lundi 17 février 2020

Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de 1905): Procès-verbaux des séances : discussion de la 1ème question: les œuvres postscolaires



Hédi Bouhouch
Dans le cadre de l'histoire du conseil supérieur de l'éducation, le blog pédagogique présente à ses lecteurs un document vieux de plus d'un siècle , il s'agit du procès verbal de la session  du conseil de l'instruction publique tenue au mois de mai 1905 au siège de la direction de l'instruction publique (équivalent du ministère de l'éducation) .
Les travaux de la session étaient présidés par le directeur de l'instruction publique Louis Machuel avec la participation de tous ses membres dont la majorité appartenait à l'enseignement à l'exception de deux représentants de la justice, notant en passant qu'aucun membre tunisien ne figurait à cette époque au CIP.

Le conseil était appelé à étudier dix questions inscrites à l'ordre du jour , ce qui avait nécessité deux journées entières pour achever  l'ordre du jour .
La lecture du PV montre qu'il y avait un véritable débat contradictoire et qu'à la fin les décision sont prises à la majorité.
Enfin , ce qui est remarquable ,c'est que le PV est rendu public , puisqu'il est publié dans le bulletin officiel de l'enseignement public qui mis à la disposition de toutes les établissements scolaires .


Première séance.
Le vendredi 12 mai 1905, à 9 heures du matin, le Conseil de l'Instruction publique s'est réuni à la Direction de l'Enseignement, dans le bureau du Directeur.
Etaient présents :
MM. Machuel, Directeur de l'Enseignement public, président ;
Berge, Président du Tribunal de Tunis ;
Bourgeon, Procureur de la République à Tunis ;
Delmas, Professeur à la Chaire publique d'arabe, Directeur du Collège Sadiki;
MM. Buisson Inspecteur d'académie, Directeur du Collège Alaoui. Duval, Proviseur du Lycée Carnot ; Baille, Inspecteur de l'Enseignement primaire àTunis; Patou, Professeur au Lycée Carnot,  Veyrier, Directeur de l'école annexe du Collège Alaoui ,  Aurès, Instituteur à l'école annexe du Collège Alaoui ; Ouziel, Directeur des Ecoles de l'Alliance Israélite en   Tunisie ; Mlle Guillot, Directrice de l'Ecole Jules Ferry; Mme Brulé, Institutrice à l'Ecole Jules Ferry ;
M. Tremsal,  chef du cabinet du directeur de l'enseignement, secrétaire.

Le Président, en ouvrant la séance, prononce l'allocution suivante:
Mesdames, Messieurs,
Je déclare ouverte la deuxième session du Conseil de l'Instruction publique.
Avant de passer à l'examen des questions inscrites  à votre ordre du jour, permettez moi d'adresser nos souhaits de bienvenue à notre distingué collègue, M. Berge, Président du Tribunal de Tunis. Comme son prédécesseur, M. Fabry, qui s'intéressait si vivement aux questions d'enseignement et d'éducation, M. Berge voudra bien nous prêter   le concours de son expérience, de son esprit éclairé et de son impartialité, qui lui ont si justement attiré les sympathies et le respect de tous ceux qui ont appris à le connaître,
Je suis aussi l'interprète du Conseil en adressant à notre collègue, M. Delmas, nos félicitations les plus affectueuses à l'occasion de sa guérison : c'est une grande satisfaction pour nous de le voir participer aux travaux de cette session.
Enfin, à vous tous, mes chers collègues, je souhaite également la bienvenue dans ce nouveau local, que vous inaugurez. C'est en effet la première fois que cette salle sert à une commission. Je vous y reçois avec la plus grande cordialité et je vous prie du croire au dévouement de votre président qui s'efforcera toujours de faciliter votre tâche, comme vous voulez bien lui faciliter la sienne.

Après cette allocution, la parole est donnée au Secrétaire, M. Tremsal, pour la lecture de l'ordre du jour de la session, qui comprend les questions suivantes :
A — Rappel de questions
1° Œuvres postscolaires. Cours aux adolescents :
2° Enseignement commercial au lycée Carnot.
B — Questions nouvelles.
1° Surveillance des établissements d'enseignement privé;
2° Fixation du nombre maximum d'élèves par classe, dans les locaux construits à usage d'école ;
3° Examens de passage dans les établissements d'enseignement ;
4° Application des programmes de l'enseignement primaire dans les écoles primaires et élémentaires des établissements d'enseignement secondaire;
5° Vacances scolaires ;
6° Listes d'ouvrages scolaires ;
7° Fête annuelle des écoles ;
8° Passages des fonctionnaires de l'enseignement.

Le Président fait remarquer que l'ordre dans lequel ces questions sont énumérées ne préjuge nullement de l'ordre dans lequel elles doivent être étudiées, qui est laissé à l'appréciation du Conseil.

1ère question: Œuvres  postscolaires.
M. Buisson, rapporteur, donne lecture du rapport rédigé au nom de la Commission (annexe G). Le Président adresse ses remerciements et ses félicitations à M. Buisson pour le travail présenté par lui au Conseil. En ce qui concerne la rétribution à attribuer aux maîtres, il est bien entendu que l'administration ne peut rétribuer que la participation effective aux cours et le service matériel que ces cours peuvent entraîner. Les heures des cours varieront suivant les localités, l'enseignement donné ou la composition de l'auditoire. Enfin il ne saurait être question d'instituer des diplômes ou des examens à l'occasion de l'enseignement des adultes, mais il ne serait pas mauvais que l'on instituât au moins un certificat d'assiduité.
La question de la neutralité des cours d'adultes revient sur le tapis à l'occasion de la phrase suivante du rapport:
 «Comme il s'agit de cours d'adultes, les professeurs devront avoir toute indépendance pour exprimer leurs opinions et leurs convictions scientifiques ou autres. » M. Bourgeon fait observer que cette question avait paru réglée à la précédente séance, la grande majorité du Conseil s'étant prononcée pour la neutralité absolue de l'enseignement aussi bien au cours d'adultes qu'à l'école primaire. Sans doute il est désirable que la liberté de l'enseignement s'accroisse, à mesure que l'auditoire est plus à même de se faire une opinion personnelle ; mais il faut craindre que certains professeurs n'abusent, comme cela a lieu parfois dans l'enseignement supérieur, de la latitude qui leur est laissée pour battre en brèche les institutions que le pays s'est librement données et les principes sur lesquels reposent ces institutions. Il parait préférable que les professeurs exposent impartialement des opinions parfois contradictoires et qu'en tous cas on ne les invite pas en quelque sorte à faire de la politique ou de la propagande religieuse ou antireligieuse devant des auditeurs insuffisamment préparés. Le Président rappelle l'avis émis par lui à la séance précédente et croit qu'il serait prudent de modifier dans le rapport la phrase qui fait l'objet de la discussion.
A une question de M. Baille, M. Machuel répond que l'ouverture d'un cours d'adultes est, comme toute réunion publique, subordonnée à une autorisation et que le droit d'autorisation appartient, en l'espèce, à la Direction de l'Enseignement, qui saura, le cas échéant, user de ce droit. M. Berge voudrait que la plus prudente réserve fut recommandée aux professeurs, pour tout ce qui touche à la politique ou à la religion. Il craint que, si l'administration proclame la liberté absolue, on n'en profite pour faire de la politique anti-française ou anti-républicaine et que nous nous trouvions désarmés en présence de ce danger. Le rapporteur reconnaît lui-même que la liberté d'exprimer sa pensée est une arme à deux tranchants.
Dans ces conditions le Président demande à la Commission de supprimer de son rapport la phrase incriminée. Cette suppression est décidée d'un commun accord.
Liste d’ouvrages  scolaires.
M. Veyrier, rapporteur de la Commission désignée pour cette question donne lecture de son rapport (annexe D). Le Président tient à ajouter quelques explications. Il eût été personnellement d'avis que l'on laissât toute latitude aux instituteurs au sujet du choix des livres, mais la Commission a estimé qu'il était préférable d'adopter une seule méthode de lecture, une seule grammaire, une seule arithmétique, en accordant en dehors de ces trois ouvrages la plus absolue liberté aux maîtres. En ce qui concerne les ouvrages de lecture courante, la Commission a cependant cru devoir établir une liste, d'ailleurs assez étendue, pour écarter les ouvrages qui n'étaient pas absolument neutres.
L'œuvre de la Commission sera critiquable et critiquée par les éditeurs, mais elle a été guidée par le désir d'épargner aux parents les frais d'achat de nouveaux ouvrages et aux enfants l'embarras résultant de méthodes nouvelles. M. Buisson approuve le choix d'un ouvrage unique et voudrait que celle limitation fût étendue à d'autres matières, comme l'histoire et la géographie. Mais M. Aurés fait observer que les inconvénients sont moindres en ce qui concerne cette matière : les cartes sont à peu de chose près identiques, et les textes ne diffèrent que peu. M. Duval fait valoir les avantages qu'il y aurait à n'avoir qu'un seul ouvrage de morceaux choisis. Le Président observe, que de nombreuses maisons ayant publié d'excellents ouvrages en ce genre, il est préférable de laisser le libre choix aux maîtres. D'ailleurs la grammaire désignée contient un grand nombre de morceaux choisis qui pourront être utilisés, Le Président fait ensuite connaître au Conseil la liste des ouvrages de lecture.

Le Conseil approuve dans leur ensemble les décisions de la Commission.
La séance est suspendue à 4 h. 1/4.

Fin de la discussion des 1ère  point de l'ordre du jour, A suivre.
Pour revenir aux points précédents , cliquer ci-dessous:

Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de1905): Procès-verbaux des séances(discussion du 1° point de l'ordre du jour).

Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de1905): Procès-verbaux des séances( 2ème, 3ème et 4ème point à l'ordre du jour)

Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de1905): Procès-verbaux des séances: discussion du 5ème et du 6ème point

Conseil de l'Instruction publique (Session ordinaire de1905): Procès-verbaux des séances : discussion de la 7ème et 8ème question




Présentation Mongi Akrout, Inspecteur Général de l'enseignement retraité.
Tunis , janvier 2020.


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