Ce billet a été rédigé au mois de juillet 2022, à l'époque nous avons voulu soulever de nouveau la question de l'orientation des élèves de neuvième année vers les lycées pilotes après la "crise" provoquée lors de la session de 2018. Cette crise
avait donné naissance en juillet 2019 à
de nouveaux textes (décret et arrêté ) à l'initiative du ministre Hatem Ben Salem, le premier texte ( décret) [1]
fixe les conditions d'accès aux lycées pilotes comblant ainsi un vide juridique et confirmant la
barre de 15 comme moyenne minimale pour espérer avoir une place dans un lycée
pilote , le deuxième texte ( un arrêté [2])
organise les études dans ce type
d'établissements ( collèges et lycées pilotes). Mais, deux ans
plus tard, le nouveau ministre Fathi Sellaouti
modifia le décret de juillet 2019[3]
autorisant ainsi de descendre sous la
barre de 15 pour remplir toutes les places; nous avons essayé de voir dans ce
billet l'impact de cette décision sur le taux de remplissage. |
Il y a quelques semaines nous avons publié un article
dans le blog intitulé "L'orientation aux lycées pilotes : la session 2018
: session de tous les débats"[4].
Nous avons
parlé de l'orage provoqué par la décision du ministre de l'éducation H. Ben
Salem de n'orienter aux lycées pilotes que les élèves qui ont obtenu au moins
15 sur 20 au DEEB même si cela ne permet pas de remplir toutes les places
ouvertes. Pour renforcer sa position et éviter les débats à l'avenir, le
ministère a publié au mois de juillet 2019 un décret[5] qui
précise les conditions d'accès aux lycées pilotes.
L'article 5
de ce nouveau décret précise que "dans tous les cas, nul ne peut
être déclaré admis aux lycées pilotes s'il a obtenu une moyenne générale
inférieure à 15/20 dans l'examen d'obtention du diplôme de fin d'études de
l'enseignement de base général". Il faudrait comprendre par "dans
tous les cas" même si toutes les places ouvertes ne sont pas pourvues.
Or deux sessions après cette
décision, le nouveau ministre a ignoré l'article 5 en décidant de descendre en
deçà de la moyenne 15, (en amendant le décret n° 2019-656 du 29 juillet 2019,
fixant les critères d'accès aux lycées pilotes.). Sans préjuger
de cette décision, celle-ci donne une preuve de plus que le ministère n'a pas
une stratégie qui ne dépend pas du détenteur du portefeuille.
Les statistiques de la session 2022 : seuls 2926
candidats ont obtenu une moyenne égale ou supérieure à 15.
Au cours de
cette session 2022, 32344 candidats
avaient exprimé le désir de rejoindre l'un des lycées pilotes, soit 98.6% des
inscrits. Ces candidats concourent pour 3100 places réparties entre les 26
lycées pilotes du pays[6].
Selon les
statistiques publiées par le ministère de l'éducation, seuls 2926 candidats ont
obtenu à l'examen une moyenne égale au moins à 15 sur 20. Précisons que
c'est la condition requise pour
être parmi les candidats admissibles
dans l'un des lycées telle qu'elle est fixée par le décret du 29 juillet
2019.
Figure 2: statistiques de la session 2022
En
comparaison avec la session 2018, il y a une nette amélioration, puisque le
nombre des admissibles a plus que doublé (en 2018 ils étaient 1364), mais cela
ne permet pas de remplir toutes les places surtout dans certains lycées
pilotes.
Certains
parmi ces lycées n'arrivaient, malgré leur petite capacité d'accueil, même pas
à assurer la moitié de la capacité prévue comme le montrent les données
suivantes, sachant que parmi les élèves qui ont obtenu des moyennes leur
permettant de rejoindre le lycée pilote certains n'ont pas exprimé le désir
d'en faire partie et ont préféré poursuivre leurs études dans des lycées normaux
proches de leur lieu de résidence :
D R E |
Capacité
prévue |
Moy = ou
>15 |
Taux de
remplissage |
Siliana |
75 |
32 |
42.7% |
Zaghouan |
50 |
19 |
38% |
Kebili |
50 |
27 |
54% |
Tataouine |
50 |
15 |
30% |
Tozeur |
50 |
24 |
48% |
Jendouba |
125 |
66 |
52.8% |
Béja |
75 |
54 |
72% |
Mahdia |
50 |
40 |
80% |
C'est peut
être la raison qui a poussé le ministère à baisser le niveau d'exigence et
d'admettre dans certains lycées des candidats qui ont une moyenne comprise
entre 15 et 14. L'étude des statistiques officielles par lycée pilote permet de
distinguer 3 catégories de lycées :
1ère
catégorie : les lycées qui ont réussi à faire le plein en respectant la moyenne
minimale de 15 sur 20.
Ce premier
groupe compte 11 lycées ; on y trouve les 5 lycées du grand Tunis, de Bizerte,
de Gafsa, de Médenine, de
Sousse, de Sidi Bouzid et de Kairouan.
Lycée
pilote de |
Capacité selon l'arrêté |
Les orientés |
Moyenne minimale |
Hammam Lif |
100 |
100 |
15.59 |
Mannouba |
100 |
102 |
15.59 |
Menzah 8 |
125 |
125 |
15.5 |
Sousse |
175 |
176 |
15.49 |
F.Chedly
Ariana |
175 |
180 |
15.43 |
Bourguiba |
250 |
263 |
15.4 |
Mannouba |
125 |
136 |
15.29 |
Sidi
Bouzid |
100 |
100 |
15.29 |
Médenine |
100 |
102 |
15.28 |
Gafsa |
100 |
101 |
15.18 |
Bizerte |
100 |
102 |
15 |
Kairouan |
150 |
150 |
15.31 |
2ème
catégorie : des lycées qui n'ont réussi le plein qu'en descendant en dessous de
15
Cette deuxième catégorie compte 8 établissements, on y
trouve les 2 lycées pilotes de Sfax, de
Monastir, de Nabeul qui constituent à notre avis des surprises, mais
aussi, de Gabes. (Voir la liste complète dans le tableau ci-dessous)
Lycée
pilote de |
Capacité selon l'arrêté |
Les orientés |
Moyenne minimale |
Kasserine |
100 |
104 |
14.90 |
Sfax1 |
250 |
253 |
14.87 |
Gabès |
100 |
101 |
14.84 |
Nabeul |
175 |
176 |
14.78 |
Mahdia |
50 |
51 |
14.78 |
Béja |
75 |
77 |
14.30 |
Monastir |
200 |
201 |
14.28 |
Sfax 2 |
150 |
152 |
14.12 |
3ème
catégorie : des lycées qui n'ont pas réussi le plein même en descendant en dessous de 15
Cette
troisième catégorie compte 7 établissements. On y trouve 2 lycées avec une
grande capacité d'accueil, celui de Jendouba et du Kef, le reste est formé par
des lycées dont la capacité est inférieure à 70 et qui sont en général de
nouveaux lycées comme les lycées de Zaghouan, de Kebili… (Voir la liste
complète dans le tableau ci-dessous)
Lycée
pilote de |
Capacité selon l'arrêté |
Les orientés |
Déficit |
Moyenne minimale |
Jendouba |
125 |
92 |
-33 |
14.06 |
Tataouine |
50 |
21 |
29 |
14.12 |
Tozeur |
50 |
28 |
-22 |
14.15 |
Zaghouan |
50 |
29 |
21 |
14.12 |
Siliana |
75 |
58 |
17 |
14.00 |
Kebili |
50 |
37 |
13 |
14.18 |
Le Kef |
100 |
99 |
1 |
14.03 |
Nous avons
peur que les parents de ces 7 régions ne demandent de descendre en deçà de 14
puisqu'il y a encore des places vacantes, comme ce fut le cas pour l'année
2018, puisque le ministère a fini par donner raison aux revendications des
parents et de certaines associations.
Comment peut-on justifier cette
différence entre les délégations?
Différents
facteurs ont joué un rôle dans cette situation. En regardant les deux tableaux
suivants, nous pouvons déduire deux facteurs concomitants qui sont :
1- le nombre de candidats qui ont passé l'examen
(les présents et non les inscrits) : la plupart des délégations qui ont
enregistré un déficit plus ou moins important avaient présenté un nombre de
candidats assez réduit sauf peut être le cas
de la délégation de Jendouba, alors que pour les autres délégations qui avaient rempli
toute la capacité de leur établissement, le nombre de présentés était deux à 4
fois plus important, sauf peut-être pour
le cas de Sidi Bouzid.
2- les taux
de candidats qui ont obtenu des moyennes égales ou supérieures à 14 : ce
deuxième facteur a certes joué puisque, en regardant les deux tableaux ci-dessous , nous remarquons
que les taux des élèves qui ont eu des moyennes égales ou supérieures à 14 sur
20 sont généralement plus faibles chez les délégations du premier groupe (entre
7.32% et 14.20%) , alors qu'ils sont supérieurs à 16% et peuvent dépasser 20%
sauf pour le cas de Médenine.
Délégations
qui n'ont pas réussi à répondre à la capacité de leur lycée |
|||
délégation |
présentés |
Candidats avec une moy = ou > 14 |
%
d'élèves avec moy = ou > 14 |
kebili |
479 |
37 |
7.72% |
Tataouine |
287 |
24 |
7.32% |
Tozeur |
274 |
28 |
10.22% |
Zaghouan |
331 |
29 |
8.76% |
Jendouba |
648 |
92 |
14.20% |
Siliana |
414 |
58 |
14.01% |
Délégations
qui ont réussi à faire le plein sans
descendre en dessous de 15 |
|||
délégation |
présentés |
Candidats avec une moy = ou > à 14 sur 20 |
%
d'élèves avec moy = ou > 14
sur 20 |
Gafsa |
959 |
154 |
16,06% |
Ben arous |
1980 |
343 |
17,32% |
Medenine |
1259 |
163 |
12,95% |
Sousse |
1739 |
368 |
21,16% |
Mannouba |
1095 |
209 |
19,09% |
Sidi Bouzid |
760 |
165 |
21,71% |
En plus de ces deux facteurs, il y
en a un troisième qui a joué. Nous le
constatons dans les cas de Sfax 1 et de
Sfax 2. Il s'agit de la présence ou non d'un collège pilote. Sa présence dans
la délégation de Sfax 1 et son absence dans Sfax 2 expliquent l'écart que nous
observons dans les deux délégations. Sfax 1 a réussi à envoyer 341 élèves au
lycée pilote dont la majorité est issue du collège pilote alors que Sfax 2 n'en
a envoyé que 64, (voir tableau suivant)
|
présentés |
Moy = >14 |
Orientés au lycée pilote |
% / présentés |
Sfax1 |
1290 |
358 |
341 |
26.4% |
Sfax2 |
844 |
72 |
64 |
8.5% |
Cela se confirme dans les cas de
Tunis 1 et Tunis 2, la première qui possède 2 collèges pilotes (C.P.Ali Trad et
C.P.Lac2) a envoyé 221 élèves, soit 22.84% des présentés alors que Tunis 2, qui
n'a qu'un seul collège pilote (C.P.Khaznadar), n'a réussi à envoyer que 95,
soit 11.99% des présentés.(Voir tableau suivant).
.
|
présentés |
Moy = >14 |
Orientés au lycée pilote |
% présentés |
Tunis 1 |
1755 |
401 |
221 |
22.84% |
Tunis2 |
1401 |
168 |
95 |
11.99% |
En conclusion, les résultats dans certaines régions
donnent raison aux anti-établissements
pilotes qui appellent à l'abandon de cette option. Comment accepter le fait que
des établissements qui fonctionnent avec des sous effectifs depuis des années
continuent à exister. L'option d'ouvrir un lycée pilote dans chaque gouvernorat
n'a pas été décidée, semble-t-il après une étude préalable, mais peut-être que
dans un avenir proche, quand les collèges pilotes de ces régions atteignent
leur vitesse de croisière, la question
du sous effectif serait résolue.
P.S – Le ministère a appelé par voie de
communiqué le 19 septembre 2022, les élèves qui ont réussi l'examen du DFEEB
(session 2022) qui remplissent les conditions d'accès aux lycées pilotes et qui
n'ont pas été orientés au mois de juillet à se représenter pour concourir pour
une place dans l'un des huit lycées qui n'ont pas fait le plein. ( voir annexe ci-dessous)
Mongi Akrout & Abdessalam
Bouzid, inspecteurs généraux de l'éducation
Tunis, juillet 2022
Pour accéder à la version Arabe,cliquer ICI
[1] Décret
n° 2019-656 du 29 juillet 2019, fixant les critères d'accès aux lycées pilotes
[2] Arrêté du ministre de l'éducation du 29 juillet
2019 fixant le régime des études
dans les collèges et les lycées pilotes
قرار من وزير التربية مؤرخ في 29 جويلية 2019 يتعلق بضبط
نظام الدراسة بالمدارس الإعدادية النموذجية وبالمعاهد النموذجية.
[3] Décret
gouvernemental N° 342 du
7 mai 2021 modifiant le décret gouvernemental n° 2019-656 du 29 juillet 2019, fixant les critères d'accès
aux lycées pilotes.
[4]Mongi,Akrout. L'orientation
aux lycées pilotes : la session 2018 : session de tous les débats- le
Blog pédagogique.
http://bouhouchakrout.blogspot.com/2022/06/lorientation-aux-lycees-pilotes-la.html#more
[5]
Décret gouvernemental n° 2019-656 du 29 juillet
2019, fixant les critères d'accès aux lycées pilotes.
[6] Arrêté du Ministre de l'éducation du 19 avril 2022 fixant la capacité des lycées pilotes pour l'année scolaire 2022-2023.
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