Mohamed Hédi Khlil |
La semaine dernière, la Tunisie a perdu l'un de ses hommes illustres, le professeur Mohamed Al-Hédi Khlil, que j'ai rencontré pour la première fois alors qu'il était directeur des examens au ministère de l'Éducation nationale au début des années 80 et que j'étais un jeune inspecteur.
Après
plusieurs années je l'ai
rencontré par un pur hasard dans un café du coté des Menzahs et depuis nos rencontres sont devenues
régulières, j'ai découvert un homme d'une grande modestie et d'une ouverture
d'esprit, il soutenait et encourageait le blog pédagogique
en nous offrant de nombreux documents rares et des
informations précieuses sur l'histoire de l'école tunisienne qu'il connait beaucoup mieux que nous, nous en avons publié
quelques-uns , et il y en a encore beaucoup qui seront publiés un jour ,
inchallah.
Et pour honorer la mémoire de notre défunt, le blog a voulu lui
consacrer le papier de cette semaine pour
donner un aperçu sur son parcours scolaire et professionnel.
Puisse Dieu
l'accueille dans son paradis éternel.
Le Professeur Mohamed Al-Hédi Khlil en bref
Mohamed Al-Hédi Khlil est né le 5 décembre 1936 dans
le village de Korba dans une "famille modeste, mais qui est considérée comme très ancienne en raison de son origine turque."[1]
Il a rejoint le Koutteb du village à l'âge de 4 ans, comme la plupart
des enfants. Quand il a atteint six ans,
tout en continuant à étudier au Koutteb,
il a tenu à rejoindre l'école franco-arabe (l'école de la place des chevaux) malgré l'opposition de son père au
début, qui " tenait absolument à
le garder au Koutteb pour qu'il
puisse poursuivre ses études à la mosquée Al-Zaytouna, à
l'instar de ses amis devenus des cadres supérieurs dans la magistrature et
l'enseignement ».
Au mois de juin 1950, le jeune Hédi réussit le concours d'entrée en première année
de l'enseignement secondaire, mais il n'obtint pas le certificat d'études
primaires, qui est un certificat très important pour la population de l'époque
car il « permettait à son titulaire d'être exempté automatiquement du service
militaire » Il le repassera l'année suivante, il réussit cette fois à
l'obtenir.
Suite à sa
réussite au concours d'entrée en première année de l'enseignement secondaire,
il avait postulé pour
intégrer le collège Alaoui de
Tunis, mais la Direction de l'Enseignement public décida de l'orienter
vers le cours complémentaire de
Nabeul nouvellement créé, mais la scolarité à Nabeul fut marquée
par des troubles et de manifestations nationalistes, en particulier en 1952, et
malgré cela, il a poursuivi ses études jusqu'en troisième année, il a commencé
à penser à rejoindre l'un des lycées de Tunis pour poursuivre ses études
secondaires, mais les efforts de son père pour l'inscrire au collège Sadiki ont échoué, "parce
que le directeur de l'école aurait –semble -t-il exigé le paiement de cent mille francs, une somme
excessive qui n'était pas à la portée
d'un simple agriculteur.[2]"
Il a alors changé sa destination et il
s'est dirigé vers le lycée de Sousse, qu'il rejoint en octobre 1953, où
il est inscrit en troisième année après avoir échoué à l'examen d'entrée en quatrième année en raison de ses faibles notes
en traduction, qui n'était pas enseignée
au cours complémentaire de Nabeul.
A la fin de la
même année scolaire (juin 1954), il se présenta, en candidat libre, à l'examen de brevet et le
réussit, ce fut un évènement au lycée car la participation à cet examen était
réservée aux élèves de quatrième année alors que le jeune Hédi était alors en
3ème. L'année suivante (juin 1955), il obtint le brevet d'arabe, qui était
principalement basé sur la traduction, et il remporta le premier prix de sa
classe.
Si Al-Hédi poursuivit ses études brillamment au lycée
de Sousse et obtient en juin 1957 la première partie du baccalauréat selon le
nouveau régime tunisien, il obtient également -la même année - le même diplôme sous le régime français, l'année suivante, c'est-à-dire en juin 1958,
il a obtenu la deuxième partie du baccalauréat Mathématiques tunisien et aussi
français. .
L'obtention du baccalauréat, avec la mention bien ,
lui a ouvert les portes de l'université, il était prévu qu'il parte en France pour suivre des études
d'ingénieur, mais au final, il est resté au pays pour plusieurs raisons et il
rejoint à la rentrée universitaire 1958/59
l'Institut d'études supérieures en première année préparatoire en
mathématiques générales, l'année universitaire suivante (1959/1960). Il rejoint
l'école normale supérieure
de Tunis, il en sort diplômé en juin 1961 après avoir obtenu le
certificat de fin d'études de l'école
supérieure avec la mention "Bien" ce qui lui a permis de remporter le
premier prix du Président de la
République en Sciences.
Une carrière professionnelle bien remplie
1- Si El-Hédi Professeur de Mathématiques 1961-1968 : La carrière de Si El-Hédi dans l'enseignement
a débuté en octobre 1961, lorsqu'il fut nommé professeur de Mathématiques au lycée Khaznadar, l'un des lycées prestigieux de la Tunisie. Il n'y resta qu'une
seule année, car il fut muté
à la rentrée 1962/1963 au Lycée de
Garçons de Sfax. Le séjour de Si El Hédi
à Sfax fut aussi de courte durée (une
seule année scolaire), car l'année
d'après il est muté au lycée de Sousse, le
lycée où il avait fait ses études secondaires.
M. Hédi Khlil a parlé dans ses mémoires de son
expérience en tant qu'enseignant dans ces trois établissements, et il a écrit ceci
:
* La première expérience au lycée Khaznadar : « j'ai opté dans mes cours pour une méthode moderne qui
s'appuyait principalement sur ce que les mathématiques modernes avaient apporté dans l'analyse des concepts
mathématiques, ce qui gênait certains anciens collègues du lycée qui n'avaient pas
étudié les Mathématiques modernes à
l'université, et ils avaient exprimé
leur opposition lors d'une réunion des
professeurs de Mathématiques avec l'inspecteur général français Cambon, qui
était chargé par le ministère d'évaluer la réforme de 1958... L'inspecteur
français exprima son accord avec ma
démarche et m'avait demandé de continuer dans la même voie, et il nous avait dit que la France n'était pas arrivée
à prendre une décision sur cette
question jusqu'à cette date»[3].
*Quant à sa 2ème expérience au lycée de garçons de Sfax, il écrivait ceci : « Je
faisais beaucoup d'efforts dans la préparation des leçons et des exercices pour
qu'ils soient le mieux adaptés aux aspirations de mes élèves, surtout après
avoir découvert que les jeunes de Sfax avaient une grande passion pour les sciences
et une volonté permanente de travailler afin de réussir dans leurs études, et
les résultats qu'ils ont obtenus à la fin de l'année étaient excellents, ce qui
m'a fait hésiter à demander à retourner à Tunis, selon les vœux que j'avais exprimés dans la fiche d'informations.»[4]
* Et sur son 3ème passage au lycée de Sousse,
il a écrit ceci:« J'ai passé cinq
ans au lycée de Sousse, enseignant avec
enthousiasme et assiduité, en suivant de près et attentivement tous les élèves,
en particulier ceux des classes
terminales. Au mois de mai de chaque année, j'ai pris l'habitude
d'organiser des cours complémentaires
pour tous mes élèves auxquels se joignaient
les élèves des autres classes, je faisais, au cours de ces séances, une
révision complète du programme et il ne m'est jamais venu à l'esprit de donner des cours
particuliers payants, car comment un professeur peut-il tendre la main à son
élève pour recevoir de l'argent , vu les rapports sublimes qui les lient .»[5]
2-
Hédi Khlil, directeur régional de l'éducation à Nabeul
1968-1970 - En juillet
1968, Si El-Hédi est invité à rencontrer le secrétaire d'État à l'éducation
nationale Ahmed Ben Saleh, qui le
chargea de la direction régionale de l'éducation à Nabeul qui vient d'être
créée dans le cadre de la politique de décentralisation - mais après le limogeage d'Ahmed Ben Saleh,
l'expérience des administrations régionales s'est terminée en septembre 1969 et
malgré la courte expérience, Si Al-Hédi en a gardé de bons souvenirs : « L'expérience que j'ai vécue a été très
riche et elle m'a permis de m'habituer à prendre les responsabilités premières
dans le secteur de l'éducation dans la région[6].»
3-Hédi
Khlil, l'inspecteur administratif et pédagogique.
Lorsqu'il a été décidé de dissoudre les directions
régionales, Si El Hédi a été nommé par le ministre Chadly Ayari, inspecteur
régional de l'administration scolaire au sein de l'inspection générale des
affaires administratives et financières et inspecteur pédagogique de
Mathématiques, parallèlement Si Al Hédi avait
repris l'enseignement partiel des Mathématiques au lycée Al Omrane
pour rester en contact avec les élèves et les mathématiques disait-il, mais
l'expérience d'inspection a été courte et Si El Hédi l'a quittée pour l'administration , mais cette fois au sein de
l'administration centrale.
4- Hédi Khlil intègre l'administration centrale
1970-1983.
Si Al-Hédi a connu une longue carrière dans
l'administration centrale du ministère de l'éducation, qu'il a débutée comme
sous-directeur en 1970 et qu'il avait couronnée comme Ministre en 1989.
- En 1970, il a été chargé par le ministre Mohamed Mzali
de la sous-direction de l'enseignement technique et professionnel, qui a été
créée au sein de la direction de l'enseignement secondaire dirigée à l'époque
par le professeur Abdelaziz Ben Hsan.
- En 1973 (5 décembre), le nouveau ministre de
l'Éducation, Idris Guiga nomma Si Al-Hédi directeur de l'enseignement
secondaire pour succéder à son patron Abdelaziz Ben Hsan. Si Al-Hédi Khalil
resta à la tête de cette direction
jusqu'à la rentrée scolaire 1981-1982, lorsqu'il a été nommé directeur des examens.
Si Al-Hédi a passé la plus longue période de sa
carrière administrative à la tête de cet important département (la direction de l'enseignement secondaire),
ce qui lui a permis d'introduire plusieurs changements fondamentaux, comme :
* l'institution du système de contrôle continu,
*la création de la session de contrôle du baccalauréat et la suppression de la session d'octobre
* l'introduction des matières optionnelles sous la forme de deux groupes, un groupe de
matières scientifiques et un groupe de
matières de sciences humaines.
* La révision du régime de discipline dans les lycées en
créant un conseil de l'éducation avec la
participation des représentants des élèves au lieu du conseil de discipline et
en abolissant la sanction de retenue.
* La dotation de la personnalité civile et l'indépendance financière aux lycées et aux collèges pour leur permettre d'avoir leur propre budget.
§ Jeter les bases
de la direction des examens : Si Al-Hédi était le fondateur de la direction des
examens, cette tâche ne lui était pas
difficile, car il se chargeait des
examens lorsqu'il était à la tête de la direction de l'enseignement secondaire. Il est resté
deux années à la tête de la nouvelle direction des examens, qu'il a quittée en décembre 1983
pour l'office de la formation et de la
promotion professionnelle, poste qu'il avait occupé jusqu'en 1987.
5-Retour
de Si Al-Hadi au ministère de l'Éducation comme secrétaire d'État auprès du
ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche
scientifique, puis ministre de l'Éducation
- Mai
- novembre 1987 avec le ministre d'État Mohamed Al-Sayah : En mai 1987, à la suite d'un remaniement
ministériel et de la nomination de Mohamed Sayah à la tête du ministère de
l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Mohamed
Al-Hédi Khlil est nommé secrétaire d'État chargé de l'éducation.
- Novembre 1987-avril 1988 avec le ministre Tijani Chelly : après le 7 novembre 1987, et le départ de Sayah, Tijani Chelly lui a succédé à la tête du département , Al-Hédi
Khlil est maintenu à son poste de secrétaire de État chargé de l'éducation.
- Avril 1988 Avril 1989 - El-Hadi Khalil est nommé
ministre de l'Education
: En 1988, le ministère de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la
Recherche scientifique est divisé en deux ministères, et Hédi Khlil
fut promu ministre de l'Education,
poste qu'il gardera jusqu'en avril 1989 .
Malgré la courte période qu'il a passée en tant que premier
responsable du département de
l'éducation en Tunisie, il a accompli beaucoup de choses, et parmi ses
réalisations les plus marquantes, on peut citer :
- La création des
directions régionales de l'éducation dans chaque gouvernorat qui supervisent
le secteur de l'enseignement dans toutes ses composantes dans la région.
- L'élaboration d'une nouvelle loi sur l'éducation, qui
a été présentée au Conseil supérieur de l'éducation le 6 janvier 1989 et au
Conseil économique et social. Le projet de loi devait être envoyé à la Chambre
des représentants, mais le Président de la République a décidé de surseoir
cela, Si Al-Hédi a parlé dans ses
mémoires de "l'existence d'un plan soit pour entraver le projet, soit
pour l'avorter, ce qui a empêché la
réforme d'avancer"[7]
.
- Démarrage de la
mise en place de l'école de base à
partir du mois d'octobre 1989 au niveau des première, deuxième et troisième
année de l'école de base .
Après son départ du Ministère de l'éducation, Hédi
Khlil avait entamé une nouvelle carrière
de parlementaire.
Voila très brièvement un aperçu le la vie et de l'œuvre
de cet homme qui aimait sa ville natale korba, le ministère de l'éducation et
surtout son pays, repose en paix Si Hédi.
Mongi Akrout, Inspecteur général de l'éducation
retraité
Tunis, Mars 2023.
Pour accéder à la version AR, Cliquer ICI
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire