ils ont présenté leurs
candidatures dans la limite de la capacité d'accueil des lycées pilotes mis
en concours. |
Annexe3
Arrêté du
ministre de l’éducation du 28 avril 2021, modifiant l’arrêté du 29 juillet
2019 fixant les critères du concours d’accès aux collèges pilotes. Article premier - Sont abrogées les dispositions de l’article 16
de l’arrêté du ministre de l’éducation du 29 juillet 2019 susvisé, et
remplacées comme suit : Article 16 (nouveau) : Sont déclarés admis les candidats ayant obtenu
au moins une moyenne générale égale à 15 sur 20 dans le concours d'accès aux
collèges pilotes. Les candidats classés par ordre de mérite parmi les premiers
méritants peuvent être déclarés admis et ce dans la limite de la capacité
d’accueil à condition que la moyenne requise ne soit pas inférieure à 14 sur
20. Art. 2 - Le présent arrêté prend effet à compter de l’année
scolaire 2020-2021. |
[1] circulaire 17-8.6-2018 du 6 février 2008
relatif à l'accès aux lycées pilotes à la rentrée scolaire 2018-2019. La circulaire a fixé 4 conditions pour avoir le droit
de rejoindre un des 26 lycées pilotes , il s'git : 1- de réussir à l'examen du
DFEBG de la session 2018 -2- avoir une moyenne générale à cet examen qui permet
au candidat d'être classé parmi les candidats admissibles dans l'un des lycées,
cette moyenne ne doit pas être inférieure à 15 sur 20 - 3- avoir moins de 16 ans le 15 septembre 2018 - 4- ne pas avoir
redoublé à l'école primaire et au collège.
[2] أعرب اتحاد القضاة الإداريين يوم 5 ديسمبر 2018 عن استيائه من تصريح وزير
التربية حاتم ين سالم أمام النواب حيث قال أن المحكمة الإدارية و
المحكمة الابتدائية بتونس العاصمة قد
رفضتا عدد من المطالب لوقف تنفيذ
القرار القاضي بعدم إلحاق تلاميذ بالمدارس الإعدادية و المعاهد النموذجية لحصولهم
على معدلات دون 15 من 20 في امتحان شهادة ختم التعليم الأساسي العام علما أن
دوائر في بعض الجهات قد حكمت بوقف التنفيذ و رفضت الوزارة تنفيذ هذه
الأحكام.
[3] http://news.tunisiatv.tn
[4] Contacter récemment ,
M. Hatem Ben Salem nous a confirmer que le ministère a maintenu sa position
jusqu'à son départ .
[5]
Décret gouvernemental n° 2019-656 du
29 juillet 2019, fixant les critères d'accès aux lycées pilotes.
[6] arrêté
du ministre de l'éducation en date du 29 juillet 2019 fixant les
critères du concours d'entrée aux collèges pilotes
[7] Arrêté du ministre de l’éducation du
28 avril 2021, modifiant l’arrêté du 29 juillet 2019 fixant les critères du
concours d’accès aux collèges pilotes.
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