I. Les
postulats de départ
Dans les milieux éducatifs, il
est communément admis que l’enseignant est le facteur déterminant de la
réussite de tout système éducatif. C’est pourquoi les orientations mondiales
insistent sur la nécessité :
- D’élever le niveau scientifique des futurs enseignants (le minimum
requis étant bac +5) ;
- D’œuvrer à la professionnalisation du métier d’enseignant, comme pour
les autres professions ;
- D’offrir aux futurs enseignants une formation initiale solide aux
futurs enseignants.
II. Ce qui est
souhaité en Tunisie
Les attentes en matière de
formation des enseignants se reflètent dans le discours officiel :
Nous commençons par la déclaration du ministre de l’Éducation, Ridha
Ferchiou, a lors de l’ouverture des Journées d’étude sur « l’école de demain »
les 4 et 5 mai 1998[1] qui a
dit ceci: « le renforcement de la formation initiale
et continue des enseignants en vue d'améliorer la qualité de l'enseignement est
un défi majeur. En effet, il est évident que les autres facteurs qui peuvent
contribuer à l'efficience d'un système éducatifs (gestion, programmes, manuels,
équipement, etc) sont sans effet si le maître
d'œuvre de l'acte éducatif, c'est à dire l'enseignant, est suffisamment formé
et insuffisamment autonome. Pour cela, nous agissons de concert avec l'enseignement
supérieur afin d'adapter le contenu des maîtrises aux besoins des enseignants
du secondaire et d'introduire une année post-maitrise de formation
professionnelle au métier d’enseignant ».
Nous pouvons connaitre les aspirations quant à la formation des enseignants
en se référant au document sur l’école de demain (2002-2007) [2],
on peut y lire ceci : « Tout système éducatif moderne repose sur la qualité
de ses ressources humaines. Aucune variable, si importante soit-elle, n’a autant d’impact
que la compétence de l’enseignant sur les performances de l’Ecole. La question
de la qualification des enseignants est cruciale. Elle se pose d’abord en
termes de profil à l’entrée : les pré-requis pour l’exercice de la fonction
sont-ils intégrés dans la formation initiale des postulants au métier ? En
d’autres termes, les futurs enseignants sont-ils préparés, d’une manière
adéquate, non seulement au plan scientifique, mais aussi au niveau pédagogique,
psychopédagogique et linguistique, à l’exercice de leur fonction ? »
Enfin, nous pouvons connaitre les
attentes du système à travers le profil de l’enseignant professionnel tel qu’il est décrit par le rapport annuel de
suivi du projet d’amélioration de la qualité du système éducatif tunisien (2006)[3],
d’après ce rapport l’enseignant professionnel est « un enseignant professionnel , cela veut dire un maître qui connait à la fois la science et
l'art de leur métier, capable de :
- construire et
de mettre en œuvre un projet pédagogique intégrant les spécificités du contexte
où ils évoluent,
- planifier,
d'évaluer, de gérer des situations pédagogiques diverses, de donner aux élèves
le goût d'apprendre,
-
réguler leur enseignement à la lumière des
diagnostics fréquent qu'ils
effectuent… ».
III. La réalité
en Tunisie
Les objectifs du projet « École
de demain » ont-ils été atteints ? Est-ce que l’enseignant tunisien est devenu bien formé et professionnel ?
Le même rapport de suivi de 2006 répond par la négative, en affirmant «qu’il
est difficile d’affirmer que nous disposons aujourd’hui d’enseignants véritablement professionnels ce qui ne
signifie pas pour autant qu’ils n’aient, dans leur majorité , les
compétences et les qualifications requises pour de leur métier. »[4]
1-
La situation à l’école primaire
« En 2006, la composition du
corps des enseignants du primaire était la suivante :
- 35,8 % : des normaliens
- 21,5 % : des diplômés des Instituts supérieurs de formation des
enseignants,( ISFM)
- 36,5 % : des bacheliers,
- 0,2 % : titulaires de la maîtrise,
- 0,8 % : niveau inférieur au bac.
Cette hétérogénéité des profils a
produit des écarts de formation et donc d’efficacité pédagogique, notamment
dans l’enseignement des langues (surtout le français) et des sciences (particulièrement
les mathématiques). Cela s’est répercuté
sur le niveau des acquis des élèves comme l’ont montré les évaluations internationales
et les résultats des élèves des collèges
dès la 7ème année.
Même les instituts supérieurs de
formation des maitres ( ISFM), créés en 1991 pour remplacer les anciennes
écoles normales n’ont pas amélioré la qualité des maitres. Différentes évaluations ont montré les limites de la formation assurée
par les ISFM [5], de
plus, ils ne répondaient plus aux normes internationales qui exigent que la
formations des enseignants du primaire devrait être au moins au niveau bac plus
3 (formation générale) et une 4ème année pour la formation
professionnelle.
En 2007, le ministère
de l’éducation décida de les fermer et créa à la
place les Instituts des Métiers de l’Éducation. Ces nouvelles
institutions avaient nourries beaucoup d’espoirs, le pays s’est doté
d’établissements aux normes internationales, ils recrutaient des étudiants qui ont au moins le niveau de la
licence pour suivre une formation de 2 ans, au final les futurs diplômés auront le niveau bac+5. Mais les débuts
furent en deçà des espoirs ; le nombre de diplômés était insuffisant, la
formation professionnelle ne durait que
2 à 5 mois, (au lieu de deux ans prévus), Le profil des candidats manquait de
diversité (dominance féminine) , la moyenne d’âge élevée, une prédominance des
littéraires (environ les ¾) –voir le
tableau suivant :
Exemple de la session de janvier
2008 :
Spécialité |
Arabe |
Français |
Anglais |
Physique |
SVT |
Maths |
Nombre de reçus |
123 |
128 |
127 |
10 |
116 |
0 |
Pourcentage |
24,4% |
25,4% |
25,2% |
1,9% |
23% |
0% |
Face au nombre réduit des diplômés
des trois l’IME le ministère a dû
recourir à des suppléants et des contractuels qui n’ont pas eu une formation au préalable,
ce qui a aggravé la situation.
b.
L’enseignement secondaire :
La situation n’est guère
meilleure, il n’existe pas d’institutions dédiées à la formation d’enseignants depuis la
fermeture de l’école normale des professeurs adjoints (ENPA) et l’école normale des professeurs
d’enseignement technique (ENSET) .
Depuis
1999, le ministère avait instauré le concours d’aptitude à l’enseignement
secondaire pour recruter les enseignants des collèges et des lycées parmi les
diplômés des différentes institutions universitaires, mais dix ans plus tard,
le bilan est mitigé, pour diverses
raisons :
-
D’une part les capésiens ne reçoivent qu’une formation
professionnelle superficielle et très insuffisante ( assurée par les inspecteur
dans les régions, sans un programme national bien réfléchi)..
-
D’autre part les postes ouverts à chaque
concours sont toujours en deçà des besoins, ce qui oblige le ministère à
recourir à des auxiliaires (dont le profil n’est pas différent de celui qui
réussissent le CAPES).
La situation s’est détériorée , depuis 2009, suite à une mesure populiste,
quand le conseil des ministres a décidé, suite à l’arrivée des premières
promotions du système LMD, d’ouv rir le concours
aux titulaires de la licence (bac +3), ce qui constitue une régression en
matière d’exigences académiques, c’est-à-dire les futurs enseignants du
primaire seront plus diplômés que les futurs enseignants du secondaire.
4. Les
tendances mondiales
a. Cadre
institutionnel :
Les institutions de formation des
enseignants relèvent généralement de l’enseignement supérieur. Certains pays
ont des institutions spécialisées, d’autres non.
b. Contenu de
la formation :
Le profil de l’enseignant
professionnel exige :
- Une connaissance approfondie de sa discipline,
- Des compétences en sciences de l’éducation (psychologie, didactique,
évaluation…),
- Des aptitudes à la communication, à la recherche et à
l’auto-évaluation.
c. Organisation
des études :
Deux grands modèles existent :
- Modèle parallèle : l’étudiant suit en
parallèle la formation théorique et la formation pratique, c’est le modèle
en usage dans la plupart des pays européens sauf la France et l’Angleterre;
- Modèle successif : en premier
l’étudiant suit une formation
théorique suivie par une formation professionnelle.
Configurations des études ;
- Master en métiers de l’éducation dans une même institution,
- Master disciplinaire et master en sciences de l’éducation dans deux
institutions séparées.
- Licence disciplinaire puis master en sciences de l’éducation.
d. Durée de la
formation pour accéder au poste d’enseignant :
- Pour le primaire : la durée de la formation dans les pays européens varie entre 3 et 5 ans après le bac (7 pays
européens exigent 5 ans, 8 pays : 3 ans).
- Pour le secondaire : : la durée de la
formation dans les pays européens varie entre 4 et 5 ans après le bac (dans 7 pays
la formation dure 5 ans, et elle
est de 4 ans dans 8 pays ).
e. Part de la
formation pratique :
- Pour le primaire, la formation professionnelle varie beaucoup selon les pays (entre 13 % et 70 % de la formation)
- Pour les enseignants des Collèges, la formation pratique prend entre 9,1 % et 58,3 % du contenu de la
formation.
- Enfin, pour les professeurs de lycée, la formation pratique prend entre 14 % et 30 % du programme de la
formationj
Hédi Bouhouch &Mongi
Akrout, inspecteurs généraux de l’éducation.
Tunis, février 2010
Pour voir la version ARABE, cliquer ICI.
[1] Actes des journées d’études sur
l’éciole de demain – Tunis 4&5 mai 1998.
Ridha Ferchiou.
Ecole de demain : état de la réflexion en Tunisie et expériences
étrangères.
[2] Vers l’instauration de la société du savoir, LA NOUVELLE REFORME DU SYSTEME EDUCATIF TUNISIEN Programme pour la mise en œuvre du projet " Ecole de demain " ( 2002 – 2007 )
[3] R.T – MEF – PROJET d’amélioration de la qualité du système éducatif tunisien ( PAQSET) – Rapport annuel de suivi – juillet 200
[4] Op.cit.
[5] R.T – MEF – PROJET d’amélioration de la qualité du système éducatif tunisien ( PAQSET) – Rapport annuel de suivi – juillet 2006
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