lundi 24 octobre 2016

A propos de la réforme éducative : les référents pédagogiques (2) : L’approche par compétences

Le blog pédagogique donne cette semaine la parole à M° Amor Bennour, inspecteur général de l’éducation et ancien directeur de l’inspection générale pour poursuivre ses réflexions à propos de la réforme de l’éducation, la note de cette semaine est la dernière d’une série de notes  déjà publiées par le blog pédagogique,
rappelons que dans  la   1ère intitulée : A propos de la réforme éducative , l’auteur a essayé de mettre la question de la réforme dans son cadre général et d’exposer un certains nombre de principes auxquels se réfèrent les responsables des réformes éducatives partout dans le monde , dans la 2ème note intitulée : A propos de la réforme éducative : les références juridiques , M° Bennour a présenté le cadre juridique des différentes réformes qu’a connu notre pays , afin de montrer les points forts et les faiblesses de notre système éducatif et surtout le décalage entre la théorie et la pratique, dans la 3ème note, sous le titre : A propos de la réforme éducative: les références pédagogiques ( 2), l’auteur a analysé les référents pédagogiques de la dernière réforme de 2002 et plus précisément deux documents de référence à savoir «  le programme des programmes » et  «  les programmes officiels ».
Le blog pédagogique salue ce travail  de grande valeur et souhaite pouvoir recevoir d’autres communications de la part de M° Bennour et  que d’autres suivent son exemple, le blog pédagogique sera toujours là pour publier leurs réflexions sur les questions pédagogiques.

Hédi Bounouch&Mongi Akrout
Octobre 2016


A propos de la réforme éducative : les référents pédagogiques (2) : L’approche par compétences
Nous avons étudié dans une précédente note les référents pédagogiques pour parler d’un document  appelé «  le programme des programmes »  , du document des programmes officiels et enfin des théories pédagogiques , et nous allons consacré cette note aux aspects pratiques de ces théories , mais en nous limitant à l’approche par compétences qui a été l’objet de l’intérêt des acteurs éducatifs et de tous ceux qui s’intéressent à l’éducation.
L’approche par compétence
 Depuis le début de son introduction en Tunisie à titre expérimental , l’approche par compétence ( APC) a fait couler beaucoup d’encre et a engendré un  long débat qui ne s’est pas encore arrêté, rappelons que l’APC  avait commencé à titre expérimental pilotée  par l’institut national des sciences de l’éducation avant qu’il  ne devienne le centre national d'innovation pédagogique et de recherche en éducation, l’expérience  qui avait bénéficié du soutien financier du bureau de l’Unicef et l’assistance technique d’experts belges, a démarré dans un certain nombre d’écoles primaires appartenant  - selon mes souvenirs - à la direction de l’enseignement du Kef et celle de Monastir, puis l’expérience fut étendue petit à petit à d’autres régions , jusqu’au moment où le ministère décida son adoption officielle et a entamé sa généralisation année par année , pour toucher tous les niveaux de l’enseignement de base ( neuf années) , seulement l’application de  l’APC s’est arrêté au niveau du premier cycle de l’enseignement de base ( ancien enseignement primaire) suite  à une décision sans justifications d’un des Ministres de l’éducation.     
Deux décennies ,après le commencement de l’expérience, le débat ne s’est pas arrêté  quant à l’efficacité et à l’intérêt  de l’APC , à mon sens  la cause principale de cela , c’est le cafouillage qui avait accompagné la phase de la généralisation , car la formation des inspecteurs et des enseignants était dense et dans un laps de temps assez court et concomitant à l’application et non avant  celle-ci , ce qui ne leur  a pas laissé  le temps d’assimiler , de réfléchir, de digérer et enfin de se convaincre de la valeur de la nouvelle approche.
Parmi les autres causes, il y avait le fait que la phase d’expérimentation, qui a duré quelques années, étaient perçue par certains enseignants comme une décision imposée d’en haut et donc ils l’ont pas acceptée facilement.
Mais  la cause principale , d’après nous, est une cause d’ordre pédagogique ,  en effet au cours de la phase initiale , les responsables du projet avait axé leur action de sensibilisation, d’initiation et puis de   formation  sur les caractéristiques de la nouvelle approche en comparaison avec l’approche en cours  et sur la définition des concepts et surtout au niveau de l’évaluation du travail de l’élève , sans accorder aux références scientifiques de l’APC l’attention qu’elle aurait du avoir pour consolider la légitimité  de la nouvelle expérience , en plus du fait  que les dimensions apprentissage et formation n’ont pas eu l’intérêt qu’avait eu la dimension évaluation, pour laquelle on a adopté un procédé lourd qui fut rejeté par les instituteurs, signalons que même la formation des inspecteurs qui a eu lieu à l’étranger ( en Belgique et au Canada )  elle fut centrée sur la dimension évaluation du travail des élèves au détriment des méthodes d’apprentissage exigées par l’APC.
Après cette phase , l’expérience avait connu une importante évolution, qui a permis de remédier  aux insuffisances et cela a pu se réaliser  grâce au rôle joué par les cadres tunisiens , qui ont enrichi l’approche belge par l’expérience canadienne et par le travail sur le terrain à partir de la réalité tunisienne , dans les ateliers de réflexion , les séminaires mais aussi par la pratique dans les classes, cette dynamique a engendré la production d’une grande quantité de documents tunisiens destinés aux instituteurs et  aux cadres d’encadrements pédagogiques par la direction générale des programmes et le CNIPRE  et le CENAFE , en plus des documents produits  par des personnes ou des groupes de personnes au niveau régional et local.  
On s’occupa alors de la dimension apprentissage de l’APC , et on allégea le protocole de l’évaluation  si bien qu’on peut affirmer sans prétention que nous avons aujourd’hui une approche par compétence tunisienne , qui a dépassé les frontières de notre  pays, nous avons accueilli des délégations  de pays africaines du sud du Sahara  et d’autres de pays arabes qui sont venues pour voir l’expérience tunisienne , le groupe belge l’a prise pour l’exporter en Mauritanie et peut être à d’autres pays , nous estimons  qu’il aurait été plus  judicieux d’investir nos efforts et d’exporter notre expérience et notre savoir-faire , d’ailleurs je ne manquerai pas de signaler que l’équipe belge qui est venue pour asseoir l’ACP en a beaucoup profité grâce au suivi de l’expérience dans les classes et grâce aux échanges qu’elle a eu avec les enseignants et les inspecteurs à tel point que l’un des membres de l’équipe belge Xavier Roegiers avait publié un ouvrage volumineux  intitulé : « Pédagogie de  l’intégration :compétences et intégration des acquis dans l’enseignement , et il a cité dans l’introduction les différentes parties qui l’ont aidé à réaliser son livre  dont l’accompagnement scientifique et méthodologique du programme « Compétences de Base » dans l’enseignement primaire et secondaire tunisien (élaboration des curriculums, formation des différents d’acteurs, recherche-action, élaboration d’outils pédagogiques, etc.), son ouvrage est devenu une référence en la matière.   
A ma connaissance , aucune approche avant  celle-ci, n’a connu un suivi et une évaluation  comme ceux qu’avait connus l’APC ,  elle a fait l’objet  de plusieurs évaluations internes et externes, l’union européenne plusieurs fois avait commandité plusieurs évaluations  dont la dernière fut celle  effectuée au cours de l’année scolaire 2008-2009 , enfin l’application de l’approche fut encadrée par plusieurs  experts étrangers et tunisiens  et suivie de près par l’Unicef,  et aujourd’hui ,  après avoir  atteint la maturité et s’être imposée en tant un élément essentiel de la pratique éducative dans notre pays à l’instar  de plusieurs systèmes éducatifs de pays développés , il est regrettable d’entendre aujourd’hui des voix s’élever pour appeler ( sans aucune connaissance de cause )  à l’abandon l’ACP, au lieu de demander le renforcement des succès et des points positifs et la remédier aux insuffisances, et l’intensification de la formation pour les nouveaux arrivants parmi les instituteurs et les inspecteurs qui se comptent par milliers et d’assurer la formation continue des anciens ,et au lieu de demander de l’étendre au deuxième cycle de l’enseignement de base qui constitue une entité , surtout que l’expérimentation  a été effectuée dans certaine matières en 7ème , 8ème et 9ème année et que les programmes avaient été réécris selon l’APC , sans entrer pour autant en application.
Aujourd’hui, quand on appelle à l’abandon de cette option, savons-nous qu’est-ce qu’on va abandonner ? Est-ce qu’on va abandonner les apports de l’approche ? comme faire acquérir à l’élève des compétences, donner à l’apprentissage un sens,  les situations d’apprentissage , la médiation cognitive, la situation-problème, donner une place aux représentations de  l’élève dans l’apprentissage, tenir compte des conflits sociocognitifs, le recours aux différents types d’évaluation ( surtout l’évaluation  diagnostique  et formative ) , mais au-dessus de tout cela allons-nous abandonner le principe «  apprendre comment apprendre » , imaginer , aujourd’hui un enseignement qui ne se réfère pas à ces fondements et sur d’autres que nous n’avons pas cités, quel serait cet enseignement ? Je pense qu’on retrouverait le bourrage des crânes au lieu de leur formation.
Et afin d’éviter de tomber sous l’influence de ce type de position et des ses envies , et afin d’éviter de prendre des mesures et des décisions qui ne s’appuient pas sur des références sûres  , des études et des évaluations objectives  je pense qu’il serait sage de confier  l’étude de cette question et d’autres à des institutions ou à des  personnes spécialisées , après quoi on pourrait prendre , en fonction des conclusions et des recommandations de ces études , les mesures qui peuvent renforcer cette orientation. Et c’est pour cela  que j’aurais souhaité que les commissions des programmes aient été des commissions permanentes dont les travaux ne s’achèveraient pas une fois l’élaboration des programmes terminée.

Et elles seront chargées , en plus de l’élaboration des programmes et de la coordination entre les différents cycles de l’enseignement , d’une deuxième mission  qui consiste à étudier les rapports d’évaluation (scientifiques et pédagogiques) relatifs aux programmes et tout ce qui est en rapport avec les programmes comme les organisations et les instructions pédagogiques, les manuels et les différents outils didactiques, ces rapports qui doivent être étudiés et suivis par les différentes directions et services concernés , ces commissions proposeront , en fonction des rapports d’évaluation les aménagements nécessaires ; ces commissions auront une troisième mission  qui consiste à suivre les innovations dans le domaine de l’éducation de part le monde à partir des rapports que devrait produire l’observatoire national de l’éducation qui se trouve au CNIPRE et d’autres organismes nationaux et étrangers. Ainsi s’ajoutera, à ces fonctions premières de suivi et de proposition et de remédiation , la  mission de prospection et de collecte de données pour préparer les programmes d’avenir , ainsi nous aurions un programme en cours d’application et un projet de programme qui attend d’être mis en application , et c’est comme cela qu’on mettrait un terme  aux décisions personnelles et intempestives qui ont fait beaucoup de mal à l’éducation avant et après la révolution et il semblerait qu’elle va continuer à en souffrir, et puisqu’il s’agit de   commissions  techniques , il faudrait que leurs membres soient des spécialistes de l’éducation et des praticiens exerçant aux différents cycles de l’enseignement ( préscolaire, primaire, secondaire et supérieur) et elles   pourraient faire appel à des personnes compétentes dans le domaine de l’éducation , je crois que l’existence de ces  commissions permanentes, qui se réunissent  régulièrement et qui fonctionne en toute autonomie , va faire de leur travail un meilleur soutien aux orientations judicieuses et nous évitera les questions marginales qui  suscitent aujourd’hui un débat stérile et contre productif,  j’irais plus loin en disant, qu’avec de telles commissions, on pourrait se passer de la direction des programmes.  

Amor Bennour , inspecteur général de l’éducation bennour.amor@gmail.com
Traduction du texte : Bouhouch Hédi et Mongi Akrout
Tunis , septembre 2015 
Notes  produites  par le professeur Amor Bennour et publiée par le blog pédagogique sur le même thème

Le blog pédagogique - A propos de la réforme du système éducatif, le 3 mai 2015 .

http://bouhouchakrout.blogspot.com/2015/05/a-propos-de-la-reforme-du-systeme.html

 Le blog pédagogique - A propos de le réforme éducative : les références(1)     Première partie , le 28 septembre 2015.

Le blog pédagogique - Les références de la réforme scolaire(2) : Deuxième partie , le 2 novembre 2015



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