En
mai 1962, une Ecole Normale des Professeurs Adjoints ( ENPA) voit le jour à Tunis pour contribuer , avec
l’Ecole Normale Supérieure et les Ecoles Normales des Instituteurs et des Instructrices,
à la formation des enseignants nécessaires à l’éducation nationale, suite à la
réforme de l’enseignement promulguée par la Loi de 1958[1].
I. Des institutions de formation adaptées aux finalités
prévues.
La première
réforme de l'enseignement a donné
une nouvelle vision pour la mission et les finalités de l'éducation et de
l'enseignement, en outre elle a mis en place
une structure composée de trois cycles complémentaires et interdépendants, et elle a conçu des programmes qui font la synthèse entre
les sciences et la technologie, et les langues et les contenus
renouvelés de la culture nationale, des
programmes qui accordent à la langue
arabe et la littérature arabe et l'histoire de la civilisation arabo-musulmane une place importante .
Or
la concrétisation de tous ces choix nécessite des structures bien adaptées
et des enseignants bien formés.
1.
L’enseignement
est la voie du progrès
Au
lendemain de l'indépendance, le pays manquait cruellement de cadres à tous les
niveaux, les responsables politiques étaient conscients que cette pénurie
menace les plans de développement économique qu’ils ont conçu. C’est la raison
qui les a poussés à investir dans l’enseignement, afin de répondre aux besoins
les plus pressants du pays.
C’est
à partir de ces choix qu’on pourrait
saisir l'intention des législateurs
lorsqu'ils avaient inclus dans le
premier chapitre de la première loi de
l’enseignement (les
principes généraux ) , que «l’éducation et l’instruction ont pour but … de
former les cadres nécessaires au développement de l'activité nationale dans ses divers
aspects" (art4) , ou quand ils mettaient dans les finalités de
l'enseignement supérieur, «la formation
des cadres supérieurs, scientifiques, techniques et non techniques,
nécessaires à la vie de la nation, et notamment celle des maîtres du second degré, et de faire
bénéficier à l'enseignement à ses divers degrés des progrès de la science et
des connaissances[2].
" (art 25) ; ou quand ils intégraient dans les
finalités de l’enseignement du second degré ( ou l’enseignement
secondaire) « la formation de
cadres moyens techniques et non-techniques, nécessaires aux différentes
branches d'activité de la nation »[3].
" et quand ils fixaient, comme objectif principal, pour l’option économique
de l'enseignement secondaire
la "formation de cadres
moyens économiques[4]
...», et pour l’option secondaire
technique «la formation d’agents techniques et techniciens moyens, et des
cadres de maitrise »[5]
2. Concentrer les efforts sur l’enseignement moyen ou le
cycle court
Selon
la nouvelle structure de l'enseignement mise en place par la loi de 1958,
l'enseignement moyen faisait partie de l'enseignement du second degré ou secondaire, cet
enseignement se caractérise par des objectifs spécifiques ; en effet son but
était de " donner aux enfants
ayant terminé leurs études primaires un complément de formation générale …,et
les préparer , par un développement harmonieux et adapté de leurs facultés
intellectuelles et pratiques à
l’exercice d’une activité professionnelle.[6]"
Donc
c’est à l’enseignement moyen qu’incombe la mission d’assurer la formation des
cadres de bases pour de l'économie nationale.
C’est
un cycle court, de trois années, qui peut être prolongé d’une quatrième année
pour les sections commerciales et industrielles, pour donner à certains élèves
« une formation professionnelle qualifiée[7] »
L’enseignement
moyen comporte trois sections : une section générale, une section commerciale, et une section industrielle ; les études sont
sanctionnées par un diplôme national appelé "brevet de
l’enseignement moyen».
L’état
a concentré ses efforts au cours de la première décennie sur
cet enseignement qui permettaient
d’alimenter le marché de l’emploi de cadres moyens dans un délai relativement
court, c’est une sorte de formation accélérée pour des enfants relativement
âgés ( les élèves, âgés de plus de 14 ans
qui réussissaient le concours d’entrée en première année de l’enseignement
secondaire, sont orientés vers l’enseignement moyen, ( en 1968 l’enseignement
moyen est abandonné et remplacé par l’enseignement professionnel en 1970).
3.
Le
plan national pour la qualification des cadres
Le
plan de développement décennal
(1962/1971) avait estimé les
besoins à 6500[8] nouveaux
enseignants dont 5200 pour les disciplines d’enseignement général et technique,
or si l’on sait que la jeune université
tunisienne ne pouvait fournir qu’environ 1100 enseignants , et les diplômés
tunisiens des universités étrangères
tournaient autour de 1500, le déficit serait autour de 2600 enseignants, pour le
combler le Ministère de l'éducation avait mis en place un plan en trois étapes:
-
La première
s’étend de 1962 à 1966 au cours de laquelle le ministère va recourir aux
contractuels ou aux coopérants étrangers.
-
La seconde de
1966-1971, l’école normale supérieure et l’ENPA fourniraient
les enseignants pour remplacer les étrangers.
-
La troisième
débute en 1971 où il était prévu que l’afflux de nouveaux bacheliers en nombre important
permettrait au bout de quatre années, de mettre sur le
marché un nombre suffisant d’enseignants pour l’enseignement secondaire[9].
II.
l'école
Normale des professeurs adjoints : institution de formation
1.
Une
construction progressive
Quelques
années après l’indépendance, la politique de scolarisation avait
généré des besoins de plus en plus élevés en enseignants, le pays avait
opté pour la formation de cadres nationaux, c’est ainsi qu’en mai 1958 les autorités avait procédé à la
transformation d’une ancienne
école normale d’apprentissage qui formait les instituteurs pour les
centres de formation en une école normale d’instituteurs pour former des
enseignants des collèges moyens .
Au
mois de mai 1962, cette institution devient l’école normale des professeurs
adjoints, un décret institua le nouvel établissement dans les termes
suivants : " est créée à
Tunis un institut d'enseignement
supérieur, appelé « Ecole
Normale des professeurs adjoints[10]
... ", la loi de finances de 1963
avait défini son statut (art15), il s’agit « d’un établissement public ,
relevant du Secrétariat d'Etat à
l'éducation nationale ,doté de la personnalité civile et de l'autonomie
financière et d’un budget rattaché pour ordre au budget de l'Etat »[11] d’ailleurs
pour l’année 1963 le budget alloué à l’ENPA était supérieur à celui de
l’ENS ( 181760 D contre 139140 D).
2.
Les
objectifs de l’ENPA ont évolué en fonction de l’évolution des
besoins du pays
Les
objectifs de l'école avaient connu une évolution entre 1962 et 1965, dans le
sens d'une consolidation et d’un élargissement de ses prérogatives .
a.
Les
objectifs de l'ENPA lors de sa création
en 1962
Le
premier article du décret fondateur
avait défini la mission de l’école dans les termes suivants : « l'école
a pour but la formation générale, technique, pratique et pédagogique des professeurs adjoints d’enseignement général, commercial et technique des collèges moyens et des collèges
secondaires du premier cycle »
Le décret
a fixé d’une manière très claire :
- Le titre des
diplômés de l’école , ce sont des professeurs adjoints,
- Les spécialités des
formés ,
- La configuration
de la formation assurée par l’école ,
qui regroupe quatre composantes
principales : c’est une formation qui se veut en même temps généraliste
et spécialisée mais aussi une formation
, pratique, et pédagogique.
D'autre
part, l’arrêté d’organisation a défini
la mission de l'école dans les termes comme suit: « La mission de l’école
normale des professeurs adjoints
consiste à recruter et former le personnel destiné à enseigner dans les
collèges moyens et si nécessaire dans
les classes du 1° cycle l'école
secondaire, en qualité de professeurs adjoints ; l’école est aussi un
Centre d'études et de recherche pédagogique"[12]
L’ENPA
était donc une école de formation des enseignants et aussi un centre de recherche en éducation
et en pédagogique, cette conception peut être considérée comme une conception en
avance sur son temps.
a.
L’évolution de la mission de l'école en 1965 pour former
des professeurs titulaires du certificat
d’aptitude
Il
semble que les besoins de plus en plus pressants de professeurs pour assurer
les enseignements dans les classes du deuxième cycle des lycées (le nombre des diplômés de l’ENS est resté
très en dessous des besoins aussi bien en nombre qu’en spécialité) avaient poussé le ministère à revoir la
mission de l’ENPA pour lui confier une autre tâche, en plus des anciennes
tâches, l’école est habilitée à
organiser « en cas de besoin,… un deuxième cycle d’études supérieures
ayant pour but la formation générale, technique, pratique et pédagogique de
professeurs certifiés d'enseignement public, pour … les établissements
d'enseignement général, commercial, économique et technique[13] »
Dans
le premier article de l’arrêté qui a
réorganisé l’école en 1965[14]
, nous trouvons davantage de précisions, le nouvel arrêté a
conservé le premier paragraphe
de l’ancien texte et a ajouté un nouveau paragraphe, qui dit qu’au «cas
échéant, l'école peut, recruter le
personnel destiné à enseigner dans les lycées et collèges secondaires, et les
écoles normales des instituteurs et des institutrices en qualité de professeurs
certifiés ».
Dès
le mois de mai de la même année, un nouvel arrêté créa les différentes spécialités prévues au deuxième cycle, il s’agissait des
lettres française, des sciences naturelles et de la comptabilité et des
mathématiques financières, ces trois spécialités devraient démarrer à partir de
l'année scolaire 64/65[15],
l’année suivante deux autres spécialités furent créées[16]
il s’agit des lettres arabes et la
construction mécanique.
Ainsi
cette institution qui démarra comme une
simple école d’enseignement moyen se
retrouve au bout de son aventure comme une
institution, qui combine la formation académique dans plusieurs spécialités et la formation pédagogique
professionnelle, pour former le
personnel enseignant des deux cycles: les professeurs adjoints
pour les collèges et le premier cycle des lycées , et
des professeurs certifiés pour l'enseignement secondaire et les écoles normales
des instituteurs et des institutrices .
3.
Le
régime des études : une synthèse entre le monde académique et pédagogique
a.
Au début (1962)
: les études duraient deux ans mais elles peuvent être prolongées d’une
troisième année :
- La première
année est consacrée à la formation générale en relation avec les disciplines
que l’élève va devoir enseigner après les études
et à une formation professionnelle théorique
en psychologie de l'éducation,
- La deuxième
année se concentre sur la formation générale académique dans la spécialité ou
les spécialités et une formation pratique dans les classes.[17]
b.
Depuis la réorganisation
de l'école en 1965 et l’introduction d’un deuxième cycle d'études supérieures, la durée des études passe à quatre ans,
réparties comme suit:
- Le premier
cycle de deux ans (qui peut être
prolongé d'une année) il ne diffère
guère de ce qui existait depuis (1962),
l’organisation des études de ce cycle est du ressort du directeur de l’école .
- Et un second
cycle de deux ans, (peut être
prolongé d'une année aussi[18]) :
L’arrêté de réorganisation de l’école de 1965, dans le deuxième alinéa de
l’article 36 a fixé le programme de
formation au cours du deuxième cycle , en précisant que la décision concernant
ce programme fait partie des attributions
du président de l'université et non de celles du directeur de l’école , au
cours du second cycle : « les étudiants reçoivent
une formation générale plus
approfondie dans une discipline
ou plus qu’ils seront appelés à enseigner plus tard et une formation
pédagogique et psychopédagogique pratique se rapportant aux classes du deuxième cycle des lycées et collèges secondaires
».
Ainsi
, le deuxième cycle est un cycle
d’approfondissement des acquis
du premier cycle , et de « spécialisation » en pédagogie adaptée aux élèves du deuxième cycle de l'enseignement secondaire, qui sont à l’âge de l’ adolescence.
4.
Les
différentes sections et les spécialités
L'école
a commencé avec trois sections ou spécialités : la section générale, la
section industrielle, et la section commerciale, ces trois sections sont
restées présentes tout le long de l’histoire de l’ENPA, même si chacune avait
connu des changements plus ou moins importants dans les différentes spécialités
ou sous sections comme l’illustre le tableau suivant :
Tableau
1 : évolution des sections du premier cycle [19]
année
|
section générale
|
section industrielle
|
section commerciale
|
1962
|
lettres arabes et
histoire géographie
|
dessin industriel
|
enseignement
commercial
|
lettres arabe et
instruction civique et religieuse .
|
fabrication mécanique
|
||
lettres françaises
|
électronique
|
||
lettres anglaises
|
|||
mathématiques
|
|||
sciences
|
année
|
section générale
|
section industrielle
|
section commerciale
|
1965
|
lettres arabes et
histoire géographie
|
dessin industriel
|
comptabilité et
mathématiques financière
|
lettres arabe et
instruction civique et religieuse .
|
fabrication mécanique
|
comptabilité ,
économie et droit
|
|
lettres françaises
|
électricité
|
sténo dactylographie
et correspondances commerciales
|
|
lettres anglaises
|
|||
mathématiques et sciences
physiques
|
|||
sciences physiques et mathématiques
|
|||
sciences naturelles
et mathématiques
|
année
|
section générale
|
section industrielle
|
section commerciale
|
1967
|
lettres arabes
|
dessin industriel
|
comptabilité et
mathématiques financière
|
lettres arabe et
instruction civique et religieuse .
|
fabrication mécanique
|
comptabilité -sténo dactylographie
|
|
lettres françaises
|
électricité
|
||
lettres anglaises
|
|||
mathématiques et
physiques
|
|||
sciences physiques
|
|||
sciences naturelles
|
Le
tableau précédent montre deux faits importants :
§ La stabilité de la section générale et la section industrielle quant
aux nombre de spécialités, sept spécialités pour la première (quatre en langues
et sciences humaines, et trois d'entre pour les sciences) et trois spécialités pour la deuxième, avec
parfois des dénominations légèrement modifiées.
§ Alors que la
section commerciale a vu ses spécialités
se réduire à deux en 1967, elle comportait en 1965 trois spécialités.
Quand
la structure de l'école a changé dès 1965
avec la création du deuxième cycle des études supérieures, une nouvelle
liste des sections est établie qui
renferme 12 spécialités réparties toujours entre trois sections, remarquons que
la plupart de ces spécialités existaient
depuis la rentrée 1964-65, l’arrêté de
réorganisation de 1967, n’a amené aucun
changement.[20]
Tableau
des sections et des spécialités du deuxième cycle de l’ENPA
année
|
section générale
|
section industrielle
|
section commerciale
|
1965
|
lettres arabes
|
constructions mécaniques
(dessin industriel et mécanique appliquée)
|
comptabilité et
mathématiques financière
|
Philosophie et
instruction civique et religieuse .
|
électrotechnique et
électronique
|
économie
politique et droit
|
|
Histoire géographie
|
|||
Lettres françaises
|
|||
lettres anglaises
|
|||
mathématiques
|
|||
sciences physiques
|
|||
sciences naturelles
|
Nous
avons délibérément présenté en détail
les différentes spécialités et leurs évolutions
pour montrer la grande souplesse au niveau de l’organisation, l’objectif
était de pouvoir répondre rapidement aux
changements qui pourraient avoir lieu au niveau
de l’enseignement moyen et secondaire et afin d’assurer les besoins de l’école tunisienne en personnel
enseignant tels
qu’ils étaient définis par la Loi sur l'éducation de 1958, d'autre part.
Fin
de la première partie : A suivre: Pour consulter la suite cliquer ICI
Hédi
Bouhouch & Mongi Akrout ; Inspecteurs généraux de l’éducation , Brahim
Ben Atig, Professeur principal émérite
Tunis,
Août 2013
[1] La loi
n°58-118 du 4 novembre 1958 ( 21 rabia II 1378) relative à
l’enseignement.
[2] La
loi n°58-118 du 4 novembre 1958 ,
article 25, aliéna 4
[3] Op. Cité ,article 14, aliéna 2
[4] Op.
Cité ,article 19,
[5] Op.
Cité ,article 20
[6] Op.
Cité, article 10
[8] Rapport dactylographié produit par l’Unesco
en juin 1970 à la fin d’une mission sur l’ENPA .
[9] Le
rapport déjà cité p 2
[10]
Décret 62-152 du 3 mai 1962, Jort n° 23
du 1-4 mai 1962
[11] Loi
62-82 du 31 décembre 1962, jort n°64 du 28 décembre 1962.
[12] Arrêté du 26 mai
1962 relatif à l’organisation de l’école normale des
professeurs adjoints, jort n°29 du 5 juin 1962
[13] Décret 65-291 du 31 mai 1965 modifiant et complétant
le Décret 62-152 du 3 mai 1962, Jort n° 23 du 1-4 mai
1962 ( art 1)
[14] Arrêté du 31 mai 1965
relatif à la réorganisation de l’école normale des professeurs adjoints,
jort n°30 du 8 juin 1965 qui a remplacé
l’Arrêté du 26 mai 1962 relatif à
l’organisation de l’école normale des professeurs adjoints, jort n°29 du 5 juin
1962
[15] Arrêté du 31 mai 1965
portant création de sections de deuxième cycle d’études supérieures
à l’école normale des professeurs
adjoints, jort n°30 du 8 juin 1965
[16] Arrêté du 17 avril
1967 portant création de
deux sections de deuxième cycle d’études
supérieures à l’école normale des
professeurs adjoints, jort n°18 du 21 avril 1967( art 1)
[17]
Décret 62-152 déjà cité, chapitre III, article 29 et 33
[18]
Arrêté de réorganisation du 31 mai déjà cité, art 30.
[19] Le tableau récapitule les donnés
puisées dans les différents arrêtés : arrêté de 1962 (Art 28) ; arrêté de 1965 ( Art 32) , arrêté de 1967 ( Art premier)
[20]
Arrêté de 1965 , déjà cité , art 33
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