L'extrait du discours du Ministre de l'éducation à la
chambre des députés.
«Au nom de Dieu le plus clément et le plus
miséricordieux
Monsieur le Président du Parlement
Honorables députés,
Parce que vous avez tenu à consacrer une partie
importante des débats pour discuter le projet de la réforme, je me permets de
commencer ma réponse par en parler, d'autant plus qu'il représente le sujet de
l'heure et le sujet de la réflexion sur l'avenir de nos générations et de notre
société.
La volonté politique a placé la réforme du système
éducatif dans le cadre du passage de l'ère des petites réformettes et des
aménagements ponctuels vers la mise en place d'une stratégie globale et
complète... Et en application du principe de dialogue, nous savons tous, qu'une
consultation à grande échelle a été organisée cette année... Cette consultation
a fait l'objet d’une synthèse avec la participation de nombreux spécialistes,
et notamment des éducateurs...
Les résultats de cette consultation ont fait l'objet
d'une évaluation qui a permis d'en tirer les conclusions et de fixer des
priorités selon une méthodologie scientifique... A la lumière des résultats de
la consultation, nous avons préparé un document qui synthétise les principes et
les orientations essentiels qui ont fait l'objet d'un large consensus. Nous
avons adressé ce document, selon les instructions de son excellence le
président de la république, au conseil supérieur de l'éducation, de
l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique et aux membres du
conseil économique et social. Lorsque nous finirons de faire la synthèse de
toutes les suggestions de ces deux institutions, nous soumettrons le nouveau
projet de loi à votre respectueux conseil afin d'examiner les propositions, car
c'est à vous que revient le dernier mot.
Mais étant donné que ce projet est le projet du
gouvernement, et étant donné qu’il a été adopté par son excellence le président
de la république qui l'a intégré dans son discours
prononcé le 7 novembre 1988 devant vous à l'occasion du premier anniversaire du
7 novembre. Ceci indique que ce projet est devenu le projet du gouvernement
avec l'appui des diverses organisations concernées.
Lors de la consultation, nous avons relevé un
consensus sur la nécessité de prendre toutes les précautions afin d'assurer les
meilleures conditions pour le lancement de la réforme sur la base d'une vision
à long terme fondée sur des bases solides.
Ces bases sur lesquelles nous allons nous appuyer pour
mettre en place la réforme éducative sont au nombre de quatre comme l'a bien souligné le rapport de la commission :
La première est la consolidation de la démocratie de l'éducation et de la formation
en tant qu’acquis à conserver.
La seconde, l'enracinement de nos générations montantes dans notre identité arabe
et islamique.
La troisième, l'incarnation des principes et des valeurs civilisationnelles définis
par la déclaration du 7 novembre.
La quatrième, la mise en œuvre de tous les moyens de développement et de progrès, en
particulier dans le domaine des sciences et de la technologie.
……………………………
Comme nous l'avons dit précédemment, la consultation
avait dégagé un consensus très large autour du projet de l'école de base,
un consensus noté dans tous les rapports. Les documents qui nous sont parvenus
ont souligné la nécessité d'asseoir cette réforme sur une base solide qui n'est
autre que l'école de base.
En réalité, il faut rappeler que le concept d'école
de base - comme vous le savez- n'est pas nouveau dans la pensée éducative
dans notre pays. Cette question a été soulevée à plusieurs reprises et à
l'occasion de la préparation de tous les plans à partir du quatrième plan (1973-1976). La preuve en est que le sixième plan (1982-1986) a approuvé le principe de l'établissement de l'école
de base, mais la volonté politique n'était pas au rendez-vous pour lancer le
projet. Mais grâce à nos contacts avec les enseignants et aux efforts déployés
par les médias dans notre pays, le concept de l'école de base est devenu plus
clair pour la plupart des citoyens. Il est peut-être utile de saisir cette
précieuse occasion pour répondre à ceux qui s'interrogent encore sur le sens du
concept école de base et sur ses objectifs, de reprendre ce que j'ai dit
à plusieurs reprises, à savoir que cette école n’est pas seulement une fusion
de l'enseignement primaire et du premier cycle de l'enseignement secondaire. Il
ne s'agit pas non plus d'une mesure organisationnelle qui vise à garder les
élèves le plus longtemps possible dans le système éducatif uniquement, ni à
réduire le décrochage scolaire, bien que cet objectif soit
très important. Enfin il ne s'agit pas d'instituer le passage
automatique, même si certains pays qui ont déjà mis en place le système de
l'école de base l'ont adopté. D'ailleurs dans ces pays le redoublement n'est
décidé qu'avec le consentement des parents ; mais telle n'est pas notre
conviction, car cette procédure pourrait entraîner une baisse du niveau. C'est
la raison pour laquelle, en accord avec les spécialistes, nous n'allons pas
adopter cette mesure dans notre école.
L'école de base est plus profonde et plus vaste que
tout cela. Comme l'indique le rapport de la commission, c'est un nouveau projet
éducatif qui découle des résultats de l’évaluation de notre expérience
éducative depuis novembre 1958, ainsi que des expériences menées hors de nos
frontières. La base de ce plan est la conciliation rationnelle entre notre
identité nationale, ses composantes et ses dimensions, et les nécessités de la
renaissance économique, sociale et culturelle. Le projet vise à former un être
humain équilibré qui connaît ce qu'aucun être humain dans le monde
d'aujourd'hui ne devrait ignorer et qui possède les compétences sans lesquelles
il ne peut guère comprendre son époque et s'adapter à son environnement dans
ses significations et ses dimensions les plus complètes. De plus, la
construction de cette école est basée sur une compréhension des missions
essentielles de l'éducation à l'aube du XXIe siècle.
En raison de l'importance des objectifs de l'école
primaire, il est devenu nécessaire de garder l'élève plus longtemps dans le
système éducatif. Il faudrait en effet neuf ans pour être totalement libéré de
l'analphabétisme, et acquérir la soif du savoir et être capable de
s'auto-instruire et ainsi le niveau culturel de notre société va pouvoir
s'améliorer.
Je veux maintenant clarifier la notion d'école de
base en tant que structure. Certains pensaient que l'école de base consiste
à garder les élèves pendant neuf ans au sein d'une même structure. Cela n'a été
mis en œuvre que dans certains pays socialistes qui ont adopté l'école de base.
Mais les différents pays qui ont adopté l'école de base ont organisé les études
de manière à ce que l'enseignement soit étalé sur sept ans dans une école
primaire et trois ans dans un collège ou ce qu'on appelle l'enseignement
préparatoire, alors que l'enseignement secondaire est assuré dans une troisième
structure. Il y a une distinction entre les trois étapes car le maintien des
élèves de générations différentes et leur cohabitation au sein d'une même
structure n'est pas acceptable. Ce point de vue est confirmé par les études
scientifiques et psychologiques, et c'est pour cette raison que nous nous
orientons vers l'organisation des études en trois cycles, dans des bâtiments
différents. Ainsi l'enseignement primaire va garder sa spécificité et on va
séparer progressivement les deux cycles pour arriver à réserver des écoles
autonomes pour le premier cycle qui vont compléter l'école ce base qui assure
un enseignement qui dure neuf ans. C’est ce concept qui est connu dans
plusieurs pays.
L’instauration de l'école de base s'accompagne d'une
décision qui est très importante. C'est la décision – je ne dis pas de
l'arabisation –d’utiliser la langue arabe pour enseigner les disciplines
scientifiques durant les 9 ans. Nous savons tous que les sciences sont
enseignées en arabe à l'école primaire. La décision historique qui a été prise
est de poursuivre cet effort jusqu'à ce que nous soyons capables d'arabiser
l'enseignement des sciences dans le dernier cycle de l'école de base. Nous
savons tous que la question de l'arabisation a été posée à plusieurs reprises
dans ce conseil chaque fois que l'on discutait le projet du budget du ministère
de l'éducation nationale. Nous savons aussi que cette question a été utilisée
politiquement mais elle est restée toujours au niveau d'un slogan vague et
ambigu. Aujourd'hui on est passé de la phase du slogan à une phase où se
joignent la clarté des choix et l'audace de décision pour répondre aux
aspirations de notre peuple. Ce choix est en symbiose avec la charte nationale
qui a appelé la collectivité nationale à renforcer la langue arabe car il est
clair que le développement de la culture nationale ne pourra pas se faire sans
la langue nationale. Dans ce domaine nous devons
éviter l'aliénation culturelle de l'élite par rapport aux masses, car cela
ferait encourir un danger à l’élite et entrainerait l'isolement des masses de
la modernité. En traitant cette question, Ahmed Bayram disait en 1931 : « Si
vous enseignez une personne dans sa langue, vous allez transférer la science
dans cette langue, mais si vous l'enseignez dans une langue étrangère, vous
allez la transférer dans cette langue ». Voilà la charte nationale qui s'aligne
sur les dire d'Ahmed Bayram.
Nous travaillons actuellement à la mise au point du
plan d'arabisation que vous souhaitez au sens le plus complet du terme comme
facteur important d'amélioration du niveau de notre enseignement. Ce plan,
auquel participent les spécialistes universitaires, comprend la préparation de
la terminologie, des documents pédagogiques et des références dont les
éducateurs ont besoin.
Il s'agit, honorables députés, monsieur le président,
d'une introduction au projet de réforme du système éducatif. Nous nous donnons
rendez-vous pour en discuter et discuter le projet de loi.
Source : Les délibérations de la Chambre des députés -
Supplément n° 16 - séance du mercredi 27 décembre 1988.
Présentation et traduction : Mongi Akrout et Abdessalem
Bouzid, inspecteurs généraux de l'éducation
Tunis, janvier 2023
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