dimanche 26 février 2017

Brève histoire de l’Ecole normale des professeurs adjoints : partie II

Nous poursuivons cette semaine la présentation d’une illustre institution qui a joué un rôle pionnier dans la formation des enseignants tunisiens au cours des première années de l’indépendance (Pour revenir à la 1er partie,cliquer ICI)


En mai 1962, une Ecole Normale des Professeurs Adjoints ( ENPA)  voit le jour à Tunis pour contribuer , avec l’Ecole Normale Supérieure et les Ecoles Normales des Instituteurs et des Instructrices, à la formation des enseignants nécessaires à l’éducation nationale, suite à la réforme de l’enseignement promulguée par la Loi de 1958[1].

5.    Les types de cours et d’enseignement
L’enseignement assuré par l’ENPA prend des formes variées afin de donner aux futurs enseignants une formation solide, combinant la théorie et la pratique, et l’académique et le pédagogique, c’est donc un enseignement varié où l’on trouvait :
§  les cours théoriques, qui étaient assurés par des professeurs  d'enseignement supérieur, ou des enseignants agrégés de l'enseignement secondaire.
§  les travaux pratiques et les exercices de contrôle, qui étaient assurés par les chefs de travaux  et  par des assistants de l'enseignement supérieur, ou par des agrégés  de l'enseignement secondaire, ou des professeurs certifiés de l'enseignement secondaire ,
§   les séances  de formation pédagogique et psychopédagogique  dont certaines se passent en stage dans des classes sous la supervision de maîtres d’application, et d’autres avaient lieu   à l'école et sont assurées par les  enseignants de  différentes disciplines.
§  le stage pratique  qui s’étale sur huit semaines par an , à  raison de deux jours par semaine , au cours desquels les élèves  de l’ENPA s’initient au métier , ce stage est conçu selon une démarche progressive qui commence par des séances d'observation    (les stagiaires assistent à des cours faits par des enseignants confirmés) ,puis le stagiaire prend en charge la classe partiellement avec l’assistance du professeur de la classe, enfin   vient la  dernière phase au cours de laquelle le stagiaire a l'entière responsabilité de l'enseignement[2].
§  Les stages « d’immersions »  il s’agit d’organiser des séjours dans des milieux qui favorisent la maîtrise de l’apprentissage acquis à l’école comme les séjours linguistiques  de trois mois à la fin de la première année en Angleterre pour les élèves de la section  des lettres anglaises et en France pour les élèves de la section des lettres française , enfin des stages sont conseillés  au profit des étudiants de la section industrielle dans  des usines locales et étrangères[3]     

6.    Modes de recrutement des élèves à l'école et les diplômes

a.    l’accès à l’ENPA

L'élève rejoint l’école normale des professeurs adjoints après avoir  passé avec succès un concours organisé annuellement, une première session est ouverte à la fin de l'année scolaire,  elle peut être suivi d’une  session  complémentaire, au début de l'année scolaire.
Il s’agit d’un concours  sur titres ou sur épreuves, le jury du concours  commence par l’étude des diplômes des candidats et leurs résultats scolaires (d’après leurs livrets scolaires) et attribue à chaque candidat une note  selon des critères et établit un classement  , les mieux classés sont recrutés directement sans être obligés à passer les épreuves du concours ; les autres sont appelés à passer les épreuves du concours[4] , les candidats peuvent concourir dans l’une des trois grandes sections  ( générale, industrielle ou commerciale) mais ils devaient répondre aux conditions spécifiques de chaque section , comme le montre le tableau suivant[5] :

Tableau : les conditions de participation aux différents concours selon la section



la section
les conditions
générale
Baccalauréat avec la mention correspondant à la section intéressée, ou un diplôme équivalent.

industrielle
Baccalauréat mathématique technique, ou un diplôme équivalent
Brevet d’enseignement  industriel  final  de la section   intéressée à la section désirée, ou un diplôme équivalent.

commerciale
Baccalauréat de l'enseignement secondaire, ou un diplôme équivalent.
2ème partie du brevet commercial.
remarques
Le candidat doit avoir la nationalité tunisienne et ne pas dépasser 26 ans le 31 décembre de l’année du concours.
L’accès à la deuxième année directement est possible pour des candidats qui présentent des diplômes supérieurs à ceux exigés pour accéder à la 1° année


Depuis la création du deuxième cycle d'études supérieures (1965), le nouvel arrêté avait précisé les diplômes requis   pour le concours d’entrée en première année et avait fixé les conditions scientifiques pour l'admission au deuxième cycle, sachant que pour le deuxième cycle le concours se faisait exclusivement sur titre, Le tableau suivant détaille les catégories d'étudiants qui peuvent y participer[6]

les conditions
catégorie
les élèves de l’école admis au certificat d’aptitude au professorat adjoint(CAPA) avec une moyenne générale  égale au moins à 13 sur 20 et une moyenne égale au moins à 15  sur 20 dans les épreuves  matières pratique, techniques et pédagogiques
1
les professeurs adjoints stagiaires et titulaires du  certificat d’aptitude au professorat adjoint ( CAPA) et proposés par l’inspecteur et  par la commission de titularisation
2
les professeurs adjoints titulaires du  certificat d’aptitude au professorat adjoint
 ( CAPA) qui sont titularisés  et qui ont eu  au moins deux bonnes notes d’inspection consécutives  au cours des trois années  qui ont suivi leur titularisation  au plus.
3
les professeurs adjoints titulaires et qui ont réussi des certificats d’études supérieures correspondant à la moitié de la licence d’enseignement  et qui ont eu  au moins deux bonnes notes d’inspection consécutives  au cours des trois années  qui ont suivi leur titularisation au plus.
4


Dans le soucis d’améliorer et d’assurer le recrutement de nouveaux élèves, le  ministère a créé   des classes  préparatoires qui préparent les élèves au concours d’entrée en première année du premier cycle de l’ENPA pour lesquelles on a crée deux annexes à Montfleury et au Bardo,  ces élèves étaient  recrutés parmi  les diplômés de l’enseignement moyen (titulaires du brevet d’enseignement moyen)  et parmi les élèves de la troisième année  secondaire qui passent en quatrième ( l’équivalent de la fin de l’enseignement de base et de la première année secondaire dans le système actuel). la sélection se fait, par un concours sur titres et sur épreuves[7].
 La durée des études dans ces classes préparatoires est de trois ans. Ces classes n’ont pas survécu longtemps, en 1972 l’école  située  à Montfleury fut fermée, suivie par la fermeture de la seconde école  du  Bardo en 1973.
Mais il faudrait reconnaitre que ces classes préparatoires avaient joué un rôle très important en ouvrant les horizons à plusieurs jeunes qui ont réussi brillamment leurs études et sont devenus plus tard d’excellents enseignants, certains ont terminé leurs carrières au sommet de la hiérarchie avec le titre d’inspecteur général de l’éducation.

b.    les examens de passages  et  les examens de sortie
Il faut distinguer entre deux types d’examens, les examens de «  passages » et les examens de certification.
§  Les examens de passage : L’école organise  deux examens de passage :
-         le premier à la fin de la première année  du premier cycle
-         le deuxième à la fin de la première année du deuxième cycle des études supérieures,
Ces deux examens de passage se tiennent en deux sessions, une session normale à la fin de l'année scolaire, et éventuellement une session de rattrapage  ou « complémentaire » au début de l'année.
Les élèves qui réussissent ces examens passent en deuxième année du cycle concerné, mas ils n’ont  pas droit à  un quelconque  certificat contrairement au régime des facultés
§  Les examens de certification : à la fin de la deuxième année de chaque cycle,  les élèves passent un « concours »   pour obtenir leurs diplômes : le CAPA pour les élèves du premier cycle et le CAPES pour le second cycle, les examens se déroulent en deux sessions aussi.
Il s’agit d’examen  ou de concours certificatif complexe puisqu’il intègre toutes les activités de l’élève au cours de l’année, c’est ainsi qu’on trouve :
- des épreuves écrites, orales et pratiques qui portent sur les questions académiques de chaque spécialité
-  le résultat du stage  pédagogique qui est évalué à partir  du rapport du professeur-encadreur, de l’évaluation d’une leçon que chaque élève se doit de faire dans un établissement scolaire ( lycée ou collège) , un exposé  sur une  question, et la note obtenue pour le cahier de stage  tenu par chaque élève. Une note inférieure à 9 sur 20 est une note éliminatoire.

Les élèves admis au concours obtiennent selon le cycle auquel ils appartiennent soit :
-         Le certificat d’aptitude au professorat  adjoint ( CAPA)
-         Le certificat d’aptitude au professorat secondaire (CAPES) [8].
  Dans les deux cas, l’administration de l’école peut permettre   aux étudiants qui brillent au concours  de poursuivre  soit pour obtenir la licence dans l’une des facultés ou à l’école normale supérieure soit pour entamer des études de troisième cycle.
En 1973 , avec la publication du nouveau statut des corps enseignants   Les deux titres ( CAPA) et (CAPES), ont été remplacés par de nouvelles appellations : le certificat d’aptitude des professeurs du premier cycle de l’enseignement secondaire ( CAPESPC) ou de l’enseignement technique ( CAPETPC) [9] et le CAPES  est remplacé par le CAPET  certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique.

I.      Bilan   de l’ENPA : Des résultats honorables

L'Etat a confié à l'école normale des professeurs adjoints la mission de former entre 200 à 300 enseignants par an  dans les disciplines littéraires, scientifiques et commerciales, en lui fournissant les ressources financières et humaines supplémentaires, grâce à l'accord signé avec la Banque mondiale pour la reconstruction et le développement, depuis 1962, cet accord a permis la construction et l’équipement d’un bâtiment décent pour l’école (salles de cours, un bloc administratif, laboratoires de langues, de sciences et de technique, deux dortoirs et deux réfectoires), il a permis aussi d’équiper une bibliothèque de 15000 ouvrages , l’accord a prévu aussi le financement de  la formation continue et la mise à niveau des enseignants en les envoyant à l'étranger stage de formation,  ou pour inviter des experts de l'UNESCO en matière d'éducation et de la psychologie pour former les enseignants de l’ENPA sur place.
L’UNESCO a préparé un rapport d'évaluation du projet, sur la période de  six années (1965-1970), le rapport a mis en exergue les  réussites  et les déficiences, et a fait des recommandations au ministère[10].
Le rapport révèle que l'école normale des professeurs adjoints a accueilli, en six ans, 2461 élèves, (2 374 inscrits en premier cycle  et 87 au second  cycle d'études supérieures) , ce qui donnait  un léger déficit (environ 229 dont 153 pour le deuxième cycle) , cela  montre  le succès du premier cycle  et la difficulté du recrutement au deuxième cycle due à la concurrence des facultés et à la faible affluence des professeurs adjoints titulaires.
  Si l'on exceptait la section commerciale qui n’a pas été incluse dans le rapport, l’effectif de l’école se répartissait pour la période entre 1965 et 1996, comme suit : 45℅ littéraires, 23℅  pour les disciplines scientifiques, 32℅ pour les disciplines techniques, le rapport jugeait  ce bilan positivement  étant donné les besoins du pays .

Le rendement interne de l’école était très élevé  puisque le taux de passage de la première année du premier cycle  était de 80℅, et le taux de réussite au CAPA  était  entre 90 et 95℅, ces taux ne traduisaient peut être pas la qualité du produit et la qualité de la formation mais plutôt un certain « laxisme » face à l’obligation de répondre aux besoins urgents en enseignants .
.
Au cours de la même période, l’ENPA a fourni 792, diplômés ( 785 avec le CAPA , et 7 seulement avec le CAPES si  le nombre de diplômés de CAPA dépassait légèrement les estimations, celui des certifiés enregistrait un  manque de 57 professeurs (on attendait 64 diplômés ).

  En termes de répartition par sections et par spécialités, les littéraires venaient en tête avec  49.04℅ des diplômés , suivies des spécialités techniques (31.46℅) , les  scientifiques sont  en troisième position avec seulement 19.49℅.
 
En dépit de ces résultats, le nombre de diplômés de l'ENPA ne couvrait seulement qu’entre 20 à 30℅ des besoins supplémentaires en enseignants, ce qui a obligé  le ministère à continuer à recourir à des coopérants et des contractuels étrangers qui représentaient au cours de l'année scolaire 69/70, 44℅ du personnel de enseignant .

D'autre part, les élèves qui n’ont pas réussi à décrocher le CAPA ont été dirigés vers l'enseignement primaire, et ceux-ci représentaient 20 ℅ de l’effectif de l’ENPA  (202 élèves),  ce fut un apport très positif pour l'école primaire.


Conclusion
  En résumé, cette institution a manifestement, rempli pleinement sa mission (le rapport de l'UNESCO le reconnait), en assurant la formation d’une génération d’enseignants pétris de grandes qualités professionnelles qui a contribué à former des générations de diplômés de  l'enseignement moyen et professionnel .
Les témoignages des inspecteurs de l’enseignement secondaire qui avaient suivi et encadré ces enseignants, s’accordent pour reconnaitre les compétences pédagogiques et professionnelles des diplômés de l’ENPA  qui géraient  plus facilement mais aussi plus efficacement les classes que ne le  faisaient d’autres enseignants plus diplômés.
En 1974 , l’ENPA franchit une nouvelle et dernière étape de son évolution , les responsables, estimant que  la mission première était pleinement accomplie mais elle n’était plus adaptée aux besoins de la nouvelle étape , ont décidé d’en faire une Ecole Normale  Supérieure  d'enseignement technique[11] l’aventure de l’école va continuer pour quelques décennies encore.

Hédi Bouhouch & Mongi Akrout ; Inspecteurs généraux de l’éducation,  Brahim Ben Atig, Professeur principal émérite

Tunis , Août 2013 





[1] La loi  n°58-118 du 4 novembre 1958 ( 21 rabia II 1378) relative à l’enseignement.
[2]  Arrêté de 1965 déjà cité , art 30 et 35
[3] Arrêté de 1965 déjà cité , art 36 et 37
[4] Arrêté du 26 mai 1962 déjà cité , art 5 et 24 , des annexes précisent en détail les différentes épreuves, la durée, les coefficients et  les programmes
[5] Arrêté du 26 mai 1962 déjà cité , art 19 , 21et 27
[6] Arrêté d’organisation  du 31 mai 1965déja cité , art 27
[7] L’arrêté déjà cité art 48 et 50
[8] Arrêté de 1965 déjà cité, titre IV
[9] Arrêté du Ministre de l’éducation nationale du 16 novembre 1973 portant réorganisation de l’ENPA , jort n°43 du 27 novembre 1973.
[10] L’Ecole Normale des Professeurs  Adjoints de Tunis  , Rapport sur le résultat du projet - conclusion et recommandations , Paris juin 1970, le rapport est de 23 pages et 7 annexes, http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001858/185894fb.pdf
[11] Loi  73-82  du 31 décembre 1973 , jort N° 51

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