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«  Si l’enfant tire moins de profit correspondant à la
  rétribution convenue pour son instruction, la rétribution s’en ressentira
  dans la même mesure. Si bien que, par l’insuffisance croissante de
  l’acquisition des connaissances, il en arrive à n’en tirer qu’un profit
  dérisoire ; de ce fait, la rémunération sera accordée au maître,
  proportionnellement aux profits que l’élève aura tirés de l’enseignement. » 
Al-Qâbisi | 
   Nous avons meublé nos vacances par  la lecture d'un ouvrage  très intéressat  qui remonte au Xème  siècle  et  qui
traite de questions pédagogiques ; nous avons choisi de présenter aux
lecteurs du blog pédagogique un court extrait de cet ouvrage dans lequel
l’auteur traite du salaire des maîtres, où il défend un principe qui est de
plus en plus avancé ces dernières années ; il s’agit de la paye de
l’enseignant selon son mérite et selon les résultats  des élèves qui lui sont confiés.
Présentation de l’auteur et   de l’œuvre
Avant
de présenter l’auteur et son œuvre, nous devons rendre hommage à AHMED KHALED[1]  qui s’est chargé d’en faire l’étude,
l’établissement du texte, les annotations, l’index et la traduction, et qu’il a
publié en 1986 ; nous avons puisé dans cette œuvre l’essentiel de cette
note.
L’auteur 
 « Abû-l- Hasan ‘Ali ibn Muhamed ibn Halaf
al Ma’afiri al-Qâbisi al-Faqîh al-qayrawâni naquit en 324 H/935 J-C
probablement à Kairouan, et passa sa vie dans cette métropole et y exerça la
fonction de mufti ; il fut le chef de l’école malikite d’occident musulman.»
L’œuvre 
« Epitre
détaillée sur les situations des élèves, leurs règles de conduite et celle des
maîtres » ; pour Ahmed Khaled, « la risâla -l-mufassila … est un
véritable traité sur l’éducation et l’enseignement en Islam médiéval dans les Kouttabs ;
nous y trouvons les principes pédagogiques recommandés aux maîtres … ainsi que
les règles de conduite qui leur sont prescrites. »
En lisant l’extrait ci-dessous, 
nous  n’avons pas pu nous empêcher de faire le parallèle avec un courant qui occupe  depuis quelques années une place de choix dans
les débats sur l’éducation et l’enseignement ; il s’agit de la rémunération
des enseignants au mérite ou le « payement by results  », paru aux états unis d’Amérique aux  années 
quatre-vingt, repris,  suite à la
loi NCLB, No Child Left Behind,  votée en
2002 par  l’administration Bush ;
l’Angleterre a suivi l’exemple américain ; le candidat  Sarkozy avait 
inscrit  dans son  programme pour l’élection présidentielle de
2007 l’ évaluation  des  enseignants 
selon  les  résultats 
des élèves".[2]  
Aujourd’hui « De 
nombreux  pays  de 
l'OCDE  (environ  la 
moitié) ont  fait  entrer la reconnaissance du  mérite de 
l'enseignant dans sa 
rémunération. Par exemple, en Angleterre, les enseignants sont classés
dans des catégories salariales différentes selon qu'ils sont reconnus ou pas
comme excellents. Aux Etats-Unis, des districts utilisent les résultats des évaluation
nationales ( en anglais et en mathématiques) pour estimer le niveau de
rémunération des enseignants »[3] et « les
établissements  dont  les 
résultats  ne  progressent  
pas,  d’une  année 
à  l’autre,  ou 
dont  le niveau  n’est pas suffisant,  s’exposent 
à une série de sanctions 
croissantes,  si les choses  ne s’améliorent pas au fil des années,  elles peuvent aller jusqu’au  licenciement des équipes enseignantes et à la
fermeture  de l’école. »[4]
  
En lisant l’extrait ci-dessous, le lecteur sera surpris par la
similitude des positions défendues par Al- Qabisi avec les mesures préconisées
par les défenseurs du principe de la rémunération de l’enseignant selon les
résultats de ses élèves.
L’extrait
Abu l Hasan dit : 
 «   Je t’ai mentionné précédemment, de manière à
jeter suffisamment de lumière sur les questions que tu as posées,  ce que
les maîtres peuvent licitement accepter des élèves ; ce qu’ils ne doivent
pas accepter et dont les pieux , parmi eux, s’en préservent…
Tu as demandé, en outre : «  Quand la Khitma[5] est-elle due au maître et
dans quelle condition ? Quel doit être le degré du savoir par cœur de
l’enfant et celui de sa lecture, les dispositions particulières pour le
payement de la rétribution du maître pour que celle-ci lui revienne de
droit ?
Abu l Hasan répond :
 « … la Khitma est due au maître dans deux cas : 
D’abord, lorsque l’élève
récite par cœur le Coran du début jusqu’à la fin ; c’est à ce moment que
le maître a droit à la rétribution finale [Khitma [, aux yeux de
l’autorité musulmane compétente. Cette rétribution est évaluée selon l’aisance
ou la gêne du père et selon les profits que l’élève a tirés de l’enseignement
dispensé par le maître, outre la récitation par cœur du Coran. A cette fin, il
n’y a pas un temps précis ; seulement on tiendra compte de ce que les gens
ont coutume d’observer vis-à-vis d’un tel maître ayant affaire à un tel élève,
en se référant à la condition matérielle du père.
Ensuite, quand l’élève apprend à lire tout le
coran dans le texte sans qu’une seule lettre lui échappe, et qu’il ajoute à
cela une orthographe et une vocalisation interne correctes ainsi qu’une belle calligraphie,
on prendra l’initiative d’évaluer ce qui revient de droit à son maître, selon
la coutume des gens dans ce cas. Toutefois, celui qui récite] la prédication    [de mémoire, en y ajoutant une belle écriture,
une vocalisation interne précise, une orthographe et une lecture avec une
vocalisation désinentielle ( i’râbu qirâ’atin) exactes, doit payer juridiquement une rémunération
supérieure à celle  accordée par
quiconque  ne récite pas le coran par
cœur , mais arrive à le lire seulement dans le texte .
A mesure que la connaissance de chacun
de ces deux enfants diminue par rapport à ce que je t’ai décrit, le salaire qui
doit être payé au maître, d’après l’initiative juridique, est inférieur au
salaire accordé par quiconque a parachevé sa formation. Dans ces deux cas, le
salaire légal du maître est à la charge de l’élève, lorsqu’il a terminé la
Khitma du Coran ; c’est le cas du maître qui n’a pas stipulé, pour
la Khitma, une rémunération déterminée. S’il l’a stipulée, celle-ci lui
sera accordée à condition que l’enfant ait fini d’apprendre] le coran    [soit
par cœur, soit] en le lisant [dans le texte, ] selon les clauses du contrat  . [ 
Si l’enfant tire moins de profit
correspondant à la rétribution convenue pour son instruction, la rétribution
s’en ressentira dans la même mesure. Si bien que, par l’insuffisance croissante
de l’acquisition des connaissances, il en arrive à n’en tirer qu’un profit
dérisoire ; de ce fait, la rémunération sera accordée au maître,
proportionnellement aux profits que l’élève aura tirés de l’enseignement. Mais
si le maitre n’a pas stipulé, pour la Khitma, un salaire préfixé, c’était bien
pour être en droit de le déterminer de sa propre initiative, une fois que
l’enfant l’aurait terminée. Et si la capacité de bien connaitre l’orthographe,
la vocalisation interne des mots et la lecture coranique dans le texte s’est
trouvée réduite chez l’enfant, à tel point qu’on ne peut prétendre qu’il est instruit,
qu’aura-t-il alors récolté de sa Khitma ?
Dans ces conditions, le maître n’a pas
droit au payement de la rétribution finale (Khitma). Si l’on constate que
l’enfant est incapable d’écrire sans fautes ce qu’on lui dicte, de lire
exactement et de poursuivre sa lecture, il faut en conclure que le maître s’est
montré défaillant dans sa tâche, au cas où il serait capable de bien enseigner.
S’il est par ailleurs, reconnu coupable de tromperie, étant incapable
d’enseigner, les docteurs sont d’avis qu’il mérite d’être châtié pour avoir
manqué de soins envers l’enfant dont il s’est chargé, et fait peu de cas de ses
engagements, qu’il doit être privé de sa fonction .Ces mesures sont justes
quand le maître a l’habitude de se monter défaillant dans sa tâche et de faire
croire qu’il enseigne bien, alors qu’il n’en est rien. 
Certains [ 
savants ]considèrent qu’un tel maître ne mérite pas d’être
contraint à s’appliquer assidument à sa tâche, mais qu’il mérite plutôt d’être
admonesté et blâmé sévèrement par l’Imam chef de la communauté musulmane équitable. S’il  invoque comme excuse le manque d’intelligence
de son élève, qui , une fois examiné, se montre réellement bête, à tel point
qu’il ne retient pas ce qu’on lui enseigne, et ne comprend pas exactement ce
qu’on lui explique , alors le maître ne recevra qu’une petite rétribution pour
l’avoir gardé et élevé , non pour l’avoir instruit ; cela se fera à
condition qu’il ait informé d’avance le père du manque d’intelligence de l’enfant ;
car s’il l’a fait, et que le père lui a consenti quelques rémunération, ce
consentement devient un engagement. S’il est abstenu de l’en informer, il l’a
bien trompé, et celui qui leurre ne mérite, pour sa duperie, ni salaire ni
récompense. » p p 139-140
Présentation
et commentaires : Hédi Bouhouch & Mongi Akrout , inspecteurs généraux
de l’éducation retraités
Tunis,
Août , 2016
[1] Ahmed Khaled , professeur
agrégé d’arabe, inspecteur de l’enseignement secondaire , avait occupé
plusieurs fonctions , maire de la ville de Sousse, secrétaire d’état à
l’éducation ( 198 , ministre de la culture( 1989-1990)
[2] Evaluer les enseignants :
la paye au mérite ?
Par
François  Jarraud
[3] Quelle  efficacité 
pour  la  paye 
au mérite ? Par François Jarraud
http://www.cafepedagogique.net/Documents/133_7.pdf
, consulté le 9/08/2016
[4] opt .cité Jarraud.F
[5] Le mot ‘hitma’ a ici le
sens de rétribution correspondant au passage coranique enseigné (
annotation  donnée par  l’auteur de l’étude et l’établissement du
texte Ahmed Khaled
 
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