En
reconnaissance au travail accompli par la génération qui a mis en place les
fondements de l’école de l’indépendance
Présentation
En
1967 , c'est-à-dire , environ dix ans après la promulgation de la loi de l’enseignement de 1958 et le démarrage du plan décennal de l’enseignement, le gouvernement décida de
procéder à une grande opération d’évaluation de la première réforme scolaire
après l’indépendance ; le 17 janvier 1967, une commission de
l’enseignement est constituée pour cette
mission ; il s’agit d’une commission qui fait partie de la commission des
études socialistes affilées au parti socialiste destourien qui dirigeait le
pays depuis l’indépendance.
La
mission confiée à cette commission consistait à procéder à une évaluation
systématique de la situation de l’enseignement en Tunisie, et à présenter des
propositions pour améliorer le système.
La
commission fut scindée en trois sous commissions, une pour l’enseignement primaire,
une deuxième pour l’enseignement secondaire et une dernière pour l’enseignement
supérieur ; la présidence de la commission fut attribuée à
Ahmed Ben Salah, secrétaire général adjoint du parti et le super - secrétaire
d’état à cette époque.
Le
président de la république, lui-même, a présidé le démarrage des travaux de la commission, le 31
janvier 1967[2],
et il l’avait rencontrée un mois plus tard, pour faire une mise au point sur le
déroulement de ses travaux[3].
Huit mois et demi plus tard, (le 18 septembre 1967), le rapport de la sous-
commission de l’enseignement secondaire est rendu public par voie de presse,
après sa publication par le journal du parti, L’action.
Le 18 septembre 2015, nous fêtons le 48ème
anniversaire de ce document sur l’école tunisienne ; nous avons voulu le
publier intégralement, avec quelques annotations et quelques commentaires, à un
moment où le débat sur la réforme du système éducatif bat son plein.
« La commission nationale sur l’enseignement, ayant étudié
la situation actuelle de l’enseignement secondaire et ce qu’elle devrait être dans
l’avenir, a dégagé certains principes généraux qui l’ont amenée à formuler une
série de propositions.
Elle tient, tout d’abord, à confirmer les objectifs suivants
définis par la loi du 4 novembre 1958, relative à l’enseignement secondaire.
1) assurer aux jeunes une formation et une culture générale capable
de révéler leur personnalité par le développement de leurs facultés
intellectuelles et pratiques, selon des méthodes judicieusement élaborées.
2)
Former
des cadres moyens techniques ou non spécialisés nécessaires à tous les secteurs
d’activité de la nation.
3)
Découvrir
les sujets doués et aptes aux études supérieures, et développer leurs aptitudes
en vue d’en faire des cadres supérieurs pour le pays.
Il s’est révélé que l’enseignement
secondaire, conçu pour former des cadres moyens de tous ordres, est destiné,
dans le même temps, à dégager les futurs cadres supérieurs, en les préparant à
l’accès des études supérieures. D’ une façon générale, l’enseignement secondaire
ouvre la voie aux échelons les plus élevés, à tous ceux qui s’y adonnent,
quelque soit la discipline ou la spécialité qu’ils pratiquent.
La commission
confirme également les objectifs suivants de l’enseignement secondaire :
1)
Inculquer
à notre jeunesse une culture authentiquement tunisienne ;
2)
Pratiquer
cet enseignement selon des programmes et des méthodes adaptés à l’évolution
scientifique du monde moderne qui est en progrès constant ;
3)
Répondre, dans la formation des cadres, aux exigences des plans de développements
nationaux, dans leurs lignes directrices.
A la lumière des
principes ainsi définis, et en tenant compte des objectifs assignés à
l’enseignement secondaire, la commission, après études et discussions, a abouti
à la conclusion essentielle suivante : « Nécessité d’unifier
l’enseignement secondaire :
1)
En
l’assujettissant à une même autorité administrative et aux mêmes méthodes
pédagogiques ;
2)
En
le dotant de structures identiques.
Unité de
l’autorité administrative
Un examen rapide de
la situation actuelle permet de constater la grande diversité des établissements
secondaires. En outre, ils relèvent de départements différents : les uns
dépendent du secrétariat d’état à l’éducation nationale, les autres du
secrétariat d’état à l’agriculture, sans compter les écoles spécialisées
relevant du secrétariat d’état à la santé publique.
En plus de cette dispersion,
la commission a constaté que, dans l’ensemble, l’enseignement secondaire s’est
développé et a évolué aux dépens de l’enseignement technique et agricole, pour
différentes raisons qui ont été évoquées et analysées par ses soins.
Pour pallier les inconvénients d’une telle situation, et
prévenir les conséquences fâcheuses qu’elle peut entraîner, psychologiquement
et socialement, dans le but aussi d’unifier notre enseignement secondaire et
lui permettre d’évoluer simultanément dans toutes les disciplines qu’il
comporte, la commission propose de l’assujettir à une même autorité
administrative et aux mêmes méthodes pédagogiques. Elle se prononce pour le
rattachement des établissements de l’enseignement secondaire au secrétariat
d’état à l’éducation nationale, à l’exclusion des écoles de la santé publique
pour lesquelles le statu- quo doit être maintenu pour des raisons techniques
particulières.
commentaire
il semble, d’après cette
option, que la commission n’avait pas l’intention de changer, ni l’esprit de l’enseignement
secondaire, ni ses objectifs; tout au plus, elle voulait changer sa structure;
quant à l’unité de l’unification de l’unité administrative, il s’agit de regrouper l’enseignement secondaire sous
la même autorité administrative et pédagogique.
|
L’unité de structure
La commission est
également d’avis qu’il est nécessaire d’unifier les étapes, les cycles et les
sections de cet enseignement, pour éviter la disparité qui affecte ses
structures dans leurs formes actuelles.
Considérant que l’organisation
actuelle de l’enseignement secondaire comporte un horaire hebdomadaire rendant
compte de programmes surchargés, et dans le but d’assurer aux élèves une
maturité d’esprit plus grande , et de confirmer leur aptitude à affronter avec succès les
études supérieures, la commission estime qu’il y a lieu d’étaler sur sept ans
les études secondaires prévues actuellement pour six ans.
L’expérience a montré
que l’orientation scolaire était une mesure valable et indispensable, la
commission estime, cependant, que cette orientation doit jouer un rôle actif,
en stimulant les aptitudes et les énergies, et non en prenant acte de ces
aptitudes pour s’en servir comme références dans la répartition des élèves sur
les différentes sections, compte tenu des besoins du pays en cadres.
En se basant sur les résultats auxquelles a abouti la méthode
actuelle pratiquée en matière d’orientation, la commission propose de procéder
à la première orientation, à la fin de la troisième année au lieu de la 1ère,
et la seconde orientation à la fin de la 4ème année, au lieu de la 3ème.
commentaire
la première orientation avait lieu à la fin de la 1ère
année ( année de l’orientation) vers l’une
des filière de l’enseignement secondaire: ( général, technique ou économique)
; le seconde orientation se faisait à la fin de la 3ème année ( qui correspond à l’actuelle 9ème
année), vers l’une des sections de l’enseignement
secondaire[5].
|
La commission est
d’avis de maintenir les deux cycles existants de l’enseignement secondaire et
qui constituent le premier et le deuxième cycle.
a)
Premier cycle
Ce premier cycle est
un tronc unique pour tous les élèves des différentes sections de l’enseignement
secondaire ; son objectif est de donner à l’enfant, issu de l’enseignement
primaire, une formation de base solide et de l’habituer à fournir un effort
diversifié et équilibré. Ainsi, sont suscités et découverts ses dons naturels
qui serviront de base pour déterminer son orientation vers les différentes
sections du deuxième cycle de l’enseignement secondaire.
Dans le but de doter
les élèves de ce cycle d’un esprit scientifique pratique et technique, la commission propose d'accorder à l'enseignement scientifique pratique et technique la place
qui lui convient dans les études que comporte ce cycle.
b)
Deuxième
cycle
Ce deuxième cycle
comporte un enseignement basé essentiellement sur les aptitudes des élèves et
se répartit de ce fait en quatre sections :
1)
Section
générale.
2)
Section
technique.
3)
Section
agricole.
4)
Section
économique.
On peut envisager l’octroi d’un diplôme d’aptitude
à la fin de la première année de ce cycle.
Les méthodes
d’enseignement pratiquées par le Secrétariat d’Etat aux Affaires Sociales, dans
les centres d’apprentissage et de formation professionnelle, peuvent être
adoptées au cours de cette première année, notamment dans les sections
techniques, économiques et agricoles.
La commission
souligne la nécessité de faire ramifier ces quatre sections, à la fin de la 1ère
année du 2 éme cycle, selon les spécialités vers lesquelles
seront orientés les élèves, dans le cadre de la deuxième étape d’orientation.
Ainsi les études au cours des trois dernières années du « secondaire » seront
centrées, plus particulièrement, sur les matières de la spécialité choisie ;
la formation générale étant commune à toutes les sections.
L’un des objectifs de
l’enseignement secondaire étant de découvrir les sujets doués pour les études
supérieures, et de développer leurs aptitudes en vue d’en faire des cadres
supérieurs de la nation, il a été décidé de définir dans le rapport relatif à
l’Université, les conditions d’accès à l’enseignement supérieur.
C’est dans cet esprit
que la commission propose de remplacer les classes dites « normales »,
de la section générale actuelle, par des classes qui seront appelées
« pédagogiques », et cela tout en tenant compte des décisions prises
par la commission dans son étude relative à l’enseignement primaire.
commentaire
cette
formule proposée visait à orienter l’élite vers les établissements de
formation des enseignants du primaire; après l’obtention du baccalauréat, les lauréats poursuivront leurs études
supérieures à l’école normale supérieure, ou l’école normale des professeurs
adjoints; les autres seront recrutés pour enseigner au primaire, la
commission pense, qu’avec cette formule, il y aurait une harmonisation de la
formation des enseignants travaillant
dans les différents degrés.
|
La commission propose
également que les cadres de base dans les domaines agricole, industriel et
commercial, soient formés par un enseignement secondaire professionnel d’une
durée de quatre ans. Elle insiste sur la nécessité de définir les conditions d’accès
à cet enseignement qui sera dispensé dans des établissements annexés aux
établissements secondaires. Les plus méritants des élèves de cet enseignement
doivent pouvoir être admis au 2e cycle du « secondaire ».
commentaire
il semble que cette
nouvelle filière de l’enseignement secondaire
professionnelle est conçue pour se substituer à l’enseignement moyen, sans l’annoncer
d’une façon explicite. Cette proposition nous rappelle l’enseignement technique
de l’époque du protectorat, et qui a
été remplacé par l’enseignement moyen, avec la réforme de 1958.
|
Cette nouvelle
formule d’un enseignement secondaire que la Commission veut dynamique et propre
à orienter valablement les élèves, selon des données rationnelles, implique que
les élèves soient méthodiquement suivis tout au long de leurs études
secondaires, et que les résultats de leur travail soient examinés tous les ans, surtout après
leur accès au deuxième cycle.
c)
Formation des ouvriers qualifiés
La commission estime
que le Secrétariat d’Etat aux affaires Sociales doit se consacrer spécialement
à la formation des ouvriers qualifiés et des spécialistes dans les centres
d’apprentissage et de formation professionnelle.
d)
Les programmes, la langue d’enseignement et les livres scolaires
La révision des
programmes de l’enseignement secondaire est un travail technique qui doit être
confié à une commission spécialisée œuvrant dans le cadre du secrétariat d’état
à l’éducation nationale, et ayant pour mission de répartir, sur sept ans, les
matières des programmes actuellement réparties sur six ans.
Toutefois, la
commission estime que cette tâche peut être du ressort de l’organisme permanent
chargé des études pédagogiques, et dont la création a été suggérée par notre
commission.
Quant aux livres scolaires,
il importe de faire procéder à leur révision, à la lumière des réformes
envisagées, et portant sur les structures et les programmes de l’enseignement
secondaire.
La commission propose
aussi que le secrétariat d’état à l’éducation nationale mette, dès maintenant,
à l’étude, le problème de l’arabisation de l’enseignement secondaire, et
qu’elle conçoive, pour le résoudre, une orientation nouvelle inspirée des
principes qui ont été à l’origine de la section A. Pour atteindre cet objectif,
la commission propose qu’un plan précis soit établi, et qu’une action rapide
soit entreprise pour former, dans le présent et l’avenir, les professeurs de l’enseignement
secondaire, sur la base des principes définis par le présent rapport.
e)
Les professeurs de l’enseignement secondaire
Les propositions
présentées par la commission ne sauraient être considérées avec succès,
c'est-à-dire qu’il ne peut être question d’instituer un enseignement secondaire
moderne et dynamique, que si les cadres de cet enseignement sont à la mesure de
leurs responsabilités. Aussi, la formation de ces cadres nécessite-t-elle une
attention soutenue, et une conception nouvelle des écoles normales et de
professeurs adjoints. Ce sujet sera évoqué et examiné par la commission, quand elle
aura à étudier la question de l’université.
Conclusion
Telles sont les
conclusions auxquelles a abouti la commission. Se basant sur l’expérience des
neufs dernières années, elle entend confirmer les objectifs essentiels définis
par la loi de 1958. Elle recommande instamment l’unité de direction et de
structure de l’enseignement secondaire. Ainsi, cet enseignement pourrait se
développer et évoluer de façon que ses programmes et ses différentes sections soient
adaptés, à la fois, aux aptitudes individuelles et aux besoins du pays.
En insistant sur la
nécessité de procéder à cette unification, la commission formule l’espoir que
tout soit mis en œuvre pour surmonter tous les obstacles susceptibles d’entraver
cette opération ; c’est à ce prix que l’enseignement secondaire pourra se
développer et évoluer d’une manière uniforme dans toutes les sections.
En présentant ces suggestions,
la commission est essentiellement animée par un souci de justice. Elle tient, à
ce que des chances égales soient offertes à tous les élèves issus de
l’enseignement primaire. Elle entend ainsi participer à une œuvre de promotion
humaine, qui mettra nos cadres , à quelques niveau où ils se situent, à
l’avant-garde de la révolution que nous poursuivons, pour assoir sur des bases
solides, notre civilisation , toujours accessible au progrès et ouverte à tous
les courants de la pensée et de la culture humaine.
Source :Annuaire
de l’Afrique du Nord, VI - 1967, Edition du centre national de la recherche scientifique,
Paris, pp 948- 951.
Hédi Bouhouch & Mongi Akrout, Inspecteurs
généraux de l’éducation
Tunis , septembre 2015.
[1] Nous avons utilisé la copie du rapport publiée par l’Annuaire de l’Afrique du Nord, volume 6, 1967,
éditions du centre national de la recherche scientifique, 1977.
[3] L’Action a publié le discours dans son
numéro du 3 mars 1967.
[4] Nous avons utilisé la copie du rapport publiée par l’Annuaire de l’Afrique du Nord, Volume 6, 1967,
Editions du centre national de la recherche scientifique, 1977.
[5]
Pour plus de détails sur la question
de l’orientation, on peut consulter l’ouvrage de Mahmoud Messadi « notre
renaissance éducatif depuis l’indépendance » 1963 , pp 154-181 ( la
partie documents et annexes) les données concernant les sections se trouvent à
la page 175.
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