lundi 10 octobre 2016

A la mémoire de Abdel- Malek Sallami , inspecteur Général de l’éducation

Abdel Malek Sallami avec son sourire éternel


Voilà quatre années déjà, que nous avions accompagné le corps de Si Abdelmalek Sallami à sa dernière demeure dans le cimetière de sa ville natale  Thibar , il pleuvait beaucoup ce 12 septembre 2012 .

Abelamalek Sallami  fut l’un des piliers de l’inspection pédagogique  de Français et  l’un des acteurs de la réforme de 2002 en compagnie  d’une équipe exceptionnelle  qui comptait parmi ses membre feu Nejib Ayed  , Hédi Bouhouch, Omrane Boukhari  …
 Sallami  fut aussi l’un des pionniers du projet de l’approche par les compétences (APC), il fut pendant plusieurs années le pilote du programme visant l’introduction de cette approche dans l’enseignement scolaire, il y a assuré des activités  de conception, d’expérimentation, avant la  généralisation puis l’évaluation de tout le processus.
Sallami était sur plusieurs fronts à la fois. Il a contribué activement à plusieurs autres programmes  éducatifs novateurs en particulier le Programme des Ecoles d’Education Prioritaire (PEP).
On lui doit aussi d’avoir conduit une réflexion portant, d’une part sur le renouvellement  des missions de l’inspecteur pédagogique dans un contexte de réforme systémique, et d’autre part sur la vie scolaire. Ce travail de réflexion a abouti  à la publication de deux décrets parmi les plus consistants dans l’arsenal législatif induit par la Réforme de 2002.
 Abelamalek Sallami  a commencé sa carrière comme professeur  de Français dans les lycées, il deviendra inspecteur en 1982 après avoir passé avec succès le concours, il termina sa carrière  en tant qu’inspecteur général de l’éducation.
En outre il  travailla au cabinet du ministre avant d’être nommé Directeur général chargé de la coordination entre les directions régionales de l’enseignement et de la formation (en 2005) , puis Directeur général du Centre national de formation et d’ingénierie de la formation  (CENAFIF) en 2007 , poste qu’il occupa jusqu’à la date de sa retraite en Juillet 2009.
Le blog pédagogique a  voulu commémorer sa mémoire  en republiant une interview qu’il a accordée au quotidien  La Presse  en 2007 où il  évoque les enjeux et la portée de deux nouvelles mesures : l’instauration d’une évaluation  externe à la fin de la  4ème année de l’enseignement de base  et la création des collèges pilotes.
Qu’il repose en paix.   
Le blog pédagogique  octobre 2016
P.S : le blog pédagogique - dans le cadre de la mission qu’il  s’est  donnée - lance un appel à tous les collègues inspecteurs qu’ils  lui font parvenir des notes à la mémoire de nos chers disparus, le blog s’engage à les publier , ainsi nous contribuons à reconstituer petit à petit  la mémoire du corps de l’inspection pédagogique.


L’interview  publiée  dans le journal La Presse

« Rencontre avec M. Abelmalek Sallami, directeur général au MEF : Evaluation en 4e année primaire et collèges pilotes : le ministère de l’Education et de la Formation met les points sur les «i»

La Presse – De nouvelles mesures touchant le secteur de l’éducation ont été récemment annoncées parmi lesquelles deux retiennent particulièrement l’attention : l’évaluation en fin de 4e année primaire et la création de collèges pilotes.
Pour en savoir plus sur ces mesures qui concernent des dizaines de milliers de nos concitoyens et afin que le public en général et les parents d’élèves en particulier en saisissent les tenants et les aboutissants, de manière à éviter toute erreur d’interprétation, nous avons pris contact avec M. Abdelmalek Sellami, directeur général au ministère de l’Education et de la Formation, qui a bien voulu répondre à nos questions.
 Pouvez-vous d’abord rappeler à nos lecteurs la consistance de ces deux mesures ?
 L’évaluation en fin de 4e année primaire qui s’effectuait jusqu’ici, dans toutes ses phases (conception, passation et correction des épreuves) au niveau de chaque classe séparément, sous l’unique responsabilité de l’instituteur, sera désormais conçue au niveau national et gérée au niveau régional. Je m’explique : les sujets des épreuves – qui, je le rappelle, portent sur les quatre matières de base : arabe / français / mathématiques / éveil scientifique – seront unifiés, c’est - à - dire qu’ils seront les mêmes pour toutes les écoles et toutes les classes. Les épreuves se dérouleront dans les écoles d’origine des élèves; ceux-ci ne seront donc pas déplacés ; ils passeront leur examen dans leur classe, comme d’habitude, sous la surveillance de l’un des maîtres de l’école. Quant à la correction, elle se fera dans la région, sous la responsabilité d’instituteurs de 4e année, dans des conditions qui garantissent l’impartialité et l’objectivité de l’évaluation.
La seconde mesure a trait à la création de collèges pilotes, à l’instar des lycées pilotes qui existent depuis le début des années 80. Il s’agit d’institutions d’excellence qui accueilleront les élèves les plus brillants qui voudront y aller, car l’accès à ces collèges est facultatif. Il y aura un concours de sélection à l’entrée, auquel tout élève de 6e année peut se présenter, s’il remplit les deux conditions minima exigées (non redoublement et âge limite). Rien ne l’y oblige ; nos collèges ordinaires continueront, comme c’est le cas d’ailleurs des lycées pilotes, à accueillir des élèves brillants.
 Revenons à l’évaluation de fin de 4e année, certains parlent d’un nouveau concours ; mais à vous entendre, on a l’impression que le seul changement par rapport à la situation actuelle réside dans le mode de conception et de correction des épreuves…
 Soyons clairs : il ne s’agit aucunement d’un concours; aucune barre ou limite n’est fixée pour les taux de réussite à cet examen dont nous souhaitons qu’ils soient au moins équivalents aux taux habituellement enregistrés en 4e année. Quant à la différence avec le système actuel, vous m’avez bien compris : il n’y a en effet aucun changement de fond par rapport au mode d’évaluation en vigueur dans le cycle primaire. Les matières évaluées sont les mêmes; les compétences dont on veut mesurer le degré d’acquisition sont celles- là mêmes qui sont visées dans le programme de 4e année; les critères et les modalités de mesure des performances et de prise de décision relatives au passage en classe supérieure n’ont pas été modifiés.
Rappelons que, dans le système en vigueur, les compétences visées dans les quatre matières principales sont évaluées séparément; ce qui veut dire que l’on ne fait ni le total ni la moyenne des notes, et ce, compte tenu du fait qu’il s’agit de savoir-faire différents que l’on ne peut additionner, sous peine d’occulter ou de camoufler des défaillances parfois majeures qui conduiront inéluctablement, à court ou à moyen terme, à l’échec, voire à l’abandon scolaire (pensez à ces élèves qui ont «la moyenne générale» sans avoir la moyenne dans aucune matière principale !). Cela explique pourquoi l’on exige la maîtrise minimale (quantifiée à 10/20) dans chacune des matières évaluées pour le passage en classe supérieure. Mais, n’étant pas dans une logique de sélection, on a prévu la possibilité pour les élèves n’ayant pas partout cette maîtrise minimale, de passer en 5e année. Il suffit pour cela d’avoir 10/20 dans trois matières –, et ce, quelle que soit la note obtenue dans la 4e matière – ou bien d’avoir 10/20 dans deux matières seulement mais à condition de ne pas avoir de notes inférieures à 8/20 dans les deux autres matières.
 Dans quel cadre précis situez-vous cette mesure ?
 Le cadre est celui fixé par la Loi d’orientation 2002 qui a mis en place une plateforme institutionnelle, juridique, et pédagogique pour l’ensemble des réformes initiées jusqu’à ce jour, dans les différents cycles d’enseignement.
Prenons l’évaluation de fin de 4e année, la Loi est extrêmement claire sur ce point : elle dit, à l’article 59, que l’évaluation est formative en cours d’apprentissage et qu’elle est certificative en fin d’apprentissage. Le cycle primaire étant organisé en 3 degrés de deux années chacun, les programmes d’études énoncent des compétences terminales pour chaque degré, ce qui veut dire que chaque degré est considéré comme une unité d’apprentissage cohérente au cours de laquelle sont installés et développés des savoirs et des savoir-faire spécifiques qui, par un lent processus d’intégration, finissent par constituer des compétences véritables (communication orale et écrite / résolution des problèmes). Ce sont ces compétences - là qui font l’objet d’une évaluation à caractère certificatif déterminant le passage au degré suivant. Toutefois, à l’intérieur du degré, c’est – à – dire à la fin des années impaires (1ère, 3e et 5e années), il n’y a pas d’évaluation certificative.
Pourquoi avoir choisi précisément la 4e année pour organiser cette évaluation ?
 D’abord parce que c’est la dernière année du cycle des apprentissages fondamentaux, les deux années suivantes constituant plutôt un cycle d’approfondissement et de préparation au collège. Ensuite, parce qu’il s’agit d’une étape reconnue internationalement, dans les pays de l’OCDE en particulier, pour mesurer les apprentissages premiers : l’évaluation internationale comparée en mathématiques et en sciences (TIMSS) porte en effet sur les acquis des élèves en fin de 4e année, et notre pays y participe régulièrement depuis 1999. Enfin, et dans le même ordre d’idées, les indicateurs sur la qualité de l’éducation commencent à être mesurés à partir de la 4e année primaire, sur la base de normes pédagogiques universelles et sur lesquelles notre pays a l’ambition de s’aligner dans un proche avenir …
 Qu’est-ce qui justifie cette mesure, au plan pédagogique?
 Ce qui justifie l’évaluation en fin de 4e année et la légitime en même temps, c’est la nécessité absolue pour chacun des trois pôles majeurs de l’action éducative (l’élève - l’école - le système éducatif), de se situer, d’avoir un repère objectif, afin de combler les insuffisances éventuelles, et d’améliorer l’existant.
Pour l’élève, il s’agit – autant pour lui que pour ses parents – de savoir où il en est par rapport aux compétences de base qu’il est censé avoir maîtrisé au terme des 4 premières années d’études primaires. En d’autres termes, ces quatre années étant essentiellement consacrées aux apprentissages premiers et à l’acquisition des mécanismes de base de la lecture, de l’écriture et du calcul, il est impératif que l’élève et ses parents s’assurent de cette acquisition, à défaut de laquelle tous les apprentissages ultérieurs sont irrémédiablement compromis. Or, pour cela, il faut une évaluation externe, objective, sans complaisance.
Pour l’école, il est tout aussi important de s’assurer de la maîtrise des compétences de base par les élèves de 4e année, car en mesurant les performances de ces derniers, on mesure en même temps les performances de l’école. Celle - ci est donc tenue elle aussi de savoir «où elle en est», afin de prendre les mesures correctives et d’amélioration qui s’imposent.
Pour le système éducatif, la mesure – intrinsèque mais aussi comparée avec d’autres systèmes – de ses performances est une exigence absolue, dictée par la Loi d’orientation de 2002, ainsi que par l’impératif de connaître l’impact des réformes pédagogiques sur le terrain ainsi que les performances des personnels éducatifs chargés de leur mise en œuvre.
 Vos contradicteurs pourraient parler de retour au système de sélection critiqué dans le projet «Ecole de demain», et d’un pas en arrière dans l’institution de l’obligation scolaire…
 Ils auraient tort de le dire. On a vu tout à l’heure qu’il s’agissait d’un examen ordinaire dont la visée n’est nullement sélective, contrairement à ce qu’a été pendant longtemps le concours de             « Sixième». Les critères de passage étant très souples, il n’est pas exclu d’ailleurs que l’on enregistre des taux de réussite de 100% dans de nombreuses écoles, y compris les écoles situées dans les zones «peu favorisées».
Quant à parler d’un pas en arrière dans « l’institution de l’obligation scolaire », je pense que là on irait trop loin. Le principe de l’obligation scolaire jusqu’à l’âge de 16 ans est énoncé par la Loi, et tant l’Etat que les particuliers sont tenus de s’y conformer. C’est donc un devoir pour le ministère de l’Education et de la Formation de veiller à sa stricte application. Ne soyez donc pas étonné si je vous dis que la nouvelle mesure concernant l’évaluation en fin de 4e année constitue un excellent moyen pour garantir et renforcer l’application du principe d’obligation scolaire. Comment ? Eh bien simplement parce que, en aidant l’institution scolaire à prendre conscience suffisamment tôt des lacunes des élèves dans les apprentissages de base et à prendre les mesures nécessaires pour les combler à temps, cela évitera le cumul des retards et des insuffisances, lesquels sont actuellement à l’origine des échecs très nombreux que l’on enregistre en 7e et en 8e années et qui aboutissent, très souvent hélas, à l’abandon scolaire.
 Concernant les collèges pilotes, n’y aurait-il pas une contradiction entre le souci d’équité que le ministère proclame et la mise en place d’institutions scolaires pour une élite?
 Il n’y a aucune contradiction. L’équité, ce n’est pas l’égalité ou l’égalitarisme; c’est garantir à chacun toutes les chances et le soutien nécessaires pour qu’il aille le plus loin possible dans son parcours scolaire et qu’il exploite au mieux ses potentialités. Cela vaut aussi bien pour les élèves en difficulté qu’il s’agit de prendre en charge pédagogiquement, matériellement et si nécessaire psychologiquement que pour les élèves doués, présentant des prédispositions pour un long parcours scolaire et universitaire, et que l’on ne doit en aucun cas négliger. Faute de quoi, on les condamnerait à l’ennui et, petit à petit, à la démotivation et à l’extinction de la flamme qu’ils portent en eux.
 Peu de gens doutent du bien-fondé de ces mesures, mais d’aucuns disent que le ministère est peut-être «allé un peu trop vite en besogne» et qu’il n’a pas laissé suffisamment mûrir sa décision….
 Les deux mesures que nous venons de présenter font en fait partie d’un train de mesures prises dans le cadre de la Réforme scolaire engagée en 2002 ainsi que de la stratégie du ministère visant à donner corps aux objectifs qualitatifs assignés au secteur de l’éducation …
Propos recueillis par Noureddine HLAOUI
Source: La Presse


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