dimanche 8 janvier 2023

Extraits du discours du Ministre de l'éducation nationale devant la chambre des députés. Décembre 1988


 

Hédi Bouhouch

Le blog pédagogique présente à ses lecteurs un extrait de la réponse du ministre de l'éducation nationale M° Mohamed El Hédi Khlil aux questions des députés à l'occasion de la discussion du budget du ministère pour l'année 1989 lors de la séance plénière tenue le mercredi 27 décembre 1988.

Nous avons choisi cet extrait pour préciser certaines questions qui sont restées jusqu'à nos jours assez confuses chez certains dont la question de l'instauration de l'école de base et celle de l'arabisation des disciplines scientifique dans le deuxième cycle de l'école de base.

Il nous est arrivés de constater, très souvent , que  certaines personnes  attribuent  ces deux grandes innovations à la réforme de 1991 (réforme  du Ministre Mohamed Charfi), mais cela n'est pas tout à fait exact, il vrai que  c'est la loi 1991 qui les a officialisées et les a intégrées dans le texte, mais en réalité  la décision de l'instauration de l'école de base et d'enseigner les disciplines scientifiques en 7, 8 et 9ème année remontent à 1988 ( 3ans avant la promulgation de la loi 91) comme nous allons le voir dans l'extrait suivant.

P.S – Le blog pédagogique remercie M° le Ministre Mohamed El Hédi Khlil qui nous a offert ce document et nous permis de le partager avec nos lectrices et nos lecteurs

 

 

 

 

L'extrait du discours du Ministre de l'éducation à la chambre des députés.

«Au nom de Dieu le plus clément et le plus miséricordieux

Monsieur le Président du Parlement

Honorables députés,

Parce que vous avez tenu à consacrer une partie importante des débats pour discuter le projet de la réforme, je me permets de commencer ma réponse par en parler, d'autant plus qu'il représente le sujet de l'heure et le sujet de la réflexion sur l'avenir de nos générations et de notre société.

La volonté politique a placé la réforme du système éducatif dans le cadre du passage de l'ère des petites réformettes et des aménagements ponctuels vers la mise en place d'une stratégie globale et complète... Et en application du principe de dialogue, nous savons tous, qu'une consultation à grande échelle a été organisée cette année... Cette consultation a fait l'objet d’une synthèse avec la participation de nombreux spécialistes, et notamment des éducateurs...

 

Les résultats de cette consultation ont fait l'objet d'une évaluation qui a permis d'en tirer les conclusions et de fixer des priorités selon une méthodologie scientifique... A la lumière des résultats de la consultation, nous avons préparé un document qui synthétise les principes et les orientations essentiels qui ont fait l'objet d'un large consensus. Nous avons adressé ce document, selon les instructions de son excellence le président de la république, au conseil supérieur de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique et aux membres du conseil économique et social. Lorsque nous finirons de faire la synthèse de toutes les suggestions de ces deux institutions, nous soumettrons le nouveau projet de loi à votre respectueux conseil afin d'examiner les propositions, car c'est à vous que revient le dernier mot.

Mais étant donné que ce projet est le projet du gouvernement, et étant donné qu’il a été adopté par son excellence le président de la république qui l'a intégré dans son discours prononcé le 7 novembre 1988 devant vous à l'occasion du premier anniversaire du 7 novembre. Ceci indique que ce projet est devenu le projet du gouvernement avec l'appui des diverses organisations concernées.

Lors de la consultation, nous avons relevé un consensus sur la nécessité de prendre toutes les précautions afin d'assurer les meilleures conditions pour le lancement de la réforme sur la base d'une vision à long terme fondée sur des bases solides. 

Ces bases sur lesquelles nous allons nous appuyer pour mettre en place la réforme éducative sont au nombre de quatre comme l'a bien souligné le rapport de la commission :

La première est la consolidation de la démocratie de l'éducation et de la formation en tant qu’acquis à conserver.

La seconde, l'enracinement de nos générations montantes dans notre identité arabe et islamique.

La troisième, l'incarnation des principes et des valeurs civilisationnelles définis par la déclaration du 7 novembre.

La quatrième, la mise en œuvre de tous les moyens de développement et de progrès, en particulier dans le domaine des sciences et de la technologie.

……………………………

 

Comme nous l'avons dit précédemment, la consultation avait dégagé un consensus très large autour du projet de l'école de base, un consensus noté dans tous les rapports. Les documents qui nous sont parvenus ont souligné la nécessité d'asseoir cette réforme sur une base solide qui n'est autre que l'école de base.

En réalité, il faut rappeler que le concept d'école de base - comme vous le savez- n'est pas nouveau dans la pensée éducative dans notre pays. Cette question a été soulevée à plusieurs reprises et à l'occasion de la préparation de tous les plans à partir du quatrième plan (1973-1976). La preuve en est que le sixième plan (1982-1986) a approuvé le principe de l'établissement de l'école de base, mais la volonté politique n'était pas au rendez-vous pour lancer le projet. Mais grâce à nos contacts avec les enseignants et aux efforts déployés par les médias dans notre pays, le concept de l'école de base est devenu plus clair pour la plupart des citoyens. Il est peut-être utile de saisir cette précieuse occasion pour répondre à ceux qui s'interrogent encore sur le sens du concept école de base et sur ses objectifs, de reprendre ce que j'ai dit à plusieurs reprises, à savoir que cette école n’est pas seulement une fusion de l'enseignement primaire et du premier cycle de l'enseignement secondaire. Il ne s'agit pas non plus d'une mesure organisationnelle qui vise à garder les élèves le plus longtemps possible dans le système éducatif uniquement, ni à réduire le décrochage scolaire, bien que cet objectif  soit  très important. Enfin il ne s'agit pas d'instituer le passage automatique, même si certains pays qui ont déjà mis en place le système de l'école de base l'ont adopté. D'ailleurs dans ces pays le redoublement n'est décidé qu'avec le consentement des parents ; mais telle n'est pas notre conviction, car cette procédure pourrait entraîner une baisse du niveau. C'est la raison pour laquelle, en accord avec les spécialistes, nous n'allons pas adopter cette mesure dans notre école.

 

L'école de base est plus profonde et plus vaste que tout cela. Comme l'indique le rapport de la commission, c'est un nouveau projet éducatif qui découle des résultats de l’évaluation de notre expérience éducative depuis novembre 1958, ainsi que des expériences menées hors de nos frontières. La base de ce plan est la conciliation rationnelle entre notre identité nationale, ses composantes et ses dimensions, et les nécessités de la renaissance économique, sociale et culturelle. Le projet vise à former un être humain équilibré qui connaît ce qu'aucun être humain dans le monde d'aujourd'hui ne devrait ignorer et qui possède les compétences sans lesquelles il ne peut guère comprendre son époque et s'adapter à son environnement dans ses significations et ses dimensions les plus complètes. De plus, la construction de cette école est basée sur une compréhension des missions essentielles de l'éducation à l'aube du XXIe siècle.

En raison de l'importance des objectifs de l'école primaire, il est devenu nécessaire de garder l'élève plus longtemps dans le système éducatif. Il faudrait en effet neuf ans pour être totalement libéré de l'analphabétisme, et acquérir la soif du savoir et être capable de s'auto-instruire et ainsi le niveau culturel de notre société va pouvoir s'améliorer.

 

Je veux maintenant clarifier la notion d'école de base en tant que structure. Certains pensaient que l'école de base consiste à garder les élèves pendant neuf ans au sein d'une même structure. Cela n'a été mis en œuvre que dans certains pays socialistes qui ont adopté l'école de base. Mais les différents pays qui ont adopté l'école de base ont organisé les études de manière à ce que l'enseignement soit étalé sur sept ans dans une école primaire et trois ans dans un collège ou ce qu'on appelle l'enseignement préparatoire, alors que l'enseignement secondaire est assuré dans une troisième structure. Il y a une distinction entre les trois étapes car le maintien des élèves de générations différentes et leur cohabitation au sein d'une même structure n'est pas acceptable. Ce point de vue est confirmé par les études scientifiques et psychologiques, et c'est pour cette raison que nous nous orientons vers l'organisation des études en trois cycles, dans des bâtiments différents. Ainsi l'enseignement primaire va garder sa spécificité et on va séparer progressivement les deux cycles pour arriver à réserver des écoles autonomes pour le premier cycle qui vont compléter l'école ce base qui assure un enseignement qui dure neuf ans. C’est ce concept qui est connu dans plusieurs pays.

L’instauration de l'école de base s'accompagne d'une décision qui est très importante. C'est la décision – je ne dis pas de l'arabisation –d’utiliser la langue arabe pour enseigner les disciplines scientifiques durant les 9 ans. Nous savons tous que les sciences sont enseignées en arabe à l'école primaire. La décision historique qui a été prise est de poursuivre cet effort jusqu'à ce que nous soyons capables d'arabiser l'enseignement des sciences dans le dernier cycle de l'école de base. Nous savons tous que la question de l'arabisation a été posée à plusieurs reprises dans ce conseil chaque fois que l'on discutait le projet du budget du ministère de l'éducation nationale. Nous savons aussi que cette question a été utilisée politiquement mais elle est restée toujours au niveau d'un slogan vague et ambigu. Aujourd'hui on est passé de la phase du slogan à une phase où se joignent la clarté des choix et l'audace de décision pour répondre aux aspirations de notre peuple. Ce choix est en symbiose avec la charte nationale qui a appelé la collectivité nationale à renforcer la langue arabe car il est clair que le développement de la culture nationale ne pourra pas se faire sans la langue nationale. Dans ce domaine nous devons éviter l'aliénation culturelle de l'élite par rapport aux masses, car cela ferait encourir un danger à l’élite et entrainerait l'isolement des masses de la modernité. En traitant cette question, Ahmed Bayram disait en 1931 : « Si vous enseignez une personne dans sa langue, vous allez transférer la science dans cette langue, mais si vous l'enseignez dans une langue étrangère, vous allez la transférer dans cette langue ». Voilà la charte nationale qui s'aligne sur les dire d'Ahmed Bayram.

Nous travaillons actuellement à la mise au point du plan d'arabisation que vous souhaitez au sens le plus complet du terme comme facteur important d'amélioration du niveau de notre enseignement. Ce plan, auquel participent les spécialistes universitaires, comprend la préparation de la terminologie, des documents pédagogiques et des références dont les éducateurs ont besoin.

Il s'agit, honorables députés, monsieur le président, d'une introduction au projet de réforme du système éducatif. Nous nous donnons rendez-vous pour en discuter et discuter le projet de loi.

 

Source : Les délibérations de la Chambre des députés - Supplément n° 16 - séance du mercredi 27 décembre 1988.

 

Présentation et traduction : Mongi Akrout et Abdessalem Bouzid, inspecteurs généraux de l'éducation

Tunis, janvier 2023

Pour accéder à la version Ar , cliquer ICI

 

 

 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire