Nous
poursuivons cette semaine la présentation d’une illustre institution qui a joué
un rôle pionnier dans la formation des enseignants tunisiens au cours des
première années de l’indépendance (Pour revenir à la 1er partie,cliquer ICI)
En
mai 1962, une Ecole Normale des Professeurs Adjoints ( ENPA) voit le jour à Tunis pour contribuer , avec
l’Ecole Normale Supérieure et les Ecoles Normales des Instituteurs et des
Instructrices, à la formation des enseignants nécessaires à l’éducation
nationale, suite à la réforme de l’enseignement promulguée par la Loi de 1958[1].
5.
Les
types de cours et d’enseignement
L’enseignement
assuré par l’ENPA prend des formes variées afin de donner aux futurs enseignants
une formation solide, combinant la théorie et la pratique, et l’académique et
le pédagogique, c’est donc un enseignement varié où l’on trouvait :
§ les cours théoriques, qui étaient assurés
par des professeurs
d'enseignement supérieur, ou des enseignants agrégés de l'enseignement
secondaire.
§ les travaux pratiques et les exercices de contrôle,
qui étaient assurés par les chefs de travaux
et par des assistants de
l'enseignement supérieur, ou par des agrégés
de l'enseignement secondaire, ou des professeurs certifiés de
l'enseignement secondaire ,
§ les séances de formation pédagogique et
psychopédagogique dont certaines se
passent en stage dans des classes sous la supervision de maîtres d’application,
et d’autres avaient lieu à l'école et
sont assurées par les enseignants
de différentes disciplines.
§ le stage pratique
qui s’étale sur huit semaines par an , à
raison de deux jours par semaine , au cours desquels les élèves de l’ENPA s’initient au métier , ce stage est
conçu selon une démarche progressive qui commence par des séances d'observation
(les stagiaires assistent à des cours
faits par des enseignants confirmés) ,puis le stagiaire prend en charge la
classe partiellement avec l’assistance du professeur de la classe, enfin vient la
dernière phase au cours de laquelle le stagiaire a l'entière
responsabilité de l'enseignement[2].
§ Les stages « d’immersions » il s’agit d’organiser des séjours dans des
milieux qui favorisent la maîtrise de l’apprentissage acquis à l’école comme
les séjours linguistiques de trois mois
à la fin de la première année en Angleterre pour les élèves de la section des lettres anglaises et en France pour les
élèves de la section des lettres française , enfin des stages sont
conseillés au profit des étudiants de la
section industrielle dans des usines
locales et étrangères[3]
6.
Modes
de recrutement des élèves à l'école et les diplômes
a.
l’accès
à l’ENPA
L'élève
rejoint l’école normale des professeurs adjoints après avoir passé avec succès un concours organisé annuellement,
une première session est ouverte à la fin de l'année scolaire, elle peut être suivi d’une session
complémentaire, au début de l'année scolaire.
Il
s’agit d’un concours sur titres ou sur
épreuves, le jury du concours commence
par l’étude des diplômes des candidats et leurs résultats scolaires (d’après
leurs livrets scolaires) et attribue à chaque candidat une note selon des critères et établit un
classement , les mieux classés sont
recrutés directement sans être obligés à passer les épreuves du concours ;
les autres sont appelés à passer les épreuves du concours[4]
, les candidats peuvent concourir dans l’une des trois grandes sections ( générale, industrielle ou commerciale) mais
ils devaient répondre aux conditions spécifiques de chaque section , comme le
montre le tableau suivant[5] :
Tableau :
les conditions de participation aux différents concours selon la section
la section
|
les conditions
|
générale
|
Baccalauréat avec la mention correspondant à la section intéressée, ou
un diplôme équivalent.
|
industrielle
|
Baccalauréat mathématique technique, ou un diplôme équivalent
Brevet d’enseignement
industriel final de la section intéressée à la section désirée, ou un
diplôme équivalent.
|
commerciale
|
Baccalauréat de l'enseignement secondaire, ou un diplôme équivalent.
2ème partie du brevet commercial.
|
remarques
Le candidat doit avoir la nationalité tunisienne et ne pas dépasser 26 ans le 31 décembre de l’année du
concours.
L’accès à la deuxième année directement est possible pour des
candidats qui présentent des diplômes supérieurs à ceux exigés pour accéder à
la 1° année
|
Depuis
la création du deuxième cycle d'études supérieures (1965), le nouvel arrêté avait
précisé les diplômes requis pour le
concours d’entrée en première année et avait fixé les conditions scientifiques
pour l'admission au deuxième cycle, sachant que pour le deuxième cycle le
concours se faisait exclusivement sur titre, Le tableau suivant détaille les
catégories d'étudiants qui peuvent y participer[6]
les conditions
|
catégorie
|
les élèves de l’école admis au certificat d’aptitude au professorat
adjoint(CAPA) avec une moyenne générale
égale au moins à 13 sur 20 et une moyenne égale au moins à 15 sur 20 dans les épreuves matières pratique, techniques et pédagogiques
|
1
|
les
professeurs adjoints stagiaires et titulaires du certificat d’aptitude au professorat
adjoint ( CAPA) et proposés par l’inspecteur et par la commission de titularisation
|
2
|
les professeurs
adjoints titulaires du certificat
d’aptitude au professorat adjoint
( CAPA) qui sont titularisés et qui ont eu au moins deux bonnes notes d’inspection consécutives au cours des trois années qui ont suivi leur titularisation au plus.
|
3
|
les professeurs
adjoints titulaires et qui ont réussi des certificats d’études supérieures
correspondant à la moitié de la licence d’enseignement et qui ont eu au moins deux bonnes notes d’inspection
consécutives au cours des trois
années qui ont suivi leur
titularisation au plus.
|
4
|
Dans
le soucis d’améliorer et d’assurer le recrutement de nouveaux élèves,
le ministère
a créé des classes préparatoires qui préparent les élèves au
concours d’entrée en première année du premier cycle de l’ENPA pour lesquelles
on a crée deux annexes à Montfleury et au Bardo, ces élèves étaient recrutés parmi les diplômés de l’enseignement moyen
(titulaires du brevet d’enseignement moyen)
et parmi les élèves de la troisième année secondaire qui passent en quatrième (
l’équivalent de la fin de l’enseignement de base et de la première année
secondaire dans le système actuel). la sélection se fait, par un concours sur
titres et sur épreuves[7].
La durée des études dans ces classes
préparatoires est de trois ans. Ces classes n’ont pas survécu longtemps, en
1972 l’école située à Montfleury fut fermée, suivie
par la fermeture de la seconde école
du Bardo en 1973.
Mais
il faudrait reconnaitre que ces classes préparatoires avaient joué un rôle très
important en ouvrant les horizons à plusieurs jeunes qui ont réussi brillamment
leurs études et sont devenus plus tard d’excellents enseignants, certains ont
terminé leurs carrières au sommet de la hiérarchie avec le titre d’inspecteur
général de l’éducation.
b.
les
examens de passages et les examens de sortie
Il
faut distinguer entre deux types d’examens, les examens de «
passages » et les examens de certification.
§ Les examens de passage :
L’école organise deux examens de
passage :
-
le premier à la
fin de la première année du premier
cycle
-
le deuxième à la
fin de la première année du deuxième cycle des études supérieures,
Ces
deux examens de passage se tiennent en deux sessions, une session normale à la
fin de l'année scolaire, et éventuellement une session de rattrapage ou « complémentaire » au début de
l'année.
Les
élèves qui réussissent ces examens passent en deuxième année du cycle concerné,
mas ils n’ont pas droit à un quelconque
certificat contrairement au régime des facultés
§ Les examens de certification :
à la fin de la deuxième année de chaque cycle,
les élèves passent un « concours » pour obtenir leurs diplômes : le CAPA
pour les élèves du premier cycle et le CAPES pour le second cycle, les
examens se déroulent en deux sessions aussi.
Il s’agit d’examen ou de concours
certificatif complexe puisqu’il intègre toutes les activités de l’élève au
cours de l’année, c’est ainsi qu’on trouve :
- des épreuves écrites, orales et pratiques qui portent sur les
questions académiques de chaque spécialité
- le résultat du stage pédagogique qui est évalué à partir du rapport du professeur-encadreur,
de l’évaluation d’une leçon que chaque élève se doit de faire dans un
établissement scolaire ( lycée ou collège) , un exposé sur une
question, et la note obtenue pour le cahier de stage tenu par chaque élève. Une note inférieure à
9 sur 20 est une note éliminatoire.
Les
élèves admis au concours obtiennent selon le cycle auquel ils appartiennent
soit :
-
Le certificat
d’aptitude au professorat adjoint (
CAPA)
-
Le certificat
d’aptitude au professorat secondaire (CAPES) [8].
Dans
les deux cas, l’administration de l’école peut permettre aux étudiants qui brillent au concours de poursuivre
soit pour obtenir la licence dans l’une des facultés ou à l’école
normale supérieure soit pour entamer des études de troisième cycle.
En
1973 , avec la publication du nouveau statut des corps enseignants Les deux titres ( CAPA) et (CAPES), ont été
remplacés par de nouvelles appellations : le certificat d’aptitude des
professeurs du premier cycle de l’enseignement secondaire ( CAPESPC) ou de
l’enseignement technique ( CAPETPC) [9]
et le CAPES est remplacé par le
CAPET certificat d’aptitude au
professorat de l’enseignement technique.
I. Bilan de
l’ENPA : Des résultats honorables
L'Etat
a confié à l'école normale des professeurs adjoints la mission de former entre
200 à 300 enseignants par an dans les
disciplines littéraires, scientifiques et commerciales, en lui fournissant les
ressources financières et humaines supplémentaires, grâce à l'accord signé avec
la Banque mondiale pour la reconstruction et le développement, depuis 1962, cet
accord a permis la construction et l’équipement d’un bâtiment décent pour
l’école (salles de cours, un bloc administratif, laboratoires de langues, de
sciences et de technique, deux dortoirs et deux réfectoires), il
a permis aussi d’équiper une bibliothèque de 15000 ouvrages ,
l’accord a prévu aussi le financement de la formation continue et
la mise à niveau des enseignants en les envoyant à l'étranger stage de
formation, ou pour inviter des experts
de l'UNESCO en matière d'éducation et de la psychologie pour former les
enseignants de l’ENPA sur place.
L’UNESCO
a préparé un rapport d'évaluation du projet, sur la période de six années (1965-1970), le rapport a mis en
exergue les réussites et les déficiences, et a fait des recommandations
au ministère[10].
Le
rapport révèle que l'école normale des professeurs adjoints a accueilli,
en six ans, 2461 élèves, (2 374 inscrits en premier cycle et 87 au second cycle d'études supérieures) , ce qui
donnait un léger déficit (environ 229 dont
153 pour le deuxième cycle) , cela
montre le succès du premier
cycle et la difficulté du recrutement au
deuxième cycle due à la concurrence des facultés et à la faible affluence des
professeurs adjoints titulaires.
Si l'on exceptait la section commerciale qui n’a pas été incluse dans le
rapport, l’effectif de l’école se répartissait pour la période entre 1965 et
1996, comme suit : 45℅ littéraires, 23℅
pour les disciplines scientifiques, 32℅ pour les disciplines techniques,
le rapport jugeait ce bilan
positivement étant donné les besoins du
pays .
Le
rendement interne de l’école était très élevé
puisque le taux de passage de la première année du premier cycle était de 80℅, et le taux de réussite au CAPA était
entre 90 et 95℅, ces taux ne traduisaient peut être pas la qualité du
produit et la qualité de la formation mais plutôt un certain
« laxisme » face à l’obligation de répondre aux besoins urgents en
enseignants .
.
Au
cours de la même période, l’ENPA a fourni 792, diplômés ( 785 avec le CAPA , et
7 seulement avec le CAPES si le nombre de diplômés de CAPA dépassait
légèrement les estimations, celui des certifiés enregistrait un manque de 57 professeurs (on attendait 64
diplômés ).
En termes de répartition par sections et par spécialités,
les littéraires venaient en tête avec
49.04℅ des diplômés , suivies des spécialités techniques (31.46℅) ,
les scientifiques sont en troisième position avec seulement 19.49℅.
En
dépit de ces résultats, le nombre de diplômés de l'ENPA ne couvrait seulement
qu’entre 20 à 30℅ des besoins supplémentaires en enseignants, ce qui a
obligé le ministère à continuer à
recourir à des coopérants et des contractuels étrangers qui représentaient au
cours de l'année scolaire 69/70, 44℅ du personnel de enseignant .
D'autre
part, les élèves qui n’ont pas réussi à décrocher
le CAPA ont été dirigés vers l'enseignement primaire, et ceux-ci représentaient
20 ℅ de l’effectif de l’ENPA (202
élèves), ce fut un apport très positif
pour l'école primaire.
Conclusion
En résumé, cette institution a manifestement, rempli pleinement sa mission (le
rapport de l'UNESCO le reconnait), en assurant la formation d’une génération
d’enseignants pétris de grandes qualités professionnelles qui a contribué à
former des générations de diplômés de
l'enseignement moyen et professionnel .
Les
témoignages des inspecteurs de l’enseignement secondaire
qui avaient suivi et encadré ces enseignants,
s’accordent pour reconnaitre les compétences pédagogiques et professionnelles
des diplômés de l’ENPA qui géraient plus facilement mais aussi plus efficacement
les classes que ne le faisaient d’autres
enseignants plus diplômés.
En
1974 , l’ENPA franchit une nouvelle et dernière étape de son évolution , les
responsables, estimant que la mission
première était pleinement accomplie mais elle n’était plus adaptée
aux besoins de la nouvelle étape , ont décidé d’en faire une Ecole Normale Supérieure d'enseignement technique[11]
l’aventure de l’école va continuer pour quelques décennies encore.
Hédi
Bouhouch & Mongi Akrout ; Inspecteurs généraux de l’éducation, Brahim
Ben Atig, Professeur principal émérite
Tunis
, Août 2013
[1] La loi
n°58-118 du 4 novembre 1958 ( 21 rabia II 1378) relative à
l’enseignement.
[4] Arrêté du 26 mai 1962 déjà cité , art 5
et 24 , des annexes précisent en détail les différentes épreuves, la durée, les
coefficients et les programmes
[6] Arrêté d’organisation du 31 mai 1965déja cité , art 27
[7] L’arrêté déjà cité art 48 et 50
[8] Arrêté de 1965 déjà cité, titre IV
[9] Arrêté du Ministre de l’éducation
nationale du 16 novembre 1973 portant réorganisation de l’ENPA , jort n°43 du
27 novembre 1973.
[10] L’Ecole Normale des Professeurs Adjoints de Tunis , Rapport sur le
résultat du projet - conclusion et recommandations , Paris juin 1970, le
rapport est de 23 pages et 7 annexes,
http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001858/185894fb.pdf
[11] Loi
73-82 du 31 décembre 1973 , jort
N° 51
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