Frapper un animal s’appelle cruauté.
Frapper un adulte s’appelle agression.
Frapper un enfant s’appelle éducation.
Olivier MAUREL,
Punitions et châtiments: vraie-fausse méthode pour enseigner ?
La question les
châtiments corporels, infligés aux élèves à l’école, est l’une des
facettes de la violence dans le milieu scolaire ; les enfants ont été toujours, depuis que l’école existe
et dans tous les systèmes éducatifs, victimes de la violence qui peut prendre des formes très différentes
, les unes aussi néfastes que les autres ;
parmi celles-ci , nous allons nous intéresser aux châtiments corporels
infligés aux écoliers, une pratique qui était tolérée et même «
autorisée » dans l’ancien milieu
scolaire ; mais bannie depuis la fin du XIXème siècle dans les écoles
publiques.
Cette question a préoccupé les éducateurs dans notre pays
depuis des générations, et surtout dans sa dimension « institutionnelle ».
Le premier
document : Extrait du1° règlement
intérieur scolaire (1886)
Considérant qu’il est indispensable
d’établir un règlement scolaire applicable dans toutes les écoles publiques
de la régence
Arrête
Article 19 : les seules
punitions dont l’instituteur puisse faire usage sont :
-
Les mauvais points
-
La réprimande faite en particulier
-
La réprimande faite en public
-
La privation partielle de la récréation
-
La retenue après la classe, sous la surveillance de
l’instituteur
-
L’exclusion temporaire
Cette dernière ne pourra pas dépasser
deux jours.
Avis en sera donné immédiatement par
l’instituteur aux parents de l’enfant, au président de la commission
scolaire, et à l’inspection primaire.
Une exclusion de plus longue durée ne
pourra être prononcée que par le directeur de l’enseignement.
Article 20 – il est absolument
interdit à l’instituteur de n’infliger aucun châtiment corporel.
Fait à Tunis le 20 décembre 1886
Le Directeur de l’enseignement public
L. Machuel [1]
Source : Bulletin officiel de
l’instruction publique n°1 - 1° Année- 1-1- 1887
|
Le deuxième document :
Circulaire du 16 Mars 1950 relative aux châtiments corporels infligés aux
élèves
« Je vous rappelle que l’article 17 de la loi du 15 septembre 1888
et l’article 22 du règlement scolaire interdisent formellement d’infliger aux
élèves tout châtiment corporel.
Je vous prie de veiller à ce que les règlements en la matière soient
respectées .les châtiments corporels n’ont jamais été un procédé d’éducation
« ils rendent les âmes serviles » écrivait Locke. Ils sont indignes
d’éducateurs dignes de ce nom.
Je vous informe que je suis décidé à
sanctionner très sévèrement toute infraction à la règle sans préjudice des
suites judiciaires que pourront entrainer des plaintes portées contres les
maîtres pour sévices exercés sur les enfants.
P. le Directeur de l’instruction publique et p. o l’inspecteur, chef
de service de l’enseignement primaire.
A. Signoret
Bulletin officiel de l’instruction publique
n°1, Janvier-Février, Mars 1950
- Année- 1950
|
La circulaire publiée par le chef de
service de l’enseignement primaire à Tunis, en 1950, exprime l’inquiétude de la
direction de l’instruction publique devant la persistante d’une pratique jugée
« indignes d’éducateurs dignes de ce nom. » La circulaire avait tenu
à rappeler le règlement interdisant tous les types de châtiments corporels et menacent
les contrevenants de sanctions très sévères et même de poursuites judiciaires.
Document 3 : extrait du règlement scolaire des établissements
de l’enseignement primaire
ART
36 : Il est interdit aux maîtres
d’infliger des châtiments corporels aux élèves sous peine d’encourir des
peines disciplinaires prévues par les règlements en vigueur.
ART
37 :Les seules punitions dont
l’élève peut faire l’objet sont :
1)
La retenue après la classe
2)
L’avertissement
3)
La réprimande
4)
L’exclusion temporaire
5)
L’exclusion définitive.
La
retenue après la classe doit être passée sous la surveillance d’un maître et
consacrée par l’élève à la préparation de leçons mal apprises ou des devoirs
mal faits.
L’avertissement
et la réprimande sont infligés par le directeur de l’école sur proposition du
maître et doivent être porté à la connaissance des parents de l’élève.
L’exclusion
temporaire ne peut dépasser trois jours pour la première faute grave ni cinq
jours en cas de récidives.
Dans
l’une comme dans l’autre cas, elle est prononcée, après avis du conseil des
maîtres, par le directeur de l’école qui est tenu de communiquer les
décisions, avec indication des motifs, aux parents de l’élève et à
l’inspecteur de l’enseignement primaire.
L’exclusion
temporaire pour plus de cinq jours ne peut être prononcée que par
l’inspecteur de l’enseignement primaire, sur proposition du directeur de
l’école après avis du conseil des maîtres entendu.
Dans
le cas d’une proposition d’exclusion de plus de cinq jours ou d’une
proposition d’exclusion définitive, l’élève peut, si les circonstances
particulièrement urgentes l’exigent, être rendu provisoirement à sa famille,
en attendant la décision de l’autorité compétente.
source : jort du 28/01/1964
|
En
1964 ,c'est-à-dire six année après la promulgation de la loi de 1958 sur l’enseignement, un Arrêté[2]
du secrétaire d’état de L’Education nationale fixa le règlement scolaire des
établissements de l’enseignement primaire ; il reprend les mêmes règles
déjà en vigueur depuis le règlement de 1886 ; le nouveau règlement a
consacré un article ( art 36) aux châtiments corporels pour insister sur l’interdiction et les
risques encourus par les instituteurs qui le ne respecteraient pas cette
interdiction.
A notre
connaissance, c’est le dernier
texte de ce niveau publié par le ministère Tunisien de
l’éducation qui s’est intéressé à la question, puisque le ministère s’était limité à publier en 1991 une circulaire [3] relative à la question de la discipline
scolaire destinée aux établissements de
l’enseignement secondaire et aux écoles normales des instituteurs dans laquelle il rappelle les sanctions
prohibées en les énumérant , les châtiments corporels occupant la première
place.
La loi d’orientation sur l’éducation et l’enseignement
scolaire de 2002 avait bien précisé que le « régime disciplinaire dans les
établissements scolaires sera fixé par arrêté du Ministre de l’éducation ( art
14) .
Seulement
, cet arrêté n’a jamais vu le jour ;
l’école tunisienne continue à se référer à la circulaire de 1991 ; cette
situation (de vide juridique) traduit
peut - être la difficulté de concilier entre les choix éducatifs et
pédagogiques qui mettent en avant la politique de dialogue et le respect de la personnalité de l’enfant en
l’encourageant à exprimer ses points de vue en toute liberté ,et l’instauration
d’une discipline qui pourrait user de sanctions qui
constitueraient une atteinte aux choix évoqués plus haut.
Mais quelque soient les choix, le
système scolaire a besoin d’un cadre précis pour gérer la question de la
discipline ; celui-ci doit mettre en avant les mesures de prévention
d’ordre pédagogique (traitement de l’échec et des difficultés d’apprentissage) et
d’accompagnement des élèves et des enseignants.
Hédi bouhouch & Mongi Akrout ; Inspecteurs généraux de l'éducation
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Publié dans Aujourd'hui le Maroc le
19 - 05 - 2006
[1] Louis Machuel, arabisant d’origine française , né en
Algérie le 2 juin 1848 , a appris
le coran et la langue arabe , il est
devenu professeur d’arabe , a été nommé
en 1883 par Paul Cambon , le résident général
français en Tunisie, directeur de l’instruction publique , il a
contribué au développement de l’enseignement en Tunisie à l’époque du Protectorat
en créant les écoles franco-arabes, le collège Alaoui pour former les
instituteurs bilingues, Machuel est parti à la retraite en 1908 , décédé en
Août 1922 , il fut enterré selon ses vœux au cimetière de Rades Maxula
[2] Arrêté du
secrétaire d’état de L’Education nationale du 25 janvier 1964 portant règlement
scolaire des établissements de l’enseignement primaire ( jort du 28/01/1964)
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