lundi 10 février 2020

Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances : discussion de la 7ème et reprise du 2ème ème question



Hédi BOUHOUCH
Dans le cadre de l'histoire du conseil supérieur de l'éducation, le blog pédagogique présente à ses lecteurs un document vieux de plus d'un siècle , il s'agit du procès verbal de la session  du conseil de l'instruction publique tenue au mois de mai 1905 au siège de la direction de l'instruction publique (équivalent du ministère de l'éducation) .
Les travaux de la session étaient présidés par le directeur de l'instruction publique Louis Machuel avec la participation de tous ses membres dont la majorité appartenait à l'enseignement à l'exception de deux représentants de la justice, notant en passant qu'aucun membre tunisien ne figurait à cette époque au CIP.

Le conseil était appelé à étudier dix questions inscrites à l'ordre du jour , ce qui avait nécessité deux journées entières pour achever  l'ordre du jour .
La lecture du PV montre qu'il y avait un véritable débat contradictoire et qu'à la fin les décision sont prises à la majorité.
Enfin , ce qui est remarquable ,c'est que le PV est rendu public , puisqu'il est publié dans le bulletin officiel de l'enseignement public qui mis à la disposition de toutes les établissements scolaires .


Première séance.
Le vendredi 12 mai 1905, à 9 heures du matin, le Conseil de l'Instruction publique s'est réuni à la Direction de l'Enseignement, dans le bureau du Directeur.
Etaient présents :
MM. Machuel, Directeur de l'Enseignement public, président ;
Berge, Président du Tribunal de Tunis ;
Bourgeon, Procureur de la République à Tunis ;
Delmas, Professeur à la Chaire publique d'arabe, Directeur du Collège Sadiki;
MM. Buisson Inspecteur d'académie, Directeur du Collège Alaoui. Duval, Proviseur du Lycée Carnot ; Baille, Inspecteur de l'Enseignement primaire àTunis; Patou, Professeur au Lycée Carnot,  Veyrier, Directeur de l'école annexe du Collège Alaoui ,  Aurès, Instituteur à l'école annexe du Collège Alaoui ; Ouziel, Directeur des Ecoles de l'Alliance Israélite en   Tunisie ; Mlle Guillot, Directrice de l'Ecole Jules Ferry; Mme Brulé, Institutrice à l'Ecole Jules Ferry ;
M. Tremsal,  chef du cabinet du directeur de l'enseignement, secrétaire.

Le Président, en ouvrant la séance, prononce l'allocution suivante:
Mesdames, Messieurs,
Je déclare ouverte la deuxième session du Conseil de l'Instruction publique.
Avant de passer à l'examen des questions inscrites  à votre ordre du jour, permettez moi d'adresser nos souhaits de bienvenue à notre distingué collègue, M. Berge, Président du Tribunal de Tunis. Comme son prédécesseur, M. Fabry, qui s'intéressait si vivement aux questions d'enseignement et d'éducation, M. Berge voudra bien nous prêter   le concours de son expérience, de son esprit éclairé et de son impartialité, qui lui ont si justement attiré les sympathies et le respect de tous ceux qui ont appris à le connaître,
Je suis aussi l'interprète du Conseil en adressant à notre collègue, M. Delmas, nos félicitations les plus affectueuses à l'occasion de sa guérison : c'est une grande satisfaction pour nous de le voir participer aux travaux de cette session.
Enfin, à vous tous, mes chers collègues, je souhaite également la bienvenue dans ce nouveau local, que vous inaugurez. C'est en effet la première fois que cette salle sert à une commission. Je vous y reçois avec la plus grande cordialité et je vous prie du croire au dévouement de votre président qui s'efforcera toujours de faciliter votre tâche, comme vous voulez bien lui faciliter la sienne.

Après cette allocution, la parole est donnée au Secrétaire, M. Tremsal, pour la lecture de l'ordre du jour de la session, qui comprend les questions suivantes :
A — Rappel de questions
1° Œuvres postscolaires. Cours aux adolescents :
2° Enseignement commercial au lycée Carnot.
B — Questions nouvelles.
1° Surveillance des établissements d'enseignement privé;
2° Fixation du nombre maximum d'élèves par classe, dans les locaux construits à usage d'école ;
3° Examens de passage dans les établissements d'enseignement ;
4° Application des programmes de l'enseignement primaire dans les écoles primaires et élémentaires des établissements d'enseignement secondaire;
5° Vacances scolaires ;
6° Listes d'ouvrages scolaires ;
7° Fête annuelle des écoles ;
8° Passages des fonctionnaires de l'enseignement.

Le Président fait remarquer que l'ordre dans lequel ces questions sont énumérées ne préjuge nullement de l'ordre dans lequel elles doivent être étudiées, qui est laissé à l'appréciation du Conseil.

Deuxième séance

Le mardi, 16 mai 1905 à 2 heures et demie de l'après midi, le Conseil de l'Instruction publique a tenu la 2° séance de la session à la Direction de l’enseignement.
Etaient présents : MM. MachueL,  président,  Berge,  Bourgeon,  Delmas, Buisson, Duval, Baille:, Patou, Veyrier, Aures. Ouzier ., Mme  Guillot, Brulè, M. Tremsal, secrétaire.
Dès l'ouverture de la séance, la parole est donnée au secrétaire pour la lecture du compte rendu de la séance précédente, qui est adopté après quelques légères rectifications.

Septième question : Enseignement commercial au Lycée Carnot.
M. Patou lit une note sur l'enseignement commercial au lycée. (Annexe A.) dans laquelle il indique les modifications apportées à cet enseignement à la suite des vœux émis par le Conseil dans la session de 1904. Au cours de cette lecture, M. Patou exprime l'avis que l'enseignement de la morale et de la logique dans la classe de 1ere commerciale devrait être remplacé par des exercices de français. La discussion s'engage à ce sujet, M. Duval se prononce pour le maintien du cours de morale. Le président estime qu'un cours de logique ne saurait être à la portée des élevés, qu'il leur est d'ailleurs de peu d'utilité. Quant à la morale, elle ne devrait pas comporter un enseignement théorique : il serait bien préférable qu'elle fût enseignée durant tout le cours des études, à l'occasion d'un fait scolaire, ou d'un autre enseignement. Il est regrettable qu'il n'en soit pas ainsi, comme il est regrettable que l'enseignement civique n'ait pas sa place marquée dans les programmes secondaires.

Le conseil est appelé ensuite à se prononcer pour ou contre le maintien de la section commerciale au Lycée. M. Duval persiste à croire que ces cours ne donneront jamais des résultats bien brillants, tout au moins en ce qui concerne les élèves français. Ceux de nos compatriotes qui se dirigent de ce côté le font en vertu de la loi du moindre effort. Encore reviennent-ils quelquefois aux éludes secondaires. D'ailleurs les parents préfèrent pour leurs enfants le baccalauréat à tout autre diplôme. M. Berge désire que l'on maintienne le diplôme d'études commerciales, qui atteste chez son titulaire des aptitudes spéciales et des connaissances particulières.
 Le Président, après avoir fait un éloge mérité des deux volumes que M. Patou a consacrés à l'étude des opérations commerciales et financières, constate que les résultats signalés dans la note soumise au Conseil (recrutement meilleur, augmentation du nombre des élèves et notamment des élèves français) sont plutôt encourageants. Il dépend de l'administration du lycée que ces résultats soient plus satisfaisants encore ; qu'elle s'efforce d'attirer dans l'enseignement commercial des élèves français bien doués, de les orienter de bonne heure vers ces études. En tous cas, il y a lieu de continuer cette tentative intéressante.
Le Conseil se range à cet avis et le vœu suivant est émis :Que l'enseignement commercial soit maintenu au Lycée Carnot avec les nouveaux programmes qui ont été élaborés, sous réserve des modifications à apporter dans l'enseignement du français en 1ère commerciale.

 2ème point(suite): Surveillance des établissements  de l'enseignement privé.

Au nom de la Commission nommée à cet effet, M. Baille donne lecture d'un rapport sur la question (Annexe B.), Ce rapport contient un exposé comparatif de la législation française et de la législation tunisienne en ce qui concerne l'inspection des écoles privées et se termine par l'énoncé d'un vœu soumis au conseil par la Commission. Avant d'ouvrir la discussion, le Président fait passer sous les yeux des membres du Conseil un exemplaire du registre du personnel envoyé par les soins de la Direction de l'Enseignement à tous les chefs d'établissements scolaires privés.
M. Baille, après la lecture de son rapport, fait observer que les lois tunisiennes n'ont pas fixé de limite d'âge dans les écoles privées et qu'il serait peut être bon, pour éviter des abus, d'étendre sur ce point le règlement des écoles publiques aux écoles privées, Le Conseil est de cet avis et décide ,l'adjonction au vœu proposé d'un paragraphe visant la limite d'âge. Sur une observation du Président, le Conseil décide en outre de ne pas exiger des directeurs de pensionnat la tenue d'un registre spécial des pensionnaires et l'envoi d'un rapport annuel. Le registre des pensionnaires ferait double emploi avec le registre matricule et le rapport annuel peut être supprimé, par l'adjonction aux renseignements demandés annuellement à toutes les écoles privées de la rubrique : Renseignements sur le fonctionnement de l'internat,
Mais la discussion a surtout porté sur le droit d'inspection. La Commission proposait que les Inspecteurs eussent le droit d'assister aux leçons et d'interroger les élèves. Le Président fait sur ce point les plus expresses réserves, ce droit n'étant pas reconnu par la loi française, et son application pouvant soulever de graves difficultés. M. Berge et M. Bourgeon sont d'avis qu'il n'y a pas lieu pour le moment d'introduire cette innovation. Sans doute, comme le font remarquer M. Baille et M. Aurès, ce serait pour l'administration un moyen d'être plus exactement renseignée. Mais ce pourrait être aussi pour elle une source d'ennuis et de conflits, Il vaut mieux, ajoute M. Berge, se contenter d'organiser sérieusement l'inspection dans les limites tracées par la législation sur la matière.
M. Ouziel ayant déclaré, à ce propos, que les règlements des écoles de l'Alliance israélite prévoient le droit d'inspection et d'interrogation par les autorités locales, le Président fait remarquer que ces écoles en Tunisie, si elles ne sont pas publiques, sont du moins subventionnées pur le Gouvernement tunisien, ce qui permet de les considérer un peu comme écoles dépendant de la Direction de l’enseignement. Elles rendent d'ailleurs de précieux services et les représentants de l'administration y ont toujours été accueillis avec empressement.
Le Président donne ensuite au Conseil les raisons pour lesquelles jusqu'à présent l'inspection effective des établissements privés n'a pour ainsi dire pas eu lieu. On s'est borné à une enquête annuelle sur leur personnel et leur population scolaire.
Après ces explications et sous ces réserves les conclusions de la Commission sont adoptées et le Conseil émet le vœu.
1° Que les dispositions déjà inscrites dans les règlements en Tunisie (tenue du registre du personnel, production par les chefs d'établissement des notices individuelles et des diplômes des maîtres, droit d'inspection, examen des livres et des cahiers des élèves, rapports et statistiques annuels), soient maintenues et complétées par les suivantes :
a) tenue d'un registre matricule par école et d'un registre d'appel par classe.
b) pour les internats de garçons et de filles, droit de surveillance et d'inspection des locaux et du régime intérieur (l'inspection des internats, de jeunes filles étant confiée à des dames) dans des conditions analogues à celles prévues par les règlements de France.
2°  Que le droit d'inspection s'exerce effectivement.
3° Que le règlement en usage dans les écoles publiques, en ce qui concerne l'âge d'admission des élevés, soit étendu aux écoles privées.


Fin de la discussion des 7ème  et 2ème  point de l'ordre du jour, A suivre.

Pour revenir aux points précédents , cliquer ci-dessous:

Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances (discussion du 1° point de l'ordre du jour).

Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances( 2ème, 3ème et 4ème point à l'ordre du jour)

Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances: discussion du 5ème et du 6ème point



Présentation Mongi Akrout, Inspecteur Général de l'enseignement retraité.
Tunis , janvier 2020.




Articles sur le même thème

Brève histoire du Conseil supérieur de l'éducation (première partie)

Brève histoire du Conseil supérieur de l'éducation (deuxième partie)

https://bouhouchakrout.blogspot.com/2020/01/breve-histoire-du-conseil-superieur-de_13.html

Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances (discussion du 1° point de l'ordre du jour).

Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances( 2ème, 3ème et 4ème point à l'ordre du jour)


Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances: discussion du 5ème et du 6ème point



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire