Le blog poursuit cette
semaine la reproduction du rapport présenté par M° Chedly Ayari , en 1971 ,
alors qu’il occupait le poste de Ministre de l’éducation , et nous consacrons ce
numéro au deuxième extrait dans lequel l’auteur évoque le
déséquilibre de la scolarisation selon les catégories d’âge . Pour revenir au premier extrait, CLIQUER ICI.
Le système éducatif tunisien
a connu à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix une
période de gestation dans un climat politique crispé et une instabilité à la
tête du département de l’éducation nationale[1] après le
limogeage du Ministre Ahmed Ben Salah, c’est aussi une période de passage du
modèle de développement socialiste au modèle libéral.
Au cours de cette période, le
secteur de l’éducation a connu un coup d’arrêt aux réformes lancées par Ben
Salah et le démarrage d’une réflexion au niveau central et régional sur l’école
, c’est ainsi qu’on a vu la constitution
de plusieurs commissions [2] et le lancement
de nombreuses études et rapports [3] dont le
but suprême était de concevoir les bases d’une nouvelle politique éducative
différente de celle adoptée depuis l’indépendance qui s’est avérée très
couteuse et faiblement performante.
Le blog pédagogique a
souhaité présenter à ses lecteurs des extraits du rapport préparé par M°Chedly
Ayari en avril 1971 pour les idées qu’il contient et qui peuvent nous aider à
comprendre l’état de l’enseignement tunisien aujourd’hui. Pour ce faire, nous
avons choisi de présenter les extraits choisis selon l’ordre suivant :
Le premier extrait :
l’introduction du rapport ;
Le deuxième extrait : le
déséquilibre selon les catégories d’âge.
Le troisième extrait :
le déséquilibre selon le genre ;
Le quatrième extrait :
le déséquilibre entre les régions.
Le deuxième extrait : le
déséquilibre selon les catégories d’âge.
Le titre du rapport : Radioscopie sur l’évolution
quantitative de l’enseignement en République Tunisienne : vue générale.
Date de publication : Avril 1971, Ministère
de l’Education Nationale[4].
Le rapport de 44 pages, contient 19 tableaux, deux
graphiques et deux cartes.
Le plan du rapport
Introduction
L’évolution générale de
l’expansion de l’enseignement en Tunisie de l’année 1947-1958 à l’année 1970 -1971.
a .1-1 Effectif de l’enseignement primaire
a .1-2 Effectif de l’enseignement secondaire
a .1-3 Effectif de l’enseignement supérieur
Structure et évolution du
taux de l’expansion de l’enseignement
b.1 : taux de
l’expansion de l’enseignement primaire
b.1 -1 : vue
générale.
b.1 -2 :
déséquilibre entre les catégories d’âge.
b.1 -3 :
déséquilibre garçons / filles
b.1 -4 :
déséquilibre entre les gouvernorats
b.2 : taux de
l’expansion de l’enseignement secondaire
b.2 -1 : vue
générale.
b.2 -2 : taux des
élèves dans l’enseignement secondaire.
b.2 -3 :
déséquilibre au niveau de l’orientation
b.2 -4 :
déséquilibre garçons/filles
b.2 -5 :
déséquilibre entre les gouvernorats
b.3 : taux de
l’expansion de l’enseignement supérieur.
b.3 -1 : répartition garçons/filles
b.3 -2 : l’enseignement
supérieur scientifique et technique d’un coté et le reste des spécialités de
l’autre coté.
b.3-3 : déséquilibre entre
les gouvernorats.
Le deuxième extrait : le
déséquilibre de la diffusion de l'éducation selon les catégories d’âge.
Le deuxième extrait
L'évolution générale de la
diffusion de l'éducation en Tunisie de l'année scolaire 1957- 1958 à l’année
scolaire 1970- 1971
1. Education primaire: le déséquilibre dans le niveau des groupes d'âge
Si nous considérons le
groupe d'âge de 6 à 14 ans, on peut distinguer des taux de diffusion de l'enseignement
par groupes d'âge:
Le tableau 7 nous montre
premièrement que le groupe d’âge de 6 à 9 ans a moins de chance de
l'éducation (59%) du groupe d'âge de 10 à 14 ans (69,5%) d'âge, et cela est
dû peut-être à deux phénomènes communs:
que la plupart des enfants
entrent à l'école entre 7 et 9 ans et non pas à six ans,
les taux de redoublement
élevés qui entrainent un « vieillissement » de la population
scolaire de l’enseignement primaire.
En ce qui concerne le
premier phénomène, il est du à:
L'impossibilité matérielle
d'accepter toutes les demandes d’inscription des enfants qui ont atteint
l'âge de 6 ans par manque de locaux, en particulier dans des régions éloignées
où de nombreux enfants restent dans les listes d’attente[5] .
Le décrochage d’un nombre d’élèves inscrits en première année de l'enseignement primaire
pour diverses raisons (raisons familiales ou raison de santé ou l’absence de moyens de transport ou d'autres raisons…)
négligence de certains parents
qui ne font pas les demandes d’inscription
de leurs enfants dans les délais.
Quant au second phénomène ;
le «vieillissement» évoqué , se manifeste dans le taux de redoublement des élèves au primaire, le taux moyen pour les six années de l'enseignement primaire a évolué
entre 25% et 29% entre l’année scolaire 1963 / 1964 et l’année scolaire 1969 /1970.
(Voir tableau 8)
Mais c’est la distribution
des redoublants selon les années d’études qui est plus intéressante à étudier:
a) C’est ainsi qu’en 1ere année le taux de redoublement varie entre 25 et
30% et cela explique en partie la faiblesse du taux d'enfants scolarisés qui
sont âgés de 6 ans puisque 30% des élèves du primaire redouble au moins une
fois.
b) D'autre part, les taux de redoublement en cinquième année, et en
sixième année sont élevés d’une façon remarquable, ils varient entre 27 et
39% ce qui représente relativement une forte proportion d'élèves âgés entre
11 et 14 ans, c’est ce qui explique l’importance numérique des élèves de
cette tranche d’âge 11 - 14 ans à l’école primaire.
Nous comptons revenir sur
cette question dans un prochain
rapport qui va traiter la question du rendement interne de notre système
éducatif du point de vue interne. Et à cet égard, la chose qui semble évidente
c’est le déséquilibre d'une part et la faible proportion d’élèves scolarisés agés
de 6 ans d'autre part, or il est nécessaire d'examiner de plus près et en
profondeur cette faiblesse dans notre politique éducative.
S’il va de soi que l'âge
d'entrée à l’école primaire l'enseignement primaire est fixé à 6 ans aujourd'hui,
il est possible de le réexaminer à la
lumière des informations que peut nous fournir l'étude en cours sur la
faiblesse de la propagation de l'enseignement à l'âge de six ans. Et par la
même occasion on pourrait réexaminer notre politique au sujet du redoublement
et de l'exclusion.
Les déséquilibres dans la
diffusion de l'enseignement secondaire
Les aspects du déséquilibre
dans la diffusion de l'enseignement secondaire sont aussi nombreux que complexes ,tel que le nombre d’élèves qui poursuivent leur scolarité au secondaire, la question de l'orientation et
la distribution par gouvernorat (nous traitons
dans cet extrait les deux premiers
points et nous consacrons un prochain papier au troisième aspect)
a) Taux de scolarisation dans le secondaire
Les enfants scolarisables dans
l’enseignement secondaire sont constitués par tous les jeunes âgés entre 14 et 19 ans, et si nous sommes d’accord sur cette définition, nous notons que le taux de scolarisation de l'enseignement a été pratiquement multiplié
par 4 entre 1956-1960 et 1968-1970 (tableau 12), passant de 8,6% à 30 %, soit une augmentation
annuelle de 20%.
Celui qui regarde le tableau 6 peut comparer la
situation en Tunisie avec d’autres pays à l'échelle mondiale, et malgré la
différence dans le groupe d'âge utilisé pour le calcul du taux en Tunisie (14-19 ans) par rapport à celui adopté ailleurs , les chiffres ne sont pas moins éloquents, ainsi par exemple, on note que
le taux de scolarisation dans l'enseignement secondaire dans le continent
africain, allait de 0,8% au Niger à 8% en Côte-d'Ivoire , en Gambie et en Algérie, quant
au continent asiatique ,à l'exception de la Syrie, nous constatons que les
taux de scolarisation au niveau de l'enseignement secondaire dans le reste des
pays asiatiques sont beaucoup plus
faibles qu'il ne l'est en Tunisie.
Ainsi le progrès qui caractérise la Tunisie
dans la diffusion de l’enseignement en
comparaison avec les autres pays d’Afrique
et d’Asie est plus net au niveau de
l’enseignement secondaire plus qu’il ne l’est au primaire -
Le taux de scolarisation dans l'enseignement a augmenté entre les
années 1968-1970 de 2,5% et le taux de croissance pour la période 1969-1970 et
1970 à 1971 pourrait être dans le même ordre sinon plus élevé .
Si nous prenons le groupe
d'âge 14-22 ans qui est plus proche de
la réalité, le taux de scolarisation serait 21,74% en 1969 à 1970 (voir tableau 13 et les cartes).
Comme nous
l’avons déjà mentionné au sujet de
l'augmentation du nombre d'élèves du secondaire[6], le processus d’augmentation
et d’amplification qui touche la diffusion
de l'enseignement secondaire en
Tunisie est encore en cours d'un
développement rapide et il n'a pas
encore atteint son maximum.
Et nous pouvons citer ici quelques exemples d’études
prospectives relatives à l’évolution
du nombre d'élèves dans le secondaire: Dans une étude sur la Tunisie, l'Institut international
de planification de l'éducation de l’UNESCO estime le nombre des élèves (sans écoles normales), à 234 700 pour
l’année scolaire 1979 - 1980, alors qu’il serait de163.353 au cours de l'année scolaire 1969/ 1970, soit une augmentation de 70347 élèves en
10 ans. Mais, si on compte les écoles normales
on pourrait estimer le nombre d'élèves du secondaire à 300.000
élèves par rapport à 128.000 au cours
de l’année scolaire 1970 / 1971, ce qui nous donne une augmentation de
120.000 élèves à peu près soit une augmentation annuelle de 12.000 élèves au
lieu de 10 000 au cours des dix années
en question.
Mais l’aspect de l'évolution du nombre d'élèves
du secondaire est soumis à un filtre à l’entrée (c’est la proportion d'élèves admis en
première année de l'enseignement secondaire) et à deux autres critères à sa
fin (la proportion des diplômés d'étude, y compris le baccalauréat et les
exclus suite à la décision des conseils de classe de la fin de l’année)
Or on n’est pas encore arrivé à maitriser complètement ces trois paliers
ou ces trois taux ,ce qui rend le processus de planification d’une année à
une autre très difficile comme l’illustre si bien le gonflement inattendu des chiffres de l’enseignement
secondaire ( + 22000 ) au cours de l’année scolaire 1970/1971.
Il est difficile de régler ou de contrôler ces trois éléments à l'avance avec précision, mais il est
nécessaire d'éviter deux écueils:
- Le premier écueil est celui qui entend soumettre l'enseignement
secondaire depuis l'accès jusqu’à la
fin des études, y compris l'exclusion , à la règle du concours précis sous la pression des places disponibles , car le nombre de ces places peut varier ou
être modifié en fonction d’un sens « réducteur »
des besoins de l'économie.
- Le second écueil qui tend à faire de l'enseignement secondaire un droit imprescriptible
ce qui nous amènerait à supprimer le décrochage et d’autoriser le redoublement indéterminé ou à encourager le passage à la classe
supérieure dans des conditions honteuses[7].
L'enseignement secondaire n’est
pas un concours ou une opportunité, il n’est pas un droit mais c’est une nécessité ,
mais une nécessité qui doit être rentable
et bénéfique , en particulier à partir du deuxième cycle.
B. Le déséquilibre au
niveau de l’orientation des élèves
On remarque tout d’abord un
déséquilibre entre la croissance de l’enseignement secondaire long et l'enseignement secondaire
professionnel - les chiffres du premier ont été multipliés presque 5 fois en 8 ans ,
passant de 33.392 en 1962-1963 à 181 .382 en 1969-1970, (comme indiqué
dans les tableaux 14 et 15 ) tandis que les chiffres de l'enseignement secondaire
professionnel n’ont été multiplié que par trois passant de16.386 en1962-1963 à 39 741 en1969
- 1970.
Ceci explique que le taux de l'enseignement professionnel est resté à
un niveau modeste, comme indiqué dans le tableau 16.
C’est ainsi que l'enseignement professionnel n’avait accueilli que 30% seulement des élèves du secondaire et il
est resté au début de l'année 1970-1971 à un niveau plus faible (11%) suite aux
multiples changements incohérents apportés à la structure de l'enseignement
secondaire en particulier depuis 1967[8].
Dans un pays où chaque jour
les besoins en cadres professionnels et techniques spécialisés augmentent, l'enseignement
secondaire technique et professionnel est
resté marginalisé dans notre système éducatif.
Cette question constitue une
tare majeure dans l'enseignement secondaire tunisien et elle doit être parmi
les points importants que toute réforme de notre système doit prendre en
compte.
3 - L'enseignement supérieur : Déséquilibre
dans la répartition des élèves entre les différentes spécialités
La structure de l'enseignement
supérieur se caractérise par plusieurs anomalies liées à la composition par sexe
et à la distribution entre l'enseignement supérieur technique et scientifique
d'une part, et les autres types d'enseignement supérieur et enfin à l’origine
géographique des étudiants. (Nous étudions dans ce paragraphe le second point , les deux autres points feront
l’objet des deux notes plus tard)
L'étude de la répartition
du nombre d'étudiants universitaires par type filière ou par spécialité confirme
le déséquilibre existant dans la répartition des étudiants entre les filières
scientifiques et techniques d’une part et les filières littéraires ou juridiques ou encore économique, regardons tout d'abord les
données
Les statistiques de l'année
universitaire 1970-1971 nous montrent que, parmi les 9447 étudiants et étudiantes
inscrits aux différentes institutions 3001 poursuivent leurs études dans des institutions à caractère scientifique et technique soit près de 31% du
total dans le secondaire , ce taux est
de 30% et ce nombre est distribué
comme suit:
- Faculté des Sciences: 2166
- Faculté de médecine: 589
- Ecole d'Ingénieurs: 246
Si nous élargissons la
notion d’«études scientifique et technique," en y intégrant les sciences de gestion on pourrait ajouter au trois mille autres étudiants
mentionnés 143 autres étudiants répartis comme suit:
- Institut des Hautes Etudes
Commerciales: 106
- Institut supérieur de
gestion des entreprises (3ème cycle):
37
On obtiendrait ainsi un total de 3144 étudiants dans les
filières scientifiques ce qui représente le tiers des étudiants.
|
Fin du deuxième
extrait : A suivre
Présentation et traduction
Hédi bouhouch , Mongi Akrout Inspecteurs généraux de l’éducation, et Brahim Ben
Atig, Professeur Principal émérite.
Tunis , mars 2017
Pour accéder à la version AR,
cliquer ICI
[1] Entre 1968 et 1971 , le département de l’éducation
nationale a vu se succéder 5 Ministres : Ahmed
Ben Salah ( Aout 1968
- novembre 1969 = 1 an 7 mois )- Ahmed Noureddine ( Août
-novembre 1969 = 4 mois) - Mohamed Mzali ( décembre
1969- juin 1970 = 7 mois) Chedly Ayari ( juin 1970-octobre 1971 = 1an 4mois) -
Mohamed Mzali (octobre 1971 - mars 1973 =
1an 5mois )
[2] Une
commission ministérielle et des commissions permanentes spécialisées ( été
1970) et plusieurs commissions techniques comme les commissions régionales formées par le
Parti socialiste destourien au pouvoir ,
et des sous commissions pour chaque cycle ( primaire- secondaire - supérieur)
[3] Rapport sur le coût et la situation de
l’enseignement tunisien, par Mahmoud Seklani ( non publié) - l’étude de l’institut international de planification de
l'éducation (IIPE) - Etude sur l’évolution quantitative de
l’enseignement en République tunisienne par Chedly Ayari - les principales orientations de la réforme
des structures et de l’organisation de
l’enseignement primaire , juin 1972 - les principales orientations de la réforme
des structures et de l’organisation de
l’enseignement primaire , juin 1972
[4] Une copie du rapport est conservée sous le
numéro : EDU/11 à la direction des archives du ministère.
[5] Ces listes sont en
voie de disparition grâce à l’extension du réseau des écoles primaires ; à la rentrée scolaire 1970/1971 il n’y a pas eu recours à des listes d’attente.
[6] Voir la page 2 de
l’étude de l’institut international pour la planification de l’enseignement, opt cité
[7] C’est ce qui a eu lieu cette année ( parmi
les 26000 élèves dont l’exclusion étaient prévus seuls 5000 l’ont été
effectivement ) - le taux de passage d’une classe à une autre élevé
anormalement ( 100% dans certains cas) il semble que les conseils des
professeurs dans certains lycées ont cru de leur devoir de suivre une méthode
permissive vis-à-vis des mesures
décidées par le ministère de l’éducation nationale l’année dernière au sujet
des taux de redoublement et de passage à respecter , de telles attitudes
non conformes à la loi de la profession ne sauraient être tolérées et ne
pourraient pas passer sous silence dans l’avenir.
[8] Dans un intervalle de trois années,
l’enseignement secondaire a subi Trois réformes en 1967 ; 1969 et 1970, en
1969 on a supprimé l’enseignement professionnel en 1er année, puis
il fut rétabli en 1970 et il était prévu de diriger une partie des élèves du
tronc commun vers la section professionnelle en 4 ème année.
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