lundi 31 octobre 2016

A propos de la nouvelle circulaire de contrôle continu dans les collèges et les lycées et le retour au régime semestriel


Nous souhaiterions que le ministère de l’Education  consacrerait cette année scolaire pour réfléchir sur la question de l’évaluation des acquis des élèves   pour concevoir  un système d’évaluation  qui répond aux principes généraux annoncés par le livre blanc , c'est-à-dire un système  dont la finalité première serait de garantir la qualité de l’évaluation et sa fiabilité,  et qui ne se soumet pas aux différents  groupes de pression et  à leurs intérêts.  


Le Ministère de l’éducation vient de publier, le 11 octobre 2016,  la circulaire 76/06-10/2016,  relative au calendrier du contrôle continudans les collèges et les lycées publics et privés, pour le premier et le deuxième semestre de l’année scolaire 2016-2017 ;  si la nouvelle circulaire est conforme à celle de l’année passée, quant aux objectifs du contrôle continu, aux types de devoirs  et aux modalités de leurs passations et de leurs  corrections, elle a, néanmoins, introduit  de nouvelles mesures, dont certaines peuvent être qualifiées de fondamentales, et d’autres  qui le sont moins.
Vu l’importance de ces nouvelles mesures, le blog pédagogique a voulu leur consacrer la note de cette semaine.
1.    L’adoption du régime semestriel
La nouvelle circulaire a confirmé le système  du contrôle continu qui est en vigueur pour évaluer les acquis  des élèves, depuis la rentrée scolaire  1973/74 ;[1] mais elle  a remplacé le régime trimestriel par le régime semestriel, sans donner aucune explication   quant aux motifs de ce passage  au régime semestriel, et sans présenter les griefs et les reproches qu’on attribue à un régime qui fonctionne depuis plus de quarante ans ; la circulaire n’a pas aussi évoqué les avantages attendus ou souhaités  d’un régime qui avait été déjà expérimenté au paravent ; la nouvelle circulaire n’a fait que reproduire l’introduction de la précédente  dans laquelle on lit ceci : «  dans le souci de donner au système du contrôle continu plus d’efficacité pour une meilleure évaluation des acquis des élèves, et pour détecter les insuffisances et pour y remédier rapidement, et afin d’assurer la continuité des cours et leur régularité, jusqu’à la fin de l’année scolaire ».

Commentaire
Depuis l’adoption du système du contrôle continu, au début de l’année scolaire 1973/74, il fut appliqué dans le cadre d’un régime semestriel ; à cette époque, ce régime avait rencontré plusieurs difficultés au niveau de l’application, et il a mis  trois années pour se stabiliser( ce fut au cours de l’année scolaire 1976/77) ; mais le débat ne s’était pas pourtant arrêté jusqu’à la décision  brusque du retour au régime trimestriel  prise par le Ministre Amor Chedly, à la rentrée 1986/1987[2].
il est vrai que cette fois, la décision a été prise par la commission des programme et de l’évaluation, qui relève du dialogue national sur la réforme éducative, et qui a tenu compte  des résultats de la consultation nationale ; en effet, le rapport de synthèse des résultats du dialogue nationale stipule «  l’adoption du régime semestriel »[3]  de la commission du temps scolaire , mas la circulaire n’a pas expliqué les motifs de ce retour ; or cela nous parait nécessaire,  afin de pouvoir évaluer la nouvelle organisation .


2.    La préparation d’un calendrier des devoirs de contrôle et de synthèse au niveau de chaque établissement
La circulaire s’était  limitée à fixer les périodes de l’évaluation pour chaque semestre, et a laissé aux différents établissements le soin d’établir un calendrier semestriel détaillé qui sera «  fixé par le censeur ou le surveillant général, sous la supervision du directeur de l’établissement, au cours d’une réunion à laquelle participeront tous les enseignants de la classe ; ainsi le calendrier devient obligatoire pour toutes les parties » ; le but recherché est d’assurer une bonne répartition des devoirs et d’éviter la surcharge des élèves.

Les grandes périodes de l’évaluation par semestre
Devoirs de synthèse
Devoirs de contrôle

du 15 décembre au 5 janvier
du 3 octobre au 10 décembre
Premier semestre
du 8  au 24 mai
pour les  4ème année : du 10 au 17 mai
du 6 février au 22 avril
Deuxième semestre


Commentaire
L’idée du calendrier était présente dans les anciennes circulaires , avant l’entrée en vigueur des semaines bloquées ; c’est ainsi que la circulaire 262/74 de la direction de l’enseignement secondaire, technique et professionnel du 13 septembre 1974  avait précisé « qu’il a été décidé d’établir un calendrier fixant les dates des devoirs de contrôle[4] de façon à assurer une meilleure coordination entre les différentes disciplines, et d’éviter aux élèves de faire deux ou plusieurs devoirs dans la même journée. Aussi, les professeurs de la même clase tiendront-ils, au début de l’année scolaire,  une réunion au cours de laquelle ils choisiront un coordinateur qui aura pour tâche d’arrêter avec eux le calendrier en question » ; deux années plus tard, la circulaire 145/76 de la direction de l’enseignement secondaire, en date du 17 septembre 1976, remplaça la procédure du choix du professeur coordinateur par la procédure de désignation par la direction de l’établissement, et institua le calendrier mensuel sous la supervision du directeur ou du censeur ; puis,  en 1986,  avec le retour du régime trimestriel, la circulaire n°86/86 de la direction générale des programmes et de la formation continue, du 26 septembre 1986, évoqua «  la nécessité d’établir un calendrier trimestriel de tous les devoirs selon l’accord des professeurs de la classe, au cours d’une réunion dédiée à cet effet qui doit se tenir au début de chaque période  sous la  supervision du directeur ; le calendrier  sera fixée, en tenant compte de l’efficacité pédagogique pour chaque discipline, et en veillant à éviter de programmer plus d’un devoir par classe, sauf dans quelques cas exceptionnels, et à condition que cela n’entrainerait ni  une  surcharge pour les élèves, ni la dispersion de leurs efforts .»


3.    L’unification des devoirs de synthèse pour les élèves de neuvième
La circulaire a précisé que « les devoirs de synthèse des classes de neuvième année de l’enseignement de base, comptant pour le deuxième semestre, seront unifiés dans les matières suivantes : la rédaction arabe, les épreuves de français, d’anglais, de mathématiques et des sciences de la vie et de la terre. » Le choix de ces matières est en rapport avec les épreuves prévues dans le diplôme de fin d’études de l’enseignement de base ;  et il s’agit peut - être de préparer l’opinion publique ( parents et élèves ) au retour à un examen obligatoire pour tous les élèves de neuvième année, puisque son retour pour cette année s’est avéré impossible , malgré l’annonce faite par le Ministre de l’éducation, au cours de la conférence de presse tenue à l’occasion de la rentrée scolaire 2016/2017.
 Il est à remarqué que la circulaire n’avait précisé le niveau de l’unification des épreuves ; serait-elle au niveau local (établissement) ou au niveau de la délégation ou encore au niveau national ? S’agit-il d’une omission, ou bien la question n’est pas encore tranchée ?
La réponse est venue une semaine après la publication de la circulaire, par la voie d’un communiqué [5]  publié le 18 octobre 2016 qui a précisé que les devoirs de synthèses du second semestre auront les caractéristiques  d’un examen national, puisqu’il est stipulé que «  l’élaboration des questions se fera selon les modalités en vigueur dans la préparation des examens nationaux …  et que la correction se fera en présentiel  par les professeurs concernés… » ; le communiqué a précisé qu’il s’agit de mesures exceptionnelles qui ne concernent que l’année scolaire 2016/2017, en attendant la promulgation des nouveaux textes qui vont légaliser la mise en place une évaluation obligatoire à la fin de la neuvième année.
4.    L’abandon de l’idée de devoirs synthèse uniques à la fin de l’année pour tous les niveaux

La nouvelle circulaire a  abandonné la  consigne qui instituait des devoirs communs au troisième trimestre, qui a été incluse dans la circulaire de l’an passé ( 2015/2016)[6], laquelle consigne ne fut pas respectée, car il s’avérait qu’elle n’était pas pratique ; la circulaire qui concernait le deuxième période de l’année scolaire 2015/2016[7]  et qui avait  fusionné le deuxième et le troisième  trimestre l’avait ignorée .

Commentaire
L’idée des devoirs communs est une idée très ancienne ; elle fut reprise par les circulaires successives à cause de ses multiples avantages ;  c’est ainsi que la circulaire  du contrôle continu n°71-87  du 31 août 1987 disait que  «  dans le souci de maintenir le niveau scientifique, il est devenu urgent de donner les mêmes sujets   pour les devoirs de synthèse,  au niveau de chaque établissement, pour les élèves de troisième année secondaire ( équivalent de la 9ème année actuelle), et les élèves de sixième, ( équivalent de la 3ème année secondaire), et ce dans les matières suivantes :
§  « L’arabe et le français pour les classes de troisième année secondaire
§  L’arabe, le français et les mathématiques pour les classes de 6ème année lettres
§  Les mathématiques, les sciences physiques et le français pour les classes de 6ème année mathématiques et sciences et les classes de 6ème année mathématiques et technique
 Ces devoirs auront lieu à la première semaine de juin, et les épreuves de français seront unifiés à l’échelle régionale ».
 La circulaire de l’année suivante n°94/88, du 20 août 1988, relative au contrôle continu, avait supprimé tous ces détails et avait reformulé la consigne  dans les termes suivants :« dans le souci de rapprocher le degré de réalisation des programme entre les différentes classes d’un même niveau  et de maintenir le niveau, il faudrait veiller à unifier les sujets des devoirs de synthèse du troisième trimestre au niveau de chaque lycée ».
Nous pensons que le principe est louable et qu’il serait utile de le mettre en application sous d’autres formes qui pourraient assurer les avantages et réduire les difficultés pratiques ; on pourrait par exemple :

§ Procéder par échantillon représentatif pour évaluer tous les niveaux à l’échelle national ou régional dans un certain nombre de matières ; si on opte pour le niveau régional, la matière peut être différente d’une région à une autre
§ Ou choisir un ou deux niveaux qui passent une ou deux épreuves communes dans chaque région, de façon à couvrir tous les niveaux et toutes les disciplines
 De telle façon, le ministère pourrait avoir des données objectives et fiables sur l’état des acquis des élèves et sur le degré d’efficacité  de l’enseignement.  


5.    Larrêt des cours est avancé d’une semaine par rapport à l’année précédente
Le nouveau calendrier a fixé le début des devoirs de synthèse du deuxième semestre au  lundi 8 mai, et la fin  de ceux-ci au 24 mai ; ainsi la période des examens va s’étaler sur deux semaine et demi ;  l’année précédente, les examens avaient commencé le 16 mai pour les matières qui n’étaient pas programmées dans la semaine bloquée ; celle-ci avait démarré le lundi 23 mai, et s’était terminée le samedi 28 mai ; une rapide comparaison entre les deux calendriers nous permet de faire deux remarques:
§  La première concerne l’allongement de la période consacrée aux examens de 5 journées ; un allongement injustifié à notre avis  car il nous semble que  le nombre de matières à évaluer ne dépasse guère 13 , alors que le nombre de jours réservés  pour l’évaluation atteint 15 jours ( voir tableau ci-dessous).

Tableau : nombre de matières selon les tableaux des coefficients et de l’horaire publiés par la direction générale des programmes et des manuels ( 2008)

Nombre de matières concernées par l’évaluation
le niveau scolaire
13 matières y compris l’éducation musicale et artistique
Deuxième cycle  de l’enseignement de base

11 matières
9 matières
 Section : lettres - économie tt gestion
Tronc commun
3e et 4e

11 matières
12 matières
9 matières
Section : mathématiques et sciences
Tronc commun
3e  année
 4e année

11 matières
13 matières
Section : sciences techniques
Tronc commun
3e  année et 4e année

11 matières
12 matières
Section : sciences informatiques
Tronc commun
3e  année et 4e année

§  La deuxième est en rapport avec l’arrêt effectif des cours ; la décision de faire avancer la date des examens d’une semaine va entrainer de facto l’arrêt des cours pour un certain nombre de matières dont les examens vont avoir lieu au cours de la semaine du 8 mai.
Commentaire
Il nous semble que les architectes du calendrier, en voulant tourner la page de la semaine bloquée, et pour faire plaisir au ministre qui n’a cessé de crier, haut et fort, pour dénoncer ses méfaits, et surtout la perte de plusieurs journées de cours, sont tombés dans le mal qu’ils étaient sensés traités.
Résultat : c’est tout le mois de mai qui est perdu pour les cours. il aurait été, à notre avis, plus judicieux, de poursuivre les cours d’une façon normale durant la première quinzaine du mois de mai, et même jusqu’au 20 mai, et puis arrêter officiellement les cours pour se consacrer à l’évaluation en programmant deux à trois matières par jour, car il faudrait arrêter de gaspiller réellement le temps des élèves ; d’ailleurs c’est le seul moyen de faire des devoirs communs.

6.    La nouvelle circulaire a fait tomber une importante phrase
En comparant la circulaire de 2016 avec celle de 2015,  ainsi qu’avec les circulaires plus anciennes, nous avons relevé la disparition de la dernière  phrase du  paragraphe I, qui stipulait que «  que ces examens et ces devoirs se feront sous la responsabilité du professeur concerné » ; était-ce là aussi une omission, ou s’agit d’une suppression délibérée pour désengager l’enseignant de la responsabilité des examens internes,  alors que l’article 59 de la loi d’orientation de 2002 sur l’éduction et l’enseignement  était claire dans ce domaine,  puisqu’elle précise que  «  L'évaluation des acquis des élèves s'effectue de façon permanente tout au long des différents cycles d'enseignement... qu’elle fait partie des attributions du corps enseignant dans toutes ses étapes : conception, correction, exploitation des résultats ».
La question est posée, car nous ne croyons pas que cette phrase soit tombée par un pur hasard !

7.    La nouvelle organisation présente plusieurs avantages
 En dépit des certaines réserves, la nouvelle organisation du contrôle continue (le régime semestriel et la suppression des périodes bloquées du 1er et du 2ème trimestre) présente des avantages réels, dont :
§  L’allègement du dispositif de l’évaluation (pour toutes les parties : élèves, enseignants et l’administration des établissements), puisque qu’il n’y aurait plus que deux devoirs de synthèses par matière, et deux bulletins de notes, et deux conseils des classes par année, au lieu de trois précédemment. On espère que cet allègement puisse améliorer sensiblement la qualité de l’évaluation des élèves (qualité des sujets et qualité de la correction),  et qu’il permette une meilleure  exploitation  de l’évaluation pour aider à améliorer les qualités des acquis des élèves.
§  Le gain de deux semaines de cours grâce à la suppression des périodes bloquées du 1er et du 2ème trimestre.
 
Recommandation en guise de conclusion

Avec cette rentrée la réforme  a traité une question d’une grande importance , il s’agit de la question du temps scolaire et de son organisation ( régime des vacances et un nouveau découpage ) , mais en dépit de l’effort entrepris par les concepteurs pour arriver à un consensus minimal  sur la question, force est de constater que  la nouvelle organisation ne répond ni aux attentes de la loi de 2002 dans sa partie consacrée à l’évaluation  ni aux  grandes orientations du livre blanc , car les nouveautés apportées par la circulaire du contrôle continu  n’on  concerné que les aspects formels , ignorant les aspects de fond relatif à l’acte d’évaluation ( ses nouvelles fonctions aux différents moments de l’acte d’enseigner , ses  rapports avec  la conception des programmes et avec les types d’enseignement , les outils et les moyens d’exploiter  les résultats de l’évaluation …)
C’est pour tout cela que nous souhaiterions que le ministère consacrerait cette année scolaire pour réfléchir sur la question de l’évaluation des acquis des élèves   pour concevoir  un système d’évaluation  qui répond aux principes généraux annoncés par le livre blanc  , c'est-à-dire un système  dont la finalité première serait de garantir la qualité de l’évaluation et sa fiabilité ,  et qui ne se soumet pas aux différents  groupes de pression et  à leurs intérêts .  



Hédi Bouhouch & Mongi Akrout , inspecteurs généraux de l’éducation retraités

Tunis , octobre 2016








[1]  La circulaire de l’enseignement secondaire n° 258 -1973 en date du …octobre 1973,
[2] La circulaire de la direction générale des programmes et de la formation continue n°86/1986 en date du 26 septembre 1986
[3] La conférence nationale pour l’étude des outputs du dialogue national sur la réforme du système éducatif : le rapport général - Novembre 2015
[4] en 1974 l’évaluation des élèves se faisait par des tests   auxquels on attribuait le coefficient 1   et des devoirs  de contrôle  prévu à l’avance  avec un coefficient 2
[5]  Communiqué du ministère de l’éducation nationale en date du 18 octobre 2016  au sujet des  examens de la classe de sixième et de neuvième.
[6] La circulaire n°91-06 - 2016 en date de 1 octobre 2015 relative au calendrier du contrôle continu pour le premier et le deuxième trimestre de l’année scolaire 2015/2016.
http://www.administration.education.gov.tn/2015-10-06/916102015.pdf

[7] la circulaire n°2-06- 2016- du  8 janvier 2016 relative au calendrier du contrôle continu dans les collège  et les lycées publics et privés pour la deuxième période de l’année scolaire 2015-2016
http://www.administration.education.gov.tn/2016-01-08/02062016.pdf


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