lundi 10 juillet 2023

Les résultats de l'orientation vers les lycées pilotes (session 2022) : changement de ministre, changement de politiques sur la question.

 



Ce billet a été rédigé au mois de juillet 2022, à l'époque nous avons voulu soulever de nouveau  la question de l'orientation des élèves de neuvième année vers les lycées pilotes après la "crise" provoquée  lors de la session de 2018.


Cette crise avait donné naissance  en juillet 2019 à de nouveaux textes (décret et arrêté ) à l'initiative du ministre  Hatem Ben Salem, le premier texte ( décret) [1]   fixe les conditions  d'accès aux lycées pilotes   comblant ainsi un vide juridique et confirmant   la barre de 15 comme moyenne minimale pour espérer avoir une place dans un lycée pilote , le deuxième texte ( un arrêté [2])  organise les études dans ce type d'établissements ( collèges et lycées pilotes).

Mais, deux ans plus tard, le nouveau  ministre Fathi Sellaouti modifia le décret  de juillet 2019[3]  autorisant ainsi de descendre sous la barre de 15 pour remplir toutes les places; nous avons essayé de voir dans ce billet l'impact de cette décision sur le taux de remplissage.

 

 

Il y a quelques semaines nous avons publié un article dans le blog intitulé "L'orientation aux lycées pilotes : la session 2018 : session de tous les débats"[4].

Nous avons parlé de l'orage provoqué par la décision du ministre de l'éducation H. Ben Salem de n'orienter aux lycées pilotes que les élèves qui ont obtenu au moins 15 sur 20 au DEEB même si cela ne permet pas de remplir toutes les places ouvertes. Pour renforcer sa position et éviter les débats à l'avenir, le ministère a publié au mois de juillet 2019 un décret[5] qui précise les conditions d'accès aux lycées pilotes.

L'article 5 de ce nouveau décret précise que "dans tous les cas, nul ne peut être déclaré admis aux lycées pilotes s'il a obtenu une moyenne générale inférieure à 15/20 dans l'examen d'obtention du diplôme de fin d'études de l'enseignement de base général". Il faudrait comprendre par "dans tous les cas" même si toutes les places ouvertes ne sont pas pourvues.

Or deux sessions après cette décision, le nouveau ministre a ignoré l'article 5 en décidant de descendre en deçà de la moyenne 15, (en amendant le  décret n° 2019-656 du 29 juillet 2019, fixant les critères d'accès aux lycées pilotes.). Sans préjuger de cette décision, celle-ci donne une preuve de plus que le ministère n'a pas une stratégie qui ne dépend pas du détenteur du portefeuille.

Les statistiques de la session 2022 : seuls 2926 candidats ont obtenu une moyenne égale ou supérieure à 15.

Au cours de cette session 2022, 32344 candidats avaient exprimé le désir de rejoindre l'un des lycées pilotes, soit 98.6% des inscrits. Ces candidats concourent pour 3100 places réparties entre les 26 lycées pilotes du pays[6].

Selon les statistiques publiées par le ministère de l'éducation, seuls 2926 candidats ont obtenu à l'examen une  moyenne  égale au moins à 15 sur 20. Précisons que c'est la condition  requise pour être  parmi les candidats admissibles dans l'un des lycées telle qu'elle est fixée par le décret du 29 juillet 2019. 



Figure 2: statistiques de la session 2022

En comparaison avec la session 2018, il y a une nette amélioration, puisque le nombre des admissibles a plus que doublé (en 2018 ils étaient 1364), mais cela ne permet pas de remplir toutes les places surtout dans certains lycées pilotes.

Certains parmi ces lycées n'arrivaient, malgré leur petite capacité d'accueil, même pas à assurer la moitié de la capacité prévue comme le montrent les données suivantes, sachant que parmi les élèves qui ont obtenu des moyennes leur permettant de rejoindre le lycée pilote certains n'ont pas exprimé le désir d'en faire partie et ont préféré poursuivre leurs études dans des lycées normaux proches de leur lieu de résidence :

 

D R E

Capacité prévue

Moy = ou >15

Taux de remplissage

Siliana

75

32

42.7%

Zaghouan

50

19

38%

Kebili

50

27

54%

Tataouine

50

15

30%

Tozeur

50

24

48%

Jendouba

125

66

52.8%

Béja

75

54

72%

Mahdia

50

40

80%

 

C'est peut être la raison qui a poussé le ministère à baisser le niveau d'exigence et d'admettre dans certains lycées des candidats qui ont une moyenne comprise entre 15 et 14. L'étude des statistiques officielles par lycée pilote permet de distinguer 3 catégories de lycées :

1ère catégorie : les lycées qui ont réussi à faire le plein en respectant la moyenne minimale de 15 sur 20.

Ce premier groupe compte 11 lycées ; on y trouve les 5 lycées du grand Tunis, de Bizerte, de Gafsa, de Médenine, de Sousse, de Sidi Bouzid et de Kairouan.

Lycée pilote de

Capacité  selon l'arrêté

Les orientés

Moyenne minimale

Hammam Lif

100

100

15.59

Mannouba

100

102

15.59

Menzah 8

125

125

15.5

Sousse

175

176

15.49

F.Chedly Ariana

175

180

15.43

Bourguiba

250

263

15.4

Mannouba

125

136

15.29

Sidi Bouzid

100

100

15.29

Médenine

100

102

15.28

Gafsa

100

101

15.18

Bizerte

100

102

15

Kairouan

150

150

15.31

 

 2ème catégorie : des lycées qui n'ont réussi le plein qu'en descendant en dessous de 15

Cette deuxième catégorie compte 8 établissements, on y trouve les 2 lycées pilotes de Sfax, de  Monastir, de Nabeul qui constituent à notre avis des surprises, mais aussi, de Gabes. (Voir la liste complète dans le tableau ci-dessous)

Lycée pilote de

Capacité selon l'arrêté

Les orientés

Moyenne minimale

Kasserine

100

104

14.90

Sfax1

250

253

14.87

Gabès

100

101

14.84

Nabeul

175

176

14.78

Mahdia

50

51

14.78

Béja

75

77

14.30

Monastir

200

201

14.28

Sfax 2

150

152

14.12

 

3ème catégorie : des lycées qui n'ont pas réussi le plein  même en descendant en dessous de 15

Cette troisième catégorie compte 7 établissements. On y trouve 2 lycées avec une grande capacité d'accueil, celui de Jendouba et du Kef, le reste est formé par des lycées dont la capacité est inférieure à 70 et qui sont en général de nouveaux lycées comme les lycées de Zaghouan, de Kebili… (Voir la liste complète dans le tableau ci-dessous)

Lycée pilote de

Capacité selon l'arrêté

Les orientés

Déficit

Moyenne minimale

Jendouba

125

92

-33

14.06

Tataouine

50

21

29

14.12

Tozeur

50

28

-22

14.15

Zaghouan

50

29

21

14.12

Siliana

75

58

17

14.00

Kebili

50

37

13

14.18

Le Kef

100

99

1

14.03

 

Nous avons peur que les parents de ces 7 régions ne demandent de descendre en deçà de 14 puisqu'il y a encore des places vacantes, comme ce fut le cas pour l'année 2018, puisque le ministère a fini par donner raison aux revendications des parents et de certaines associations.

Comment peut-on justifier cette différence entre les délégations? 

Différents facteurs ont joué un rôle dans cette situation. En regardant les deux tableaux suivants, nous pouvons déduire deux facteurs concomitants  qui sont :

1-  le nombre de candidats qui ont passé l'examen (les présents et non les inscrits) : la plupart des délégations qui ont enregistré un déficit plus ou moins important avaient présenté un nombre de candidats assez réduit sauf peut être le cas  de la délégation de Jendouba, alors que pour  les autres délégations qui avaient rempli toute la capacité de leur établissement, le nombre de présentés était deux à 4 fois plus important, sauf  peut-être pour le cas de Sidi Bouzid.

2- les taux de candidats qui ont obtenu des moyennes égales ou supérieures à 14 : ce deuxième facteur a certes joué puisque, en regardant  les deux tableaux ci-dessous , nous remarquons que les taux des élèves qui ont eu des moyennes égales ou supérieures à 14 sur 20 sont généralement plus faibles chez les délégations du premier groupe (entre 7.32% et 14.20%) , alors qu'ils sont supérieurs à 16% et peuvent dépasser 20% sauf pour le cas de Médenine.

Délégations qui n'ont pas réussi à répondre à la capacité de leur lycée

délégation

présentés

Candidats avec une moy = ou > 14

%  d'élèves  avec moy = ou > 14

kebili

479

37

7.72%

Tataouine

287

24

7.32%

Tozeur

274

28

10.22%

Zaghouan

331

29

8.76%

Jendouba

648

92

14.20%

Siliana

414

58

14.01%

Délégations qui ont réussi à faire le plein  sans descendre  en dessous de 15

délégation

présentés

Candidats avec une moy = ou > à 14 sur 20

%  d'élèves  avec moy = ou > 14 sur 20

Gafsa

959

154

16,06%

Ben arous

1980

343

17,32%

Medenine

1259

163

12,95%

Sousse

1739

368

21,16%

Mannouba

1095

209

19,09%

Sidi Bouzid

760

165

21,71%

 

 

 

En plus de ces deux facteurs, il y en  a un troisième qui a joué. Nous le constatons dans  les cas de Sfax 1 et de Sfax 2. Il s'agit de la présence ou non d'un collège pilote. Sa présence dans la délégation de Sfax 1 et son absence dans Sfax 2 expliquent l'écart que nous observons dans les deux délégations. Sfax 1 a réussi à envoyer 341 élèves au lycée pilote dont la majorité est issue du collège pilote alors que Sfax 2 n'en a envoyé que 64, (voir tableau suivant)

 

présentés

Moy = >14

Orientés au lycée pilote

% / présentés

Sfax1

1290

358

341

26.4%

Sfax2

844

72

64

8.5%

 

Cela se confirme dans les cas de Tunis 1 et Tunis 2, la première qui possède 2 collèges pilotes (C.P.Ali Trad et C.P.Lac2) a envoyé 221 élèves, soit 22.84% des présentés alors que Tunis 2, qui n'a qu'un seul collège pilote (C.P.Khaznadar), n'a réussi à envoyer que 95, soit 11.99% des présentés.(Voir tableau suivant).

.

 

présentés

Moy = >14

Orientés au lycée pilote

%  présentés

Tunis 1

1755

401

221

22.84%

Tunis2

1401

168

95

11.99%

 

En conclusion, les résultats dans certaines régions donnent raison    aux anti-établissements pilotes qui appellent à l'abandon de cette option. Comment accepter le fait que des établissements qui fonctionnent avec des sous effectifs depuis des années continuent à exister. L'option d'ouvrir un lycée pilote dans chaque gouvernorat n'a pas été décidée, semble-t-il après une étude préalable, mais peut-être que dans un avenir proche, quand les collèges pilotes de ces régions atteignent leur vitesse de croisière, la question  du sous effectif serait résolue.

P.S – Le ministère a appelé par voie de communiqué le 19 septembre 2022, les élèves qui ont réussi l'examen du DFEEB (session 2022) qui remplissent les conditions d'accès aux lycées pilotes et qui n'ont pas été orientés au mois de juillet à se représenter pour concourir pour une place dans l'un des huit lycées qui n'ont pas fait le plein. ( voir annexe ci-dessous)



 

Mongi Akrout  & Abdessalam Bouzid, inspecteurs généraux de l'éducation

Tunis, juillet 2022

Pour accéder à la version Arabe,cliquer ICI


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]  Décret n° 2019-656 du 29 juillet 2019, fixant les critères d'accès aux lycées pilotes

[2] Arrêté du ministre de l'éducation du 29 juillet 2019  fixant le régime des études dans  les collèges et les               lycées pilotes
قرار من وزير التربية مؤرخ في 29 جويلية 2019 يتعلق بضبط نظام الدراسة بالمدارس الإعدادية النموذجية وبالمعاهد النموذجية.

[3]  Décret gouvernemental  N° 342  du 7 mai 2021  modifiant le  décret  gouvernemental  n° 2019-656 du 29 juillet 2019, fixant les critères d'accès aux lycées pilotes.

 

[4]Mongi,Akrout. L'orientation aux lycées pilotes : la session 2018 : session de tous les débats- le Blog pédagogique.

http://bouhouchakrout.blogspot.com/2022/06/lorientation-aux-lycees-pilotes-la.html#more

[5] Décret gouvernemental n° 2019-656 du 29 juillet 2019, fixant les critères d'accès aux lycées pilotes.

 

 

[6] Arrêté du Ministre de l'éducation du 19 avril 2022  fixant la capacité des lycées pilotes pour l'année scolaire 2022-2023.

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