lundi 29 janvier 2018

Les réformes du temps de l’indépendance - Partie 6 : la Loi relative au système éducatif de 1991( 2° Chapitre)



Je n’avais aucune raison de refuser la responsabilité de participer au gouvernement, pour appliquer Mon projet de réforme du système éducatif, réforme que j’estime fondamentale pour la modernisation de nos écoles, et pour éloigner notre jeunesse de l’esprit fanatique dans lequel elle était formée jusque-là.
  Mohamed Charfi


Nous poursuivons cette semaine la publication de l'histoire de la deuxième grande réforme de l'éducation en Tunisie , pour revenir au premier chapitre , CLIQUER ICI

ChapitreII (Pour accéder au premier chapitre - CLIQUER ICI)

II. La loi relative au système éducatif de 1991

La nouvelle loi relative au système éducatif a été promulguée lé 29 juillet 1991  ; elle fut suivie par la parution d’une série de décrets et d’arrêtés qui ont constitué le cadre juridique général de la nouvelle réforme éducative. 

1. La structure du texte de la loi 

La nouvelle loi comporte 5 chapitres et 36 articles comme l’indique le tableau ci-dessous
N° du chapitre Titre du chapitre Nombre d’articles
premier Principes de base de 1 à 3
deuxième de l’enseignement de base et de l’enseignement secondaire de 4 à 24
troisième de l’enseignement supérieur 25
quatrième de l’enseignement privé de 26 à 31
cinquième dispositions diverses de 32 à 36

2 Le cadre de référence du nouveau système éducatif

L’article premier a fixé les bases du système éducatif, lesquels peuvent être classés selon l’ordre suivant :

a. Les principes généraux qui déterminent le cadre de référence général dans lequel s’inscrit le système éducatif et qui le commandent et l’orientent comme :
- Le premier principe qui insiste sur la nécessité d’affermir chez les jeunes « la conscience de l’identité nationale tunisienne » et développer en eux « le sens civique et le sentiment de l’appartenance à la civilisation nationale, magrébine, arabe et islamique et s’affermisse l’ouverture à la modernité et à la civilisation humaine », et de les « élever … dans la fidélité à la Tunisie et la loyauté à son égard.» (art 1)

- Ou les principes méthodologiques  qui fixent les grands choix qui doivent être présents lors de l’élaboration des programmes scolaires, comme la nécessité de «  réaliser l’équilibre, dans l’éducation des jeunes générations, entre les différentes matières de l’enseignement  de sorte que les intérêts portés aux sciences, aux humanités, à la technique , à la dextérité  manuelle , ainsi qu’aux dimensions cognitives, morales, affectives et pratiques soient  équivalents » ( art 8),  ou comme  la nécessité de «  permettre aux élèves d’exercer es activités physiques et sportives en tant partie intégrante de la formation éducative », ( art 9)  ou encore comme la nécessité de «  préparer les jeunes à affronter l’avenir ». (art 10)

- Les principes qui donnent les grands traits du profil attendu de l’élève à la fin de sa scolarité ; il s’agit d’un élève qui   « maitrise la langue arabe, de façon qu’il puisse en faire usage dans l’apprentissage et la production », (art 4) et « une langue étrangère au moins » qui lui permet «    d’accéder directement aux productions de la pensée  universelle, technique, théories scientifiques et valeurs humaines » (art 5) , un élève qui   aime le travail , qui a confiance en soi  ,modéré et tolérant.  
- Les principes d’ordre pédagogique qui fixent les bases des pratiques pédagogiques  des enseignants  quand ils traitent les différentes questions du programme ; ces pratiques doivent aider les élèves à construire leur personnalité, et à accéder à la maturité ; elles doivent développer chez eux l’esprit critique , l’esprit d’initiative et l’esprit créatif ; elles doivent aider aussi à  développer le sens civique et l’esprit citoyen, ainsi  toutes les activités éducatives  contribueraient à la mise en place  «  d’une société civile et institutionnaliste fondée sur le caractère indissociable de la liberté  et de la responsabilité ».  ( art 1- 13ème alinéa) 

1. La nouvelle structure de l’enseignement 

La nouvelle loi a mis en place une nouvelle organisation de l’enseignement qui est constituée de deux cycles principaux, qui sont :

a. Le cycle de l’enseignement de base :

L’enseignement de base constitue un « cycle complet » ; c’est « un enseignement obligatoire à partir de l’âge de 6 jusqu’à l’âge de 16 ans », la durée de l’enseignement obligatoire se trouve ainsi prolongée par rapport à la loi de 1958.

L’enseignement de base a pour « objectif de … garantir …un niveau minimum de connaissances qui soit à même de les préserver de la régression à l’analphabétisme et qui leur permette soit de poursuivre leur scolarité dans le cycle suivant (secondaire), soit d’intégrer la formation professionnelle ou de s’insérer dans la société .» (art 6) 
L’enseignement de base dure neuf ans répartis en deux degrés complémentaires : le premier degré dure six années et se passe dans les écoles primaires, le deuxième degré dure trois ans et se passe dans les collèges (ou les écoles préparatoires).
Le passage du premier  degré  au deuxième ( de la 6ème à la 7ème ) selon un nouveau mode d’évaluation   qui  associe l’évaluation interne trimestrielle,  et l’évaluation externe  terminale, dès la fin de l’année scolaire 1994/95, lorsque l’enseignement de base atteint la sixième année ; ( rappelons que l’enseignement de base a démarré avec la première année  à la rentrée 1989/90) ; l’ancien  concours d’entrée en première année de l’enseignement secondaire aurait disparu, et dans une phase transitoire, il est remplacé par un examen régional   qui entre dans une proportion donnée dans la moyenne finale avec le résultat obtenu par l’élève au cours de l’année scolaire ; cette proportion devrait baissée progressivement ( 4/5  en 1992/93 . Puis 3/5 en 1993/94, cette phase transitoire qui devrait se terminer par l’adoption du passage en fonction de l’évaluation interne seulement. (voir plus bas)
L’enseignement de base est sanctionné par un examen national ; les admis à cet examen obtiennent le diplôme de fin d’études de l’enseignement de base » (DFEEB) qui leur permet d’accéder à l’enseignement secondaire (art 10 et 11).
La nouveauté de l’enseignement de base est son arabisation intégrale ; toutes les matières concernant les humanités, les sciences et la technologie sont enseignées en arabe, le français est enseigné comme une langue étrangère que l’élève doit maîtriser.  

b. L’enseignement secondaire

« L’enseignement secondaire vise à permettre aux jeunes d’acquérir une formation générale équilibrée ; il leur permet d’acquérir une culture générale », et les rend aptes à poursuivre des études supérieures, « ou de s’insérer dans la vie pratique.» (Art 11).
L’enseignement secondaire dure 4 ans et comporte deux cycles de deux ans chacun :

Le premier cycle, commun à tous les élèves, est consacré à la consolidation de la formation générale et à l’acquisition de la maîtrise des langues, il conduit, après orientation, à l’une des cinq sections du second cycle . 
C’est là l’innovation de la réforme de 1991, qui consiste à retarder l’orientation de deux années par rapport à l’ancien système ; ce décalage était motivé par la volonté de consolider la formation générale et de donner aux élèves le temps de découvrir leurs aptitudes et leurs penchants. ( p14)
Le nouveau régime de l’orientation est entré en vigueur à  la fin de l’année scolaire 1992/93 ; les élèves qui passaient en sixième (l’équivalent de la 3ème année secondaire actuelle) sont orientés vers cinq sections ( lettres,  Mathématiques, Sciences expérimentales, Techniques, Economie - Gestion) ; la première orientation, faite à la fin de l’année scolaire 1992/93, a donné les résultats une prédominance des sections classiques , la section «  lettres continue a attiré le plus gros des élèves, alors que  les sections techniques et économie gestion, qui ont remplacé les deux anciennes filières courtes, n’arrivent pas à  attirer beaucoup d’élèves,  car  elles sont handicapées par la perception négative des parents.( voir tableau ci-dessous)

Tableau de la répartition des élèves selon la première orientation 

Section                          % orienté
Lettres                               29.6%
Mathématiques                  20.2%
Sciences expérimentales    22 .2%
Techniques 12.7%
Economie - Gestion             15.3%



Le deuxième cycle est un cycle « qui prépare à la spécialisation » ; l’enseignement au second cycle se fait en langue française pour les matières scientifiques, technologiques,  et économiques ; la langue arabe est utilisée pour l’enseignement des humanités :( histoire, géographie, philosophie…).

Le deuxième cycle est sanctionné pour toutes les sections par le baccalauréat, c’est là l’autre innovation, qui annonce la fin de l’enseignement technique industriel et économique qui était sanctionné par un diplôme de TEA, de TEG ou TI dont les dernières promotions étaient sorties en juin 1994.

3. Les caractéristiques du nouveau système scolaire

a. L’horaire scolaire
Au niveau de l’enseignement de base

le degré       le niveau scolaire horaire hebdomadaire
1er degré 1er et 2ème année                            22  heures  30                
                     3ème, 4ème ,5ème ,6ème année 30 heures

2ème degré  7ème 8ème 9ème année                       27 h 30

Au premier degré, on adopta le même horaire pour les deux premières années, et le même pour les 4 niveaux suivants ; à partir de la 3ème l’horaire est partagé entre la langue arabe qui et la langue d’enseignement de toutes les matières, et la langue française dont la masse horaire représente entre 30% en 3ème et 38% en 5ème (9 h en 3ème, 9 h 30 en 4ème, 11h 30 en 5ème et 11h en 6èm   .
Au deuxième degré, ( les écoles préparatoires ou les collèges),  l’horaire est le même pour les trois années ( 27 h 30)  dont 5h pour l’enseignement de la langue française, le reste est réservée à la langue arabe et aux autres matières scientifiques, technologie, humanités et autres qui sont totalement arabisées pour la première fois  .

Au niveau de l’enseignement secondaire, 

L’horaire hebdomadaire au premier cycle de l’enseignement secondaire est de 29 heures, alors que l’horaire du deuxième cycle varie selon les sections en 25 heures 30 et 30 heures en classes terminales (sans compter l’horaire des options), sachant que la section Economie et Gestion se distingue par le plus bas horaire, alors que la section technique par le plus lourd horaire. (voir tableau suivant)

Tableau horaire de l’enseignement secondaire

Le cycle Le niveau scolaire Horaire hebdomadaire
  1er cycle 1er et 2ème année                                        29h
  2ème cycle
3ème lettres 26 h
3ème  Sc . expérimentales                         28h 30
  3ème mathématiques 28h
3ème  Eco- Gestion 25h30
3ème   Technique 32h30
4ème lettres                                                26 h
4ème  Sc . expérimentales                           26h 30
4ème mathématiques 26h
4ème  Eco- Gestion 25h30
4ème   Technique                                       30h

Concernant les langues au secondaire , on remarque  que l’horaire imparti aux trois langues est assez  proche l’un de l’autre : au premier cycle : l’arabe ( 4h 30) , le français 3h30)  et l’anglais (3h) ;  au deuxième cycle, l’horaire varie  nettement selon les sections et selon l’année. (voir tableau suivant)

Tableau horaire des langues au secondaire
  1er  et 2 ème - Arabe: 4h 30 - Français: 3h30  -  Anglais : 3h

3ème 
              lettres -Arabe  5h - Français 4h - Anglais : 4h
               autres sections - Arabe :3h - Français :3h - Anglais :3h ( éco gestion  Anglais :4h)
4ème 
               lettres Arabe4h  Français : 3h - Anglais:3h
               autres sections Arabe: 2h Français : 3h - Anglais:3h
  
Et dans le cadre de l’encouragement des élèves à étudier les langues, il a été prévu de programmer plusieurs langues étrangères ( Allemand, espagnol, italien…) au niveau  du premier cycle  en tant qu’options, une circulaire ministérielle  précise les conditions de choix et les avantages accordées aux candidats du baccalauréat qui optent pour l’étude d’une 3ème langue étrangère. 

b. Le système des coefficients
Partant du principe que la finalité du système éducatif est d’assurer aux nouvelles générations une formation générale et équilibrée, et de développer chez elles une culture générale, les concepteurs de la réforme ont veillé à rapprocher les coefficients des différentes matières et supprimer les écarts excessifs qui existaient .

Au niveau de l’enseignement primaire :
Dans les  trois premières années de l’école primaire, les coefficients varient entre 0.5 pour l’expression écrite  et 2.5 pour calcul  ( la lecture :2),  en 4ème , 5ème  et 6ème les coefficients varient entre 0.5 pour la lecture, la dictée et la récitation arabe et 3 pour calcul  ( l’éveil scientifique:2).

Au second degré de l’enseignement de base

Au second degré de l’enseignement de base, (7ème, 8ème et 9ème), les coefficients varie entre 1 pour les humanités et les matières scientifique (sauf les mathématique : Coef 3),  et 4 pour la langue arabe et la langue française. 

Au niveau de l’enseignement secondaire 

 les coefficients  varient, au premier cycle, entre 1 ( pensée islamique, éduction civique, technique et physique ) et 3 ( arabe , mathématiques) il était de 2.5 en français et en sciences physiques) ;  c'est-à-dire que l’écart était modéré ; au second cycle les coefficients de la même matières varient  en fonction des sections ; ils dépendent du statut de la matière ; si la matière est parmi les matières spécifiques de la section, son coefficient devient important ( entre 3 et 4 ),  comme c’est le cas de la philosophie pour la section Lettres , ou les mathématiques  pour la section mathématiques , les sciences physiques  pour la section sciences expérimentales, l’épreuve techniques pour la section technique et l’épreuve d’économie gestion pour la section EG  ( Coef 4) ; le coefficient attribué aux autres matières entre 3 et 1.

Fin du deuxième épisode  A SUIVRE  pour accéder au premier chapitre , Cliquer ici

Hédi BOUHOUCH & Mongi AKROUT , Inspecteur Généraux de l’éducation retraités
Tunis , Octobre  2014


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