Hédi Bouhouch |
Jusqu'en 1985, les instituteurs nouvellement recrutés l'étaient en tant que stagiaires, qu'ils soient d'anciens normaliens diplômés des écoles normales des instituteurs ou des institutrices ou en vertu d'une délégation provisoire. Pour être titularisés, ils doivent réussir un examen pour obtenir le certificat d'aptitude pédagogique à l'enseignement primaire. Cette pratique est très ancienne, elle remonte à l'époque du protectorat et plus précisément à l'année 1886.
Le Certificat
d’aptitude pédagogique est un diplôme hérité de l'époque du protectorat
français. Il remonte à la fin du XIXème siècle (décret de la
république française du 4 janvier 1881). A l'origine,
il visait à connaitre l'aptitude des instituteurs à diriger une école primaire
publique. Un décret paru en 1884 parle de l'institution «d'un examen
pratique facultatif destiné à constater l'aptitude à la
direction d'une école publique, qui est accessible
à tous les membres de l'enseignement primaire public ou libre». En 1886 une nouvelle loi (loi du 30 octobre 1886) le
rend obligatoire pour devenir instituteur titulaire, en stipulant que «nul
ne peut être nommé instituteur titulaire s'il n'est pourvu du
certificat d'aptitude pédagogique ». Quelques années plus tard, l'examen du
CAP a évolué pour comporter trois épreuves : une première épreuve écrite
éliminatoire suivie par une épreuve pratique et une épreuve orale pour les
admissibles.
La Tunisie indépendante a gardé la
même procédure pour titulariser les instituteurs jusqu'en 1985 lorsqu'il fut
décidé de l'abandonner.
Le blog pédagogique propose dans ce
numéro de présenter l'examen du certificat d'aptitude pédagogique à
l'enseignement primaire (CAPEP) tel qu'il était défini par l'arrêté de 1961.
L'organisation de l'examen d'après l'arrêté de 1961[1]
est une reproduction de l'organisation de l'époque du protectorat. §
les concernés par cet examen : Le décret de 1961 avait fixé les concernés par le
certificat d'aptitude pédagogique à l'enseignement primaire (CAPEP). Il
s'agit : - Des
instituteurs et des institutrices stagiaires et des instituteurs et des
institutrices intérimaires ou délégués bilingues et unilingues. - Des moniteurs et des monitrices intérimaires
(délégués) bilingues et unilingues. Combien de sessions par an ? Selon l'arrêté de 1961, l'examen du CAP «comporte
une session annuelle. L'épreuve écrite a lieu chaque année au mois de janvier[2]»,
mais depuis 1962 un amendement[3]
introduit une deuxième session (art 2) : « l'épreuve écrite se
déroule chaque année en deux sessions, les
candidats… peuvent, à leur choix, participer soit à la première soit à
la deuxième session… Il est cependant précisé que ceux qui participent à
l'épreuve écrite de la première session ne peuvent se représenter à la
deuxième que s'ils ont été ajournés à la première session et y ont obtenu la
note de 6 sur 20 au moins». Cette condition a été abandonnée par l'arrêté
de 1975[4]. Les conditions de participation : La participation à l'examen du CAP est ouverte aux
enseignants exerçant dans les écoles publiques ou dans les écoles privées[5]
sans distinction à condition que les candidats remplissent les conditions
suivantes : - Avoir vingt ans révolus au 31 décembre de l'année
de l'examen. - Etre depuis
deux ans à la disposition du SEEN au 31 décembre de l'année de l'examen et
avoir au 1er janvier de la même année au moins 120 jours de travail effectif. Pour les
candidats provenant du privé, ils doivent justifier au 1er janvier au moins deux ans d'exercice et remplir
les mêmes conditions de titres que les candidats provenant du public.(art 2 -
arrêté de 1961). Les composantes de l'examen : L'examen du CAP comprend trois épreuves : Une
épreuve écrite, une épreuve pratique et une épreuve orale (art 4, arrêté 1961).
Les normaliens détenteurs du certificat de fin de stage et les instituteurs
titulaires d'un diplôme admis en équivalence au certificat de fin de stage
des normaliens sont dispensés de l'épreuve écrite et orale (art 13, arrêté 14
octobre 1961). * L'épreuve écrite dure trois heures, elle consiste
en une dissertation en arabe ou en français au choix du candidat dont le
sujet porte sur la morale, la pédagogie ou l'éducation. Depuis la
session de 1962, les candidats se voient astreints de choisir parmi trois
sujets différents : - l'un des 3 sujets " se rapporte à un
programme limitatif d'auteurs ou de questions qui sera porté à la
connaissance des candidats deux mois avant l'examen" (art 6, arrêté
juin 1962)[6] - Un autre sujet qui diffèrera selon qu'il s'agissait
d'un candidat exerçant dans les classes du primaire ou dans des classes de
l'enseignement secondaire ou moyen. L'arrêté
de 1970[7]
a introduit des changements au niveau des sujets de l'épreuve écrite.
Désormais l'épreuve comporte deux séries de trois sujets : l'une est
destinée aux instituteurs et l'autre aux moniteurs de 1ère
catégorie, le reste est sans changement par rapport à l'arrêté de 1962 vu
plus haut. Les
copies sont évaluées par deux correcteurs, l'arrêté de 1970 a ajouté la
formule suivante : "deux correcteurs au moins séparément ", une
note entre 0 et 20 est attribuée à chaque copie. Seuls les candidats qui
obtiennent une note au moins égale à la moyenne sont autorisés à poursuivre
l'examen".
(arrêté 1961/1962) Dans le cadre de la régularisation de la situation
des enseignants intérimaires (instituteurs et moniteurs 1er
ordre), le ministère a publié un arrêté[8]
portant dérogation aux dispositions de l'arrêté du 29 mai 1970. La dérogation
permet de dispenser certains candidats de l'épreuve écrite s'ils remplissent
les conditions suivantes : 1- avoir 35 ans d'âge au 1er janvier de
l'année de l'examen. 2- avoir 10 ans d'ancienneté dans l'enseignement au
1er janvier de l'année de l'examen. 3- avoir participé sans succès à 4 sessions au moins
à l'épreuve écrite de l'examen du CAEP. Cette dérogation n'est valable que pour deux
sessions du 1er avril 1970 au 31 mars 1971. Mais la dérogation a été reconduite par l'arrêté du
9 février 1974 au profit des instituteurs intérimaires ou délégués et des
moniteurs 1ère catégorie intérimaires en exercice au 1er janvier
1973. Les nouvelles dispositions ont baissé l'exigence de l'âge (30 ans au
lieu de 35 ans) et n'ont pas limité la période de validité des mesures, ce
qui laisse supposer qu'il s'agit de mesures permanentes qui expriment le
désir du ministère d'aider les candidats qui n'ont pas pu passer l'obstacle
de l'épreuve écrite qui s'avère assez difficile pour certains enseignants.
(art 21 de l'arrête du 9 février 1974)[9]. * L'épreuve pratique : Elle se déroule en une
seule session par an et elle se passe dans la classe du candidat selon
les décrets de 1962 et 1974 (art 10) qui stipulent que «l'épreuve pratique
est subie obligatoirement dans la classe où enseigne le candidat.» Elle consiste à faire des cours devant le jury
durant deux heures au moins, pour les candidats qui enseignent au primaire.
Les cours doivent comporter une leçon de chant ou une leçon d'éducation
physique au choix du jury. Pour les candidats bilingues, les leçons doivent
comporter un cours de français. Pour les instituteurs qui enseignent le français ou
l'arabe, l'épreuve pratique doit comporter une leçon d'explication de texte. Pour les candidats exerçant au secondaire ou au
moyen, l'épreuve pratique dure aussi deux heures au moins et doit se faire
dans deux classes différentes si le candidat enseigne une seule discipline,
et s'il enseigne plus d'une discipline, les leçons doivent être choisies dans
des matières différentes. Le jury de l'examen attribue une note globale sur 20
après avoir évalué à part les leçons réalisées par le candidat. L'arrêté de
1961 n'avait pas signifié explicitement la nécessité d'obtenir au moins la
moyenne pour avoir le droit de poursuivre l'examen et passer l'épreuve orale, mais il en a fait une
condition pour déclarer admis définitivement le candidat. Ainsi l'épreuve
pratique peut être considérée comme une épreuve éliminatoire comme l'épreuve
écrite (art 10, arrêté 1961). Le législateur s'est aperçu de la lacune et l'a
rectifié avec l'arrêté de 1974 qui stipule expressément dans l'article 12 que
«nul candidat ne peut être admis à subir l'épreuve orale s'il n'a pas obtenu
la moyenne de 10/20 à l'épreuve pratique ». *
L'épreuve orale : Elle se situe juste après l'épreuve pratique.
Elle dure au moins 30 mn, depuis 1962. Son contenu diffère selon le cycle
d'enseignement (l'arrêté de 1961 avait omis de faire la distinction) : - Pour les candidats qui exercent au primaire,
l'épreuve orale comporte une interrogation sur l'administration scolaire, et
une autre sur des sujets de pédagogie pratique (organisation de la classe,
méthodes d'enseignement …) et l'appréciation d'un cahier d'élève ou d'un
cahier de roulement. - Pour les candidats exerçant dans le cycle moyen ou
secondaire, on retrouve les mêmes interrogations sauf que l'appréciation du
cahier est remplacée par "l'évaluation d'un devoir d'élève par le
candidat. (art 12 de l'arrêté de 1962 et art 13 de l'arrêté de 1974). L'épreuve pratique et l'épreuve orale sont
supervisées par une sous commission constituée de 3 membres : un inspecteur
de l'ordre d'enseignement dans lequel exerce le candidat (président), et deux
membres choisis parmi les enseignants titulaires exerçant dans le même ordre
d'enseignement. Les résultats de l'examen Une fois les épreuves terminées, la commission
propose au secrétaire d'état (la même fonction d’un ministre actuel) la liste
des candidats ayant rempli les conditions d'admission (avoir obtenu au moins
la moyenne dans les trois épreuves), après quoi, c'est le ministre qui
prononce l'admission définitive. Pour les recalés, ils ont le droit de conserver la
note de l'écrit pour la session suivante, l'arrêté de 1962 avait prolongé la
validité de la note de l'écrit pour deux sessions. Les candidats de la
session de 1960 et de 1962 ont aussi bénéficié de cette mesure. |
En conclusion,
le CAP était un passage difficile surtout pour les candidats qui passent
par l'épreuve écrite, si bien qu'un grand nombre de candidats se trouvent
recalés à chaque session et sont restés dans le statut d'intérimaires longtemps,
ce qui a poussé le ministère à prendre comme on l'a vu plus haut, des mesures
exceptionnelles en 1970 et 1974 pour les dispenser de l'épreuve écrite selon
certaines conditions.
Enfin, il faudrait remarquer que le CAP était un moyen
(malgré les réserves qu'on peut avoir) qui permet d'assurer un certain niveau
de compétences des instituteurs, chose qui a malheureusement disparu. Toutefois
nous pensons que cet abandon a ouvert la porte à certaines titularisations qui
ont fait beaucoup de tort à l'école publique. La situation semble avoir empiré
après 2011 avec le recrutement massif des bénéficiaires de l’amnistie
constitutionnelle générale qui a permis à des quinquagénaires repris de justice
de prendre en charge des enfants sans avoir reçu aucune formation.
Présentation et commentaire : Mongi Akrout &
Abdessalem Bouzid, Inspecteurs généraux de l'éducation
Tunis, mars 2022
Pour accéder à la version AR. Cliquer ICI
[1] Arrêté du SEEN du 4 JOUMADI AL AWAL 1381 (14 octobre 1961) relatif au certificat d'aptitude pédagogique de l'enseignement primaire
[2] Un
nouvel arrêté publié le 14 octobre 1961 avait rectifié la date et avait
repoussé la date de l'épreuve écrite au mois de février .
[3]
Arrêté du SEEN du 19 juin 1962 relatif à l'organisation de l'examen d'aptitude
à l'enseignement primaire.
[4]
Arrêté du SEEN du 9 février 1974 relatif
à l'organisation de l'examen d'aptitude à l'enseignement primaire
[5] Arrêté du SE à l'enseignement primaire du 14 octobre relatif à l'organisation du certificat d'aptitude pédagogique à l'enseignement primaire
[6] Arrêté du SEEN du 19juin 1962 relatif à l'organisation de l'examen d'aptitude à l'enseignement primaire.
[7] Arrêté du Ministre de l'éducation, de la jeunesse et des spots en date du 29 mai 1970 relatif à l'organisation de l'examen du certificat d'aptitude de l'enseignement primaire.
[8] Arrêté du Ministre de l'éducation , de la jeunesse et des sports du 30 mai 1970 portant dérogation aux disposition de l'arrêté du 29 mai 1970 relatif à l'organisation de l'examen d'aptitude à l'enseignement primaire.
[9] Arrêté du Ministre de l'éducation nationale du 9 février 1974 relatif à l'organisation de l'examen
d'aptitude à l'enseignement primaire.
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