Les écoles normales d’institutrices
et d’instituteurs en Tunisie sont des institutions très
anciennes , la première école remonte au dix neuvième siècle à l’époque du protectorat français[1] , mais c’est depuis les premières années de
l'indépendance, qu’elles ont connu une impulsion importante pour faire face aux importants besoins créés par la nouvelle politique de
l'éducation, ainsi , leur nombre augmenta et de nouvelles écoles ouvrent leurs
portes à l’intérieur de la République, elles ont formé des générations
d’instituteurs qui ont contribué à la réussite de la généralisation de la
scolarisation des jeunes tunisiens .
I.
Présentation des écoles normales
1.
Sa mission
Le décret 14-1961[2] , avait défini la mission
des écoles normales en tant que des «institutions publiques destinées à former les
instituteurs et (les) institutrices pour
les écoles primaires"( art 25 ) en leur assurant une formation générale et une
formation professionnelle . Elles
peuvent ne comprendre qu’une année de stage pédagogique et de formation professionnelle, mais elles peuvent également comporter un deuxième cycle d’étude
secondaire (section normale)[3] ".
En 1963[4], un amendement permit aux écoles normales d’ouvrir une nouvelle
filière pour former des monitrices et des moniteurs pour faire face aux besoins
grandissant en enseignants.
2.
Comment se faisait
le recrutement pour les écoles
nomination et la section normale ?
a)
le recrutement en 1er année
pour la section normale
Le décret 14-1961 déjà cité a fixé les modalités de recrutement
des élèves pour les écoles normales ( et la section normale des lycées) , dans
les termes suivants : « le recrutement pour la section normale
se fait en 1er année soit
parmi les élèves des lycées et des collèges admis à passer en 4ème
des études secondaires soit parmi les candidats admis à un concours de
recrutement spécial »( art 26) , deux années plus tard , le décret de 1961
fut amendé pour ajouter une nouvelle
voie de recrutement afin d’élargir le champ du recrutement à une nouvelle
population , c’est ainsi que le nouvel article 26 a-t-il
institué « un concours sur titres et dossiers auquel ne sont admis
que les candidats titulaires du brevet d’enseignement moyen ( section générale
B)
Mais dans les faits , au début de l’indépendance , on utilisa exclusivement le moyen de l’orientation pour
le recrutement , cette orientation se passait à la fin du premier cycle de
l’enseignement secondaire c'est-à-dire à la fin de la 3ème année (
qui correspond à la 9ème année de l’enseignement de base actuel) ,
elle concerne les élèves qui passent en 4ème de
l’enseignement secondaire (
actuelle 1er année de l’enseignement secondaire), cette orientation
était imposée à l’élève , et ne manquait pas d’injustice surtout que le Secrétariat d’état à
l’éducation nationale avaient un quota à la fin de l’année scolaire
1961-1962 , les directeurs des lycées devraient orienter entre
20 et 30% [5] des élèves qui passent en
4ème vers la section normale[6] ; ce
système a continué à fonctionner jusqu’en 1970, lorsqu’on a décidé de rompre
avec l'orientation forcée, à la suite des recommandations de la
Commission nationale qui fut
chargée en 1967 d’évaluer les résultats de la réforme de 1958[7] , la dite commission
avait proposé la « révision des méthodes d’orientation vers les écoles normales … afin de
laisser le champ libre aux choix spontané
basé sur la conviction intime des intéressés et sur la noblesse attachée à la carrière d’enseignant et d’éducateurs[8] "
Dès le début des années soixante-dix, le
secrétariat d’état à l’éducation commença à recourir au concours sur épreuves, c’était un concours national
ouvert aux élèves de l'enseignement secondaire qui ont terminé au moins le premier
cycle de l’enseignement secondaire ; le concours comportait des épreuves écrites en arabe et en français, et
en mathématiques, et une entrevue avec
le jury.
Le recours au concours s’explique par « la volonté de choisir les meilleurs élèves , tant au point de vue de la formation
générale que du point de vue moral ainsi qu’au point de vue santé physique et mentale»,
il faudrait noter que ce concours attirait de nombreux candidats , par exemple en Juin 1983 , 9309 élèves s’étaient présentés au concours ,
1039 furent reçus ce qui représentait 11,15%
de l’ensemble des candidats[9].
b.
Pour
l’année de stage pédagogique et de formation professionnelle
Dans le cadre de sa politique de renforcement
du corps enseignant du primaire et afin de répondre aux besoins croissants, le décret
de 1961 , avait prévu une année de stage
pédagogique et de formation et
professionnelle pour les élèves qui souhaitent devenir instituteur sans avoir suivi le cursus de formation initiale de la section normale dans un lycée ou dans une école normale .
Pour rejoindre cette formation, le candidat
doit réussir un examen écrit et remplir les conditions suivantes :
-
Avoir entre 18 et 25 ans à la date de l’examen,
-
Etre titulaire de la première partie du bac «
section moderne » ;
-
Avoir suivi le programme de la deuxième partie du
baccalauréat.
L’examen
comportait une dissertation de philosophie de quatre heures ( coef 2 ) et une épreuve de
sciences naturelles d’une heure trente ( coef 1), pour être admis , il fallait
obtenir un total de 30 points au minimum.
c.
Pour la filière de formation des élèves
moniteurs et des élèves monitrices
« Le recrutement en première année des élèves moniteurs et des
élèves monitrices des élèves du cycle de formation générale se fait soit par concours sur titre et
dossiers auquel ne participent que des élèves de troisième année générale - B - de l’enseignement moyen soit par concours sur épreuve » ( art 26
, du décret 1963) , mais dans les faits , ce cycle avait démarré à l’école
normale de la Marsa bien avant la
publication de ce décret à titre expérimentale dès la rentrée 1961/62[10]..
3.
Le régime des études dans les écoles normales
Le régime des études des écoles normales est un régime d’internat obligatoire où tous
les élèves sont pris en charge par l’Etat tout au long de leur (vie) scolaire, en échange l’élève instituteur ou l’élève moniteur
s’engage à travailler pendant 10 ans
dans l'enseignement public .
La durée des études et la formation
varient en fonction du type du cycle:
a.
Pour les élèves instituteurs qui entament la formation
dès la première année ( 4ème année à l’époque), les études et la formation étaient jusqu’en 1967-1968 de quatre ans ( trois ans formation
générale sanctionnés par le diplôme de fin d’études normales[11] , suivis d’une année formation professionnelle dans les écoles d’application sous la supervision d’un inspecteur de
l'enseignement primaire, cette année - suivie
d’une année de stage - est sanctionnée , en cas de réussite , par le certificat
de fin de stage[12] ,
depuis la rentrée 1967-1968 , la durée des études fut rallongée d’une
année à l’instar de tout l’enseignement secondaire.
b.
Pour les élèves instituteurs qui rejoignent les écoles
normales seulement au cours de l’année
de stage pédagogique et de la formation professionnelle, la
durée de leur formation pédagogique s’étale sur une seule année qui se
déroule dans les écoles d’application , la formation est
sanctionnée à la fin de la deuxième année de stage , en
cas de réussite, par le certificat de fin
de stage.
c.
Pour les moniteurs 1er ordre : La formation durait trois ans (deux
ans de formation générale qui est sanctionnée par le brevet d’études normales et une année de
formation professionnelle dans une école d’application suivie d’une année de stage sanctionnée par un
certificat de fin de stage), depuis la rentrée 1967-1968, la durée des études
fut rallongée d’une année à l’instar de tout l’enseignement secondaire.
Hédi
Bouhouch & Mongi Akrout , Inspecteurs généraux de l’éducation retraités
Brahim
ben Atig , professeur principal émérite
http://bouhouchakrout.blogspot.com/2014/01/le-college-alaoui-la-premiere.html
[2] Décret 14- 1961 du 3 janvier 1961 relatif à l’enseignement primaire
[3] Selon la loi 58-118 du 4 novembre 1958
relative à l’enseignement,
l’enseignement secondaire comportait deux cycles , un premier cycle de 3 ans (
un tronc commun) au terme duquel les
élèves qui passent en 4ème sont orientés vers les différentes
sections , le second cycle dure lui aussi 3 ans et il est sanctionné par
l’examen du baccalauréat ou par le diplôme de fin d’études normales pour les normaliens et le diplôme de fin
d’études secondaires commerciale pour la section commerciale
[4] Décret 20- 11 -1963 modifiant le décret 14- 1961 du 3 janvier 1961 relatif à l’enseignement primaire, jort N°55
- 22/11/1963
[5] Mongi Bousnina .
Développement scolaire et disparités régionales en Tunisie, publication de
l’université de Tunis I, 1991
[6] Je fus parmi les élèves
qui avait subi très mal cette orientation, toutes les tentatives que nous avons tenté pour changer de section
n’ont pu aboutir et j’ai du poursuivre
mes études secondaires dans la
section normale contre mon gré, il faudrait reconnaitre que ma moyenne annuelle
en 3ème était faible et j’ai du passé un examen de passage au mois
de septembre pour passer à la classe supérieure
[7] Rapport de la commission
sur l’enseignement primaire, l’Action, 4-6 – 1967 -
Annuaire de l’Afrique
du nord, VI, 1967, CNRS, Paris ,1977
[8] Rapport de la commission
sur l’enseignement primaire , l’Action ,4/6/1967 - Annuaire de l’Afrique
du nord ,VI 1967 , édition du centre national de la recherche scientifique -
1977
[9] Marouni, Y. la préparation et la formation des instituteurs en
République tunisienne, ALESCO , 1987
[10] المسعدي
محمود – انبعاثنا التربوي منذ الاستقلال : إصلاح التعليم و التخطيط التربوي ،
الديوان التربوي 1963
[11] Arrêté du Secrétaire d’état
à l’éducation nationale du 5 avril
1963 relatif aux examens du diplôme de
fin d’études secondaires normales
[12] Au cours de la quatrième
année , les élèves instituteurs étaient déchargés jusqu’en 1964/65 , mais
devant le manque d’instituteurs , il fut décidé de les charger d’un demi
service.
[13] يورد محمود المسعدي في
كتابه المذكور أعلاه أرقاما أخرى حيث يقول "وانطلقت
التجربة بــ 46 تلميذا في أكتوبر 1961 ثم 48 في السنة الموالية"
[14] المصدر : محمود المسعدي : انبعاثنا
التربوي منذ الاستقلال – اصلاح التعليم و التخطيط التربوي – الديوان التربوي -1963
[15] Bousnina rapportait dans sa thèse que Messadi
avait prévu la satisfaction de tous les besoins en instituteurs à l’horizon de 1965 et le remplacement de tous les instituteurs
étrangers , ce ne fut pas le cas , et Bousnina qui fut chef de cabinet du
Ministre de l’éducation Idriss Guiga au début des années soixante dix explique dans
sa thèse les raisons de cela .
[17] Rapport de la commission sur l’enseignement
primaire , l’Action 4-6-1967 , Annuaire
de l’Afrique du nord ,VI-1967 , Edition du centre national de la
recherche scientifique, Paris 1977 ;
[19] Bilan
critique des politiques actuelles et des structures d’encadrement mise en œuvre
pour la formation et le recyclage des maîtres de l’enseignent primaire,
RTSE - Avril 1975- p 52.
Merci. Très instructif.
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