dimanche 3 décembre 2023

Le rapport général Conférence nationale sur la méthodologie de la réforme du système éducatif : premiers éléments d'une feuille de route en vue de réformer notre système éducatif

 

Le ministre A.ABID

Depuis sa nomination à la tête du Ministère de l'éducation, en décembre 2011 dans le 1er gouvernement après l'élection du conseil constitutionnel (le gouvernement de la troïka dirigé par H.Jbali), Abdellatif Abid, a essayé de lancer un projet d'une réforme profonde du système éducatif tunisien, selon une approche qu'il a voulue participative.


 Ainsi, il avait décidé de commencer par organiser une conférence nationale sur   la méthodologie de la réforme du système éducatif ( à la fin du mois de mars 2012), suivie d'une large consultation nationale ( entamée en juin 2012, sans arriver à son terme),ensuite il a préparé un projet de loi portant la création  d'un nouveau conseil supérieur de l'éducation …

Mais la conjoncture dans laquelle s'étaient entamées toutes ces initiatives n'était pas, à notre avis, propice. Les réformes ont besoin de la stabilité, de temps … qui manquaient au cours de ces années qui étaient marquées par des luttes entre les différentes factions politiques, des mouvements de contestations, des settings, des revendications excessives… En plus le gouvernement Jbali a dû jeté l'éponge et le ministre Abid a quitté le gouvernement, son projet fut enterré.

Dans le souci de mémoire de l'école tunisienne, le blog pédagogique a pensé qu'il est utile de publier les documents relatifs à cette courte expérience, en commençant par le rapport de synthèse de la conférence nationale sur la méthodologie de la réforme su système éducatif.

A cette occasion, le blog pédagogique tient à remercier le ministre Abdellatif Abid qui a bien voulu mettre à notre disposition tous ces documents et nous accorder l'autorisation de les publier.

 

 

 

 

 

A l'invitation du ministère de l'éducation nationale, une conférence nationale sur la méthodologie de la réforme du système éducatif s'est tenue à Tunis les 29-30 et 31 mars 2012, en vue d'élaborer une feuille de route définissant les actions importantes à mener sur la voie d'une réforme profonde en cohérence avec les objectifs de la révolution du peuple tunisien. Cette réforme devrait aboutir à l'édification d'un nouveau système éducatif dont les contours seraient tracés et les fondements définis avec la participation de toutes les parties et sur la base d'un consensus social donnant la priorité absolue à la patrie et aux échéances de la révolution tunisienne.

 La phase préparatoire de cette conférence a été marquée par l'afflux massif de demandes d'intervention venant de l'intérieur comme de l'extérieur du pays et portant sur les problématiques suggérées par l'appel à contribution. Le comité scientifique a pu, au terme de longues concertations, définir un programme que les participants ont suivi avec une assiduité, un intérêt et un enthousiasme qui ne se sont pas démentis, malgré la densité de la matière et la concentration des interventions, échelonnées sur 3 journées.

 La conférence s'est également distinguée par la qualité du public formé d'élèves, d'éducateurs, d'enseignants, d'inspecteurs, de conseillers pédagogiques, de conseillers en communication et en orientation scolaire et universitaire, de fonctionnaires, de chercheurs, d'universitaires et d'experts représentants les différentes catégories et spécialités professionnelles auxquels se sont joints les représentants des partis, des organisations, des syndicats et de certaines associations de la société civile, outre certains ambassadeurs de pays frères et amis et des personnalités nationales qui ont bien voulu répondre à l'invitation du ministère.

Tous étaient là pour apporter leur contribution à la définition d'une méthodologie de la réforme dans l'architecture ne pourra être parachevée que lorsque les travaux de la Conférence auront été discutés aux niveaux local et régional avec la participation effective de tous les acteurs sur le terrain comme l'a souligné M. le ministre de l'éducation, le professeur Abdellatif Abid, à l'ouverture de la conférence. La réforme du système sera ainsi l'œuvre de tous, une œuvre dont la conférence aura posé les premiers jalons qui seront suivis par d'autres étapes à l'échelon local et régional.

 Cette orientation a été renforcée par le discours du Premier ministre, M. Hamadi Jbali qui a ouvert les travaux de la conférence en rappelant les réalisations quantitatives et qualitatives accomplies par le système éducatif grâce à la généralisation et la gratuité de l'enseignement. Le Premier ministre a également souligné qu'il existe une « quasi unanimité pour reconnaître que notre système éducatif souffre de nombreux maux qui exigent un traitement approfondi et concerté, loin de toute instrumentalisation politique ou tout embellissement des réalités». Ces maux consistent notamment, a-t-il déclaré en substance, dans l'abandon scolaire qui menace d'un véritable retour de l'analphabétisme ainsi que dans le recul de la qualité de l'enseignement, au plan des méthodes et des acquis, dans l'échec du système à éduquer tous les apprenants aux valeurs sociales et patriotiques et dans son incapacité actuelle à combler le fossé qui sépare ses diverses composantes du marché du travail et des réalités économiques et sociales du pays. Ces maux exigent une réforme intégrant les différentes expériences de modernisation que le système tunisien a connu et faisant de l'éducation la locomotive du progrès et de l'essor culturel sur la base de l'égalité des chances, de la gratuité et de la démocratie de l'éducation. Pour que cet objectif soit atteint, il faut, en premier lieu, a également déclaré le Premier ministre, résoudre le problème des examens scolaires et partant, de la crédibilité des diplômes; en second lieu, planifier rigoureusement la formation des enseignants afin qu'ils soient préparés de la meilleure façon, tant au plan scientifique que technique, à assumer leur mission, l'enseignant étant le pilier du système éducatif; et , en troisième lieu renforcer le rapport entre le système éducatif, celui de la formation professionnelle et celui de l'enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique, de manière à garantir le développement optimal des ressources humaines.

Après la séance d'ouverture, les travaux de la conférence se sont déroulés durant les 3 journées, autour de trois grands axes:

s  le système éducatif tunisien: état des lieux,

s   les expériences menées dans d'autres pays et les orientations régionales et internationales en matière de réforme des systèmes éducatifs,

s   une réflexion autour de la question: quelle méthodologie pour la réforme du système éducatif?

 Ces trois axes répartis sur sept séances de travail ont permis aux participants de discuter un total de 35 communications présentées par des experts tunisiens et des invités venus de Jordanie, d'Algérie, du Maroc, de  Turquie, d'Espagne, d'Allemagne, du Royaume-Uni, de France et de Malte, ainsi que par les représentants des différentes organisations et institutions internationales et régionales: Alesco, Isesco, Unesco, Unicef, union du Maghreb arabe, Banque mondiale, institut international de planification de l'éducation, Université méditerranéenne, institution européenne pour la formation, Commission européenne, et les deux entreprises :  Microsoft et Intel.

 Douze (12) tribunes de dialogue ont également été organisées autour des principales questions liées au système éducatif: les examens et l'évaluation, le système disciplinaire, les difficultés d'apprentissage et l'échec scolaire, l'éducation technique, les expériences d'avant-gardes; les technologies de l'information et de la communication, la vie scolaire et l'éducation à la citoyenneté; l'orientation scolaire; le système éducatif tel que perçu par les élèves aux besoins spécifiques; le temps scolaire, la formation des enseignants.

 Au cours de ces tribunes, 43 communications ont été proposées à la discussion par des experts tunisiens et étrangers.

 Orientation des discussions

 Les discussions autour des trois axes de la conférence ont mis en évidence un ensemble de points en partie liés à l'état des lieux du système éducatif et en partie à la méthodologie de la réforme.

 État des lieux:

 la plupart des intervenants ont mis l'accent sur les acquis réalisés par le système éducatif tunisien, notamment dans les domaines suivants:

s  l'enracinement de l'éducation et de la scolarisation en tant qu'elles constituent les fondements du développement économique et social,

s   le rôle central du système éducatif considéré comme le noyau de tout changement social,

s   la généralisation de l'éducation à travers l'affirmation de son caractère obligatoire et gratuit,

s   l'ancrage de la notion de citoyenneté,

s   l'ancrage de la notion du moi connaissant en tant que moi apprenant à apprendre,

s   l'adhésion à la culture de la différence et de l'esprit critique (loi d'orientation de 2012),

s   l'affirmation de l'ouverture sur la modernité dans le cadre d'une vision fondée sur la conscience de l'identité nationale et de l'appartenance, de façon spécifique, à la civilisation arabo-islamique et, de façon générale, à la civilisation universelle;

s   la reconnaissance des valeurs juridiques universelles en tant que finalité de toute éducation;

s   l'affirmation de l'adhésion aux droits de l'enfant.

Tout en insistant sur ces acquis, les communications et les interventions auxquelles ont mis le doigt, au cours des séances de travail et des tribunes de dialogue, sur les nombreuses faiblesses qui ont conduit à la situation de crise que connaît le système éducatif qui peut être résumée dans les points suivants:

s  les précédentes réformes ont visé à actualiser les textes de loi sans que la démarche ait eu un impact profond sur la réalité du système éducatif.

s   L'écart  n'a cessé de se creuser entre la réalité de l'école en Tunisie et le projet éducatif de départ, resté souvent au stade de la théorie.

s   le grave recul de la performance et du rendement du processus éducatif et la pauvreté des acquis chez les apprenants.

s   l'opacité et l'improvisation au niveau des mécanismes de recrutement des enseignants et le recours accru aux suppléants.

s   l'insuffisance des efforts déployés pour encadrer les enseignants et le recul de la formation scientifique et technique (formation professionnalisante) qui leur est proposée.

s   la faible adaptation du système éducatif aux évolutions de la société.

s   l'articulation défaillante entre réussite scolaire et promotion sociale.

s   l'accroissement des inégalités entre les régions au niveau des institutions éducatives qu'il s'agisse des performances ou des résultats.

s   le manque d'efficacité de l'orientation scolaire et universitaire.

s   L'aggravation des tensions entre les acteurs de l'éducation et la faiblesse de la culture du dialogue et du respect de l'autre.

s   les rapports très souvent conflictuels de l'apprenant à l'institution éducative et, plus généralement au savoir; et l'aggravation des violences et de la fraude à l'intérieur des institutions.

s   l'inefficacité du système disciplinaire actuel, davantage fondé sur la sanction que sur la prévention.

s   le manque de complémentarité entre les différents cycles de l'éducation (préscolaire, enseignement de base, secondaire et universitaire).

s  la lourdeur des horaires scolaires et des matières enseignées.

s   le recul de l'enseignement et de la pratique des langues étrangères.

s   l'absence de référentiel national d'évaluation fondé sur des critères et des indicateurs précis.

s   la disparité des coefficients.

 Méthodologie de la réforme:

Les discussions ont fait apparaître des propositions parfois divergentes parfois convergentes et que les communications relatives aux expériences menées dans les pays frères et amis ainsi que les orientations les organisations régionales et internationales en matière de réforme ont contribué à enrichir.

 Toutes ces communications et discussions ont permis de dégager un ensemble de principes et d'orientations qui devraient être pris en considération aux différentes étapes du processus de réforme, notamment:

s  la nécessaire affirmation d'une volonté politique au niveau de la réforme éducative; et l'engagement à mobiliser à cet effet les ressources humaines, matérielles, législatives et autres - ce qui va dans le sens des orientations définies par Monsieur le Premier Ministre dans son discours d'ouverture.

s   la mise à contribution de toutes les parties concernées par l'éducation au service des processus de réforme et la diversification des moyens de consultation et de sondage d'opinion.

s   veillez à ce que la réforme s'étende à la totalité des composantes du système éducatif et qu'elle ait  un caractère systématique.

s  engager le processus de réforme sur la base de l'état des lieux du système éducatif tout en prenant en compte l'ensemble des facteurs notamment démographiques, économiques sociaux, culturels qui influent sur la vie de l'institution éducative.

s  élaborer un plan d'évaluation continue de la réforme proposée, afin d'y apporter périodiquement les régulations qui s'imposent.

s   lier la réforme éducative au contexte national, sur les plans économique, social, et culturel, ainsi qu'aux contextes régional et international.

s   faire de la qualité un objectif axial de la réforme, et cela à la lumière de règles et critères hautement efficaces, crédibles et adaptés aux spécificités de la réalité tunisienne.

s  Adopter une philosophie de la réforme garantissant  le passage de la transmission à la production du savoir, de l'apprentissage mécanique à l'initiative et à la créativité, de la culture du moindre effort à celle de la persévérance et de l'effort cognitif, du centralisme à la décentralisation , de l'approche monolithique à l'approche associative.

Propositions et recommandations

 les discussions qui se sont déroulées au cours des journées de travail ont débouché sur un ensemble de propositions et de recommandations qui dessinent les contours des orientations à donner à la réforme du système éducatif.

 Ces propositions peuvent être réparties comme Suit:

 Propositions spécifiques:

s  Développer et promouvoir la culture de la citoyenneté et des droits de l'homme sur la base des valeurs universelles de manière à contribuer à l'évolution de la vie scolaire dans ces multiples dimensions, en se fondant sur une charte à élaborer  en vue d'assurer la préservation de l'institution éducative.

s   Développer le partenariat entre l'institution éducative et les composantes de la société civile à la lumière d'une charte propre à mettre cette institution à l'abri des tiraillements doctrinaires, partisans, ou politiques.

s   Mettre en place un nouveau système d'évaluation prenant en compte les examens régionaux et les examens nationaux et garantissant l'efficacité et la crédibilité de l'évaluation.

s   Réviser la grille des apprentissages ainsi que les coefficients et les horaires qui y sont liés.

s   Renforcer la coordination entre les différents cycles scolaires de manière à en garantir l'harmonie et la complémentarité.

s  Mettre en place un système d'évaluation spécifique à l'enseignement technique et professionnel. Fondé sur la réforme et la régulation continues, ce système aidera  l'apprenant à franchir les différentes étapes de l'apprentissage pour arriver à l'université.

s   Créer une filière technologique dans le cadre du cycle secondaire afin d'offrir à l'élève un choix plus large.

s   Réexaminer le rôle et les programmes des écoles préparatoires  techniques et ouvrir de nouveaux horizons devant les diplômés de ces institutions dans le cadre d'une révision structurelle de l'orientation scolaire et universitaire.

s   Développer les équipements et les infrastructures des institutions éducatives afin de répondre aux exigences du confort pédagogique requis et cela en coopération avec les collectivités locales et les composantes de la société civile.

s   Veillez à renforcer le recours aux technologies de l'information et de la communication au niveau des enseignements et cela aux différents cycles et dans les différentes régions du pays.

s   Accorder une plus grande attention aux élèves à besoins spécifiques.

Propositions  générales

s  Créer le Conseil supérieur de l'éducation qui sera une instance nationale indépendante veillant sur la qualité et la démocratie de l'enseignement public, faire figurer ce conseil, ainsi que le caractère public, la gratuité et la démocratie de l'enseignement dans le texte de la Constitution.

s   Elaborer un cadre juridique et organisationnel institutionnalisant le processus de réforme et garantissant les moyens administratifs, humains et financiers de sa mise en œuvre.

s   Considérer la réforme comme un processus continu dont les différentes étapes sont étroitement liées aux plans local, régional et national et dont la mise en œuvre est assurée par les acteurs sur le terrain, les experts en planification et en sciences de l'éducation et autres intervenants dans le domaine de l'éducation.

s   Mettre en place un observatoire national de l'éducation qui sera à la disposition des chercheurs, des experts et autres intervenants dans le domaine de l'éducation.

s   Créer une structure permanente chargée d'évaluer le système éducatif qui sera dotée des mécanismes garantissant sa neutralité et son indépendance.

s   Procéder à une révision du système de formation de base des enseignants dans la perspective de la création d'instituts supérieurs de formation des enseignants, tout en œuvrant à la relance et la restructuration des institutions de formation continue.

s  Créer une structure de concertation garantissant la coordination entre, d'un côté, le système éducatif et, de l'autre, le système de formation et d'emploi et l'enseignement supérieur et la recherche scientifique.

 Le comité de rédaction recommande, enfin, la création d'un groupe de travail chargé d'assurer le suivi des résultats de cette conférence et de réunir, publier et diffuser ses travaux.

 Tunis le 31 mars 2012

Rapporteurs : M.M. Adel Hadded, inspecteur général de l'éducation, Adel Lahmer, ancien directeur à l'Alesco et Noureddine Chmengui, inspecteur des écoles primaires.  

Pour accéder à la version AR, cliquer ici

 

2 commentaires:

  1. Ben Khemiss M.Taher6 décembre 2023 à 07:37

    Malgré les quelques fautes d'orthographe et l'absence de cohérence dans certains paragraphes (liée peut être à la traduction du texte arabe); le document semble très important et purrait bien fournir une bonne base de travail pour entamer une nouvelle réforme du système éducatif tunisien. Le problème c'est que depuis déjà une douzaine d'années on parle de cette réforme qui n'a pas vu le jour à tel point qu'on a mis l'école tunisienne, à laquelle on a enlevé toute crédibilité,dans une phase de déstabilisation qui nuit encore plus à son rendement et sa réputation. Ceci dit est-il vraiment le moment de relancer cette idée de réforme qui n'a jamais abouti ??

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  2. Merci cher ami , un grand merci pour vos remarques, j'ai corrigé les fautes d'orthographe ( qui étaient nombreuses, et elles relèvent de ma seule responsabilité ), quant à l'absence de cohérence , je n'ai rien pu faire , car elle relève des auteurs du rapport qui ont eux mêmes fait la traduction.

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