3-
Cadre juridique actuel de
l’articulation entre les cycles
éducatifs et la formation :
La
loi de 1991(article 6) a défini l’école de base comme " un cycle complet
qui... a pour objectif de former
(les jeunes) de façon à. leur garantir un niveau de connaissance qui leur permette soit de poursuivre leur scolarité dans
le cycle suivant, soit d'intégrer la
formation professionnelle ou de
s'insérer dans la société ".
L'article
10 de la même loi stipule que "
l'enseignement de base est sanctionné par un examen national. Les admis à cet
examen obtiennent le diplôme de fin d'études de l'enseignement de base."
L'article
11 établit que "l'enseignement
secondaire est ouvert à tous les titulaires du diplôme de fin d'études de
l'enseignement de base."
Rappelons
par ailleurs que le décret 95-293 du 20 février 1995 fixant les conditions
d'inscription, le régime des études et la sanction de la formation dans les établissements de
formation professionnelle, pris en application de l'article 32 de la loi 93-10
du 17 février 1993 portant loi d'orientation de la formation professionnelle, stipule, en
son article 4, que " peuvent
s'inscrire à l'une des filières sanctionnées par le Certificat d'Aptitude Professionnelle les
candidats ayant terminé l'enseignement de base."
Que
faut-il comprendre de ces dispositions réglementaires ?
L'école de base est
normalement sanctionnée par un examen et
un diplôme et non par un concours
d'entrée à l'enseignement secondaire. Dès lors, la réussite au diplôme de
l'école de base ne peut être conditionnée que par l’évaluation du travail des
élèves et de leurs maîtres par référence aux seuls objectifs de l’école de base
à l’exclusion de toute autre considération.
L’organisation de ce
cycle, par ailleurs obligatoire,
devrait viser à amener le maximum de jeunes d’une tranche d’âge au niveau
éducatif final assigné à l'école de base et d'en obtenir le diplôme.
Toute autre contrainte qui s’exercerait sur le
nombre de diplômés de l’école de base ou sur les modalités de son évaluation ,
et notamment les contraintes d’ordre quantitatif qu’exercerait l’un ou l’autre
des cycles situés en aval , serait de nature à biaiser l’autonomie de ce cycle
et partant à le faire dévier de ses objectifs.
Le cycle post-école de base
dont il est question à l’article 6 susmentionné correspond à ce qui est
communément appelé , au niveau international, "enseignement du second degré"
et qui couvre l'ensemble des cycles post école de base tels que la formation de techniciens et autres
formations professionnelles ainsi que le cycle secondaire général.
C’est bien dans ce sens
que la Banque Mondiale a lu les textes et elle désigne, dans son rapport
12670-TUN, par le terme "enseignement secondaire" à la fois le cycle
général, au sens de la loi 91-65, que la formation professionnelle au sens de
la loi d'orientation 93 - 10.
Cette
lecture découple la sanction de l'école de base d’un côté et l'accès à
l'enseignement secondaire général de l’autre et permet d'envisager une
articulation entre le premier degré (école de base) et les divers cycles du
second degré autrement que par l'échec scolaire.
Si
, au contraire, on interprète les textes actuels dans le sens d’une liaison
rigide entre l’école de base et le cycle secondaire ( la
sortie de l’école de base correspond exclusivement à l’entrée du secondaire
) on
crée obligatoirement une articulation par l'échec entre l'école de base et
la formation professionnelle d'un coté et entre l'enseignement secondaire et la
formation professionnelle de l'autre.
Cela reviendra aussi à transposer au niveau du nouveau système de
formation, les articulations qui existaient, avant les réformes, entre l'enseignement
secondaire (général, professionnel et technique) d'un côté et les formations
qui existaient au niveau de l'OFPE de l'autre.
En fait, et du point de vue légal, la question a été tranchée dès 1991. La réponse donnée par le Ministère de l'Education au cours des débats parlementaires consacrés à l'examen du projet de loi 91-65 ([1]) affirme que les diplômés de l'école de base peuvent accéder à la fois au cycle secondaire (au sens de la loi en discussion ) ou à la formation professionnelle ou rejoindre la vie active directement ou à travers un cycle d'apprentissage ou d'emploi-formation.
Le "cycle suivant" ,
mentionné à l'article 6 de la loi de 1991 couvre par conséquent tous les cycles du
second degré et non pas seulement le secondaire général. La loi 93-10 a
confirmé cette orientation par son article 1 qui précise que la formation professionnelle est l'une des
composantes du dispositif national d'éducation.
Qu’en est-il aujourd’hui de l’articulation entre le
système éducatif et la formation professionnelle à la veille de la sortie de la
première promotion de l’école de base ?
4- Problématique de
l’articulation entre les cycles éducatifs et la formation, ou la tentation de la contre-réforme :
4.1. Historique de l’articulation :
Avant la réforme de 1958, les différents cycles d’éducation et de formation étaient finalisés et
indépendants ; chaque cycle s’achevait et était sanctionné par un
diplôme tels que le certificat de fin d’études primaires, le brevet
élémentaire, le brevet technique et le baccalauréat. La sanction de chaque cycle était indépendante de l’entrée à un autre
cycle.
La loi de 1958 a
supprimé de fait le principe de l’indépendance des cycles. Le cycle primaire
était devenu un cycle préparatoire au 1er cycle secondaire, lequel préparait au
second cycle secondaire qui préparait à son tour à l’enseignement supérieur.
Cette
articulation rigide et exclusive a entraîné le système éducatif dans une
logique d'échec scolaire endémique.
Des élèves, dont l'effectif croissait d'année en année, transitaient
artificiellement à travers le dispositif public, allongé à l'occasion par un
dispositif privé de rétention, et finissaient par être exclus à un âge avancé et sans aucune
garantie sur le niveau éducationnel réellement acquis.
Le dispositif de
formation relevant du Ministère des
Affaires Sociales ( Office de la
Formation Professionnelle et de l’Emploi), intervenait essentiellement
comme structure d'appoint en remplissant
davantage une fonction sociale
(récupération des abandons scolaires ) qu'une fonction économique.
Comme
mentionné au début de cette note, les prémices du déclin du système mis en
place en 1958 ont été détectées depuis
les années 70.
Les retards dans la mise en œuvre
des réformes nécessaires et qui faisaient l’objet d’un large consensus sont
visibles dans la non-application des
orientations des 6ème et 7ème plans.
Le 6ème plan a prévu une série de mesures pour
renforcer la formation des cadres moyens dont
1.
l'instauration
de l'école de base et l'orientation des diplômés vers les collèges secondaires
et vers la formation professionnelle ,
2.
la finalisation
du baccalauréat et l'institution d'un concours d'accès à l'université ,
3. la
création de 4 instituts supérieurs de technologie.
Le 7ème plan a
prévu :
1.
de développer le
cycle “des 7ème et 8ème année ” en y affectant 25% des effectifs arrivant
en 6ème année primaire et en le faisant évoluer vers un cycle de préapprentissage sanctionné par un
certificat ,
2.
d’orienter vers
la Formation Professionnelle 10 % des élèves qui passent au second cycle de
l'enseignement secondaire.
Aucune
de ces mesures n'a été mise en œuvre à temps et complètement.
Les
réformes du système éducatif (1991) et de la formation professionnelle (1993)
sont venues pour corriger les insuffisances apparues dans
le système mis en place en 1958.
La réforme du système éducatif a, entre autres, ré-instauré
les finalisations des cycles notamment pour l’école de base. Pourtant,
l’administration du Ministère de l'Education semble conserver la logique
d’avant les réformes.
Les
déclarations du Ministre de l’Education Nationale lors des discussions
budgétaires de décembre 1997 liant l’échec au diplôme de l’école de base à
l’accès à la formation professionnelle,
la quasi-disparition du vocable école de base et son remplacement
par enseignement
de base ainsi que les modifications apportées en 1995 à
l’organigramme du Ministère de l’Education pourraient être
symptomatiques d’un décalage entre les réformes et leurs implications.
En
effet, l'adoption de la loi 91-65 a été immédiatement suivie par la définition
d’un organigramme du Ministère de l’Education qui sépare la gestion de l’école
de base (Direction de l’enseignement
primaire et Direction de l'enseignement préparatoire) de celle du cycle
secondaire (Direction générale de l'enseignement secondaire).
Cet
organigramme a été réaménagé en juin 1995 et a vu disparaître la direction de
l'enseignement préparatoire et se créer une nouvelle Direction Générale des Lycées et Ecoles Préparatoires en parallèle
avec une Direction Générale des Ecoles
Primaires.
Le nouvel organigramme a par conséquent confié à la même structure la gestion de
l'enseignement secondaire et les trois
dernières années de l'école de
base et restauré ainsi l'organisation
qui était en vigueur avant la réforme du système éducatif et la création de
l'école de base. Cette organisation risque, et les déclarations à la
chambre des députés le prouvent , de
limiter le pilotage de l’école de base aux seules contraintes de l’enseignement
secondaire d’une part et d’évacuer le problème de l’urgence de l’amélioration
du rendement interne du système éducatif d’autre part en faisant endosser par
ailleurs la responsabilité qui en découle à d’autres opérateurs ayant par
ailleurs des missions très précises , notamment le dispositif de formation
professionnelle.
Dans
le cas du maintien du système éducatif dans
le paradigme d’avant les réformes des cycles successifs et exclusifs
“ primaire-secondaire-supérieur ”
le problème de l’abandon scolaire reste entier.
L’étude
stratégique N°20, pilotée par le Ministère de l’Education et le
Ministère de l’Enseignement Supérieur et consacrée au financement de
l’éducation dans l’hypothèse du maintien de ce paradigme, montre qu’au cours du 9ème plan
la moyenne annuelle des abandons de l’école de base sera voisine de 100 milles,
celle du secondaire voisine de 50 milles
et celle du supérieur de l’ordre de 14 milles, soit 164 milles abandons sans
aucune qualification pour une génération moyenne de 180 milles jeunes environ.
La
rémanence de la logique d’avant les réformes , préjudiciable à la réforme de l’éducation , est
préoccupante ; elle le devient
encore plus quand , de ce fait, elle risque d’hypothéquer celle de la formation et surtout celle de l’économie.
L'étude de la Banque Mondiale 12670-TUN précitée a
par ailleurs étudié ce point particulier et a recommandé([2])
son examen dans un cadre général
notamment pour coordonner avec la nouvelle stratégie de la formation
professionnelle d'une part et de tenir compte des conséquences économiques et
sociales des choix effectués.
4.2. Ré-instaurer les cycles
d’enseignement professionnel
que la réforme de 1991 a fait disparaître ?
La proposition du Ministère de
l’Education de ré-instaurer les cycles que la réforme
de 1991 a fait disparaître, celui de l’enseignement dit « professionnel » au niveau du second
cycle de l’école de base et l’enseignement dit « technique » au niveau du secondaire ,outre le fait qu’elle
fait table rase de la partie de la
réforme qui a pu être réellement mise
en œuvre, oublie la situation
lamentable dans laquelle se trouvaient ces deux composantes du système
éducatif, à savoir une garderie
extrêmement coûteuse produisant essentiellement des chômeurs. En 1998, il y a encore près de 2000
demandeurs d’emplois parmi les anciens diplômés de l’enseignement professionnel
et technique qui n’arrivent pas, au moins 5 ans après l’obtention de leur
diplôme, à s’insérer réellement et à se
stabiliser dans le travail.
Les
études d’évaluation faites au début des années 80 avaient déjà montré que l’essentiel des diplômés de l’enseignement
professionnel et technique qui arrivaient à s’insérer ne pouvaient le faire que dans des secteurs
qui n’ont aucune relation avec leurs
spécialités de formation. Pour d’autres, l’Etat était obligé de supporter
encore une charge financière à travers la prise en charge de leur formation à
l’OFPE. D’ailleurs , les diplômés de l’enseignement professionnel et technique
constituaient la majorité écrasante des inscrits aux centres de formation de
l’OFPE.
Par
ailleurs l’intégration de l’enseignement professionnel et technique dans le
système éducatif n’a nullement réduit les abandons scolaires ni permis la
valorisation de ces cycles. Au
contraire, la situation de ce type d’enseignement s’était tellement dégradée
que sa suppression a été préférée à sa réforme.
Même la
création de passerelles entre l’enseignement professionnel et l’enseignement
technique à travers les 4ème spéciale et celle entre l’enseignement technique et
l’enseignement supérieur à travers la 7ème année spéciale n’a pu arrêter leur
déchéance.
Quelle
était la capacité de formation de ces cycles ? L’enseignement technique n’a
jamais réussi à dépasser un flux de 4000 diplômés par an.
L’enseignement professionnel, dont
la situation était la plus critique en
termes de qualité de formation, d’infrastructure et d’encadrement, sortait
certes entre 15 et 20 mille diplômés par an mais qui étaient des diplômés
n’ayant pratiquement aucune qualification et dont les moins mauvais alimentaient en fait
l’enseignement technique à travers la 4ème année spéciale. Le même diplômé
était ainsi comptabilisé deux fois, une fois au niveau de l’enseignement
professionnel et une autre fois au niveau de l’enseignement technique.
En
fait , les chiffres relatifs aux capacités de formation et aux effectifs
en formation ne sont pas significatifs à cause de l’ampleur du redoublement, le
même élève étant comptabilisé plusieurs fois. Par ailleurs
cette capacité a complètement disparu, les locaux affectés à d’autres
fonctions, les équipements devenus obsolètes et dispersés et les enseignants chargés de nouvelles tâches.
Evoquer une quelconque
capacité de formation dans l’éducation relève aujourd’hui du mythe.
La proposition
de
ré-instaurer les cycles que la réforme
de 1991 a fait disparaître
procède
d’une non-question · du fait que la formation professionnelle est en
voie de résoudre le problème de la satisfaction des besoins de l’économie en
qualifications en étroit partenariat avec
le secteur
de production · et du fait que les anciens cycles professionnel et
technique qui relevaient de l’Education Nationale ne permettaient pas la satisfaction de ces besoins |
Fin de la troisième
partie , à suivre
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