Présentation
La question du retour
du concours d’entrée en 7ème année de l’enseignement de base étant
réglée depuis la fin de l’été dernier , nous pensons que les commissions techniques sont actuellement
penchées sur les modalités d’application ( le contenu de l’examen, la durée des
épreuves et les coefficients, la place du contrôle continu …) Nous avons pensé
qu’il serait utile de présenter à ces commissions les réflexions et les
rapports déjà produits sur la question , afin d’en tirer profit et d’éviter de
reproduire les mêmes erreurs .
C’est pour cela qu’on
va consacrer les billets des semaines prochaines à cette question, et nous
commençons cette semaine par une étude, fort intéressante, réalisée par notre
collègue Nasreddine Dridi, Inspecteur général de l’éducation, en janvier 2000.
Il faut préciser que
M° Nasreddine Dridi était en charge
de l’organisation de cet examen
durant de longues années à la direction générale des examens, c’est dire qu’il
connait son sujet comme personne.
Nous souhaitons bonne
lecture à nos fidèles lecteurs et nous remercions vivement notre collègue
d’avoir accepté de publier son étude dans le blog pédagogique
Rapport sur les résultats des élèves de
sixième année de l'enseignement primaire durant la période 1996-2000
La question des écarts enregistrés entre les résultats
des élèves de sixième année de l'enseignement primaire dans les examens du 1°
et du 2° trimestre, et ceux de l’examen régional[1], est venue se greffer à la
question des écarts entre les matières dans les différentes régions du pays.
Or, si la question des écarts
entre les matières est devenue
une chose familière, elle a été souvent traitée par les journaux et les études des
pédagogues, celle de l'écart entre les résultats des examens du premier et du deuxième trimestre d’un côté, et ceux
obtenus à l’examen régional, d’un autre côté,
a commencé à s’imposer à toutes les parties, en particulier les
parents et les éducateurs, depuis la décision d’intégrer les moyennes des deux premiers trimestres pour décider du passage
des élèves à la septième année de l’école de base.
Depuis la réforme qui
a institué le régime de l'enseignement de base et la suppression du
mode d'évaluation basé sur le concours d'entrée à la première année de
l'enseignement secondaire, qui était un concours national que doivent
passer tous les élèves de la classe de la sixième année de l'école primaire, dont
le résultat dépendait exclusivement des notes obtenues aux épreuves du concours ;
ce résultat détermine l’accès ou non des élèves à l'enseignement secondaire.
Depuis trois ans, le
ministère de l'Éducation et de la Formation a soulevé le problème de la
disparité entre les moyennes obtenues par les élèves, au cours de l'année scolaire, et celles obtenues dans
l’examen régional ; le phénomène est présent dans tous les gouvernorats ,
le ministère a approfondi la recherche en comparant les résultats classe par classe et
école par école, dans chaque délégation [2] ; l’étude a permis de
constater que les écarts varient d’une classe à une autre dans la même école ;
le ministère a pris alors l’initiative de communiquer les listes détaillées aux responsables régionaux pour les amener à
étudier les causes du phénomène et à mettre en place une stratégie
d’intervention ( locale et nationale) pour enrayer le phénomène .
Seulement, la situation n’a pas changé et le problème
persiste encore aujourd’hui : les résultats de l'année scolaire 1998-99, a
montré :
La persistance de l’écart entre les résultats de l’évaluation
interne ( 1° et 2° trimestre), et celles
de l’évaluation externe ( examen régional de fin d’année) ;
l’existence de
grandes disparités des notes selon les matières de l’examen régional ;
c’est ainsi que les meilleures notes sont l’apanage de l'éducation islamique où
43.04 % des élèves ont obtenu des notes entre 15 et 18 sur 20, alors qu’en mathématiques,
plus d’un tiers des candidats (36.31%) avaient obtenu des notes qui variaient
entre 01 et moins de 5 sur 20.
Nous avons voulu étudier
ces deux phénomènes ; et pour assurer à notre étude une certaine validité,
on a choisi de ne pas nous limiter à l'année scolaire 98-99, mais de revenir
aux données des quatre années scolaires précédentes.
Etude comparative des résultats globaux
Les résultats des
quatre dernières années confirment le même phénomène, comme l’illustre le
tableau suivant :
Tableau 1 : comparaison des résultats
de l’évaluation interne et de l’évaluation externes des élèves
Taux des élèves ayant obtenu une moyenne égale ou
supérieure à 10 sur 20
|
Année scolaire
|
||
Ecart
(En points)
|
A l’examen régional
(%)
|
Au cours du 1° et 2° trimestre (%)
|
|
39 ,8
|
41,98
|
86,02
|
1995 - 1996
|
39,8
|
42,25
|
82,05
|
1996 - 1997
|
49,82
|
37,55
|
87,37
|
1997 - 1998
|
47,30
|
41,20
|
88,50
|
1998 - 1999
|
A partir du tableau précédent, on peut tirer
deux constations principales :
La première concerne l’importance de l’écart puisque
on passe du simple au double.
La deuxième concerne l’augmentation de l’écart (+ de 8
points entre1996 et 1999.
En cherchant à expliquer ce phénomène, qui
prend de l’ampleur et risque de mettre en question la légitimité de l’examen
régional, nous pouvons émettre plusieurs hypothèses, comme par exemple :
§ Que l’examen régional
ne comprend pas toutes les matières étudiées au cours de l’année par l’élève de
sixième, comme les épreuves orales qui entrent en compte dans le calcul des
moyennes trimestrielles.
§ Ou que l’examen régional
se déroule dans des conditions inhabituelles pour l’élève, ce qui ne manque pas
d’influer sur le rendement des élèves.
§ Ou encore que
l’évaluation à la fin de chaque trimestre porte sur un nombre limité de
questions ou de leçons alors que l’examen régional porte sur l’ensemble du
programme annuel.
§ Ou enfin, que
l’évaluation interne est assurée par l’instituteur de la classe lui même (
choix des questions, notation et correction…), or cette évaluation manque parfois
de rigueur et d’objectivité, pour plusieurs raisons( l'absence d’une formation suffisante de l’instituteur dans le domaine de
l’évaluation ;les pressions des parents qui n’attendent que les bonnes
notes après avoir consenti des efforts financiers pour assurer les frais des
cours particuliers , le besoin des instituteurs du complément de revenu généré
par les cours particuliers, et les
pressions que subissent généralement
les instituteurs qui résistent et refusent d’être complaisant, et qui optent
pour une évaluation juste et équitable , ces pressions font que ce type
d’enseignants est en net recul .
Concours d'admission à la première année
de l'enseignement secondaire et l’examen régional
Si les considérations
mentionnées ci-dessus pourraient justifier les écarts entre l’évaluation interne et l’évaluation externe , comment peut on expliquer les écarts entre
les résultats des élèves, du temps du concours d’entrée en première année de
l’enseignement secondaire aux résultats des élèves à l’examen régional qui a
pris la place du premier depuis l’année scolaire 95-96 ,
écarts illustrés par le tableau
suivant:
Tableau 2 : comparaison entre les
taux de réussite au concours et le taux des élèves ayant obtenu la moyenne à
l’examen régional
Année scolaire
|
Taux de réussite au concours d’entrée
en première année de l’enseignement secondaire
|
Taux des élèves ayant 10 et plus à l’examen régional
|
1991 - 1990
|
44,11
|
|
1992 - 1991
|
57,80
|
|
1993 - 1992
|
55,93
|
|
1994 - 1993
|
60,07
|
|
1996 - 1995
|
41,98
|
|
1997 - 1996
|
42,25
|
|
1998 - 1997
|
37,55
|
|
1999 - 1998
|
41,20
|
Les taux de réussite à
l’examen régional sont plus bas, et cette baisse nous interpelle à plusieurs niveaux :
§
Pourquoi les résultats ont- ils baissé ? pourtant l’examen régional comporte de nouvelles matières, comme
l'histoire, l'éducation islamique, l'instruction civique et la géographie ; or ces matières contribuent à l'augmentation des taux de réussite à l’examen régional d'environ
10%, c'est-à-dire, si on ne comptabilise pas les notes obtenues dans ces matières,
le taux des élèves qui auraient eu la moyenne va dégringoler et s’éloigner encore plus des anciens taux enregistrés au
concours.
Est ce que
cette baisse des résultats est due aux degrés de difficulté des questions et des
sujets de l’examen, ou est-elle due à la baisse du niveau des élèves ?
Et quelles sont les raisons de cette baisse, si elle s’avère effective, ou
est-ce le résultat d’un certain relâchement chez les élèves qui ont déjà assuré
leur passage grâce aux fortes moyennes qu’ils ont déjà obtenues au cours des
deux premiers trimestres ?
Les
sujets de l’examen régional
La question centrale
de ce rapport nous impose d’aborder le registre de l'évaluation des sujets
proposés aux élèves à l’examen régional ; et à ce propos, il est utile de
rappeler les faits suivants :
a.
L’élaboration des
sujets de l’examen régional se fait sur la base d’un document officiel connu
par toutes les parties concernées (enseignants et inspecteurs) ; il s’agit
des consistances des épreuves qui précisent la nature et le nombre de
questions, le degré de difficultés, les capacités visées…
b.
Les commissions d’élaboration des sujets, constituées
d’inspecteurs des écoles primaires, travaillent à partir des propositions qui
leur sont soumises par les enseignants de la sixième année.
c.
Or les résultats des gouvernorats dont les élèves
passent les mêmes sujets[3] sont marqués par une
grande disparité qui nous laisse perplexes ; le tableau suivant nous
fournit une image de ces disparités au cours des quatre dernières années scolaires.
Tableau
3 : les écarts entre les régions
Le plus faible écart au sein d’un même groupe
|
Le plus grand écart au sein d’un même groupe
|
Année scolaire
|
5,05
|
25,36
|
1996 - 1995
|
10,07
|
30,18
|
1997 - 1996
|
10,05
|
29,72
|
1998 - 1997
|
7,87
|
23,80
|
1999 - 1998
|
Les résultats des élèves par matières et
par région
Quand on observe les
résultats des élèves à l’examen régional, la réussite diffère beaucoup selon
les matières ; ainsi on peut distinguer les matières où la réussite est forte,
et d’autres où la réussite est plutôt faible, comme les mathématiques et l’expression
écrite française, comme en témoignent les données suivantes pour la session de 1999.
Tableau 4 : les écarts entre les matières
% des élèves qui ont
des notes égales ou supérieures à 10
|
Les matières
|
99,51
|
Education islamique
|
94,94
|
Géographie
|
90,88
|
Éducation civique
|
85,17
|
Eveil scientifique
|
77,79
|
Histoire
|
69,13
|
L'étude de texte
arabe
|
65,72
|
Expression écrite en
arabe
|
52,10
|
L'étude du texte en
français
|
38,34
|
Mathématiques
|
30,50
|
L'expression écrite
en français
|
Les résultats des
élèves en expression écrite française et en mathématiques ne sont plus une surprise
pour personne, car ce n’est plus une tendance nouvelle, déjà les résultats de
la session 1997 a donné presque des résultats aussi médiocre (seulement 21.83 %
des élèves ont eu la moyenne en mathématique, et ils n’étaient que 17.83 à
l’avoir obtenu en expression écrite française).Les élèves ne réussissent que
dans les épreuves qui font appel à la mémorisation et à la restitution.
Résultats par gouvernorat
L’étude des résultats
des élèves par gouvernorat fait apparaitre deux phénomènes : de grandes disparités
entre les gouvernorats d'une part, et une variation des résultats d’une année à
l’autre pour le même gouvernorat
Tableau 5 : les écarts entre les
régions
Session
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
Le meilleur score par gouvernorat
|
64,29
|
54,70
|
59,40
|
60,30
|
Le plus faible score par gouvernorat
|
26,21
|
24,52
|
26,16
|
29,60
|
Il faudrait
signaler que certains gouvernorats se sont illustrés par leurs bons résultats,
mais le maintien du niveau ou de son amélioration ont souvent fait défaut, et
il faudrait écarter l’hypothèse qui chercherait à expliquer cet état par la
nature des sujets ; les données
suivantes sont une bonne preuve , puisque avec les mêmes sujets, on note une
nette disparité entre les gouvernorats.
Tableau 6 : les écarts entre les
régions qui ont les mêmes épreuves
Les gouvernorats faisant partie du
même groupe au cours de plus d’une
session
|
Taux des élèves ayant obtenus la
moyenne à l’examen régional
|
||
Session 1
|
Session 2
|
||
1
|
Ariana
Gafsa
|
27,60
40,20
|
31,60
37,40
|
2
|
Ben arous
Kairouan
|
47,57
32,14
|
45,45
26,16
|
3
|
Ben arous
Kassrine
Monastir
|
39,01
24,52
54,70
|
46,80
39,60
55,60
|
4
|
Béja
Mednine
|
36,46
39,30
|
29,60
32,90
|
5
|
Béja
Nabeul
|
36,46
48,11
|
38,92
45,65
|
Recommandations
En guise de conclusion, nous proposons
quelques pistes pour dépasser tout ou en partie ces dysfonctionnements ;
a.
Entamer des études pour trouver sur les causes de
l'échec en mathématiques et en expression écrite française ;
b.
Intensifier les programmes de formation des
instituteurs dans le domaine de l’évaluation (construction des sujets et notation) ;
c.
Améliorer le cadre de travail dans les écoles
primaires ;
d.
Constituer des commissions régionales de lecture et d’évaluation des échantillons
de sujets proposés par les instituteurs
au cours du 1° et du 2° trimestre pour
les comparer avec les sujets proposés aux examens régionaux et rédiger des
rapports qui seront utilisés pour faire un rapport national .
Nasreddine Dridi ,Inspecteur
principal des écoles primaires
janvier 2000
Traduction Hédi Bouhouch &
Mongi Akrout
Octobre 2014
Est-il utile de ressusciter le concours de la sixième ?
[1] En 1992 est institué un
« examen final effectué au niveau de la région durant le mois de juin »
il devrait prendre la
place du concours d’entrée en 1ère
année de l’enseignement secondaire. Arrêté du
26 mai 1992 relatif au système d'évaluation et de passage dans
l’enseignement de base; jort ,
n°
35 du 2-5 juin 1992 , il n’entrera en vigueur qu’en 1996 et
disparaitra en 2000.
[2] La
délégation est une entité administrative locale, chaque gouvernorat est
constitué de plusieurs délégations
[3] Il faut
rappeler l’organisation régionale, depuis 1995-1996 , l’examen de sixième est
devenu un examen régional dans le sens où le pays est divisé en ( 4, 5 ou 6
groupes régionaux , chaque groupe comprend quatre ou cinq gouvernorats qui
changent d’une année à l’autre),mais les sujets sont choisis par une commission nationale,
l’organisation de la correction , la proclamation des résultats sont aussi
centralisés.
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