Nous souhaiterions que le ministère de l’Education consacrerait cette année scolaire pour
réfléchir sur la question de l’évaluation des acquis des élèves pour
concevoir un système d’évaluation qui répond aux principes généraux annoncés par
le livre blanc , c'est-à-dire un
système dont la finalité première
serait de garantir la qualité de l’évaluation et sa fiabilité, et qui ne se soumet pas aux différents groupes de pression et à leurs intérêts.
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Le
Ministère de l’éducation vient de publier, le 11 octobre 2016, la circulaire 76/06-10/2016, relative au calendrier du contrôle continudans les collèges et les lycées publics et privés, pour le premier et le
deuxième semestre de l’année scolaire 2016-2017 ;
si la nouvelle circulaire est conforme à
celle de l’année passée, quant aux objectifs du contrôle continu, aux types de
devoirs et aux modalités de leurs
passations et de leurs corrections, elle
a, néanmoins, introduit de nouvelles
mesures, dont certaines peuvent être qualifiées de fondamentales, et
d’autres qui le sont moins.
Vu
l’importance de ces nouvelles mesures, le blog pédagogique a voulu leur
consacrer la note de cette semaine.
1.
L’adoption
du régime semestriel
La
nouvelle circulaire a confirmé le système
du contrôle continu qui est en vigueur pour évaluer les acquis des élèves, depuis la rentrée scolaire 1973/74 ;[1]
mais elle a remplacé le régime
trimestriel par le régime semestriel, sans donner aucune explication quant
aux motifs de ce passage au régime
semestriel, et sans présenter les griefs et les reproches qu’on attribue à un
régime qui fonctionne depuis plus de quarante ans ; la circulaire n’a pas
aussi évoqué les avantages attendus ou souhaités d’un régime qui avait été déjà expérimenté au
paravent ; la nouvelle circulaire n’a fait que reproduire l’introduction
de la précédente dans laquelle on lit
ceci : « dans le souci de donner au système du contrôle continu plus
d’efficacité pour une meilleure évaluation des acquis des élèves, et pour
détecter les insuffisances et pour y remédier rapidement, et afin d’assurer la
continuité des cours et leur régularité, jusqu’à la fin de l’année
scolaire ».
Commentaire
Depuis l’adoption du système du contrôle continu, au début de l’année
scolaire 1973/74, il fut appliqué dans le cadre d’un régime semestriel ;
à cette époque, ce régime avait rencontré plusieurs difficultés au niveau de
l’application, et il a mis trois
années pour se stabiliser( ce fut au cours de l’année scolaire 1976/77) ;
mais le débat ne s’était pas pourtant arrêté jusqu’à la décision brusque du retour au régime trimestriel prise par le Ministre Amor Chedly, à la
rentrée 1986/1987[2].
il est vrai que cette fois, la décision a été prise par la commission
des programme et de l’évaluation, qui relève du dialogue national sur la
réforme éducative, et qui a tenu compte des résultats de la consultation nationale ;
en effet, le rapport de synthèse des résultats du dialogue nationale stipule «
l’adoption du régime semestriel »[3]
de la commission du temps scolaire ,
mas la circulaire n’a pas expliqué les motifs de ce retour ; or cela
nous parait nécessaire, afin de
pouvoir évaluer la nouvelle organisation .
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2.
La
préparation d’un calendrier des devoirs de contrôle et de synthèse au niveau de
chaque établissement
La
circulaire s’était limitée à fixer les
périodes de l’évaluation pour chaque semestre, et a laissé aux différents
établissements le soin d’établir un calendrier semestriel détaillé qui sera
« fixé par le censeur ou le surveillant général, sous la supervision du
directeur de l’établissement, au cours d’une réunion à laquelle participeront
tous les enseignants de la classe ; ainsi le calendrier devient
obligatoire pour toutes les parties » ; le but recherché est d’assurer
une bonne répartition des devoirs et d’éviter la surcharge des élèves.
Les
grandes périodes de l’évaluation par semestre
Devoirs de synthèse
|
Devoirs de contrôle
|
|
du 15 décembre au 5
janvier
|
du 3 octobre au 10 décembre
|
Premier semestre
|
du 8 au 24 mai
pour les 4ème
année : du 10 au 17 mai
|
du 6 février au 22
avril
|
Deuxième semestre
|
Commentaire
L’idée du calendrier était présente dans les anciennes circulaires ,
avant l’entrée en vigueur des semaines bloquées ; c’est ainsi que la
circulaire 262/74 de la direction de l’enseignement secondaire, technique et
professionnel du 13 septembre 1974 avait
précisé « qu’il a été décidé d’établir un calendrier fixant les dates
des devoirs de contrôle[4]
de façon à assurer une meilleure coordination entre les différentes
disciplines, et d’éviter aux élèves de faire deux ou plusieurs devoirs dans
la même journée. Aussi, les professeurs de la même clase tiendront-ils, au
début de l’année scolaire, une réunion
au cours de laquelle ils choisiront un coordinateur qui aura pour tâche
d’arrêter avec eux le calendrier en question » ; deux années plus
tard, la circulaire 145/76 de la direction de l’enseignement secondaire, en
date du 17 septembre 1976, remplaça la procédure du choix du professeur coordinateur
par la procédure de désignation par la direction de l’établissement, et
institua le calendrier mensuel sous la supervision du directeur ou du censeur ;
puis, en 1986, avec le retour du régime trimestriel, la
circulaire n°86/86 de la direction générale des programmes et de la formation
continue, du 26 septembre 1986, évoqua « la nécessité d’établir un
calendrier trimestriel de tous les devoirs selon l’accord des professeurs de
la classe, au cours d’une réunion dédiée à cet effet qui doit se tenir au
début de chaque période sous la supervision du directeur ; le
calendrier sera fixée, en tenant compte
de l’efficacité pédagogique pour chaque discipline, et en veillant à éviter
de programmer plus d’un devoir par classe, sauf dans quelques cas exceptionnels,
et à condition que cela n’entrainerait ni une surcharge
pour les élèves, ni la dispersion de leurs efforts .»
|
3.
L’unification
des devoirs de synthèse pour les élèves de neuvième
La
circulaire a précisé que « les devoirs de synthèse des classes de neuvième
année de l’enseignement de base, comptant pour le deuxième semestre, seront
unifiés dans les matières suivantes : la rédaction arabe, les épreuves de
français, d’anglais, de mathématiques et des sciences de la vie et de la terre. »
Le choix de ces matières est en rapport avec les épreuves prévues dans le
diplôme de fin d’études de l’enseignement de base ; et il s’agit peut - être de préparer
l’opinion publique ( parents et élèves ) au retour à un examen obligatoire pour
tous les élèves de neuvième année, puisque son retour pour cette année s’est
avéré impossible , malgré l’annonce faite par le Ministre de l’éducation,
au cours de la conférence de presse tenue à l’occasion de la rentrée scolaire
2016/2017.
Il est à remarqué que la circulaire n’avait
précisé le niveau de l’unification des épreuves ; serait-elle au niveau local
(établissement) ou au niveau de la délégation ou encore au niveau national ?
S’agit-il d’une omission, ou bien la question n’est pas encore tranchée ?
La
réponse est venue une semaine après la publication de la circulaire, par la
voie d’un communiqué [5] publié le 18 octobre 2016 qui a précisé que les devoirs de
synthèses du second semestre auront les caractéristiques d’un examen national, puisqu’il est stipulé que
« l’élaboration des questions se fera selon les modalités en vigueur dans
la préparation des examens nationaux …
et que la correction se fera en présentiel par les professeurs concernés… » ;
le communiqué a précisé qu’il s’agit de mesures exceptionnelles qui ne
concernent que l’année scolaire 2016/2017, en attendant la promulgation des nouveaux
textes qui vont légaliser la mise en place une évaluation obligatoire à la fin
de la neuvième année.
4.
L’abandon
de l’idée de devoirs synthèse uniques à la fin de l’année pour tous les niveaux
La
nouvelle circulaire a abandonné la consigne qui instituait des devoirs communs
au troisième trimestre, qui a été incluse dans la circulaire de l’an passé (
2015/2016)[6],
laquelle consigne ne fut pas respectée, car il s’avérait qu’elle n’était pas pratique ;
la circulaire qui concernait le deuxième période de l’année scolaire 2015/2016[7]
et qui avait fusionné le deuxième et le troisième trimestre l’avait ignorée .
Commentaire
L’idée des devoirs communs est une idée très ancienne ; elle fut
reprise par les circulaires successives à cause de ses multiples avantages ;
c’est ainsi que la circulaire du contrôle continu n°71-87 du 31 août 1987 disait que « dans le souci de maintenir le
niveau scientifique, il est devenu urgent de donner les mêmes sujets pour les devoirs de synthèse, au niveau de chaque établissement, pour les
élèves de troisième année secondaire ( équivalent de la 9ème année
actuelle), et les élèves de sixième, ( équivalent de la 3ème année
secondaire), et ce dans les matières suivantes :
§
« L’arabe
et le français pour les classes de troisième année secondaire
§
L’arabe, le français
et les mathématiques pour les classes de 6ème année lettres
§
Les
mathématiques, les sciences physiques et le français pour les classes de 6ème
année mathématiques et sciences et les classes de 6ème année
mathématiques et technique
Ces devoirs auront lieu à la
première semaine de juin, et les épreuves de français seront unifiés à
l’échelle régionale ».
La circulaire de l’année
suivante n°94/88, du 20 août 1988, relative au contrôle continu, avait supprimé
tous ces détails et avait reformulé la consigne dans les termes suivants :« dans
le souci de rapprocher le degré de réalisation des programme entre les
différentes classes d’un même niveau et de maintenir le niveau, il faudrait
veiller à unifier les sujets des devoirs de synthèse du troisième trimestre
au niveau de chaque lycée ».
Nous pensons que le principe est louable et qu’il serait utile de le
mettre en application sous d’autres formes qui pourraient assurer les
avantages et réduire les difficultés pratiques ; on pourrait par
exemple :
§
Procéder par
échantillon représentatif pour évaluer tous les niveaux à l’échelle national
ou régional dans un certain nombre de matières ; si on opte pour le
niveau régional, la matière peut être différente d’une région à une autre
§
Ou choisir un
ou deux niveaux qui passent une ou deux épreuves communes dans chaque région,
de façon à couvrir tous les niveaux et toutes les disciplines
De telle façon, le ministère
pourrait avoir des données objectives et fiables sur l’état des acquis des
élèves et sur le degré d’efficacité de
l’enseignement.
|
5.
L’arrêt des cours est avancé
d’une semaine par rapport à l’année précédente
Le
nouveau calendrier a fixé le début des devoirs de synthèse du deuxième semestre
au lundi 8 mai, et la fin de ceux-ci au 24 mai ; ainsi la période
des examens va s’étaler sur deux semaine et demi ; l’année précédente, les examens avaient
commencé le 16 mai pour les matières qui n’étaient pas programmées dans la
semaine bloquée ; celle-ci avait démarré le lundi 23 mai, et s’était
terminée le samedi 28 mai ; une rapide comparaison entre les deux
calendriers nous permet de faire deux remarques:
§ La première concerne l’allongement de la période
consacrée aux examens de 5 journées ; un allongement injustifié à notre
avis car il nous semble que le nombre de matières à évaluer ne dépasse
guère 13 , alors que le nombre de jours réservés pour l’évaluation atteint 15 jours ( voir
tableau ci-dessous).
Tableau : nombre de matières selon les
tableaux des coefficients et de l’horaire publiés par la direction générale des
programmes et des manuels ( 2008)
Nombre de
matières concernées par l’évaluation
|
le niveau
scolaire
|
13 matières y compris l’éducation musicale et artistique
|
Deuxième cycle de l’enseignement de base
|
11 matières
9 matières
|
Section : lettres - économie tt gestion
Tronc commun
3e et 4e
|
11 matières
12 matières
9 matières
|
Section : mathématiques et
sciences
Tronc commun
3e année
4e année
|
11 matières
13 matières
|
Section : sciences
techniques
Tronc commun
3e année et 4e année
|
11 matières
12 matières
|
Section : sciences
informatiques
Tronc commun
3e année et 4e année
|
§ La deuxième est en rapport avec l’arrêt effectif des cours ;
la décision de faire avancer la date des examens d’une semaine va entrainer de
facto l’arrêt des cours pour un certain nombre de matières dont les examens
vont avoir lieu au cours de la semaine du 8 mai.
Commentaire
Il nous semble que les architectes du calendrier, en voulant tourner
la page de la semaine bloquée, et pour faire plaisir au ministre qui n’a
cessé de crier, haut et fort, pour dénoncer ses méfaits, et surtout la perte
de plusieurs journées de cours, sont tombés dans le mal qu’ils étaient sensés
traités.
Résultat : c’est tout le mois de mai qui est perdu pour les cours.
il aurait été, à notre avis, plus judicieux, de poursuivre les cours d’une
façon normale durant la première quinzaine du mois de mai, et même jusqu’au 20
mai, et puis arrêter officiellement les cours pour se consacrer à l’évaluation
en programmant deux à trois matières par jour, car il faudrait arrêter de
gaspiller réellement le temps des élèves ; d’ailleurs c’est le seul moyen
de faire des devoirs communs.
|
6.
La
nouvelle circulaire a fait tomber une importante phrase
En
comparant la circulaire de 2016 avec celle de 2015, ainsi qu’avec les circulaires plus anciennes,
nous avons relevé la disparition de la dernière phrase du paragraphe I, qui stipulait que « que
ces examens et ces devoirs se feront sous la responsabilité du professeur
concerné » ; était-ce là aussi une omission, ou s’agit d’une
suppression délibérée pour désengager l’enseignant de la responsabilité des
examens internes, alors que l’article 59 de la loi
d’orientation de 2002 sur l’éduction et l’enseignement était claire dans ce domaine,
puisqu’elle précise que « L'évaluation
des acquis des élèves s'effectue de façon permanente tout au long des différents
cycles d'enseignement... qu’elle fait partie des attributions du corps
enseignant dans toutes ses étapes : conception, correction, exploitation des
résultats ».
La
question est posée, car nous ne croyons pas que cette phrase soit tombée par un
pur hasard !
7.
La
nouvelle organisation présente plusieurs avantages
En dépit des certaines réserves, la nouvelle organisation
du contrôle continue (le régime semestriel et la suppression des périodes
bloquées du 1er et du 2ème trimestre) présente des
avantages réels, dont :
§ L’allègement du dispositif de l’évaluation (pour
toutes les parties : élèves, enseignants et l’administration des établissements),
puisque qu’il n’y aurait plus que deux devoirs de synthèses par matière, et
deux bulletins de notes, et deux conseils des classes par année, au lieu de
trois précédemment. On espère que cet allègement puisse améliorer sensiblement
la qualité de l’évaluation des élèves (qualité des sujets et qualité de la
correction), et qu’il permette une
meilleure exploitation de l’évaluation pour aider à améliorer les
qualités des acquis des élèves.
§ Le gain de deux semaines de cours grâce à la
suppression des périodes bloquées du 1er et du 2ème
trimestre.
Recommandation en guise de conclusion
Avec
cette rentrée la réforme a traité une
question d’une grande importance , il s’agit de la question du temps scolaire et
de son organisation ( régime des vacances et un nouveau découpage ) , mais en
dépit de l’effort entrepris par les concepteurs pour arriver à un consensus
minimal sur la question, force est de
constater que la nouvelle organisation ne
répond ni aux attentes de la loi de 2002 dans sa partie consacrée à
l’évaluation ni aux grandes orientations du livre blanc , car les
nouveautés apportées par la circulaire du contrôle continu n’on concerné que les aspects formels , ignorant
les aspects de fond relatif à l’acte d’évaluation ( ses nouvelles fonctions aux
différents moments de l’acte d’enseigner , ses
rapports avec la conception des
programmes et avec les types d’enseignement , les outils et les moyens
d’exploiter les résultats de
l’évaluation …)
C’est
pour tout cela que nous souhaiterions que le ministère consacrerait cette année
scolaire pour réfléchir sur la question de l’évaluation des acquis des élèves pour
concevoir un système d’évaluation qui répond aux principes généraux annoncés par
le livre blanc , c'est-à-dire un
système dont la finalité première serait
de garantir la qualité de l’évaluation et sa fiabilité , et qui ne se soumet pas aux différents groupes de pression et à leurs intérêts .
Hédi
Bouhouch & Mongi Akrout , inspecteurs généraux de l’éducation retraités
Tunis
, octobre 2016
[1] La circulaire de
l’enseignement secondaire n° 258 -1973 en date du …octobre 1973,
[2] La circulaire de la direction générale des programmes et de la
formation continue n°86/1986 en date du 26 septembre 1986
[3] La conférence nationale pour l’étude des outputs du
dialogue national sur la réforme du système éducatif : le rapport général
- Novembre 2015
[4] en 1974 l’évaluation des élèves se faisait par des tests auxquels
on attribuait le coefficient 1 et des
devoirs de contrôle prévu à l’avance avec un coefficient 2
[5] Communiqué du ministère
de l’éducation nationale en date du 18 octobre 2016 au sujet des
examens de la classe de sixième et de neuvième.
[6] La circulaire n°91-06 - 2016 en
date de 1 octobre 2015 relative au calendrier du contrôle continu pour le
premier et le deuxième trimestre de l’année scolaire 2015/2016.
http://www.administration.education.gov.tn/2015-10-06/916102015.pdf
[7] la circulaire n°2-06- 2016- du
8 janvier 2016 relative au calendrier du contrôle continu dans les
collège et les lycées publics et privés
pour la deuxième période de l’année scolaire 2015-2016
http://www.administration.education.gov.tn/2016-01-08/02062016.pdf
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