Avant propos
Par fidélité à l’âme
du regretté Hédi Bouhouch , l’ami ,
l’éducateur , le chercheur en éducation , le cofondateur du blog
pédagogique , et principal artisan de
ses articles depuis plus de trois années, nous avons pris l’engagement de
poursuivre la mission en assurant la
publication hebdomadaire régulièrement et en conservant le même objectif
, celui de servir la mémoire de l’école
tunisienne.
Et , pour ce
premier numéro après la période de deuil,
nous avons choisi de publier le texte d’une communication faite par M° Hédi
Bouhouch , lors du colloque sur le thème : « l’école tunisienne moderne :
Réalité et perspectives ( 1958-2008)
tenu les 5 et 6 avril 2008 [1].
La communication de M° BOUHOUCH portait sur « Les constantes de la loi fondatrice
du système éducatif tunisien », la question a été traité selon trois
axes :
1- Les constantes de la loi de 1958 ( le droit à l’école,
la gratuité et la gratuité, le droit à
une éducation moderne et renouvelée, le renouvellement de la mission de l’école)
2- Les problèmes
qui se posent au système éducatif tunisien et les moyens de les dépasser
( l’échec , le redoublement , le
décrochage, la centralisation excessive , le déficit de professionnalisme ).
3- Les perspectives de l’école tunisienne.
Cher frère Hédi , si ton corps n’est plus là, ton
esprit est toujours est en notre compagnie , repose en paix.
Mongi Akrout & Brahim Ben Atig
Tunis, Juin 2017
Les constantes de la loi fondatrice du système éducatif tunisien
Communication faite par Hédi Bouhouch lors
du colloque scientifique sur l’école
tunisienne moderne: Réalité et perspectives organisé les 5 et 6
Novembre 2008, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la fondation du
système éducatif tunisien.
Publications de l'Université Manouba -
série des séminaires
Le texte de la communication
Depuis
l'indépendance, la Tunisie a connu trois grandes réformes éducatives illustrées
par trois lois, qui avaient défini les
choix fondamentaux, et avaient
arrêté les caractéristiques de la
société désirée à chaque étape et
avaient enfin déterminé la relation
entre le système éducatif et le système économique et social.
Ces lois sont :
La
loi de 1958
(loi n ° 118 de 1958, en date du 4 Novembre, 1958), qui a été adoptée par l'Etat tunisien, après avoir
retrouvé sa souveraineté nationale (20 Mars 1956), et la promulgation du
Code du statut personnel (13 Août 1956) et la proclamation de la république (25 Juillet, 1957), et le passage
du peuple tunisien de l'état de sujet au
statut de citoyen moderne, avec des droits et des devoirs. Cette loi, avait
la noble mission de former les cadres qui allaient se charger de relever le pays et de former le citoyen
conscient de ses droits et ses devoirs. . L'éducation était considérée, à
l'époque, parmi les priorités dans la
mise en place du nouvel Etat national,
elle était aussi à la tête des
préoccupations de l’Etat , compte tenu de sa grande importance dans la construction de la nouvelle société, et la mise en place du
système républicain.
La
loi de 1991 (loi n ° 65 de 1991, en date du 29 Juillet 1991), qui avait confié
au système éducatif la mission de
divulguer la culture des droits de l'homme et des valeurs universelles, en plus
de la consolidation de la fierté de
l'identité nationale.
Loi
de 2002 (loi 80 de 2002 en date du 23
Juillet, 2002) : Entre les deux
lois (1991 et 2002), le contexte a radicalement changé avec l’entrée du monde dans une nouvelle ère
dominée par la mondialisation et l'émergence d'un nouvel ordre mondial, la concurrence entre les nations s’est intensifiée sur la base de l'intelligence
humaine. Et vu sa position géographique et culturelle ,notre pays a choisi volontairement , de s’inscrire dans une nouvelle phase de développement et
d’ouverture consciente sur le monde, cela s’est traduit dans les faits par son
adhésion à l'Organisation mondiale du commerce en 1995, et l'adoption d'un
vaste programme de mise à niveau des
entreprises économiques (1995), et la signature d’un accord de partenariat avec
l'Union européenne en 1996.
Dans le cadre de la loi de 2002 sus
mentionnée, la mise à niveau des
ressources humaines était devenue une
question inévitable, car de son succès
dépend la mise à niveau des institutions économiques afin de
renforcer leur capacité devant la concurrence, et dépend aussi la mise à niveau de la société toute entière , afin qu’elle
puisse suivre les évolutions et les
progrès culturels et technologiques dans
le monde d'aujourd'hui , il n’est donc
pas surprenant de voir l'éducation et la
formation devenir une priorité absolue pour le pays.
Ce
sont les trois lois qui gouvernaient le système éducatif de notre pays et ce
sont trois étapes, chacune d’entre elles a répondu aux exigences de la phase
culturelle vécue par notre pays et au type de société souhaitée. .
Ces
trois lois, elles furent des réponses aux exigences de l'étape de la
promulgation de chacune d’entre elles , mais elles se sont associées pour
réaliser la politique éducative
et pour mettre en œuvre les grands choix
dans le domaine de l'éducation et de la formation. Les principes de base sont
restés constants, ils furent consolidés
et raffermis par des mesures pratiques qui ont permis de les matérialiser
sur le terrain et le vécu scolaire, les changements n’avaient concerné
que les mécanismes, les méthodologies, les approches et les moyens
et ils ont été décidés pour adopter le
meilleur des innovations dans le monde de l’éducation.
I.
Les constantes dans la première loi sur
l’enseignement
Les
principales constantes de la loi de 1958 sont la garantie du droit à
l’éducation avec l’assurance de sa
gratuité et son obligation et l’unification de l’enseignement et son amélioration, quel furent le destin de
ces constantes ?
1.
Assurer le droit à l'éducation à tous
les enfants
« L’accès à l'éducation et à
l’instruction est ouvert à tous
les enfants à partir de l'âge de six ans »: Loi 1958 , article 2)
Les trois réformes avaient confirmé ce droit, car sans cela, la
formation du citoyen et de l’homme ne
serait qu’un mirage, et sans ce droit
l’édification d'un avenir fondé sur la
science et la connaissance serait en panne. L’article 2 de la loi de 1958 a stipulé que « l’accès à l'éducation
et à l’instruction est ouvert à tous
les enfants à partir de l'âge de six ans » ; les deux autres réformes ont
confirmé ce choix, et l’ont consolidé
par une série de mesures , ce qui a
permis au pays d'atteindre cet objectif, au cours de l'année scolaire 1998 -1999,
quand le taux de scolarisation des
enfants de 6 ans avait atteint 99,1% à
parts égales entre les filles et les garçons , sachant que ce taux
ne dépassait guère 13%.
au moment de l'indépendance.
La
loi de 1991 ne s’est pas limitée à confirmer ce droit dans son article 4 , elle l’a accompagné par des mesures destinées à permettre à tous les enfants d’en profiter,
et ce en s’attaquant au phénomène de
l'abandon scolaire précoce, le tout accompagné
d’une invitation à « prendre les mesures pédagogiques , administratives
et structurelles, à même d'améliorer le rendement du système éducatif, pour que l’échec et l'abandon deviennent
l’exception » (1998). Une série de mesures
de nature sociale et pédagogique ont été
décidées afin de fournir un soutien matériel et pédagogique aux élèves de moins de 16 ans menacés d'échec
pour sceller ce droit dans la réalité scolaire.
Pour
raffermir ce droit, la loi de
2002 avait décrété que «L'enseignement
est un droit fondamental garanti à tous les Tunisiens…c'est aussi un devoir
qu'assument conjointement les individus et la collectivité » - (chapitre
I : La mission de l'éducation,
article premier- ). et en prévision de cela , l’article 16 de la loi a institué une année préparatoire pour les enfants de la
tranche d'âge 5/6 ans, elle en a fait une partie de l'enseignement de base, l'Etat est appelé à la généraliser en mettant en place un plan national qui devrait être achevé
avant la fin de 2009 ; et dans le
cadre de la mise en œuvre du principe de l'équité, et de la généralisation du droit de l’accès de tous à l'éducation, sans
exception, l'Etat a conçu un plan pour les enfants aux besoins spécifiques, y
compris les enfants handicapés.
C’est ainsi que l'Etat tunisien a garanti le droit de tous les enfants à l'éducation et
l’instruction, il a réalisé avant les
délais l’appel de la déclaration
universelle « l’éducation pour tous » (1990) et de toutes les conventions et
pactes internationaux, notamment la Convention internationale relative aux
droits de l'enfant.
Mais , aujourd'hui, que l'Etat a gagné la bataille de la quantité
(scolarisation), le droit à l'éducation
a pris une nouvelle dimension passant au
droit à la réussite d'une part, et le droit à une éducation de qualité pour
tous d'autre part, qui explique l'émergence d’une
nouvelle terminologie dans la littérature et le discours éducatif,
comme « L'élève est au centre de l'action éducative » l’accompagnement, le soutien et la
remédiation , la mise en place de
projets éducatifs spécifiques comme les écoles de priorités pédagogiques et les collèges pilotes et le réseau des écoles d'excellence et les
élèves surdoués
2.
Garantir la gratuité et l’obligation de
l’enseignement
« L’enseignement sera dispensé gratuitement
à tous les degrés » loi 195 8, article 3.
Il
ne fait aucun doute que la gratuité de l'enseignement assure
les conditions de son obligation,
et le législateur était conscient que
les conditions économiques et sociales des citoyens tunisiens pourraient les
empêcher d'envoyer leurs enfants à l'école, l'Etat a pris l'initiative
d’activer le principe de l'égalité des
chances en accordant aux élèves des
familles nécessiteuses et aux élèves
brillants des aides et des bourses, le troisième article de la loi de 1958
a décrété le principe de la gratuité
dans ces termes : «l’enseignement sera dispensé gratuitement
à tous les degrés » .
La
gratuité visait de donner à tous les enfants des chances égales face à l'éducation et l’instruction, la loi 1991 avait inclus ce
principe dans le quatrième article du
chapitre II: «l'Etat garantit à tous
ceux qui sont en âge d’être
scolarisés , le droit à la
formation scolaire et offre à tous les
élèves, … le maximum d’égalité de chances dans le bénéfice de ce droit »
. La loi de 2002 en a fait de même dans
l’article 4 : « L'Etat garantit le droit à l'enseignement
gratuit dans les établissements scolaires publics à tous ceux qui sont en âge
d'être scolarisés et l'égalité de chances dans la jouissance de ce droit à tous
les élèves » , « (Mission de l'éducation , article 4) »
ainsi l'école tunisienne fut le long de toutes les étapes après l'indépendance,
une école démocratique dans son essence,
ouverte pour tous les enfants de la
Tunisie, sans « distinction
religieuses, philosophiques ou politiques »
.
Quant
à l'obligation, la loi de 1958 l’avait
limitée à l’école primaire seulement,
s’étendant de l'âge de six ans à l'âge
de douze ans (article 2), la loi s’était engagée de publier des dispositions qui fixent la
date d’entrée en vigueur de l’obligation
de l’enseignement pour tous les parents ,
la loi 1991 a étendu l’obligation ( article 7), à l'âge de seize ans ,
l’imposant aux parents, et fixant les
peines encourues par le parent qui empêche son enfant de
rejoindre l'école ou qui l’y
soustrait avant l’âge de 16 ans (décret
1186 de 1992 en date du 22 Juin 1992)
Et
dans le cadre de l’affirmation de ce
droit, les Ministres de l'Intérieur , de la Justice , des Affaires sociales et
de l'Education et des Sciences, avaient
publié 1992 une circulaire commune
relative au caractère obligatoire
de l’enseignement de base
(circulaire 55/92 en date du 22
Juin 1992) traduisant ainsi leur
conviction que le réseau des établissements d'enseignement couvrait
désormais tout le territoire du pays .
Ensuite la loi
de 2002 avait confirmé dans l’article premier le caractère obligatoire de l’enseignement de six à seize ans et l’a renforcée par deux mesures :
-
la première interdit l'interruption des études avant l'âge de seize ans ( article 20)
-
la deuxième
interdit l’exclusion définitive de tous les établissements scolaires
avant l’âge de seize ans sauf pour faute grave impardonnable « Aucun élève
âgé de moins de 16 ans ne peut être exclu définitivement de tous les
établissements scolaires publics que sur décision du Ministre chargé de l'éducation
… » Art. 20
Le
législateur tunisien ne s’est pas limité
à reconnaitre ce droit, il a veillé à le
garantir pour tous d’une manière
effective.
Ainsi,
le principe de l'enseignement obligatoire
est-il passé d’un simple article
qui concerne l'enseignement
primaire dans la loi de 1958 à un article qui couvre l'ensemble de
l’enseignement de base de neuf ans dans la loi de 1991 puis il est promu au
niveau d’un principe fondamental avec la loi de 2002 dans le premier
chapitre de la loi ( article 1) où il est annoncé que " L'éducation est une priorité nationale
absolue et l'enseignement est obligatoire de six à seize ans. L'enseignement
est un droit fondamental garanti à tous les Tunisiens … »
1.
Mettre en place un système éducatif
unique
La
première réforme de l'éducation a réalisé l'unification du système éducatif en
Tunisie dans les domaines de la structure éducative , des objectifs éducatifs
et des programmes d'études , en 1958 le
pays avait plusieurs systèmes éducatifs aux objectifs, aux structures, aux programmes
et aux examens différents (régime Zitounien, régime Sadikien, le régime public français, les
enseignements spéciaux des communautés étrangères), cette diversité qui caractérisait l’école
tunisienne avant l’indépendance
n’était pas compatible avec les
exigences de l'Etat moderne et les besoins de consolidation de l'unité nationale et du système républicain.
Il était urgent de mettre en place une école tunisienne unique pour tous
les enfants sans discrimination ni
distinction.
La
loi de 1958 a institué l’école sur la
base de la réalisation des revendications
du mouvement national et des sacrifices consentis par les tunisiens pour
l’école , la dignité, la liberté et la
justice sociale ; c’est pour tout cela que la nouvelle école s’est donnée pour mission de libérer et
d’éclairer les esprits et de former le
citoyen enraciné dans sa culture nationale et ouvert à la modernité, contribuant au progrès de son pays. Ce choix s’est
traduit dans l'adoption de nouveaux
programmes scolaires (programmes de
1958) qui ont cherché à:
· Accorder à la langue arabe une place de première choix dans l'enseignement ce qui va renforcer
la culture nationale, sans pour autant tourner le dos aux langues étrangères,.
· Tunisifier les programmes des disciplines
de sciences humaines et sociales qui jouent un rôle dans la formation de la
personnalité telle que l'histoire, la géographie, l'éducation civique,
l'éducation islamique, la littérature arabe, la pensée islamique et la
civilisation islamique avec une attention particulière pour le Maghreb arabe.
· S’intéresser aux sciences modernes,
comme les mathématiques, la physique, la chimie, l'économie, les techniques, en
veillant à établir les différents programmes à la lumière des exigences du
développement économique et technique ;
tout cela s’est reflété dans les nouvelles sections de
l’enseignement secondaires créées par la
loi de 1958: les sections sciences, mathématiques- techniques et la section industrielle de l'industrie.
(chapitres 18, 19 et 20).
· Permettre aux
élèves d’acquérir des compétences qui les qualifient à exercer une activité professionnelle dans les
domaines de l'industrie, du commerce et de la comptabilité. Cette orientation
est illustrée dans la structure de l'enseignement moyen de
trois ans et ses branches industrielles et commerciales (chapitre de
l’enseignement moyen, art 10 et 11)
Ces choix sont restés très présents dans les différents programmes scolaires durant
toutes les phases du système tunisien, avec des modifications nécessaires dictées par des évaluations des
programmes en vigueur , c’est ainsi que
la réforme de 1991 avait appelé à
« réaliser l’équilibre dans l’éducation des jeunes générations entre
diverses matières d'enseignement de sorte que les intérêts portés aux sciences
, aux humanités, à la technique, à la dextérité manuelle ainsi qu’aux
dimensions cognitives , morales, affectives et pratiques soient équivalents»,
cette décision a été prise à la lumière
de ce que l’on avait constaté chez les
diplômés des années quatre-vingt en particulier comme faiblesse dans les langues ,les sciences
humaines et la culture générale.
Ces
choix ont également appelé à la formation d'un citoyen pour une « société civile et institutionnelle dans
laquelle la liberté et la responsabilité
sont concomitantes » et la formation du
citoyen « capable d'affronter l'avenir
et de s’adapter au rythme des changements rapides de l'époque moderne» ;
quant aux programmes de « l'école de demain » ils accordent une attention particulière aux langues , aussi bien la langue nationale que les langues étrangères, ils accordent aussi la
même attention aux technologies
modernes, en raison de leur rôle
déterminant dans l'établissement d'une
société du savoir et de l'école intelligente, ceci en plus que l'attention continue accordée aux sciences
et aux techniques.
Or
quelques soient les changements
de méthodologies de la confection des programmes scolaires ,
l'école tunisienne a maintenu
régulièrement les mêmes orientations et les mêmes fondamentaux pour avoir
des programmes modernes qui
suivent le rythme du renouvellement des connaissances et qui tiennent compte des innovations au niveau des approches éducatives et pédagogiques, pour se rapprocher de plus en plus des normes
internationales dans ce domaine.
1.
Garantir
le renouvellement de la mission de l'éducation
Le
renouvellement de la mission de l'éducation est l’une des constantes de la politique
éducative en Tunisie, en effet toutes les réformes introduites sur le système éducatif sont décidées généralement pour répondre à de nouvelles situations et à des choix civilisationnels et sociétaux spécifiques.
La mission de l'éducation, dans la loi de 1958,
vise à ressusciter la nation , à
reconstruire l'entité nationale , à réhabiliter la langue nationale et
l'identité nationale, la mission de cette loi était aussi de contribuer également à l'établissement
d'une société moderne et évoluée politiquement, économiquement et culturellement , c’est pour cela que
parmi ses objectifs annoncés il y avait
la formation d'agents , de techniciens et des cadres intermédiaires
nécessaires à la gestion technique dont
l'économie nationale avait besoin.
Tout
cela s’est traduit dans les différentes sections qui ont été mises en place
, on y trouvait le cycle court
(l’enseignement moyen avec ses trois
options : générale, industrielle et
commerciale ) et le cycle moyen
(l’enseignement secondaire général et les sections techniques et la section normale) et le cycle long (l’enseignement supérieur chargé de former
les cadres supérieurs scientifiques,
techniques et autres. nécessaires à la vie de la nation: art 20 et 25 de la Loi
) .
Avec
la fin des années quatre-vingt, à la lumière du développement que connaît le pays parallèlement aux transformations que connait le monde, l'école tunisienne avait fait face à des problèmes qu’elle n’avait pas connu auparavant, et
elle a pris l'initiative de reconsidérer
sa mission en vue de la confirmation des
fondements de l’identité nationale
tunisienne et de l’enracinement dans
l'appartenance culturelle nationale , maghrébine , arabe et islamique tout en
continuant l'ouverture sur la modernité de la civilisation humaine.
L’article
premier de la loi de 1991, a situé le système éducatif « dans le cadre de l'identité nationale
tunisienne et de l’appartenance à la
civilisation arabo-islamique. »
la loi de 1958 a appelé dans la
partie consacrée aux principes à
s’intéresser aux droits de l'homme, à développer la conscience citoyenne, et le sens civique chez les apprenants, afin qu’ils soient élevés en étant conscients de leurs droits et leurs
devoirs « dans une société civile et institutionnaliste fondée sur le
caractère indissociable entre la liberté et la responsabilité. » (
art 13) Ainsi, aux yeux du législateur,
l'école peut contribuer à la mise en place de la société évoluée souhaitée.
Quant
à la loi de 2002, elle fut préparée
alors qu’une question brûlante se
posait sur le degré de l'engagement de
l'Etat tunisien vis-à-vis du principe de la gratuité de
l’enseignement surtout que l’étape
voyait la prédominance de tendance à la
privatisation dans le domaine économique
, la loi est venue pour confirmer
l’engagement inconditionnel de la
collectivité nationale à fournir
les moyens qui garantissent le
droit à l'éducation et sa gratuité, c’est sur cette base que fut conçue la
mission de l’école dans cette loi qui a décrété
que « l'éducation est une priorité nationale absolue » ( art premier) ,
comme elle a insisté
dans le chapitre consacré
aux finalités sur les orientations
suivantes:
· élever les élèves dans la fidélité à la
Tunisie et la loyauté à son égard dans le cadre
de l'identité nationale et l’appartenance culturelle et l'ouverture au cadre de
la civilisation universelle.
· Former
un citoyen actif dans une société profondément attachée à son identité
culturelle, ouverte sur la modernité et s'inspirant des idéaux humanistes et
des principes universels de liberté, de démocratie, de justice sociale et des
droits de l'Homme.
· Faire acquérir les apprenants les valeurs de tolérance, de
solidarité, de modération, et l'amour de la science et du travail.
· « Garantir
à tous les élèves un enseignement de qualité qui leur permette d'acquérir une
culture générale et des savoirs théoriques et pratiques, de développer leurs
dons et leur aptitude à apprendre par eux-mêmes, et de s'insérer ainsi dans la
société du savoir » Art. 9.
Ainsi,
la mission de l'école tunisienne
fut-elle renouvelée régulièrement car à chaque étape son projet,
ses finalités éducatives, et ses objectifs qui répondent aux besoins des
individus et de la communauté, elle a aussi ses choix qui répondent aux exigences du moment et aux conditions de la
vie scientifique, économique, culturelle et technologique.
Ce
sont là les constantes de la politique scolaire
de notre pays depuis la première
réforme en 1958 : un désir constant de renouveler la mission de l’école, et un
effort permanent pour garantir
le droit à un enseignement de qualité
pour tous, et un travail sans arrêt pour améliorer les
programmes scolaires afin que les acquis
des élèves tunisiens soient
conformes aux normes internationales.
Les
grands choix de la politique scolaire
incarnée par la loi 1958 ont permis d’enregistrer des acquis et des
réalisations pour le système éducatif, certains sont
d’ordre quantitatif, tels que la
scolarisation maximale de la tranche
d'âge de 6 ans pour les garçons et les filles, et l'enregistrement de taux élevés
pour les autres tranches d’âge ,
et telle que l'amélioration des taux
d’encadrement dans les divers degré de l’enseignement et l’amélioration des taux de progression et
de passage d'un cycle à l’autre , à
coté des acquis quantitatifs , il y a eu
aussi des acquis qualitatifs comme la
culture de l'excellence et l’importance
de la proportion lauréats au
baccalauréat qui a atteint le quart des admis .
En
dépit de ces réalisations , le système éducatif rencontre des
problèmes et souffre de la
présence de lacunes qui entravent la
réalisation de ses objectifs , je vais dans ce qui suit énumérer celles qui me semblent les
plus importantes :
Aujourd'hui les problèmes qui se
posent avec acuité sont ceux liés à l'échec scolaire , à l'abandon précoce, aux faiblesses
des acquis dans les langues et les disciplines scientifiques , ils sont aussi en rapport avec la
centralisation excessive et le déficit
de professionnalisme.
II.
Les problèmes qui se posent et les
moyens de les surmonter
On
peut restreindre les problèmes qui sont
encore posés face du système éducatif en trois groupes : Le première a trait à la faiblesse du
rendement de l'institution aussi bien sur le plan quantitatif
que qualitatif, , le second est
lié à la centralisation excessive
dans la gestion des composantes
du système éducatif qui est du à
l'absence d'une culture d'initiative et d’une culture de l'évaluation et du
suivi ; le troisième groupe est en relation avec l'absence
de professionnalisme chez la plus
grande partie des acteurs du système
tant au niveau de l’encadrement, que celui de la gestion et la formation
1.
Le phénomène de l'échec scolaire
Si
le ministère a réussi à contenir le phénomène de l'échec au niveau de
l’école primaire, le taux de
redoublement est tombé à 8,3 pour cent
et le taux d’abandon à 0,8 pour cent, dans les collèges et aux lycées les
indicateurs restent encore une source de
préoccupation, en effet le taux de
redoublement est au niveau de 18 pour
cent dans les collèges et de 15,8 pour cent dans l'enseignement
secondaire et le taux d'abandon est proche
de 11 pour cent.
Pour
faire face à ce phénomène et pour enrayer
le décrochage scolaire le
ministère a pris un certain nombre de
mesures, dont notamment:
· Le lancement du projet de la généralisation
de l'année préparatoire qui devrait
atteindre le chiffre de 1833
classes dans le secteur public, car les études ont montré que les enfants qui
fréquentent les cours préparatoires sont
moins vulnérables à l'échec scolaire.
· La poursuite du renforcement
du réseau des écoles prioritaires
dont le nombre a atteint 106
écoles primaires et la programmation
de deux heures supplémentaires de
soutien pour chaque classe
consacrées au remédiation et à la
consolidation , et enfin la
généralisation des cantines scolaires
· l'organisation du cours de soutien et de
remédiation obligatoires, au profit des
élèves qui ont redoublé la quatrième année de l’école primaire, à la lumière
des résultats de l'examen régional pour
les élèves de la quatrième année.
La création de collèges techniques, dans le cadre de la
diversification des filières, dans le but d’accueillir les élèves qui ont des habilités
manuelles et pratiques afin de
les préparer à se joindre à la formation professionnelle ou à intégrer
la vie active, sachant que cette initiative est l'une des manières de
faire le lien entre l'éducation et le
système de formation professionnelle.
2.
La faiblesse des acquis des apprenants
les évaluations internes et
externes et les évaluations internationales
comparées s’accordent pour confirmer la faiblesse des compétences
des élèves en langues, ( oral et écrit) , et la modestie de leur capacité à chercher
l’information , à synthétiser et à
résoudre les problèmes, tout cela est du
à des facteurs liés aux programmes (la prédominance du quantitatif, et de la dimension cognitive et théorique sur
les apprentissages, des programmes
rigides qui laissent peu place aux initiatives de l'enseignant, l'absence
d’initiation méthodologique pour les élèves),
cette faiblesse est due aussi à des facteurs liés aux méthodes et aux styles d'enseignement ( le style
d'enseignement prédominant est encore
plus proche de l'accumulation des connaissances
que du développement des compétences et des savoirs faire méthodologiques, c’est un style
d'enseignement vertical où l’élève est souvent passif , (malgré l'apparition de
quelques signes d’un style participatif et associatif) , la
sous utilisation des aides pédagogiques et des nouvelles technologies).
Les autres facteurs concernent l’évaluation (absence quasi totale de
l'évaluation formative ; l'utilisation d'outils qui mesurent les compétences élémentaires comme la restitution des connaissances et
l’application directe plutôt que les compétences d’un niveau supérieur
comme les capacités d'analyse et de
synthèse et d'évaluation, et le recours à un type de tests qui ne sont pas basés sur
des situations qui poussent l’élève à
utiliser ses acquis et à la réflexion)
.
Pour contrer ce phénomène, le ministère a
pris, depuis des années, des mesures qui contribueront à résoudre ce problème,
dont celles qui suivent:
· Conception d’un nouveau référentiel pour l’élaboration du programme basée sur la
détermination des niveaux normatifs exigés dans les différents domaines
d'apprentissage et à tous les niveaux d'enseignement (ce référentiel est le programme des programmes)
· Elaboration de programmes axés sur la
capacité et les compétences.
· Révision du réseau des
apprentissages, ( disciplines et horaires)
, dans le sens de renforcer la
place des langues , de
l’amélioration de l'enseignement des
sciences et de la technologie et la
généralisation de l’enseignement de l’informatique et de fournir une liste de matières
optionnelles .
· Accorder une attention particulière à l’apprentissage par le projet dans des matières optionnelles, dans la mesure où ce type de travail permet de développer les compétences de la recherche
de l'information et de sa sélection et
enfin de son utilisation.
· L'établissement d'un programme de
visites d'études au profit des élèves
des écoles primaires.
· La mise en place d’un programme national
pour former les enseignants pour les
aider à améliorer leurs
méthodes d’enseignement et les initier à
de nouveaux modes d’évaluation des acquis des élèves.
· Intensifier les activités d'orientation
et d’encadrement.
· Encourager la recherche action et l’innovation pédagogique .
3.
Le phénomène de la centralisation
excessive
Ce phénomène est lié aux modalités de
l’organisation administrative et du suivi des projets éducatifs, innovants ,
les évaluations menées ont montré que
l'administration locale (écoles et lycées) et régionale manque d'initiative,
son rôle se limite principalement à mettre en œuvre les instructions de
l'administration centrale et de l'application
des circulaires et des notes qui
lui parviennent du centre , enfin elle n’est armé pour ne peut pas suivre les
projets innovants dans les divers domaines,
Pour libérer l'initiative au niveau
local et régional, de nouveaux concepts furent introduits par la loi de 2002, parmi ces concepts on peut citer ceux -ci:
·
Considérer l'école comme une cellule de base dans le
tissu éducatif et une structure pédagogique autonome, ainsi le législateur en
a-t-il fait le cadre moral
et matériel dans lequel seront
réalisés les objectifs nationaux de l'éducation, alors qu’elle fut
longtemps considérée comme un simple
espace pour l'enseignement (article VI) et
pour que ce principe soit réalisé , la
loi a prévu la mise en place
d'un projet de l’école qui se
fera avec la participation de toutes les
parties ( conception, exécution et évaluation).
·
Création de
deux conseils consultatifs dans chaque
établissement : le Conseil d'établissement et le conseil pédagogique des
enseignants (chapitres 32 et 33)
· Développer de la vie scolaire comme étant le
prolongement naturel des apprentissages,
la vie scolaire fut organisée par le décret n° 2437 - 2004 du 19 octobre 2004. (Élection des
représentants des élèves, élaborer un
programme d’activités, et des projets ... )
· Considérer la région comme un pôle
éducatif actif depuis la publication du décret
fixant les attributions des
directions régionales de l'éducation et de la formation, le 6 Mars
2007 ; la région sera en mesure de préparer son propre projet éducatif partant de sa réalité et de ses
indicateurs dans le cadre des objectifs nationaux.
· Création
de conseils consultatifs de l'éducation et de la formation au niveau
des districts
4.
Le manque de professionnalisme
Le système éducatif et de la formation souffre d’un manque de professionnalisme chez la majorité des acteurs des établissements
d'enseignement et de formation professionnelle, que ce soit dans le domaine de
l'enseignement et de la formation ou dans le domaine de la gestion des services
administratifs ou dans le domaine de l’encadrement pédagogique, à
l’exception du corps de l'inspection
pédagogiques et du corps des conseillers
de l'orientation scolaire et universitaire qui reçoivent une formation
professionnalisante avant l’entrée en
service , alors que les enseignants,
(sauf une partie des enseignants du
primaire) les directeurs et les agents
d’encadrement ne sont pas soumis à une formation initiale qui les qualifie pour exercer la profession
Dans le cadre de l'amélioration de la
formation initiale et professionnelle de
divers métiers de l'éducation et de la
formation, le ministère a reconnu le principe de la professionnalisation et a créé pour cela des institutions
spécifiques , ce sont les Instituts des
métiers de l'éducation et de la formation (IMEF) ; la priorité a été donnée à la formation des enseignants de l'école primaire, un
concours écrit fut organisé
pour les titulaires de diplômes
d'études supérieures , les admis devraient entamer leur formation au mois de février de 2008.
Ce sont là quelques-uns des problèmes
qui se posent aujourd'hui au système de l’éducation et de la formation et les mesures prises pour
les surmonter. Et on perçoit à travers
ces diverses mesures d’autres
constantes de la politique éducative
en Tunisie , comme la préoccupation
sincère d’impliquer les différents
acteurs de l'établissement
d'enseignement dans les affaires de l'éducation, cette participation garantit leur engagement au processus de réformes, et comme
la politique de soutien à la décentralisation et la
responsabilisation des autorités locales
et régionales en les encourageant à participer
à la conception ,la planification , le suivi et à l'évaluation.
III.
Perspectives de l'école tunisienne
L’école tunisienne a réalisé grâce aux réformes éducatives successives des acquis substantiels qui ont changé la réalité physique et
pédagogique de l'école tunisienne et qui lui ont permis de prendre la voie de
la qualité, et aujourd'hui, qu’ on
vient d’achever la mise en place de la nouvelle structure de l'enseignement
secondaire , et que la première promotion est
arrivée au niveau du
baccalauréat, on doit s’occuper de l'école primaire et du collège
technique et des nouvelles technologies
de l’information et de communication
Car
l'école primaire, malgré l’amélioration des indicateurs au niveau de l’encadrement ( nombre d’élèves par
classe, nombre d'élèves par enseignant) et dans le domaine de l'éducation (les
taux de passage , de redoublement et d'abandon), il reste encore beaucoup à
faire pour dépasser les nombreuses lacunes au niveau de l'organisation et au
niveau pédagogique, les élèves ont
encore un besoin urgent d’une formation
de qualité qui leur garantirait la
poursuite de leurs études dans les cycles ultérieurs sans difficultés.
C’est pour cela que
le ministère a décidé de
s’occuper des enseignants du primaire en
relevant le niveau exigé pour accéder
aux instituts des métiers de l’enseignement et de la formation (baccalauréat plus trois
années d’études supérieures avec
succès), et on espère que les instituts vont
nous fournir des enseignants,
conformément aux normes internationales en vigueur dans les systèmes éducatifs des pays développés,
qui recrutent pour leurs enfants des
enseignants titulaires d’une maitrise au moins . Et on espère aussi que l’amélioration du niveau scientifique de l'enseignant se
répercutera sur la qualité des acquis
des apprenants
Quant
au collège technique, il représente une
filière de réussite pour des élèves qui
ont des compétences et des qualifications pratiques et aspirent à acquérir une
compétence qui les qualifie pour réussir un métier . Ces écoles vont devenir un lien organique entre le
système de formation professionnelle et le système éducatif et assurer la complémentarité
entre les deux, et il ne fait aucun doute que le succès dans l'expansion du
réseau de ces écoles dépend de l’amélioration du processus de l’orientation
et elle dépend aussi de la
sensibilisation des élèves qui
choisiront cette voie aux monde des métiers , des habilités et de la
technologie , n’oublions pas que l’école
tunisienne a une expérience utile dans
le travail manuel depuis les années soixante-dix.
La
troisième question concerne la maitrise de la nouvelle technologie, car
elle constitue aujourd'hui un choix
stratégique dans l'école de demain et de la société de l'information, on sait aujourd’hui que la maitrise de ces technologies est
considérée comme parmi les moyens
les plus importants pour armer la
jeunesse pour relever les défis de
l'avenir ; dans ce domaine , le ministère a réussi la généralisation
de l’informatique aux collèges et aux lycées , et il s’est préparé pour la mise en place d’un brevet
d’informatique et d'Internet, il a
entamé la numérisation des contenus des
programmes scolaires et il a
accompagné des manuels scolaires
destinés aux élèves de l’école primaire par des CD avec des contenus interactifs destinés aux élèves.
Ceci
est, la question de l'intégration des nouvelles technologies dans
l'apprentissage et l'enseignement reste parmi les questions qui se posent aujourd'hui, à coté de
l’étude des moyens de recourir à
l'enseignement à distance dans la formation continue des enseignants, et pour
aider les élèves à l'auto-apprentissage. Ce sont là , quelques-unes des
perspectives pour la prochaine étape de notre système de l'éducation et de
formation dans le cadre des constantes de la politique éducative.
Hédi Bouhouch & Mongi Akrout , Inspecteurs généraux de
l’éducation et Brahim Ben Atig
Tunis , juin 2017
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