Première séance.
Le vendredi 12 mai 1905, à 9 heures du matin, le Conseil de l'Instruction
publique s'est réuni à la Direction de l'Enseignement, dans le bureau du
Directeur.
Etaient présents :
MM. Machuel, Directeur de l'Enseignement public, président ;
Berge, Président du Tribunal de Tunis ;
Bourgeon, Procureur de la République à Tunis ;
Delmas, Professeur à la Chaire publique d'arabe, Directeur du Collège
Sadiki;
MM. Buisson Inspecteur d'académie, Directeur du Collège Alaoui. Duval,
Proviseur du Lycée Carnot ; Baille, Inspecteur de l'Enseignement primaire
àTunis; Patou, Professeur au Lycée Carnot, Veyrier, Directeur de
l'école annexe du Collège Alaoui ,
Aurès, Instituteur à l'école annexe du Collège Alaoui ;
Ouziel, Directeur des Ecoles de l'Alliance Israélite en Tunisie ; Mlle Guillot, Directrice
de l'Ecole Jules Ferry; Mme Brulé, Institutrice à l'Ecole Jules Ferry ;
M. Tremsal, chef du cabinet du
directeur de l'enseignement, secrétaire.
Le Président, en ouvrant la séance, prononce l'allocution suivante:
Mesdames, Messieurs,
Je déclare ouverte la deuxième session du
Conseil de l'Instruction publique.
Avant de passer à l'examen des questions inscrites à votre ordre du jour, permettez moi
d'adresser nos souhaits de bienvenue à notre distingué collègue, M. Berge,
Président du Tribunal de Tunis. Comme son prédécesseur, M. Fabry, qui
s'intéressait si vivement aux questions d'enseignement et
d'éducation, M. Berge voudra bien nous prêter le concours de son expérience, de son esprit
éclairé et de son impartialité, qui lui ont si justement attiré les sympathies
et le respect de tous ceux qui ont appris à le connaître,
Je suis aussi l'interprète du Conseil en adressant à notre collègue,
M. Delmas, nos félicitations les plus affectueuses à l'occasion de sa guérison
: c'est une grande satisfaction pour nous de le voir participer aux travaux de
cette session.
Enfin, à vous tous, mes chers collègues, je souhaite également la bienvenue
dans ce nouveau local, que vous inaugurez. C'est en effet la première fois que
cette salle sert à une commission. Je vous y reçois avec la plus
grande cordialité et je vous prie du croire au dévouement de votre président
qui s'efforcera toujours de faciliter votre tâche, comme vous voulez bien lui
faciliter la sienne.
Après cette allocution, la parole est donnée au Secrétaire, M. Tremsal,
pour la lecture de l'ordre du jour de la session, qui comprend les questions
suivantes :
A — Rappel de questions
1° Œuvres postscolaires. Cours aux adolescents :
2° Enseignement commercial au lycée Carnot.
B — Questions nouvelles.
1° Surveillance des établissements d'enseignement privé;
2° Fixation du nombre maximum d'élèves par classe,
dans les locaux construits à usage d'école ;
3° Examens de
passage dans les établissements d'enseignement ;
4° Application des programmes de l'enseignement primaire dans les écoles
primaires et élémentaires des établissements d'enseignement secondaire;
5° Vacances scolaires ;
6° Listes d'ouvrages scolaires ;
7° Fête annuelle des écoles ;
8° Passages des
fonctionnaires de l'enseignement.
Le Président
fait remarquer que l'ordre dans lequel ces questions sont énumérées ne préjuge
nullement de l'ordre dans lequel elles doivent être étudiées, qui est
laissé à l'appréciation du Conseil.
Deuxième séance
Le mardi, 16 mai 1905 à 2 heures et demie de
l'après midi, le Conseil de l'Instruction publique a tenu la 2° séance de la
session à la Direction de l’enseignement.
Etaient présents : MM. MachueL,
président, Berge, Bourgeon, Delmas, Buisson, Duval,
Baille:, Patou, Veyrier, Aures. Ouzier ., Mme Guillot, Brulè, M. Tremsal, secrétaire.
Dès l'ouverture de la séance, la parole est donnée au secrétaire pour la
lecture du compte rendu de la séance précédente, qui est adopté après quelques
légères rectifications.
Septième question : Enseignement commercial au Lycée Carnot.
M. Patou lit une note sur l'enseignement commercial au lycée. (Annexe A.)
dans laquelle il indique les modifications apportées à cet
enseignement à la suite des vœux émis par le Conseil dans la session
de 1904. Au cours de cette lecture, M. Patou exprime l'avis que l'enseignement
de la morale et de la logique dans la classe de 1ere commerciale
devrait être remplacé par des exercices de français. La discussion s'engage à
ce sujet, M. Duval se prononce pour le maintien du cours de morale. Le
président estime qu'un cours de logique ne saurait être à la portée des élevés,
qu'il leur est d'ailleurs de peu d'utilité. Quant à la morale, elle ne
devrait pas comporter un enseignement théorique : il serait bien préférable
qu'elle fût enseignée durant tout le cours des études, à l'occasion
d'un fait scolaire, ou d'un autre enseignement. Il est regrettable qu'il n'en
soit pas ainsi, comme il est regrettable que l'enseignement civique n'ait pas
sa place marquée dans les programmes secondaires.
Le conseil est appelé ensuite à se prononcer pour ou contre le
maintien de la section commerciale au Lycée. M. Duval persiste à croire que ces
cours ne donneront jamais des résultats bien brillants, tout au moins en ce qui
concerne les élèves français. Ceux de nos compatriotes qui se
dirigent de ce côté le font en vertu de la loi du moindre effort. Encore
reviennent-ils quelquefois aux éludes secondaires. D'ailleurs les parents
préfèrent pour leurs enfants le baccalauréat à tout autre diplôme. M. Berge désire
que l'on maintienne le diplôme d'études commerciales, qui atteste chez son
titulaire des aptitudes spéciales et des connaissances particulières.
Le Président, après avoir fait un
éloge mérité des deux volumes que M. Patou a consacrés à l'étude des opérations
commerciales et financières, constate que les résultats signalés dans la note
soumise au Conseil (recrutement meilleur, augmentation du nombre des élèves et
notamment des élèves français) sont plutôt encourageants. Il dépend de
l'administration du lycée que ces résultats soient plus satisfaisants encore ;
qu'elle s'efforce d'attirer dans l'enseignement commercial des élèves français
bien doués, de les orienter de bonne heure vers ces études. En tous cas, il y a
lieu de continuer cette tentative intéressante.
Le Conseil se range à cet avis et le vœu suivant est émis :Que
l'enseignement commercial soit maintenu au Lycée Carnot avec les nouveaux
programmes qui ont été élaborés, sous réserve des modifications à apporter dans
l'enseignement du français en 1ère commerciale.
2ème point(suite): Surveillance des établissements de l'enseignement privé.
Au nom de la Commission nommée à cet effet, M. Baille donne
lecture d'un rapport sur la question (Annexe B.), Ce rapport contient un exposé
comparatif de la législation française et de la législation tunisienne en ce
qui concerne l'inspection des écoles privées et se termine par l'énoncé d'un
vœu soumis au conseil par la Commission. Avant d'ouvrir la discussion, le
Président fait passer sous les yeux des membres du Conseil un exemplaire du
registre du personnel envoyé par les soins de la Direction de
l'Enseignement à tous les chefs d'établissements scolaires privés.
M. Baille, après la lecture de son rapport, fait observer que les lois
tunisiennes n'ont pas fixé de limite d'âge dans les écoles privées et qu'il
serait peut être bon, pour éviter des abus, d'étendre sur ce point le règlement
des écoles publiques aux écoles privées, Le Conseil est de cet avis et décide
,l'adjonction au vœu proposé d'un paragraphe visant la limite d'âge. Sur une observation
du Président, le Conseil décide en outre de ne pas exiger des directeurs de
pensionnat la tenue d'un registre spécial des pensionnaires et l'envoi d'un
rapport annuel. Le registre des pensionnaires ferait double emploi avec le
registre matricule et le rapport annuel peut être supprimé, par l'adjonction
aux renseignements demandés annuellement à toutes les écoles privées de la
rubrique : Renseignements sur le fonctionnement de l'internat,
Mais la discussion a surtout porté sur le droit d'inspection. La Commission
proposait que les Inspecteurs eussent le droit d'assister aux leçons et
d'interroger les élèves. Le Président fait sur ce point les plus expresses
réserves, ce droit n'étant pas reconnu par la loi française, et son application
pouvant soulever de graves difficultés. M. Berge et M. Bourgeon sont d'avis
qu'il n'y a pas lieu pour le moment d'introduire cette innovation. Sans doute,
comme le font remarquer M. Baille et M. Aurès, ce serait pour l'administration
un moyen d'être plus exactement renseignée. Mais ce pourrait être aussi pour
elle une source d'ennuis et de conflits, Il vaut mieux, ajoute M. Berge, se
contenter d'organiser sérieusement l'inspection dans les limites
tracées par la législation sur la matière.
M. Ouziel ayant déclaré, à ce propos, que les règlements des écoles de
l'Alliance israélite prévoient le droit d'inspection et d'interrogation par les
autorités locales, le Président fait remarquer que ces écoles en Tunisie, si
elles ne sont pas publiques, sont du moins subventionnées pur le Gouvernement
tunisien, ce qui permet de les considérer un peu comme écoles dépendant de la
Direction de l’enseignement. Elles rendent d'ailleurs de précieux services et
les représentants de l'administration y ont toujours été accueillis avec empressement.
Le Président donne ensuite au Conseil les raisons pour lesquelles
jusqu'à présent l'inspection effective des établissements privés n'a pour ainsi
dire pas eu lieu. On s'est borné à une enquête annuelle sur leur personnel et
leur population scolaire.
Après ces explications et sous ces réserves les conclusions de la
Commission sont adoptées et le Conseil émet le vœu.
1° Que les dispositions déjà inscrites dans les règlements en Tunisie
(tenue du registre du personnel, production par les chefs d'établissement des
notices individuelles et des diplômes des maîtres, droit d'inspection, examen
des livres et des cahiers des élèves, rapports et statistiques annuels), soient
maintenues et complétées par les suivantes :
a) tenue d'un registre matricule par école et d'un registre d'appel
par classe.
b) pour les internats de garçons et de filles, droit de surveillance et
d'inspection des locaux et du régime intérieur (l'inspection des internats, de
jeunes filles étant confiée à des dames) dans des conditions analogues
à celles prévues par les règlements de France.
2° Que le droit d'inspection s'exerce effectivement.
3° Que le règlement en usage dans les écoles publiques, en ce qui concerne
l'âge d'admission des élevés, soit étendu aux écoles privées.
Fin de la discussion des 7ème et 2ème
point de l'ordre du jour, A suivre.
Pour revenir aux points précédents , cliquer ci-dessous:
Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de
1905): Procès-verbaux des séances
(discussion du 1° point de l'ordre du jour).
Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de
1905): Procès-verbaux des séances( 2ème, 3ème et 4ème point à l'ordre du jour)
Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances: discussion du 5ème et du 6ème point
Présentation Mongi Akrout, Inspecteur Général de l'enseignement retraité.
Tunis , janvier 2020.
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