Pour des passerelles efficaces entre l’éducation, la formation
professionnelle et le marché du travail.
Les Modèles de
passage entre l'éducation, la formation professionnelle et le travail
Le modèle de
passage linéaire entre l’éducation, la formation et le travail :
Ce modèle est présenté comme une chaine de trois
étapes successives :
1.
l'enseignement de base ;
2.
l'enseignement secondaire et/ou
formation professionnelle
3.
l'enseignement secondaire, suivi
de l'enseignement supérieur.
Le modèle du
Continuum éducation – formation – travail:
Ce modèle suppose l'existence de différents types de
transitions entre les trois champs (éducation – formation – travail), quelque
soit l'ordre dans lequel les individus y passent.
Les caractéristiques du modèle
linéaire sont:
-
la simplicité, car chaque période
a ses propres caractéristiques et se poursuit sans interruption
-
la nécessité d'avoir un système
éducatif unifié avec des passerelles efficaces entre les différentes voies.
-
le contrôle du rendement de
l’ensemble du système y est plus facile à assurer:
ü
par un système de régulation
des flux entre les différents parcours.
ü
par une prise en compte des
besoins en compétences du marché du travail en lien avec les entreprises de
production et des aspirations des individus et de la société.
-
la nécessité d’avoir un consensus
sur les questions fondamentales relatives au système éducatif entre les
différents partenaires qui transcende les différences politiques et partisanes.
Les
caractéristiques du modèle du Continuum éducation-formation-travail
-
Il n'y a pas un ordre définitif
pour les périodes d'éducation, de formation et d'emploi, car cemodèle se
caractérise par une transition en douceur d'une étape à l'autre et dans les
deux sens.Selon Aude Mellet et Michel Carton[1],
« l'éducation formelle et informelle, l'enseignement de base
professionnel, et la formation obtenue dans les établissements d'enseignement
ainsi que sur les lieux de travail, sont complémentaires et interconnectées,
quelque soit l'ordre dans lequel ils sont acquis. Les savoirs et les
compétences acquises à travers les différents parcours peuvent être reconnus
sous certaines conditions ».
-
Cela la nécessite la mise en
place de dispositifs de gouvernance spécifiques pour répondre aux divers
intérêts des participants à l'éducation, à la formation et à l'apprentissage
tout au long de la vie. Ces dispositions doivent refléter un compromis entre le
droit à l'éducation/à la formation et leur droit et leurs besoins de gagner
leur vie par le travail.
-
Cela suppose l’existence d'un
système de reconnaissance des compétences acquises au cours du « parcours
personnel des individus.
Ce schéma montre les possibilités
de transition entre les différents champs : éducation – formation –
travail dans les deux sens.
Tentative de
diagnostiquer le système tunisien
Le modèle
tunisien est-il de type linéaire ?
Le système tunisien est passé par
différentes étapes, le régime actuel ayant pris sa forme générale depuis le
début des années 1990 avec la promulgation :
-
de la Loi n°91-65 du 29 juillet
relative au système éducatif,
-
et de la loi d'orientation de la
formation professionnelle, loi n°93-10 du 17 février 1993.
Ainsi est né un système de
formation professionnelle ayant sa propre identité, « en rupture quasi totale »
avec le système éducatif:
•
Entre les années 2003 et 2009, il
y a eu une tentative pour intégrer ou rattacher la formation professionnelle à
l'éducation :
•
la formation professionnelle est
rattachée à l'éducation pour former un seul ministère : le ministère de
l'Éducation et de la Formation
•
Plusieurs mesures ont été prises à
travers des amendements de la loi de l'éducation et la promulgation d’une
nouvelle loi relative à laformation professionnelle en 2008 pour introduire des
éléments de complémentarité entre les deux systèmes
•
Création des collèges techniques
et d’un baccalauréat professionnel
Cependant, ces mesures n'ont pas été pleinement
couronnées de succès (certainesdispositions des deux lois n’ont même pas été
mises en œuvre, comme le bac professionnel et les passerelles avec l’enseignement
supérieur) et n'ont pas permis l'intégration totale de la formation
professionnelle dans le système éducatif, ce qui a créé deux systèmes qui ont
du mal à parvenir à l'harmonie et à une intégration complète.
Le
résultat est:
-
Une diminution de l'efficience et
de l'efficacité du système dans son ensemble en raison du manque de cohérence
dans les parcours suivis
-
Une perte de temps et de
ressources financières pour la société, les familles et les individus. Souvent,
la personne qui suit une formation professionnelle est quelqu'un qui a passé
trop de temps à l'école (redoublement + l'atteinte d'un niveau supérieur au
niveau requis pour entrer dans une formation professionnelle), par exemple :
Pour préparer un brevetde technicien professionnel (BTP), la règlementation
prévoit qu’il faut avoir le niveau de deuxième année du secondaire, mais en
réalité on y trouve souvent des élèves de niveau de la quatrième année du secondaire qui
ont cumulé parfois plusieurs échecsàl'examen du baccalauréat.
-
Des pratiques dans le système de
formation professionnelle qui exigent parfois le niveau du baccalauréat pour telle
de formation, même si les programmes de formation ont été conçus sur la base
des acquis de la deuxième année du secondaire.
En
résumé : Ce système ne peut pas être considéré comme un modèle linéaire.
Le système
tunisien est-il un modèle de type Continuum ?
Compte tenu de l'absence d'une intégration complète de
l'éducation et de la formation professionnelle, le système tunisien aurait pu être
proche du modèle de continuum entre éducation - formation - travail. Certaines
caractéristiques confirment cette approche théorique et d'autres la réfutent.
•
Les arguments pour:
-
La possibilité de rejoindre la
formation professionnelle en situation d'interruption des études ;
-
La possibilité de faire plus
d'une seule formation ;
-
L'existence de formations courtes
ciblant des métiers ou des compétences requises par le marché du travail ;
-
L'existencede liens assez
développés avec les milieux professionnels à plusieurs niveaux : études
techniques, ingénierie de formation, ingénierie pédagogique et la formation
avec les entreprises de production ;
-
L'existence d'un système de
formation continue pour les travailleurs des entreprises économiques et pour
les individus en quête de promotion par la formation.
En revanche :
-
L'absence d’un système
d’information et d’orientation professionnelle efficace : informations
fragmentées et incomplètes où les individus jouent un rôle central ;
-
Le recrutement dans les sessions
de formation professionnelle manque parfois manque de transparence: Système de
concurrence - Sous-utilisation des capacités du système -taux d'abandon
relativement élevés ;
-
L'absence de mécanisme de retour
à la formation en cours d'emploi (système de congé pour la formation ou programmes
de mise à niveau).
En résumé, le système tunisien de
formation professionnelle a :
-
Le potentiel (lesmoyens) de
s'intégrer dans le système éducatif, mais les possibilités sont sous-exploitées.
-
Un lien avec le marché du travail
qui ne doit pas être compromis.
Quel modèle pour des passerelles efficaces entre l'éducation
et la formation ?
- Les domaines à améliorer :
ü
Améliorer les performances de
l'ensemble du système éducatif et de formation en créant et en activant un
système d'information et d'orientation scolaire et professionnelle qui valorise
tous les parcours et reconnaît les acquis scolaires et professionnels quel que
soit leur lieu de leur acquisition.
ü
Œuvrer à l'intégration ou au
renforcement de l'intégration de la formation professionnelle dans le système
éducatif en faisant mieux connaitre les parcours d'éducation, de formation et
d'enseignement supérieur et en ouvrant des passerelles entre eux.
ü
Renforcer le partenariat avec le
secteur de la production.
ü
Veiller à l'adoption de la
culture de l'évaluation périodique et objective des programmes et plans de
réforme afin de consolider les acquis et corriger faiblesses.
ü
Développer la formation
professionnelle continue, qui cible les jeunes déscolarisés et les personnes
désireuses de se reconvertir, cette formation continue doit inclure le système
actuel de formation continue etdoit être ouverte à tous les niveaux
d'enseignement, y compris les jeunes déscolarisés précoces.
ü
Contribuer à la lutte contre le
décrochage scolaire par une intervention précoce d'une part, et un traitement
ultérieur en donnant aux décrocheurs la possibilité de se réinscrire dans
l'enseignement et la formation professionnelle continue.
Brahim Toumi, ancien directeur général du
Centre national de formation de formateurs et d’ingénierie de formation .
Traduit par Mongi Akrout,
inspecteur général de l'éducation
Tunis, février 2024
Pour accéder à la version Arabe,Cliquer ICI
[1](Michel Carton et Aude Mellet - Le Continuum
éducation-formation-travail décent - Perspectives transformationnelles en
faveur de l’inclusion – septembre 2021
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire