Lorsque nos
étudiants, ayant suivi leur scolarité à l'étranger, rentrent au pays l'été et postulent auprès du
Ministère de l'Enseignement Supérieur afin d'obtenir l'équivalence de leur
baccalauréat pour rejoindre l'Université Tunisienne, une certaine curiosité
nous pousse à voir les types de couronnement du cycle
secondaire dans le monde pour comparer notre baccalauréat tunisien en termes de
contenu, de matières et de coefficients
avec l'Abitur1. allemand ou
le Matura en Belgique, en Italie et en Suisse, ou le l'examen national d'entrée
à l'enseignement supérieur en Corée du Sud, le
Suneug, ou le Gaokao en Chine (que
l'on peut traduire par « examen du niveau supérieur de l'enseignement
secondaire » ou enfin le diplôme de fin de l'enseignement général dans les
pays arabes.
Sans entrer
dans des détails qui ne sont pas de mise ici, cette première comparaison montre
que nous avons un baccalauréat qui honore nos jeunes filles et nos jeunes
hommes et réchauffe le cœur de leurs pères et mères. Depuis 1891, un
baccalauréat dont la valeur
scientifique n'a rien à envier aux baccalauréats des autres pays (au
niveau de la nature des matières dans lesquelles les candidats sont examinés et
des 'apprentissages que l'élève a accumulés durant trois ans…). Au contraire, nous
sommes parfois amenés à adopter des
formules de calcul protectionniste pour le baccalauréat tunisien, afin de le
distinguer de certains baccalauréats étrangers qui accordent une place
importante à des matières qui n'ont rien à voir avec les programmes de
l'enseignement supérieur.
.
Mais cette
fierté de notre baccalauréat tunisien ne doit pas occulter certains aspects
négatifs que tout le monde constate et connaît, et auxquels nous devons prêter
attention, afin de rectifier notre regard, protéger son image dans le monde et
contrecarrer certaines dérives (même si elles sont partielles et ne touchent
pas toutes les sections). Ceci dans le sens où on doit "se regarder très
attentivement." et regarder les autres avec modestie et timidité"
selon, semble-t-il, les dires de Confucius.
Premièrement : L'inégalité
inter-régionale
Le nombre
d'élèves qui atteignent le baccalauréat par rapport à l'ensemble des élèves fréquentant le cycle
primaire dans les régions à indice de développement relativement élevé, est
beaucoup plus élevé que leurs homologues des régions de l'intérieur, car le
nombre de décrochages et d'abandons
pendant le parcours scolaire dans les régions oubliées et dans les milieux
démunis du reste des régions atteint des niveaux records qui se répercutent sur
le nombre de ceux qui réussissent l'ultime épreuve de l'enseignement
secondaire. Malgré le passage automatique et l'absence de toute évaluation
sélective intermédiaire avant le
baccalauréat, la grande faiblesse des acquis fondamentaux (qui se concentre
surtout dans les régions des steppes, les régions montagneuses et les zones
semi-désertiques) empêche une grande partie de nos élèves d'atteindre même la
classe de 4ème secondaire, et au cas où 'ils l'atteignent c'est au prix d'efforts surhumains. "… Ainsi, le
simple fait d'atteindre l'examen, le niveau du baccalauréat devient un rêve
précieux qui illumine les visages et les âmes.’’
Deuxièmement : La
réussite au baccalauréat, est le privilège des classes aisées
Il est vrai
que le baccalauréat est un examen national réussi par tous ceux qui obtiennent
la moyenne requise ou même un peu moins que celle-ci s’ils remplissent les
conditions de rachat. Mais une fois obtenu, le baccalauréat se transforme en un
concours national qui classe les lauréats selon leurs capacités spécifiques
(chacun selon sa section et selon les parcours universitaires qu'il postule).
Étant donné que le nombre de lauréats est plus important dans certaines régions
et classes sociales, et que le nombre de moyennes élevées y est en conséquence plus important, cette réalité
nous amène à dire que "l'obtention du baccalauréat" n'est qu' un titre de propagande qui veut
occulter une question importante, qui est « quel est le niveau du baccalauréat
que vous avez obtenu ? ». Il semble qu'il soit possible de transférer le
phénomène de l'inflation financière et la hausse scandaleuse des prix qu'elle
entraîne dans le domaine scolaire pour dire que l'inflation scolaire, avec ses
succès et ses diplômes, qui touche une
large frange d'élèves, a conduit à une hausse
« de prix pour l'accès à certains cursus universitaires spécifiques qui
nécessitent un pouvoir d'achat/scolaire élevé »
Troisièmement
: L'université tunisienne est très élitiste
L'état
tunisien est très démocratique, semble-t-il, car il « offre un banc
universitaire à tout bachelier». C'est encore une fois un slogan politique et
de propagande qui occulte sournoisement une vérité objective dont la
dénonciation va conduire à lui faire porter des responsabilités historiques
qui, en vertu de son incapacité inhérente, la rendrait incapable d'en assumer
les conséquences. Cette vérité est gênante. Il est temps de remplacer le slogan
actuel par un autre plus réaliste qui est : « Tout bachelier a droit à une
place à l'université tunisienne… Mais les doigts de la main ne sont pas égaux
et suivent deux droites parallèles :
- La droite
des nouveaux étudiants qui ont été catégorisés, rangés et mesurés d'une manière
très précise qui n'accepte pas l'égalité, car la formule du score final atteint
quatre chiffres après la virgule ! Par conséquent, chacun selon ses moyens pour
la course où le plus fort gagne, comme le dit l'adage populaire : celui qui
rate sa matinée (l'école primaire) perd son gain..
- La droite
des parcours universitaires ouverts au concours et dont la valeur n'est pas
égale dans l'esprit des gens. Cette valeur est en rapport avec l'aura
symbolique, l'employabilité, les horizons scientifiques et les efforts des
universités elles-mêmes pour valoriser ce qu'elles proposent aux
étudiants. Il en résulte des filières
qui connaissent une forte concurrence ce qui relève le niveau de ses exigences,
alors que d'autres filières rebutent les gens, et restent par conséquent quasi
vides car elles ne sont guère valorisantes et n'offrent ni programmes ni
perspectives stimulantes
Quatrièmement :
la marginalisation et la pauvreté ne peuvent être combattues par la tricherie
Croire que tricher au baccalauréat est un droit
légitime (même si c'est illégal) n'est pas ancré dans l'esprit des élèves
seulement, mais c’est partagé par de larges groupes sociaux concernés par cet
examen (y compris certains éducateurs et certaines personnes chargées de
surveiller les candidats ... ) qui estiment que l'inégalité des chances de
développement est responsable de l'inégalité des chances d'obtenir le baccalauréat, état qu'il faudrait corriger
en arrachant ce droit par tous les moyens..
Je ne suis
pas en train d'accuser injustement quiconque, mais j'essaie d'exhumer dans des
mentalités que j'ai connues, observées et combattues. Je cite à titre
d'exemples quelques situations regrettables :
j'ai dû accompagner des collègues qui n'étaient pas
originaires de la région où je travaillais jusqu'à la station de bus
ou de voitures de louages à la fin des
examens, car ils étaient poursuivis et menacés par des candidats qui croyaient
que la rigueur et le sérieux de ces surveillants vont les empêcher de décrocher
le baccalauréat,
je cite aussi
les lames de rasoir que le candidat expose sur sa table pour intimider
les surveillants et les prévenir des dangers qu'ils encourent s'ils s'avisent
de les empêcher de frauder.
La question sur le lieu de la correction des copies de
nos enfants se renouvelle chaque année parce que les gens croient que « les
enseignants appartenant à certaines régions » ne veulent la réussite que pour
leurs fils et leurs filles, etc.
En
Allemagne, par exemple, les copies d'examen portent le nom du candidat et les
professeurs corrigent les copies de leurs propres élèves. Je vous laisse
imaginer l'ampleur du désastre si cette possibilité était donnée aux
professeurs tunisiens au baccalauréat !
Cinquièmement
: un baccalauréat sans culture générale et sans oral
Le
baccalauréat tunisien dans sa forme actuelle n'est pas capable d'évaluer les
capacités et les compétences des élèves qui ont réussi à traverser ce pont
important, car ses épreuves se limitent aux matières traditionnelles qui, en
dépit de leur importance, ne suffisent plus pour donner à nos enfants les moyens
de répondre aux exigences de la formation universitaire et du marché du travail
par la suite.
Je pense
qu'il est utile d'ajouter deux matières essentielles, comme dans de nombreux
pays du monde développé à savoir la culture générale et l'expression orale
(l'acquisition de ces deux compétences permet une préparation sérieuse tout au
long des années qui précèdent l'examen du baccalauréat). L'absence de ces
compétences chez nos étudiants constitue un obstacle majeur qui empêche
l'excellence dans de nombreuses spécialités universitaires et le développement
de la capacité d'exceller et de convaincre requise dans les entretiens de
recrutement (même pour les diplômés des sciences, de la technique et du numérique).
Sixièmement
: un chat handicapé, un moustique borgne et un poussin portant une arme à feu.
Ce « chat
handicapé et ce moustique borgne… » Sont les prototypes des productions de nos
élèves en philosophie et dans toutes les autres matières, ce qui montre que
plusieurs de nos élèves n'ont rien à voir avec ce qui s'appelle « penser à son
niveau le plus bas» ou « s'exprimer dans son degré le plus sombre ». Je connais un établissement où les
élèves de la section économie et
gestion boycottent le cours de philosophie dès le mois de
février sans que personne ne lève le bout du doigt...
Moncef
Khemiri Conseiller général
d'information et d'orientation
Tunis 13
juillet 2022
Traduction
Mongi Akrout & Abdessalam Bouzid, inspecteurs généraux de l'éducation.
Pour accéderà la version ARABE, cliquer ICI
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