dimanche 2 octobre 2016

L’ENSEIGNEMENT DE L’IGNORANCE A L’ERE DE LA MONDIALISATION ET LA REFORME ÉDUCATIVE EN TUNISIE.



Le blog pédagogique a le plaisir d’offrir à ses lecteurs la présentation du dernier ouvrage de l’historien tunisien le professeur Hédi Timoumi[1] « l’enseignement de l’ignorance a l’ère de la mondialisation et la réforme de l’enseignement »[2]


 cette  présentation qui est l’œuvre de notre collègue Lotfi Souab , Inspecteur des collèges et des lycées  ( spécialité : français) fut publiée une première fois par le journal électronique LEADERS[3]  puis reprise par d’autres média  comme l’hebdomadaire «  Réalités »   N° 1600 du 26 août au 1er septembre 2016 , une traduction de la présentation fut publiée par le journal Ech-chaab, organe de l’UGTT  le 26 août 2016
M° Lotfi a eu l’amabilité de nous permettre  de publier sa présentation dans le blog pédagogique, qu’il en soit remercié.
La présentation de l’ouvrage
L’école tunisienne est en crise, le constat est accablant: un déclin vertigineux de la qualité de l’enseignement confirmé par les instances internationales d’évaluation. Cette institution souffre de carences multiples. En  témoigne la parution du Livre blanc préparé par le ministère de l’Education nationale et publié le 29 mai 2016. Il est censé poser les fondements des nouvelles réformes. C’est  dans ce contexte qu’un ouvrage de l’historien Hédi Timoumi vient d’être publié chez la maison d’édition «Mohamed Ali Hammi» et intitulé L’enseignement  de l’ignorance à l’ère de la mondialisation et la réforme éducative en Tunisie.
Dans la préface de son essai, l’historien précise que l’objectif de son livre est de susciter le débat autour de cette question fondamentale qui intéresse le présent et l’avenir des Tunisiens. «J’ai essayé, affirme-t-il, d’associer concision, brièveté et exhaustivité tout en évitant de céder à une rhétorique plate et stérile.»(P.6)
Timoumi procède à un examen critique du Livre blanc mentionné ci-dessus. Tout en soulignant ses bienfaits, l’auteur déplore que l’approche du livre soit exclusivement centrée sur des aspects techniques (le temps scolaire, l’évaluation du travail des élèves, le règlement disciplinaire, la gestion des établissements scolaires).L’auteur reproche aux élaborateurs d’avoir occulté un aspect fondamental de la réforme : le rôle de l’éducation dévolu à l’école. D’un autre côté, le rapport pèche par une généralisation abusive. Certaines expressions s’apparentent à des formules toutes faites. Il manque à l’approche proposée  quelque chose d’essentiel : comment traduire les principes énoncés et les valeurs escomptées en objectifs clairs et opérationnels, vérifiables dans les programmes scolaires et les activités des élèves? Qu’en est-il du contenu des activités culturelles ? Quel sort réserver à l’enseignement de l’histoire et de la philosophie ? Comment enseigner l’islam [4] aujourd’hui (religion, histoire et civilisation) ?
 Et à l’auteur de formuler un jugement sans équivoque: la question éducative est  trop complexe pour qu’on la confie aux mains d’experts et de politiciens.
Pour l’historien, il est aberrant d’aborder la réforme de l’éducation sans l’inscrire dans un cadre plus large, celui du modèle économique (modèle de croissance) dominant.
Le modèle tunisien est caractérisé par la mondialisation et la marchandisation du savoir, deux concepts clés pour cerner la thèse de l’auteur. Ce dernier souligne que l’école d’aujourd’hui subit les effets désastreux d’une politique libérale qui impose ses critères (la rentabilité immédiate, la compétition, la performativité et la compétence).
L’école, devant répondre désormais aux besoins du marché, devient un rouage de l’institution économique. L’enseignement est de plus en plus fonctionnel et de moins en moins culturel, ce qui se traduit par la survalorisation des filières technoscientifiques, le recul des Belles-lettres et des humanités, au profit des savoirs liés à l’ingénierie, au management et à l’économie.
L’analyse entreprise par l’historien lui permet de pointer les dysfonctionnements que nous pouvons synthétiser comme suit:
§  recrudescence de la violence dans les établissements;
§  règne de l’incivilité (non-respect du corps enseignant et du cadre administratif);
§  adoption d’un modèle de pédagogie de la réussite massive qui relève de la démagogie;
§  déclin de la pensée critique et inquiétante poussée de l’inculture, comme en témoigne les formes de fondamentalisme et d’extrémisme religieux en particulier;
§  problème crucial du chômage des diplômés du supérieur;
§  absentéisme alarmant des enseignants;
§  manque de professionnalisation dans la formation des enseignants;
Que faire? Quelles perspectives?
L’auteur met l’accent sur le fait que la refonte de l’enseignement est tributaire du mode de développement. Selon lui, les forces patriotiques et progressistes doivent, à court terme, militer pour normaliser la situation sécuritaire et économique. À moyen terme, leur mission est d’œuvrer à instaurer une social-démocratie. Sur le long terme, un développement national-populaire couronnerait le processus macro-économique. Il va sans dire que pour faire face à une telle situation, il n’y a plus de place au replâtrage, l’ampleur de la fracture est telle qu’il faut entrevoir d’autre issues pour redynamiser l’école tunisienne et  substituer à «l’homo économicus», «l’homme total», l’homme citoyen, bref l’homme du nouvel humanisme.
Enfin l’auteur propose à court et moyen terme les mesures suivantes pour rénover l’enseignement:
§  imposer la discipline dans les établissements scolaires;
§  combattre le fléau de la violence sous toutes ses formes;
§  améliorer la qualité de la vie dans les établissements scolaires;
§  abandonner la politique de la réussite massive ;
§  revaloriser l’école publique sous peine de favoriser un enseignement à deux vitesses dont les signes sont visibles aujourd’hui;
§  sauvegarder l’enseignement préscolaire;
§  développer une pédagogie du questionnement et non du bourrage;
§  barrer la route à toute forme d’instrumentalisation de l’école;
§  mettre en place une politique d’encouragement de la lecture à tous les niveaux et considérer que sa pratique relève d’un enjeu national.
Pour conclure, l’ouvrage de Hédi Timoumi est à lire et relire car le lecteur qui s’intéresse à la question éducative y puisera des arguments  pour faire de l’émancipation un idéal éducatif. Tâche ardue qu’il appartiendra aux forces progressistes, à la société civile et à tous les acteurs et partisans d’un système éducatif moderne de réaliser. Une entreprise non exempte de risques.
René Char, grand poète français résume admirablement cet état d’esprit par l’injonction suivante «que le risque soit ta clarté»   
Lotfi Souab
Inspecteur pédagogique



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Notes sur le même thème publiées par le blog pédagogique 

Brahim Ben Salah : L’enseignement de l’ignorance :Est-ce la mort de l’école et la faillite del’éducation?  le blog pédagogique - 26 octobre 2014

http://bouhouchakrout.blogspot.com/2014/10/lenseignement-de-lignorance-est-ce-la.html


Hédi Bouhouch & Mongi Akrout : Le livre blanc[1] : projet de réforme du système éducatif, le blog pédagogique  le 30 mai 2016

http://bouhouchakrout.blogspot.com/2016/05/le-livre-blanc1-projet-de-reforme-du.html
 




[1] Hédi Timoumi  , né le 13 janvier 1949 à Al Kbara ( Nasrallah)  , est un historien  universitaire  spécialiste de l'époque contemporaine, il a publié plusieurs ouvrages dont :  L'activité sioniste en Tunisie (1897-1948), éd. Med Ali, Tunis, 1982 -   Les syndicats des patrons tunisiens (1932-1955), éd. Med Ali, Tunis, 1983-   Intifadhat les paysans  dans la  Tunisie contemporaine : l'exemple de 1906, éd. Beït El Hikma, Carthage, 1994 - débat à propos de l'impérialisme , des origines jusqu’aujourd’hui , éd. Med Ali, Tunis, 1994 -  L'histoire sociale de la Tunisie, éd. Med Ali, Tunis, 1997 - Les bannis dans l’histoire sociale de la Tunisie [sous la dir. de], éd. Beït El Hikma, Carthage, 1999 - Colonialisme impérialiste et les formations sociales pré-capitalistes en Tunisie (1861-1943), éd. Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, Tunis, 1999-  Aux origines du nationalisme arabe, éd. Med Ali, Tunis, 2002- Le concept de l'histoire dans le monde occidental depuis la Renaissance jusqu'aux nos jours, éd. Med Ali, Tunis, 2003 -  L'impérialisme : de l'ère du colonialisme à l'ère de la mondialisation , éd. Med Ali, Tunis, 2004 - Le chaînon manquant dans la pensée d'Ibn Khaldoun, éd. Med Ali, Tunis, 2007 - La Tunisie et la modernisation : la première Constitution du monde islamique, éd. Med Ali, Tunis, 2010 - De nouveau en histoire : la Tunisie du 14 janvier 2011, éd. Med Ali, Tunis, 2011 - La Tunisie de 1956 à 1987, éd. Cenatra/Med Ali, Tunis, 2011 - Généalogie d'un retard historique : le Maghreb pré-moderne, éd. Med Ali, Tunis, 2011 - Comment les Tunisiens sont-ils devenus Tunisiens ?, éd. Med Ali, Tunis, 2013 - La tromperie du « despotisme doux » : Ben Ali et ses 23 ans de règne sur la Tunisie, éd. Med Ali, Tunis, 2013 (wikipedia)

[2] Hedi Timoumi   L’enseignement  de l’ignorance à l’ère de la mondialisation et la réforme éducative en Tunisie, Ed Mohamed Ali Hammi 2016.

[4]  l’auteur précise dans les pages 92-93 les modalités de cet enseignement en plusieurs points.

1 commentaire:

  1. Mohamed Tahar Benkhemiss Des idées des fois on trouve des souhaits émanants de certaines convictions idéologiqques quoique certaines idées sont capitales telles que l'approche globale de la réforme et les intervenants . Rien qu'on lisant le titre du livre on souligne gros un beau jugement de valeur on a plutot besoin d'une critique objective émanant d'une EVALUATION du système éducatif et fixant par là meme toute une stratégie qui implique tout le monde

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