dimanche 12 mars 2017

Radioscopie sur l’évolution quantitative de l’enseignement en République Tunisienne : vue générale.



Le blog poursuit cette semaine la reproduction du rapport présenté par M° Chedly Ayari , en 1971 , alors qu’il occupait le poste de Ministre de l’éducation , et nous consacrons ce numéro au deuxième extrait dans lequel l’auteur évoque   le déséquilibre de la scolarisation selon les catégories d’âge . Pour revenir au premier extrait, CLIQUER ICI.

Le système éducatif tunisien a connu à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix une période de gestation dans un climat politique crispé et une instabilité à la tête du département de l’éducation nationale[1] après le limogeage du Ministre Ahmed Ben Salah, c’est aussi une période de passage du modèle de développement socialiste au modèle libéral.  
Au cours de cette période, le secteur de l’éducation a connu un coup d’arrêt aux réformes lancées par Ben Salah et le démarrage d’une réflexion au niveau central et régional sur l’école  , c’est ainsi qu’on a vu la constitution de plusieurs commissions [2] et le lancement de nombreuses études et rapports [3] dont le but suprême était de concevoir les bases d’une nouvelle politique éducative différente de celle adoptée depuis l’indépendance qui s’est avérée très couteuse et faiblement performante.
Le blog pédagogique a souhaité présenter à ses lecteurs des extraits du rapport préparé par M°Chedly Ayari en avril 1971 pour les idées qu’il contient et qui peuvent nous aider à comprendre l’état de l’enseignement tunisien aujourd’hui. Pour ce faire, nous avons choisi de présenter les extraits choisis selon l’ordre suivant :
Le premier extrait : l’introduction du rapport ;
Le deuxième extrait : le déséquilibre selon les catégories d’âge.
Le troisième extrait : le déséquilibre selon le genre ;
Le quatrième extrait : le déséquilibre entre les régions.

Le deuxième extrait : le déséquilibre selon les catégories d’âge.
Le titre du rapport : Radioscopie sur l’évolution quantitative de l’enseignement en République Tunisienne : vue générale.
Date de publication : Avril 1971, Ministère de l’Education Nationale[4].
Le rapport  de 44 pages, contient 19 tableaux, deux graphiques et deux cartes.
Le plan du rapport
Introduction
L’évolution générale de l’expansion de l’enseignement en Tunisie de l’année 1947-1958 à l’année 1970 -1971.
a .1-1  Effectif de l’enseignement primaire
a .1-2  Effectif de l’enseignement secondaire
a .1-3  Effectif de l’enseignement supérieur
Structure et évolution du taux de l’expansion de l’enseignement
b.1 : taux de l’expansion de l’enseignement primaire
b.1 -1 : vue générale.
b.1 -2 : déséquilibre entre les catégories d’âge.
b.1 -3 : déséquilibre garçons / filles
b.1 -4 : déséquilibre entre les gouvernorats
b.2 : taux de l’expansion de l’enseignement secondaire
b.2 -1 : vue générale.
b.2 -2 : taux des élèves dans l’enseignement secondaire.
b.2 -3 : déséquilibre au niveau de l’orientation
b.2 -4 : déséquilibre garçons/filles
b.2 -5 : déséquilibre entre les gouvernorats
b.3 : taux de l’expansion de l’enseignement supérieur.
b.3 -1 : répartition  garçons/filles
b.3 -2 : l’enseignement supérieur scientifique et technique d’un coté et le reste des spécialités de l’autre coté.
b.3-3 : déséquilibre entre les gouvernorats.

Le deuxième extrait : le déséquilibre de la diffusion de l'éducation selon les catégories d’âge.
Le deuxième extrait
L'évolution générale de la diffusion de l'éducation en Tunisie de l'année scolaire 1957- 1958 à l’année scolaire 1970- 1971
1.    Education primaire: le déséquilibre dans le niveau des groupes d'âge
Si nous considérons le groupe d'âge de 6 à 14 ans, on peut distinguer des taux de diffusion de l'enseignement par groupes d'âge:
Le tableau 7 nous montre premièrement que le groupe d’âge de 6 à 9 ans a moins de chance de l'éducation (59%) du groupe d'âge de 10 à 14 ans (69,5%) d'âge, et cela est dû peut-être à deux phénomènes communs:
que la plupart des enfants entrent à l'école entre 7 et 9 ans et non pas à six ans,
les taux de redoublement élevés qui entrainent un « vieillissement » de la population scolaire de l’enseignement primaire.
 En ce qui concerne le premier phénomène, il est du à:
L'impossibilité matérielle d'accepter toutes les demandes d’inscription des enfants qui ont atteint l'âge de 6 ans par manque de locaux, en particulier dans des régions éloignées où de nombreux  enfants restent  dans les listes d’attente[5] .
Le décrochage  d’un  nombre d’élèves inscrits en  première année de l'enseignement primaire pour diverses raisons (raisons familiales ou raison de  santé ou l’absence de moyens de transport  ou d'autres raisons…)
négligence de certains parents qui ne font pas les demandes  d’inscription  de leurs enfants dans les délais.
Quant au second phénomène ; le «vieillissement» évoqué , se manifeste dans le taux  de redoublement  des élèves au primaire, le taux moyen pour  les six années de l'enseignement primaire a évolué entre 25% et 29% entre l’année scolaire 1963 / 1964 et l’année scolaire 1969 /1970. (Voir tableau 8)
Mais c’est la distribution des redoublants selon les années d’études qui est plus intéressante à étudier:
a)    C’est ainsi qu’en 1ere année le taux de redoublement varie entre 25 et 30% et cela explique en partie la faiblesse du taux d'enfants scolarisés qui sont âgés de 6 ans puisque 30% des élèves du primaire redouble au moins une fois.
b)   D'autre part, les taux de redoublement en cinquième année, et en sixième année sont élevés d’une façon remarquable, ils varient entre 27 et 39% ce qui représente relativement une forte proportion d'élèves âgés entre 11 et 14 ans, c’est ce qui explique l’importance numérique des élèves de cette tranche d’âge 11 - 14 ans à l’école primaire.
Nous comptons revenir sur cette question  dans un prochain rapport qui va traiter la question du rendement interne de notre système éducatif du point de vue interne. Et à cet égard, la chose qui semble évidente c’est le déséquilibre d'une part et la faible proportion d’élèves scolarisés agés de 6 ans d'autre part, or il est nécessaire d'examiner de plus près et en profondeur cette faiblesse dans notre politique éducative.
S’il va de soi que l'âge d'entrée à l’école primaire l'enseignement primaire est fixé à 6 ans aujourd'hui, il est possible de le réexaminer  à la lumière des informations que peut nous fournir l'étude en cours sur la faiblesse de la propagation de l'enseignement à l'âge de six ans. Et par la même occasion on pourrait réexaminer notre politique au sujet du redoublement et de l'exclusion.
Les déséquilibres dans la diffusion de l'enseignement secondaire
Les aspects du déséquilibre dans la diffusion de l'enseignement secondaire sont aussi nombreux que  complexes ,tel que  le nombre  d’élèves qui poursuivent leur scolarité  au  secondaire, la question de l'orientation et la distribution par gouvernorat  (nous traitons dans cet  extrait les deux premiers points et nous  consacrons  un prochain  papier au troisième aspect)
a)    Taux de scolarisation dans le secondaire
Les enfants scolarisables dans l’enseignement secondaire sont constitués par tous  les jeunes âgés entre 14 et 19 ans,  et si nous sommes d’accord sur  cette définition, nous notons que le taux  de scolarisation  de l'enseignement a été pratiquement multiplié par 4 entre 1956-1960 et 1968-1970 (tableau 12), passant  de 8,6% à 30 %, soit une augmentation annuelle de 20%.
Celui qui  regarde le tableau 6 peut comparer la situation en Tunisie avec d’autres pays à l'échelle mondiale, et malgré la différence dans le  groupe  d'âge utilisé pour le calcul du taux  en  Tunisie (14-19 ans) par  rapport à celui adopté ailleurs  , les chiffres ne sont pas moins  éloquents, ainsi par exemple, on note que le taux de scolarisation dans l'enseignement secondaire dans le continent africain, allait de 0,8% au Niger à 8%  en Côte-d'Ivoire , en Gambie et en Algérie, quant au continent asiatique ,à l'exception de la Syrie, nous constatons que les taux de scolarisation  au niveau de  l'enseignement secondaire dans le reste des pays asiatiques  sont beaucoup plus faibles qu'il ne l'est en Tunisie.
 Ainsi le progrès qui caractérise la Tunisie dans la diffusion de l’enseignement  en comparaison avec  les autres pays d’Afrique et  d’Asie est plus net au niveau de l’enseignement  secondaire  plus qu’il ne l’est au primaire -
Le taux de scolarisation  dans l'enseignement a augmenté entre les années 1968-1970 de 2,5% et le taux de croissance pour la période 1969-1970 et  1970 à 1971 pourrait  être dans le même ordre sinon plus élevé .
Si nous prenons le groupe d'âge 14-22 ans qui est  plus proche de la réalité, le taux de scolarisation serait  21,74% en 1969 à 1970 (voir tableau  13 et  les cartes).
Comme  nous l’avons déjà mentionné au sujet  de l'augmentation du nombre d'élèves du secondaire[6], le processus d’augmentation et d’amplification  qui touche la diffusion de l'enseignement secondaire  en Tunisie est encore en cours  d'un développement rapide  et il n'a pas encore atteint son maximum.
 Et nous  pouvons  citer ici quelques exemples d’études prospectives relatives  à l’évolution du nombre d'élèves dans le secondaire: Dans une étude sur la Tunisie, l'Institut international de planification de l'éducation de l’UNESCO estime le nombre des élèves  (sans écoles normales), à 234 700 pour l’année scolaire 1979 - 1980, alors qu’il serait  de163.353  au cours de l'année scolaire 1969/  1970, soit une augmentation de 70347 élèves en 10 ans. Mais, si  on compte les écoles normales  on pourrait  estimer  le nombre d'élèves du secondaire à 300.000 élèves  par rapport à 128.000 au cours de l’année scolaire  1970 / 1971,  ce qui nous donne une augmentation de 120.000 élèves  à peu près soit  une augmentation annuelle de 12.000 élèves au lieu  de 10 000 au cours des dix années en question.
Mais  l’aspect de l'évolution du nombre d'élèves du secondaire est soumis  à  un filtre à l’entrée  (c’est la proportion d'élèves admis en première année de l'enseignement secondaire) et à deux autres critères à sa fin (la proportion des  diplômés  d'étude, y compris le baccalauréat et les exclus suite à la décision des conseils de classe de la fin de l’année)
Or on n’est pas encore  arrivé à maitriser complètement ces trois paliers ou  ces trois taux ,ce  qui rend  le processus de planification d’une année à une autre très difficile comme l’illustre si bien le gonflement   inattendu des chiffres de l’enseignement secondaire ( + 22000 ) au cours de l’année scolaire 1970/1971.
Il est  difficile de régler ou de contrôler  ces trois éléments  à l'avance avec précision, mais il est nécessaire d'éviter deux écueils:
-      Le premier écueil  est celui  qui entend soumettre l'enseignement secondaire depuis l'accès  jusqu’à la fin des études, y compris l'exclusion , à la règle du concours précis  sous la pression des  places  disponibles ,  car le nombre de ces places peut varier ou être modifié en fonction d’un  sens « réducteur »  des besoins de l'économie.
-      Le second écueil qui tend à faire  de l'enseignement secondaire un droit imprescriptible ce qui  nous amènerait  à supprimer le décrochage  et d’autoriser le redoublement indéterminé  ou à encourager le passage à la classe supérieure dans des conditions honteuses[7].
L'enseignement secondaire n’est pas un concours ou une opportunité, il  n’est pas un droit mais c’est une nécessité , mais une nécessité qui  doit être rentable et bénéfique , en particulier à partir du deuxième cycle.
B. Le déséquilibre au niveau de l’orientation des élèves  
On remarque tout d’abord un déséquilibre entre la croissance de l’enseignement  secondaire long et l'enseignement secondaire professionnel - les chiffres du premier  ont été multipliés presque 5 fois en 8 ans , passant de 33.392 en 1962-1963 à 181 .382 en 1969-1970, (comme indiqué dans les tableaux 14 et 15 ) tandis que les chiffres de l'enseignement secondaire professionnel  n’ont été  multiplié que par trois  passant de16.386 en1962-1963 à 39 741 en1969 - 1970.
Ceci explique  que le taux  de l'enseignement professionnel est resté à un niveau modeste, comme indiqué dans le tableau 16.
C’est ainsi  que l'enseignement professionnel  n’avait accueilli  que  30% seulement des élèves du secondaire et il est resté au début de l'année 1970-1971 à  un niveau plus faible (11%) suite aux multiples changements incohérents apportés à la structure de l'enseignement secondaire  en particulier depuis 1967[8].
Dans un pays où chaque jour les besoins en cadres professionnels et techniques spécialisés augmentent, l'enseignement secondaire technique  et professionnel est resté marginalisé  dans notre  système éducatif.
Cette question constitue une tare majeure dans l'enseignement secondaire tunisien et elle doit être parmi les points importants que toute réforme de notre système doit prendre en compte.
3      - L'enseignement supérieur : Déséquilibre dans la répartition des élèves entre les différentes spécialités

La structure de l'enseignement supérieur se caractérise par plusieurs anomalies liées à la composition par sexe et à la distribution entre l'enseignement supérieur technique et scientifique d'une part, et les autres types d'enseignement supérieur et enfin à l’origine géographique des étudiants. (Nous étudions dans ce paragraphe  le second point , les deux autres points feront l’objet  des deux notes  plus tard)
L'étude de la répartition du nombre d'étudiants universitaires par type filière ou par spécialité confirme le déséquilibre existant dans la répartition des étudiants entre les filières scientifiques et techniques d’une part et les filières  littéraires ou  juridiques ou encore  économique, regardons tout d'abord les données
Les statistiques de l'année universitaire 1970-1971 nous montrent que, parmi les 9447 étudiants et étudiantes inscrits aux différentes institutions 3001 poursuivent leurs études  dans des institutions à caractère  scientifique et technique soit près de 31% du total  dans le secondaire , ce taux est de 30% et  ce nombre est distribué comme suit:
- Faculté des Sciences: 2166
- Faculté de médecine: 589
- Ecole d'Ingénieurs: 246
Si nous élargissons la notion d’«études scientifique et technique,"  en y intégrant  les sciences de gestion  on pourrait  ajouter au trois mille autres étudiants mentionnés 143 autres étudiants répartis comme suit:
- Institut des Hautes Etudes Commerciales: 106
- Institut supérieur de gestion des entreprises  (3ème cycle): 37
On obtiendrait  ainsi un total de 3144 étudiants dans les filières scientifiques ce qui représente le tiers  des étudiants.



Fin du deuxième extrait : A suivre

Présentation et traduction Hédi bouhouch , Mongi Akrout Inspecteurs généraux de l’éducation, et Brahim Ben Atig, Professeur Principal émérite.
Tunis , mars 2017
Pour accéder à la version AR, cliquer ICI





[1] Entre 1968 et 1971 , le département de l’éducation nationale a vu se succéder 5 Ministres :  Ahmed Ben Salah ( Aout 1968 - novembre 1969 = 1 an 7 mois  )-  Ahmed Noureddine ( Août -novembre 1969 = 4 mois) - Mohamed Mzali ( décembre 1969- juin 1970 = 7 mois) Chedly Ayari ( juin 1970-octobre 1971 = 1an 4mois) - Mohamed Mzali (octobre 1971 - mars 1973 = 1an 5mois  )
[2] Une commission ministérielle et des commissions permanentes spécialisées ( été 1970)  et plusieurs  commissions techniques  comme les commissions régionales formées par le Parti socialiste destourien au  pouvoir , et des sous commissions pour chaque cycle ( primaire- secondaire - supérieur)
[3]  Rapport sur le coût et la situation de l’enseignement tunisien, par Mahmoud Seklani ( non publié) - l’étude  de l’institut international de planification  de l'éducation (IIPE) -  Etude  sur l’évolution quantitative de l’enseignement en République tunisienne par Chedly Ayari -  les principales orientations de la réforme des structures  et de l’organisation de l’enseignement primaire , juin 1972 - les principales orientations de la réforme des structures  et de l’organisation de l’enseignement primaire , juin 1972

[4]  Une copie du rapport est conservée sous le numéro : EDU/11 à la direction des archives du ministère.
[5] Ces listes sont en voie de disparition grâce à l’extension du réseau des écoles primaires ;  à la rentrée scolaire 1970/1971  il n’y  a pas eu recours à des listes d’attente.
[6] Voir la page 2 de l’étude de l’institut international pour la planification  de l’enseignement, opt cité
[7]  C’est ce qui a eu lieu cette année ( parmi les 26000 élèves dont l’exclusion étaient prévus seuls 5000 l’ont été effectivement ) - le taux de passage d’une classe à une autre élevé anormalement ( 100% dans certains cas) il semble que les conseils des professeurs dans certains lycées ont cru de leur devoir de suivre une méthode permissive  vis-à-vis des mesures décidées par le ministère de l’éducation nationale l’année dernière au sujet des taux de redoublement   et de passage à respecter , de telles attitudes non conformes à la loi de la profession ne sauraient être tolérées et ne pourraient pas passer sous silence dans l’avenir.
[8] Dans un intervalle de trois années, l’enseignement secondaire a subi Trois réformes en 1967 ; 1969 et 1970, en 1969 on a supprimé l’enseignement professionnel en 1er année, puis il fut rétabli en 1970 et il était prévu de diriger une partie des élèves du tronc commun vers la section professionnelle en 4 ème année.

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