Le texte de la
circulaire
Je n'avais pas manqué, dans différentes
circonstances, d'appeler votre attention sur les fâcheux résultats de la
pratique des cours dictés, que je vous avais prié de faire disparaître.
MM. les Inspecteurs généraux, lors de
leur récent passage à Tunis, m'ont fait remarquer que, dans quelques classes
de nos grands établissements scolaires, certains professeurs continuaient à
dicter des cours à leurs élèves. Ils ont exprimé le désir que l'on renonçât
absolument à cet usage, qui ne présente que des inconvénients et qui
est d'ailleurs en contradiction avec la lettre et l'esprit des nouveaux
programmes.
Il est incontestable que les heures de
classes ne doivent point être employées à imposer aux élèves un travail
purement mécanique, sans profit pour la formation de leur esprit. L'enfant,
absorbé par cette tâche ingrate de copiste, que souvent il accomplit
de façon défectueuse, n'a même pas le temps de se préoccuper du sens de ce
qu'il écrit. Lorsqu'il relit ses notes, prises hâtivement (et il ne les relit
pas toujours), il est arrêté à chaque ligne par des omissions des mots mal
compris et défigurés, qui le forcent à ajouter, à une première
besogne inutile, une autre besogne, plus fastidieuse encore.
La classe cesse d'être ainsi ce qu'elle
devrait être, une perpétuelle gymnastique pour l'esprit continuellement tenu en éveil. La parole du
maître, si attentivement suivie par l'élève, lorsqu'elle s'attache à lui
expliquer ce qu'il ne comprend pas, à lui faire saisir ce qui lui échappe, à
lui faire goûter les beautés d'un texte, l'enchaînement des faits historiques,
la précision d'une démonstration, perd toute action et toute efficacité.
Il ne manque pas d'autre part de manuels
appropriés à l’enseignement qui se donne dans les diverses classes de
nos établissements. Il est toujours loisible au maître de choisir parmi ces
manuels, celui qui lui parait le plus conforme à ses vues personnelles et le
plus commode pour ses élèves, quitte à y ajouter ou bien à en retrancher ce
qu'il juge utile.
En conséquence, j'ai l'honneur de vous
prier de vouloir bien inviter les professeurs de votre établissement à
s'abstenir désormais de dicter des cours quelconques durant les heures de
classe.
Tunis, le 2 décembre 1904.
Le Directeur de l’enseignement L. MACHUEL.
Bulletin officiel de l’enseignement public, octobre,
novembre, décembre 1904 - N°46
les témoignages d'enseignants sur la question de la prise de notes par les élèves
La détresse d'une jeune enseignante
de philosophie débutante publié sur le net en 2016
"Bonsoir,
Je viens de terminer ma première semaine de cours et je suis effarée de voir que des classes constituées a priori de bons élèves, francophones, sont perdues si je ne dicte pas le cours. Apparemment c'est le cas dans toutes les matières. Comment faites-vous avec vos classes? Est-ce la même chose partout? J'ai du mal à voir comment je vais organiser un cours de philosophie si je dois m'arrêter toutes les 30 secondes pour répéter chaque mot trois fois (et écrire au tableau ou épeler des mots simples qu'ils ont l'air d'entendre pour la première fois)...je suis perdue."
La réponse et le point
de vue d'un ancien enseignant
"La question de la prise de notes
des élèves est une vraie question.
Selon la classe, je dicte plus ou moins, j'entends par là que je prends plus ou moins le temps de formuler de manière claire le bilan de la réflexion que l'on vient d'élaborer. Il m'arrive, pour les classes qui ont le plus de mal, de leur demander de formuler par eux-mêmes ce bilan et de circuler pour voir ce qu'ils ont écrit. Je parle là des classes qui ont même tout simplement du mal à savoir quand est-ce qu'il faut noter (indépendamment du fait de savoir ce qu'il faut noter). Pour d'autres le problème se résorbe doucement au fil de l'année. En revanche, une chose est certaine : ce ne sont pas des étudiants. Ils ne savent pas noter au fil de la parole et sont en apprentissage de la chose. Pour tout dire, à leur âge, je ne savais pas le faire non plus.
Quant aux questions de
vocabulaire, certes, certaines peuvent parfois me sembler étranges (la
semaine passé, un élève m'a demandé ce qu'était un "roseau"), mais
je préfère largement qu'ils me posent la question..."
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Présentation et commentaire Hédi Bouhouch &Mongi
Akrout Inspecteurs généraux de
l'éducation retraités et Brahim Ben Atig, Professeur émérite.
Tunis
, 2016
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