Avant propos
A l’occasion du
démarrage du dialogue national
sur l’éducation, le blog pédagogique publie une réflexion sur la réforme de
l’école de notre collègue Amor Bennour ,
Inspecteur général et Directeur de l’Inspection générale depuis sa création au début des années quatre
vingt dix , contribuant à la mise en place de cette noble institution.
Nous souhaitons que d’autres
collègues suivent l’exemple de Si Amor pour enrichir la scène nationale de leurs expériences, le blog pédagogique leur
est toujours ouvert.
Hédi Bouhouch et Mongi Akrout
Toutes
ces réformes qui se succèdent périodiquement, qui se complètent, se corrigent,
parfois aussi se contredisent les unes les autres; elles attestent à la fois
les difficultés et l’urgence du problème. La question, d’ailleurs, n’est pas
spéciale à notre pays. Il n’est pas de grand État où elle ne soit posée et dans
des termes presque identiques.
Les
réformes au Québec, d’hier à aujourd’hui : une symphonie inachevée
Jean Denommé et Marc St-Pierre Collaboration à la rédaction, Guy
Lusignan
La semaine passée le ministère de
l’éducation a annoncé le démarrage du dialogue national sur l’éducation Je vais
essayer de faire quelques remarques à propos de ce qui dit aujourd'hui sur la
nécessité de réformer le système éducatif tunisien, et sur le dialogue que le
ministère vient de lancer [1].
Si la nécessité de réformer le
système éducatif semble être tout à fait
légitime, la précipitation risque d’entraver la réalisation des
objectifs souhaités, si la réforme n’est
pas précédée par un diagnostic précis de
toutes les composantes du système afin d’identifier ses forces et ses faiblesses, et
de trouver les moyens d’y remédier, et si on ne prend pas en compte les
principes fondamentaux communs à tous les systèmes éducatifs d'aujourd'hui, qui
aspirent à la qualité et à la
rentabilité ; ces principes sont les suivants :
§
Que l’éducation
et l’enseignement subissent les effets des changements et des mutations que connait
le monde ; la réforme se doit d’en tenir compte, car les ignorer et se
renfermer sur soi, quelques soient les raisons, pourraient conduire à une
rétrogradation et à une mise en marge de
la civilisation universelle ; c’est, d’ailleurs, ce qui est arrivé à
certains pays qui ont ignoré cet aspect.
§
Que des
valeurs universelles sont actuellement reconnues et partagées par tous les
peuples, et aucun système éducatif qui vise l’excellence et la qualité ne peut les
ignorer.
§
Que les pays qui cherchent à se développer, comme
la Tunisie, doivent coopérer avec les organisations régionales et internationales,
"comme l'UNESCO" et " l’UNICEF"
et d'autres, qui peuvent leur offrir l'expertise et le soutien, et leur permettent de s’ouvrir
sur les expériences réussies des autres,
et de s’en inspirer.
§
Que l’examen attentif des composantes du système doit
se baser sur la recherche en éducation et les évaluations scientifiques ; la
précipitation dans la prise de décisions, ou les mesures prises à la hâte, les
changements très fréquents ne peuvent conduire qu’à l'opposé de ce que l’on a souhaité ;
d’un autre coté l’inertie ne sert pas l'intérêt de l'éducation ; nous ne
devrions pas glorifier une période caractérisée par la stabilité dans
l'histoire de l'éducation, comme on l’entend dire aujourd’hui, mais nous devons
nous opposer aux changements précipités et irréfléchis.
§
Que la mission de l'école est une mission en perpétuel
renouvellement, pour être à jour, et pour suivre les changements de la société
et l’évolution dans le monde.
§
Que l'école reste le principal lieu de formation et
d’enseignement, un lieu indispensable, malgré l’apparition d’autres espaces
d’apprentissage, mais tous les autres
espaces resteront toujours en deçà du rang de l'école ; mais l’école ne devrait pas les ignorer parce que leur impact
sur les jeunes est important aujourd'hui, en Tunisie, comme
partout ailleurs dans le monde.
§
Qu'il n’ya pas de place à la nostalgie du passé en éducation, même si ce passé est glorieux, parce qu’à chaque génération son école ;
et à ce propos, on se rappelle une citation attribuée à Ali ibn Abi Taleb[2], "Ne limiter pas ce que
vous enseigner à vos enfants à ce que vous avez appris, car ils sont nés pour un temps différend du votre " ;
dire que l’école et l'éducation d’avant étaient meilleures que celles d’aujourd’hui ne peut guère être généralisée, la comparaison
n’est pas valable parce que les sociétés évoluent et les priorités et les
objectifs changent.
§
Qu’aujourd'hui, les progrès des peuples, se mesurent
par le niveau de leurs écoles et non par l’abondance de leurs ressources et
leurs richesses.
Telles sont les observations que j’ai voulu faire à double titre : premièrement
en tant que
citoyen, produit de la première réforme éducative (1958), et deuxièmement en
tant qu’acteur dans les deux autres réformes, celle de 1991 et celle de 2002. Et, c’est peut-être, à ce deuxième titre, que j’ai voulu participer au débat, tout en sachant que la plupart des anciens de
l’éducation ont le plus souvent rompu
tout lien avec l’éducation, et ils ont choisi
de ne plus en parler, en dépit de leur expertise et leurs compétences qui les
qualifieraient pour étudier et évaluer le
système éducatif ; au moment où la scène national est envahi par des gens qui parlent de l'éducation et jugent
l'école , parfois en connaissance de cause, mais la plupart du temps en ignorant de quoi ils parlent.
Nous ne nions pas que l'éducation
est une affaire nationale, et que tout citoyen
a le droit de connaître la politique éducative de son pays, et de contribuer à la définition de ses finalités,
qui sont d’ordre politique par excellence ; et c’est là le
rôle des partis politiques, des organisations nationales compétentes, loin des enchères politiciennes et des querelles de chapelle ; mais on se demande si ces différentes parties
sont prêtes , aujourd'hui, pour se
mettre d’accord sur un projet national, pour
une école qui forme le citoyen souhaité et la société de demain? Mais à la
lumière des tiraillements et des joutes qui marquent la scène politique,
nous pensons que la tâche ne sera pas aisée, même si certains pensent le
contraire, en avançant que la nouvelle Constitution a tranché les questions litigieuses ; il nous semble que
ce n’est pas tout à fait exact, car la liste des questions litigeuses est encore
longue, et chaque partie a sa propre opinion
sur les caractéristiques du futur citoyen.
C’est pour cela que tout le monde
devrait savoir que le dialogue autour de l’école, de ses enjeux et de ses problèmes,
des préoccupations des enseignants, de l'avenir des élèves et de leurs attentes
n’est ni un luxe ni une vaine joute politique.
Aujourd’hui, le progrès et le
développement des peuples ne se mesurent plus par les richesses naturelles,
mais plutôt par l’intelligence et par le développement de l'éducation ; c’est
cette dernière qui constitue la véritable richesse, ce fait n'a plus besoin d’être démontré ;
aujourd'hui l’investissement le plus lucratif,
est l'investissement dans l'éducation et dans la formation des esprits créatifs qui sont capables contribuer au développement
de la civilisation humaine. Il n’est guère
surprenant de voir aujourd’hui la course effrénée entre les pays développés pour le
développement de l'école, et pour attirer
les talents et les compétences du monde
entier ; aujourd'hui, la patrie des
grands savants et des grands penseurs
est celle qui leur offre le meilleur environnement pour avancer leurs recherches .
À une époque où les pays
développés misent sur les ressources humaines, nous trouvons les pays du tiers
monde après l'indépendance, y compris les pays africains, qui cherchent à constituer
des armées et à les équiper ; et ils se sont enlisés dans une spirale de
coups d'état et guerres qui n’ont entrainé que plus sous-développement et de décadence.
La Tunisie a heureusement opté pour l’éducation,
et les gouvernements en ont fait un
choix stratégique pour le développement. Et c’est pour cela que la société
tunisienne d’aujourd’hui, 60 années après l'indépendance, et après l’instauration d’ une école tunisienne moderne,
n’accepte pas de voir de jeunes analphabètes fréquentant les centres
d'éducation pour adultes, ou que ceux qui terminent avec succès leurs
études supérieures ne représentent qu’une infime minorité parmi ceux qui se sont inscrits en première année de
l’enseignement de base. Mais malgré tout
ce qui est consenti par la nation, et en dépit de tout ce qui a été réalisé, la
question de l’éducation a toujours
besoin d’une réflexion et de réformes :
ceux qui redoublent, et ceux qui décrochent et abandonnent les bancs de
l’école, sont trop nombreux (cent mille par an en 2013 - 2014) ; ceux
qui désirent avoir plus de précision sur cette question, ils peuvent consulter les statistiques publiées par le ministère de l’éducation chaque année.
Au final, cet état
semble nous indiquer qu’il ya quelque
chose dans le fonctionnement de l’école qui a besoin d’être revu ; car
aujourd'hui, la mission de notre école n’est plus d’assurer l’éducation pour
tous, mais d’assurer une éducation de qualité pour tous ; tel est le défi
que l’école tunisienne ? Pourquoi trouve-elle des difficultés à le
relever ? et où est le problème ?
Est-il dans les finalités , les
orientations et les objectifs, ou dans la gestion et l'administration, ou dans
les programmes et les méthodes, ou dans les équipements et les espaces
scolaires , ou dans les ressources humaines, ou dans les apprenants et leurs
parents ou dans tout cela ?
Toute réforme qui ne donnerait
pas des réponses aux questions posées ci-dessus
sera vouée à l’échec.
Omar Bennour, Inspecteur général de
l'éducation
Traduction : Hédi bouhouch
et Mongi Akrout
Articles sur le même
thème
Les axes de la future réforme de l’éducation aux yeux du nouveau ministre de l’éducation tunisien
Fathi Jarray donnait le signal du démarrage du dialogue sociétal
[1] Le dialogue national sur l’éducation a démarré
officiellement le 23 avril 2015 par une grande cérémonie sous le haut patronage
du chef du gouvernent ,signalons que la 29 janvier 2015 le ministre de l’éducation Fathi Jarray donnait le signal du démarrage du dialogue sociétal sur l’éducation sous le
thème : la marche éducative continue pour réformer le système
éducatif » ce dialogue devrait s’étaler sur l’année de 2015 .
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