2. Les résultats de la recherche à propos de
l’option : « la réalisation de projet »
Nous avons constaté, lors de nos recherches sur le
terrain, certains indicateurs qui laissent croire que le ministère de
l'éducation a cherché à exploiter les leçons de l'expérience des apprentissages
optionnels, c'est ainsi qu’il a opté pour une diffusion restreinte de l’option
réalisation de projet. En effet nous avons remarqué que le nombre d'élèves et
d'enseignants impliqués dans le nouveau projet innovant était réduit. Le
tableau N°4 sur « les groupes et les
élèves dans les matières optionnelles au cours de l'année scolaire 2006-2007 »
montre le faible nombre d'élèves inscrits dans l'option " réalisation de
projet: mille quarante-deux (1042) élèves, soit moins un pour cent (0,84 %) du nombre total des
élèves de troisième année secondaire concernés par les matières à option :
Tableau N°4 : Groupes et élèves et les matières à
option au cours l'année scolaire 2006-2007(3ème année secondaire)
Les options |
Nombre de groupes |
Total élèves |
% |
Allemand |
1527 |
29826 |
23,92 |
Italien |
1603 |
34 741 |
27,86 |
Espagnol |
890 |
18693 |
15 |
Russe |
47 |
743 |
0,60 |
Chinois |
69 |
976 |
0,78 |
Education artistique |
1265 |
26226 |
21,03 |
Éducation musicale |
229 |
3417 |
2,74 |
Réalisation de Projet |
69 |
1042 |
0,84 |
Mathématiques |
240 |
3809 |
3,05 |
SVT |
318 |
5210 |
4,18 |
Total |
6257 |
124683 |
100 |
(Source :
Statistiques scolaires. Année scolaire 2006/2007. Bureau des études, de la
planification et de la programmation. Ministère de l’éducation)
Parmi les autres aspects des leçons tirées de
l'expérience des apprentissages optionnels le choix de l'appellation «
réalisation de projet », qui est une appellation précise, claire et qui ne
prête pas à des interprétations, en
comparaison avec l'appellation «
apprentissages optionnels», qui a suscité une controverse parmi les enseignants
et qui a été comprise comme une activité
optionnelle pour les élèves, alors que
c'était une matière obligatoire. De plus, certains enseignants l'ont rejetée
sous prétexte qu'elle obéit au principe du « volontariat et que
l'administration n'avait pas le droit d'obliger un enseignant à s'en
charger », comme l'indique le deuxième paragraphe du communiqué syndical
sur les apprentissages optionnels du 9 septembre 2005.
Nous ajoutons, que contrairement aux débuts de l'innovation '' des apprentissages optionnels" la
réalisation de projet a bénéficié d'un contexte favorable lors de son lancement, puisque le syndicat ne
s'était pas opposé à l'innovation. D'ailleurs pour éviter une
confrontation avec le syndicat de
l'enseignement secondaire et éviter la reproduction de ce qui s'est passé lors
de l'expérimentation des" apprentissages optionnels", le ministère a
choisi la prudence et la discrétion pour
faire passer l'innovation:pas de campagne d'information auprès des élèves ou des enseignants avant la rentrée
2006-2007,le ministère n'a pas non plus
mandaté le corps des inspecteurs ou un autre corps pour encadrer les
enseignants au sujet de la réalisation
de projet.
Afin d'assurer les conditions de réussite de cette
nouvelle innovation, le ministère avait accordé un intérêt particulier à la formation, 2000 enseignants environ ont
bénéficié d'une unité de formation sur le thème de la réalisation d'un projet
qui a duré trois jours dans les écoles d'été régionales. Cela s'est fait début
juillet 2008. Cependant, cette formation n'a pas été reconduite les deux années
suivantes, 2009 et 2010, et le sujet de la réalisation de projet était absent
des sessions de formation nationales et régionales.
Malgré les indicateurs positifs précités et malgré
toutes les mesures pouvant indiquer l'existence de bonnes intentions, nous
avons constaté, en parallèle, l'existence de lacunes et de contradictions avec
la réalité éducative, qui ont représenté des obstacles majeurs devant le succès des innovations liées à la
réalisation de projet, au contraire,
nous avons enregistré de nombreux effets pervers tant au niveau des comportements des enseignants qu'au niveau
des comportements des élèves et de leurs représentations.
En comparant le nombre d'élèves qui ont choisi
l'option “ réalisation de projet
troisième année secondaire en 2008 qui était 1042 élèves, avec
celui de leurs camarades inscrits en 4ème
année l'année suivante , soit 1263 élèves, on conclut qu'il y a une
augmentation de 221 élèves, soit le nombre de ceux qui n'ont pas suivi
l'option en 3èmeet ne l'ont
entamée qu'en 4eme année.
Cela signifie que les administrations de certains lycées n'avaient pas respecté
l'une des dispositions stipulées dans les documents officiels réglementant les
matières à option, et ont permis à plus de 221 élèves de changer de matière à
option au cours de la quatrième année, ce qui est considéré comme faisant
partie des conditions peu propices à la réussite de cette innovation pédagogique.
Nous avons, aussi,
remarqué que la région de Sfax se distinguait par le pourcentage élevé
d'élèves qui ont "choisi" la réalisation de projet en tant que
matière à option (537 candidats sur un total de 1263 inscrits à l'examen du
baccalauréat 2008). Nous avons cherché à connaitre les spécificités et les
facteurs qui expliquent cela. Nous nous sommes déplacés à Sfax le 18 février
2008 et nous avons découvert que la question n’était pas liée à des spécificités sociologiques et
culturelles qui méritent d'être étudiées, mais à des mesures pratiques prises
par l'administration pour remédier à la faible affluence des élèves dans le reste des matières facultatives, en
particulier les troisièmes langues étrangères, et pour compléter les heures manquantes dans les
emplois du temps des enseignants.
Le tableau N°5 établit la liste des lycées où on
trouvait l'option "réalisation de projet » dans la région de Sfax :
Tableau n° 5 : Répartition des élèves du baccalauréat
qui ont choisi la réalisation de projet comme option dans les lycées de la
région de Sfax en 2008.
N/o |
Le lycée |
Nombre d'élèves |
% |
1 |
18 janvier Jbeniana |
155 |
28,86 |
2 |
Al Hzag |
34 |
46,3 |
3 |
7novembre Bir Ali ben Khalifa |
48 |
38,9 |
4 |
Al Ahd al jadid Skhira |
199 |
37.06 |
5 |
Al-Ghariba |
50 |
19,3 |
6 |
Lycée privé Ibn Khaldoun à Jbeniana |
14 |
2.6 |
7 |
Lycée privé Arrissala à Jbeniana |
2 |
0.38 |
8 |
Lycée privé Ali ben Khalifa |
26 |
4.85 |
9 |
Lycée privé Al moustakbel Skhira |
9 |
1.67 |
|
Total |
537 |
100 |
(Source : Délégation
Régionale de l'Education à Sfax, Sous-direction de l'Evaluation et des
Examens)
Le tableau N°5 montre que le démarrage de l'option
"réalisation de projet" a eu lieu dans des lycées appartenant majoritairement à un milieu
rural, villageois ou semi-urbains dépourvus
de nombreuses infrastructures de base. On remarque, selon le même tableau,
qu'il n'y a pas de lycées de la ville de Sfax. La plupart des lycées mentionnés
dans le tableau ci-dessus peuvent être classés en termes de résultats et de
conditions générales comme "inférieurs à la moyenne nationale". Ils peuvent
être considérés plutôt, selon les normes adoptées dans la classification des
écoles primaires et préparatoires du ministère de l'éducation, parmi les «
établissements d'enseignement prioritaire » (PEP). Leurs résultats à l'examen
du baccalauréat sont également dans l'ensemble inférieurs à la moyenne
nationale. Certains d'entre eux sont des lycées privés fréquentés généralement
par des élèves exclus des établissements publics.
L'effet pervers le plus important, révélé par la recherche à partir des statistiques
officielles des ministères de l'Éducation et de l'enseignement supérieur et à
travers les observations de terrain et les entretiens que nous avons menés, est
peut- être le « phénomène de gonflement des notes» de l'épreuve de la réalisation de projet, que
ce soit en cours d'année scolaire ou à l'examen du baccalauréat, malgré les
absences fréquentes des élèves lors des séances de la réalisation d'un projet
et bien que la plupart d'entre eux
n’aient pas réalisé de véritables projets qui valent les notes obtenues au
baccalauréat. Notre recherche est arrivée à montrer que cet phénomène était
présent dans toutes les sections, il n'est pas aussi spécifique à une session
puisqu'on le retrouve à la session 2008 comme à la session 2009. Il n'est pas
non plus affecté par la variable de réussite ou d'échec à l'examen du
baccalauréat, car tous les élèves quel que soit leur résultat obtiennent des
notes excellentes dans cette option, qu'ils aient réussi ou non au
baccalauréat.
L'une des enseignantes en charge de cette option nous a révélé qu'elle subissait la pression de l'administration pour
améliorer les notes qu'elle avait attribuées
à ses élèves à la fin du premier trimestre de l'année scolaire
2008/2009, en rapportant ceci : "Le proviseur m'a confié la responsabilité de l'option de réalisation
de projet... et comme je n'avais pas
reçu de formation préalable, j'ai eu du mal à encadrer un groupe de 16 élèves de troisième année, et
le premier trimestre s'est achevé sans que les élèves se mettent d'accord sur un projet et
sans la constitution des équipes.
Or j'étais tenue de donner à chaque élève une note qui entrera dans le calcul
de la moyenne trimestrielle, alors j'ai décidé de mettre des notes entre 10 et
12 sur 20 selon une évaluation personnelle
du sérieux des élèves et leur
assiduité et j'estimais que j'étais très indulgente , à ma grande surprise, le
directeur du lycée m'a reproché ces notes et s'est dit étonné par leur faiblesse, en ajoutant , il aurait été mieux
que ces élèves soient restés avec l'option
de la langue italienne ".
Les graphiques ci-dessous montrent l'importance des
notes entre 16 et 20 obtenues par les candidats et les bacheliers dans
l'épreuve de réalisation de projet en comparaison avec les notes obtenues dans
les autres options. (Bac 2008 et bac 2009)
Graphique 1 : les écarts des taux des notes entre 16 et 20 dans les matières à
options pour tous les candidats au bac
2008 et bac 2009.
Source : Direction générale des examens du ministère
de l'Éducation.
Graphique 2 : les écarts des taux des notes entre 16 et 20 dans les matières à options pour les candidats admis au bac 2008 et bac 2009.
Source : Direction de l'Information et de
l'Orientation Universitaire du ministère de l’Enseignement Supérieur.
Sur la base des taux affichés dans les graphiques
ci-dessus, on peut dire que "la réalisation de projet" est devenue
l'option qui permet d'obtenir de bonnes notes, en plus c'est l'option la "plus facile" selon la
perception les élèves. L'un d'entre eux nous a déclaré lors d'une des
campagnes d’information que nous
organisons dans les lycées : « La
meilleure matière à option est la réalisation de projet... L'élève ne fait rien pendant toute l'année et obtient
18 sur 20 à l'examen final." Ceux qui réussissent au baccalauréat
répètent cette phrase chaque année qui arrive aux oreilles d'une partie des
élèves de 2ème année secondaire, ce qui ne manque pas d’affecter
leur rapport aux matières à option.
Dans le même ordre d'idées, nous avons constaté sur le
terrain, à chaque rentrée scolaire, de plus en plus de demandes de changement
d'options, et généralement c'est l'abandon d'une langue étrangère au profit du
projet. Ces demandes proviennent aussi bien d'élèves de troisième que de
quatrième année. En principe et selon les dispositions qui régissent les
options, ces demandes devraient être rejetées, mais dans la pratique, nous
avons constaté plusieurs manifestations de non-respect de ces dispositions par
les administrations des établissements.
Parmi les conséquences de l'inflation remarquable des
notes attribuées aux projets figurent l'augmentation constante de la proportion
des élèves qui choisissent cette option
à la fin de la 2ème année secondaire, ainsi cette proportion est passée de 0,84 % durant la
première année d'expérimentation à 2,63 % l'année suivante, puis à 3,45
% en 2008/2009, pour atteindre 5,27 % en 2009/ 2010. Néanmoins, la
proportion reste très faible en
comparaison avec la proportion d'élèves
qui optent pour d'autres options telles que la langue italienne, la
langue allemande, la langue espagnole ou l'éducation artistique. Il est à noter
que le nombre d'établissements où l'option "réalisation de projet existe a
atteint 123 lycées sur un total de 470 dans tout le pays (soit 24,95%),
selon les statistiques officielles pour l'année scolaire 2008/2009.
Nous ajoutons également que le document pédagogique
relatif à la réalisation d'un projet ne précise pas le nombre d'élèves par
groupe ni le nombre d'élèves par projet, comme c'était le cas pour le document
pédagogique relatif aux apprentissages
optionnels. Peut-être que l'intention
était de rechercher la flexibilité et la
diversité et laisser plus de liberté aux enseignants et à l'administration des
établissements pour prendre des initiatives. Cependant, les données recueillies
sur le terrain ont révélé des effets pervers dont se sont plaints les
enseignants. Nous avons constaté lors de notre suivi sur le terrain que la
distinction n'est pas claire pour les enseignants entre le groupe et les
équipes par projet , nous avons également remarqué qu'il y a un écart dans le
nombre d'équipes dans chaque groupe, et une différence quant au nombre de participants dans le même
projet , enfin nous avons relevé que le nombre de projets encadrés par
enseignant est très variable , tout cela atteste d’une grande différence dans
l'effort requis par l'enseignant pour assurer un bon encadrement. Cette
disparité était une source de grogne et de « sentiments de discrimination et
d'injustice» qui nous sont parvenus de la bouche d'enseignants qui avaient en
charge des groupes surchargés, surtout
lorsqu'ils voient leurs collègues
qui travaillent avec un petit nombre
d'élèves. Ceci a eu lieu lors des entretiens focus réalisés dans le cadre de la
présente étude (nous avons réalisé deux entretiens dans la région de Mahdia et
un entretien dans la région de Zaghouan). Le tableau suivant atteste de la
réalité de l'écart précité dans la région de Sfax.
Tableau N°6 : Répartition du nombre d'élèves par
projet dans les lycées de la région de Sfax (baccalauréat 2008)
Nombre d'élèves par projet |
Fréquence |
% |
Un seul élève |
21 |
20,8 |
Deux élèves |
16 |
15,84 |
3 élèves |
13 |
12,87 |
4 élèves |
20 |
19,8 |
5 élèves |
9 |
8.91 |
6 élèves |
4 |
3.96 |
7 élèves et plus |
18 |
17.82 |
Total des projets |
101 |
100 |
Source : Délégation Régionale de l'Education à Sfax,
Sous-direction de l'Evaluation et des Examens.
Le tableau N°6 ci-dessus montre que le nombre d’élèves
par projet varie beaucoup, entre un seul élève par projet (plus de 20% des projets
dans toute la région) et plus de sept élèves par projet (cela a concerné 18 projets) et nous avons même trouvé dans certains cas 20 élèves pour le
même projet.
Il faut mentionner ici que permettre de réaliser des
projets par un seul ou deux élèves (21
et 16 cas respectifs enregistrés à Sfax ) constitue une entorse à l'un des
principes de base sur lesquels repose l'option de la réalisation d'un
projet, qui est l'initiation au travail de groupe. Cette entorse résulte soit d'une méconnaissance de ce principe ou à
un manquement à celui-ci, il s'agit d'un comportement contraire aux attentes du
Ministère et qui constitue un obstacle majeur à la réussite de l'innovation.
Le tableau n°7 résume les manifestations les plus
importantes de la contradiction entre les attentes du Ministère et la réalité
de l'expérience de l’option " réalisation de projet ":
Tableau 7 : L’expérience de l’option réalisation de
projet entre les attentes du ministère de l'éducation et les effets pervers.
Les attentes du ministère |
Les effets pervers |
Préparer l'élève aux activités de la recherche scientifique qu'il va
entreprendre au stade de l'enseignement supérieur." Développer chez lui l'esprit d'initiative. L'initier à la recherche de l'information. Approfondir sa formation dans le domaine qu'il
choisit lui-même. Consacrer le principe du «traitement positif de la diversité et l'hétérogénéité des élèves» Utilisation par les enseignants de nouvelles
méthodes d'animation et de démarches pédagogiques peu familières avec le
schéma traditionnel dominant : 1. travail d'équipe, 2. l'ouverture sur l'environnement, 3. Intégration des TIC dans l'apprentissage, 4. Intensification de la coopération et de la
complémentarité entre les enseignants
des différentes disciplines (concrétisant le principe d'interdisciplinarité). .. |
- L'absence de suivi ou d'encadrement officiel et
d'accompagnement des enseignants - L'enseignant n'a pas une répartition annuelle des
activités et l'absence d'un carnet de
suivi. -Le dossier de suivi de l'élève n'est pas disponible - L'absence d'initiatives individuelles de la part
des élèves et des enseignants. - Le non-respect de l'horaire réservé à l'option et
la fréquence des absences des élèves et de l’enseignant. (l'innovation a
participé au laisser aller dans les établissements). - L'option est imposée par l'administration du lycée et non respect du principe du
libre choix de l'élève; - L'utilisation de l'internet de façon négative
(plagiat de travaux d'autrui). - L'absence de l'exploitation des spécificités de la
région, des activités hors de la salle de classe, et de la coopération avec
des personnes de l'extérieur du lycée (la non application du principe de
l'ouverture sur le milieu). - plus de cloisonnement disciplinaire devant le sentiment d'impuissance des enseignants
de répondre aux exigences de la réalisation de projet(le non-respect de
l’interdisciplinarité et la complémentarité des disciplines). - dégradation du niveau général des élèves qui sont
inscrits dans cette option , et l'obtention de bonnes notes en l'absence de véritables projets , ce qui
a eu des effets négatifs sur les autres options aux yeux des élèves et sur les rapports au
savoir en général : en comparaison avec le reste des options , la réalisation
de projet vient en tête , puisque les élèves obtiennent des notes
remarquables au baccalauréat qu'ils
ne méritent pas, nous avons trouvé que plus de 80% des admis et qui
ont choisi la réalisation de projet comme option avaient obtenu des notes supérieures à
16/20, dans les autres options, la proportions des très bonnes notes est
faible , elle est inférieures à 1% en Math et en SVT, et inférieure à 7%
en italien et en allemand par exemple.
- selon les dires d'un élève qui résume la
perception de ses camarades de l’option de réalisation de projet : «c'est la
meilleure option, on ne fait rien au cours de l'année et on a 18 au bac». - les enseignants chargés de cette option subissent
une pression de la part de leurs collègues qui étaient hostiles aux
innovations, ils vivent un état de malaise, d'inquiétude et d'incertitude en
l'absence d'encadrement. - L'expérience de l'option '' réalisation de
projet" vécue par les enseignants a généré une réticence chez eux quant
à s'engager dans n'importe quelle nouvelle innovation que le ministère
proposerait à l'avenir. |
Conclusion
L'expérience
des apprentissages optionnels a démarré en octobre 2003, et après moins de
trois ans, le ministère de l'Éducation a pris la décision d'y mettre fin en
mars 2006. En soi, c'est une reconnaissance par le ministère lui-même qu'il
s'était empressé de prendre la
décision de son introduction. Quant à
l'option " la réalisation d'un projet", malgré la tentative de
l'autorité de tutelle de tirer les enseignements de l'échec de l'expérience des
apprentissages optionnels, et en dépit d'une certaine concordance entre les
attitudes des enseignants et les objectifs et les démarches
attendus de cette innovation
pédagogique, nous avons pu constater de nombreux effets pervers nous sont
apparus ce qui nous amène à reconnaitre
l'échec du ministère à instaurer cette innovation également.
Plusieurs
facteurs ont contribué à marginaliser ces deux innovations et à empêcher la
réalisation de leurs nobles objectifs et des approches pionnières. Ces facteurs
sont liés aux caractéristiques mêmes de l'innovation, à la méthode du ministère
pour l'introduire, à la position du syndicat, à l'environnement social,
culturel et politique, aux conditions de travail des enseignants et à leurs
réactions et à l'évolution de leurs attitudes à l'égard de l'innovation
proposée.
Dans
son évaluation de l'expérience des apprentissages optionnels , l'un des participants à la recherche -
l'auteur du récit de vie n° 9 –que je nomme Borhan, a résumé son opinion dans
les termes suivants : "brusquement,
le ministère a parachuté une expérience pleine d'imagination et de
flexibilité... sur une réalité qui avait été pendant de nombreuses années
caractérisée par la prédominance de l'automatisme, de l'ordre et de la
discipline littérale aux textes et aux lois..."(Cheikh Zaouali 2014)
En
attendant une préparation minutieuse d'une réforme globale, le système éducatif
actuel en Tunisie a besoin de mesures urgentes et de réformes partielles qui
corrigeraient certains des aspects négatifs de la situation actuelle et les
défauts qui caractérisent nombre de ses sous-composantes et ses outputs. Et
c'est peut-être dans ce contexte, que la note de service n°167 a été émise le 8
janvier 2015 par la direction générale du deuxième cycle de l'enseignement de
base et secondaire, adressée aux
délégués régionaux de l'éducation, les invitant à « organiser une journée
d'évaluation de l'option réalisation de projet , avec la participation des inspecteurs
pédagogiques, des directeurs des lycées , des enseignants, des conseillers en
information et en orientation scolaire et universitaire, et des élèves, pour
faire un diagnostic de la réalité de
cette option, et présenter des propositions et donner un avis sur son éventuel maintien ou sa suppression, à partir de
l'année scolaire 2015/2016.[2]
Nous
espérons que les données contenues dans cette étude puissent aider à se faire
une opinion précise et approfondie sur la matière à option réalisation de
projet et aider les élèves, les enseignants, le cadre
d'encadrement administratif et pédagogique, et les différents acteurs du Ministère de Éducation
à prendre la décision appropriée sur le sort de cette option.
Enfin,
nous ajoutons que selon les données actuelles de la réalité de cette option de
projet, les effets pervers sont devenus aujourd'hui encore plus graves que lors
du temps de notre recherche. Le nombre d'élèves qui choisissent la réalisation
de projets s’est multiplié
plusieurs fois, passant de 1263 (1,26%)lors
de son démarrage Bac 2008, à 19056(13,25% du nombre total des candidats
au bac 2014), tandis que le nombre d'élèves qui avaient opté pour la langue
allemande a baissé, passant de 23 030 élèves au baccalauréat 2008 (soit 22,98 %
du nombre total des candidats au bac) à 19 036 élèves au baccalauréat 2014,
soit 13,24 %, c'est dire presqu'autant que ceux qui avaient choisi la réalisation d'un projet.
Et
tandis que les candidats qui avaient
obtenu une note supérieure à 10/20 en allemand à l'examen du baccalauréat 2014
étaient 6 724 élèves (35,32 %), ils étaient de 18 043 élèves (94,68 %) pour
ceux qui avaient choisi la réalisation
de projet, sachant que la langue
allemande est généralement choisie par les meilleurs élèves en termes de
résultats scolaires. On s'attend donc, après quelques années, à ce que l'option
" réalisation d'un projet" devienne la première matière à option, si la tendance
actuelle se poursuit. Cette tendance
sera au détriment des troisièmes langues étrangères... La raison, comme
le disent la plupart des élèves, "ne faites rien et vous obtenez les
meilleures notes.". Selon ce qui se dit
dans le milieu scolaire, des
projets finisse vendent, s'achètent et passent d'un élève à un autre, et les
mêmes projets se répètent chaque année. Des éléments étrangers qui n'ont aucun
rapport avec l'établissement scolaire
interfèrent pour proposer leurs services et pour conclure des affaires...[3]
Fin de l'étude , pour revenir à la 1er
partie, cliquer ICI et à la 2ème partie, cliquer ICI et à la 3ème
partie, cliquer ICI.
Dr. Mustapha Chikh Zaouali, Conseiller général en information
et en orientation scolaire et universitaire.
Traduction Mongi Akrout, inspecteur général de l'éducation
Pour accéder à la version arabe, cliquer Ici
[1]Cette étude a été publiée en langue arabe dans la
revue «"Al Hayat Athaqafia" (la vie culturelle) n°264 – octobre 2015.Revue du ministère des affaires
culturelles -Tunisie
[2]Le 30 avril 2015, le
Ministère de l'Education a organisé une journée d’étude sur« l’option
réalisation de projet » au Centre National de Formation des Formateurs
en Education (CENAFFE). La journée a commencé par notre intervention
s’intitulant « l’option Réalisation de projet : entre enjeux ambitieux et effets
pervers ».
[3]En septembre 2015 le
ministère de l’Éducation a pris sa décision d'annuler l’option réalisation
de projet. Il semble que les résultats de notre recherche aient contribué
dans une certaine mesure à prendre cette décision.
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