lundi 25 janvier 2016

L’histoire des réformes scolaires en Tunisie, depuis l’indépendance : 3ème chapitre : Évaluation de la réforme de 1958 et les tentatives d’adapter le système à l’évolution continue de la réalité : Les réformes de la période de 1967 à 1969( 2ème partie)



Après avoir évoqué les travaux de la commission nationale de l’enseignement secondaire et ses principales recommandations, nous consacrons la note de cette semaine  aux différentes mesures qui avaient   été  prises par le ministre Mahmoud  Messadi et puis  par son successeur le ministre Ahmed Ben Salah entre 1968 et 1969 .
 ( pour accéder à la première partie , CLIQUER ICI)


III.            L’impact des travaux de la commission et le devenir de ses recommandations
En lançant les travaux de la commission, le président de la république avait insisté sur l’urgence de sa mission : « vos travaux ne doivent pas trainer en longueur ; ils doivent aboutir à des résultats concrets … au plus tard fin avril… Ses conclusions seront communiquées, pour avis, au bureau politique, et au conseil de la république. Les réformes qui seront adoptées devront entre en vigueur dès la prochaine rentrée. » Ces directives présidentielles furent respectées à la lettre, et la rentrée scolaire 1967 - 68 a vu les premières réformes sous la houlette de Mahmoud Messadi ; elles vont prendre de l’ampleur et de la vitesse avec le nouveau responsable du département de l’éducation nationale, Ahmed ben Salah, président de la commission de l’enseignement.
1.    Les premières mesures sous la direction de Mahmoud Messadi
Au cours de la conférence de presse consacrée à la rentrée scolaire 1967/68, le secrétaire d’état à l’éducation nationale annonça une série de mesures qui traduisaient, sur le terrain, certaines recommandations de la commission ; ces mesures ont touché les deux degrés :
1.1-       Les réformes de l’enseignement primaire :
§      Le retour au régime de 30h en 6° (ce retour était prévu pour octobre 1968 d’après le plan quinquennal de développement éducatif, la recommandation de son élargissement à tous les niveaux n’a pas été retenue pour des raisons matérielles ; elle est reportée à la rentrée1969.  Cependant, les « inspecteurs ont été invité à étendre immédiatement à autant de classes que possible le régime de 30 heures d’après le Ministre.
§      Le principe de la réduction du nombre d’élèves par classe est retenu, mais son application était pratiquement irréalisable par manque de salles et d’instituteurs, et l’augmentation du nombre des élèves.
§      Extension de la mixité dans en 1er ,2ème, 3ème et 4ème dans la mesure du possible, il faudrait signaler que la mixité était déjà pratiquée dans plusieurs écoles.
§      Constitution de deux commissions de réflexion : la première pour étudier les méthodes pédagogiques adéquates pour l’enseignement du calcul en 3ème, qui est enseigné depuis cette classe en français, et la seconde pour l’organisation et les programmes de cours de perfectionnement à l’usage des moniteurs.
§      Consolidation du corps des inspecteurs pédagogiques et la réduction de ses charges administratifs, afin qu’il puisse se consacrer aux questions pédagogiques, et surtout à la formation des instituteurs et leur mise à niveau, sur le plan scientifique et professionnel ; pour seconder le corps de l’inspection, le secrétariat d’état a nommé 250 conseillers ou assistants pédagogiques pour encadrer les nouveaux recrus.
§      Création d’une bibliothèque pédagogique dans chaque circonscription.
1.2           - Les réformes de l’enseignement du second degré 
§  Prolongation de la durée de l’enseignement secondaire d’une année, la durée devient de 7 années au lieu de six ans.
§  Rattachement de l’enseignement agricole à l’éducation nationale et unification de l’enseignement secondaire, en mettant un terme à la section A (arabe) et la section - C - (française) et la généralisation de la section B (bilingue)
§  Institution d’un tronc commun de 3 ans, et d’une première orientation à la fin de la 3° année   vers cinq sections : générale, pédagogique (normale), technique, économique, et agricole. Le démarrage de ce régime est décidé pour   le mois d’octobre 1967 avec un nouveau programme et un nouvel horaire pour les mathématiques et une nouvelle répartition des disciplines techniques.
§  Suppression de l’enseignement moyen et son remplacement par l’enseignement secondaire professionnel, d’une durée de 4 années[1] et comprenant trois sections : industrielle, agricole et commerciale. (ainsi la section générale de l’enseignement moyen disparait de la carte scolaire)
Les autres questions relatives à la réforme des programmes, de la révision de l’horaire, celle de l’arabisation de l’enseignement secondaire, le manuel scolaire… ont été confiées à des commissions techniques pour études.
2.    L’œuvre du nouveau ministre de l’éducation Ahmed Ben Salah
A la fin du mois de juin 1968, un remaniement amena Ahmed Ben Salah[2], le président de la commission nationale de l’enseignement au département de l’éducation nationale à la place de M. Messadi.
Ce changement va amener des réformes plus profondes ; il ne s’agissait plus de simples mesures de rectifications, mais d’une « révision profonde au niveau des objectifs et des choix », disait Ben Salah, dans une entrevue donnée à Jeune Afrique, le 23 septembre 1968, et ajoutant que la « commission avait repensé les finalités et les méthodes d’enseignement ».
 Dès les premières semaines de son mandat, le nouveau secrétaire d’état avait multiplié les réunions et les rencontres[3] avec toutes les composantes de l’éducation nationale pour « réfléchir à la première étape de notre œuvre commune relative aux questions de l’enseignement, et afin de mettre en application    les recommandations de la commission nationale et les orientations définies par le combattant suprême dans ce domaine ».[4]   
2.1-       La stratégie de la réforme de Ben Salah
Au fils de ses différents discours se dégagent les grandes lignes du plan de réformes de Ben Salah, qui devrait se réaliser en deux temps ou deux étapes :
a.     La première commença à la rentrée scolaire1968 -1969, il s’agit d’une étape essentiellement de préparation et d’organisation[5] « qui prépare à introduire quelques remaniements (changements) au niveau des structures de l’enseignement »[6] ; c’est dans ce cadre que s’inscrivent les mesures administratives et pédagogiques qui ont été décidées et qui sont entrées en application rapidement.
§  les mesures administratives

-      La création de nouvelles directions centrales[7] : la direction de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, la direction de l’administration scolaire, la direction de l’action sociale, les services économiques et administratifs, direction des relations extérieures, la mission des ces directions centrales est une « mission de contrôle, d’orientation et de planification»[8] .
-      La fondation d’un institut national des sciences de l’éducation avec pour mission de développer la recherche dans le domaine de l’éducation et faire évoluer les méthodes d’enseignement en Tunisie et « de suivre de près les expériences pédagogiques en cours et de concevoir de nouvelles méthodes susceptibles d’améliorer le rendement de l’enseignement ».

-      L’installation  d’une direction régionale de l’enseignement dans chaque gouvernorat  et la nomination de 13 directeurs régionaux[9] choisis parmi les meilleurs directeurs ou censeurs de lycées , ces directions devraient prendre en charge les affaires administratives et les questions d’organisation de l’enseignement au niveau de la région  et elles doivent surtout travailler pour améliorer le niveau de l’enseignement dans la région «  chaque directeur régional est appelé à organiser le travail de manière à dégager clairement l’état de chaque école, le travail de son directeur et   . جهويّ مدعوّ إلى تنظيم هذا لعمل تنظيما كفيلا بأن يُبرز، بشكل واضح، وجهَ كلّ مدرسة ومديرها والمسؤولين بها وبقية معلّميها عن رفع المستوى."[10] Ce n’est pas clair
-      La consolidation du corps des inspecteurs pédagogiques par la nomination d’un inspecteur régional de l’enseignement primaire dans chaque gouvernorat  dont «  la mission … , reste essentiellement  et fondamentalement une mission pédagogique…»[11]  ( formation  et  l’encadrement des instituteurs des   directeurs d’écoles ) et par la nomination d’un inspecteur de l’enseignement de français dans chaque circonscription pour former et encadrer les instituteurs chargés  de l’enseignement du français , et  les conseillers pédagogiques, on fit appel  aux instituteurs  français coopérants qui sont encore affectés en Tunisie pour se charger de l’assistance pédagogique.
Chaque circonscription fut dotée d’un noyau de bibliothèque pédagogique et scientifique afin de rapprocher les ouvrages et les ressources nécessaires de l’inspecteur et de l’instituteur. 
En outre il fut décidé de réduire les charges administratives qui étaient dévolues aux inspecteurs surtout après la création des directions régionales.
  Et pour seconder le corps de l’inspection, le secrétariat d’état a nommé 250 conseillers ou assistants pédagogiques pour encadrer les nouveaux recrus.
-      La décision de décharger en partie, dans la mesure du possible, «  les directeurs des  grandes écoles primaires  … pour s’occuper de la pédagogie en leur affectant un secrétariat administratif  , ce qui leur permet de se consacrer davantage à l’encadrement des jeunes instituteurs et des moniteurs  et les aider à rehausser leur  niveau  et à bien connaitre leur métier »[12], les directeurs seront aussi appelés à  «  s’occuper des élèves en difficultés comme les redoublants qui ne trouvent peut être pas l’aide dont ils ont besoin auprès de leurs parents , il est nécessaire de s’en occuper au niveau de chaque région »[13] , le secrétaire d’état  «  insistait sur le fait que la mission des directeurs est foncièrement une fonction éducative , elle consiste  avant tout à enseigner ,  à assister et à aider les instituteurs qui ont besoin de conseils et de soutiens »[14] .
D’ailleurs la direction des affaires pédagogiques a été  chargé de « préparer une circulaire qui fixe d’une façon détaillé la responsabilité du directeur en tant que responsable pédagogique des instituteurs qui travaillent avec lui et en tant que responsable de la bonne marche de son école de façon générale » selon les vues de la réforme scolaire ; «  nous souhaitons  que ça ne soit pas une simple circulaire, mais plutôt un important document qui balise les voies et clarifie les méthodes de travail »[15]
- L’affectation d’instituteurs confirmés dans les écoles rurales pour encadrer les moniteurs et améliorer leurs compétences et leur rendement, ce qui va contribuer à réduire les écarts entre les écoles du milieu urbain dans celles du milieu rural.
- La suppression, à partir du 1er octobre 1968, des anciennes appellations : écoles de garçons, écoles de filles et écoles mixtes, désormais les écoles seraient appelés « école du premier degré »[16] dans le cadre de l’extension de la mixité qui a commencé déjà en octobre 1967 en application à une recommandation de la commission nationale de l’enseignement.
§  les mesures pédagogiques annoncées à la rentrée de 1968-69
A coté des différentes mesures d’ordre administratif, la première étape a connu aussi nombres de mesures d’ordre pédagogique dont :
- L’adoption d’un nouvel horaire pour l’école primaire [17] : 25 heures pour les 5 premières années et 27 heures 30 pour la 6ème , cette mesure devrait entrer en vigueur dès la rentrée de 1968 et toucher toutes les classes de 6ème sans exception et sur tout le territoire du pays » (  Il est bon de rappeler que Messadi  avait décidé 30 h pour la classe de 6ème année).
- Renforcement de la langue française ; avec le retour du français dès la première année du primaire  avec 10 heures par semaine[18] sur un total de 25 H , (cette décision remet en question celle prise par Messadi, sur  recommandation de la commission) et l’utilisation du français pour enseigner les matières scientifiques et techniques à partir de la classe de 4ème .
-Suppression du certificat de fin d’études primaires dont l’utilité n’est plus d’après le ministre qui annonça la décision au cours d’une réunion[19].

b.    La deuxième étape  de la stratégie de la réforme :
C’est celle qui va permettre à Ben Salah « après études, consultations et réflexions, d’entreprendre des remaniements dont certaines toucheront le fond des contenus de l’enseignement en Tunisie » [20] , c’est l’étape  « de mise en œuvre du plan de relèvement du niveau, de l’application des nouveaux programmes et du développement de l’esprit qui aspire à faire évoluer l’enseignement » , Ben Salah disait à ce propos  «  nous comptons étudier la plupart des sujets avant la fin de l’été , excepté la question des programmes et des contenus dont l’étude nécessite une année entière , nous allons passer l’année scolaire 1968-1969 à approfondir l’étude des problèmes de l’enseignement de tous les degrés … pour faire de notre système éducatif… une expérience pilote de renaissance de l’enseignement , de sa démocratisation et de sa généralisation »[21].
 cette deuxième phase « sera suivi ,l’année prochaine  c'est-à-dire en 1968-69  par une étape de révision de tous les faces  de notre politique éducationnelle et de ses contenus dans les trois degré du système…cette révision nécessitera un  large  et profond effort collectif, nous veillerons à ce que cette révision  se fasse dans un cadre scientifique pur , puis une consultation nationale ouverte sur tous les cadres responsables du pays » [22] , enfin le secrétaire d’état a émis le vœu de  produire «une nouvelle loi »[23] qui remplacerait  la loi de 1958.

Et sur la base de cette stratégie, plusieurs choix relatifs aux grandes questions furent pris, parmi ces choix, on pourrait citer ceux-ci :

§  Le choix de repenser la mission et la fonction de l’école en rapport des besoins du pays et de ses orientations économiques « … notre désir de fonder un enseignement… sur des bases solides liées intimement, non pas à la réalité figée et calcifiée du pays, mais à sa réalité en évolution et à la nouvelle vie de la Tunisie d’aujourd’hui[24] »disait le secrétaire d’état.
La révision de la fonction et de la mission  de l’école vise à assurer le maximum d’harmonie et de coordination entre le plan de développement éducatif et le plan de développement économique et social « «  l’école doit être ouverte sur la vie sociale et sur le monde du travail ; chaque cycle de l’enseignement doit permettre à l’élève de s’intégrer dans le système de production , l’école doit répondre aux besoins immédiats et doit avoir assez de souplesse pour pouvoir s’adapter facilement avec toutes les étapes du développement économique du pays, le secteur de l’éducation ne peut pas rester isolé et ignorer le monde de la production.[25] .
§  Le deuxième choix est de mettre en place une nouvelle structure de l’enseignement avec de nouveaux objectifs :[26]
          Nous avons déjà signalé que la commission nationale de l’enseignement avait recommandé la mise en place d’un tronc commun de trois ans et de remplacer l’enseignement moyen par un enseignement professionnel d’une durée de quatre années et de décaler l’orientation à la fin du tronc commun qui doit aboutir à répartir les élèves sur cinq sections ou filières, tenant compte de ces recommandations les commissions techniques ont conçu la nouvelle structure suivante pour l’enseignement secondaire 
        A la fin de l’école primaire, les élèves passent à l’enseignement secondaire par la voie du concours d’entrée en première année de l’ES ; tous les admis feront un tronc commun de trois ans, ce choix avait plusieurs objectifs à la fois : le premier est de mettre fin aux problèmes psychologiques que connaissaient les élèves qui étaient dirigés à l’enseignement professionnel dès la première année à cause de leur âge , le deuxième  est de mettre fin à la dualité professionnel  filière de l’échec / enseignement général  filière de la réussite ; le troisième objectif mettre en place «  un enseignement homogène de neuf ans pour tous les jeunes tunisiens, dans tout le cycle primaire et durant trois années du cycle secondaire »  c’est là une sorte « d’enseignement de base » avant le terme [27].

C’est peut être là la grande spécificité de cette nouvelle structure  qui a mis fin aux différences entre l’enseignement moyen et le premier cycle de l’enseignement secondaire long qui étaient basées sur le seul critère de l’âge ,  qui empêchait un nombre d’élèves  qui   «  avaient dépassé la limite d’âge de 14 ans de poursuivre des études longues même s’ils étaient aptes à le faire» désormais le seul critère retenu serait la compétence et l’aptitude . » Sraieb
A la fin du tronc commun les élèves seront orientés en fonction de leur aptitude, soit vers l’une des sections de l’enseignement secondaire long, soit vers l’une des options de l’enseignement professionnel sanctionné par un diplôme professionnel au terme de la cinquième année.
Les élèves orientés vers l’enseignement secondaire long sont répartis en première années sur cinq (5) sections ou filières : sciences de l’éducation, sciences, lettres, agricole, technique économique ou technique industrielle).
A la fin de la 1ère année la section technique industrielle   est scindée en deux spécialités (génie civile et électromécanique).ainsi que la section sciences en deux spécialités (sciences et spécialités paramédicales)
A la fin de la deuxième année, les autres sections (exceptée la section sciences de l’éducation) se scindent en deux ou trois spécialités   pour offrir aux élèves l’occasion de suivre la voie qui répond le mieux à leurs aptitudes et à leurs désirs (voir tableau ci dessous)
Section ( 1et 2ème)
Spécialité à partir de la 3ème
section sciences
Sciences
Mathématiques
Sciences économiques
section lettres
Lettres
Civilisation islamique
agricole
Sciences agricole
Techniques agricoles
technique économique
T.E.administrative
T.E.gestion

Ainsi la deuxième orientation permet une sorte de spécialisation au cours des deux dernières années, notons que les élèves qui suivent les deux spécialités techniques industrielles ont la possibilité de choisir entre un grand nombre de spécialités (une dizaine).
L’enseignement secondaire professionnel  est un cycle  court  d’une durée de deux années après le tronc commun, il est sanctionné par un diplôme de l’enseignement professionnel à la fin de la deuxième année ( 5ème ),  l’enseignement professionnel compte huit spécialités dans les secteurs du textile, de l’industrie mécanique, de l’électricité[28]  … les lauréats ont la possibilité de poursuivre  leurs études , une sixième année et une septième année spéciales sont prévus pour ces élèves.

§  Le troisième choix : revoir les programmes 
  les nouveaux programmes   doivent être moins chargés, en rapport avec la vie quotidienne, assurant l’équilibre entre les matières littéraires et les matières scientifiques, et accordant une place importante aux travaux manuels et à l’initiation technologique , cette orientation nous rappelle étrangement les choix imposés par Charlety ; l’ancien directeur général de l’enseignement public à l’époque du protectorat en 1909 pour l’école franco arabe.
Les nouveaux programmes du tronc commun ont cherché à traduire  sur les principes suivants : respecter l’équilibre entre les matières scientifiques et littéraires, l’introduction de la technologie, «  bannir les antagonismes entre « classiques » et «  modernes » entre « littéraires et scientifiques ». [29]
§  Faire le choix de la formation  initiale et continue :
-      Pour la formation initiale des instituteurs : Renforcer la capacité des écoles normales des instituteurs et des institutrices par l’ouverture d’une école dans chaque gouvernorat  et le transfert des sections normales vers ces écoles , quant à la formation des professeurs , la seule mesure était l’ouverture des portes de l’école normale supérieure et celles de l’école normale des professeurs adjoints  aux lauréats des écoles normales des instituteurs en remplaçant le concours écrit par un concours sur dossier depuis 1968.[30].
-      La formation continue : considérant que la formation continue  est un besoin urgent pour toutes les membres de la famille éducative, il a été décidé de  mettre en place « un organisme qui se chargerait de relever le niveau de tous les membres de la famille éducative et non pas seulement la catégorie des moniteurs…plusieurs instituteurs ,professeurs, directeurs, inspecteurs ont besoin d’un complément de formation, mais pour chacune de ces catégories existent des spécialistes habilités à assurer ce complément de formation »[31], ce complément de formation  « peut être soit une formation initiale c'est-à-dire linguistique ou scientifique , soit dans la plupart des cas une formation pédagogique »[32], ce  plan devrait prendre plusieurs année selon le secrétaire d’état , au cours desquelles l’organisme chargé de la formation devrait s’intéresser aux aspects pédagogiques , car les méthodes en cours devraient évoluer pour s’adapter aux objectifs des nouveaux programmes, «  il nous faudrait recycler les instituteurs pour qu’ils assimilent les nouvelles méthodes et les nouveaux moyens d’enseignement et afin qu’ils améliorent leurs aptitudes et leurs pratiques pour que notre école soit en harmonie avec la Tunisie nouvelle »[33] ; mais  à coté de ce plan à long terme  ,le secrétariat doit avoir un plan d’urgence destiné aux moniteurs afin de  relever leur niveau scientifique et pédagogique et les intégrer dans le cadre des instituteurs «  nous devons nous occupé de cette catégorie d’enseignants. »[34]
§  Accorder une attention particulière aux méthodes d’enseignement 
Ben Salah était très  critique quant aux méthodes répétitives  pratiquées à l’école  tunisienne  qui est sont inefficaces dangereuses ,  elles sont la cause  des problèmes d’indiscipline, l’enseignant  qui se limite a exposé sa leçon sans donner à ses élèves l’occasion de discuter ou de  débattre »[35] « la méthode d’enseignement ne devrait pas   se limiter à apprendre à l’élève à s’adapter à la réalité  mais elle devrait lui apprendre à surpasser cette réalité , donc la méthode d’enseignement devrait être une force qui pousse l’enfant à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés » il est nécessaire d’adopter des méthodes  qui attisent la vivacité et le dynamisme de l’élève dès sa première année à l’école , le ministre fait un parallélisme entre l’usine et l’école , la première produit des objets  inertes , l’école elle, produit des esprits , des sentiments et des volontés … notre école devrait produire des jeunes extravertis , avisés et capables d’engager toutes les batailles de sa vie  de citoyen , c’est dans cet esprit que s’inscrit l’appel à changer les pratiques scolaires ( utilisation de la  télévision scolaire , organiser des visites aux entreprises avoisinantes ; création de clubs pour des activités culturelles...  
Bilan et conclusion
 La période 1967 - 1969 fut pour le secteur de l’éducation une période de doute mais aussi d’effervescence et de réflexion, et une période avec un goût d’inachevé.

§  Le bilan quantitatif :


année scolaire
population scolaire
nombre d’établissements
effectif enseignants
primaire
secondaire
et moyen
primaire
secondaire et moyen
primaire
secondaire
et moyen
1958-59
320363
32934
889
64
5358
1270
1968-69
844994
135947
2151
121
16194
5787
augmentation
524631
103013
1262
56
10836
4517
 Source : Ministère de l’éducation : activités du ministère de l’éducation nationale en 1983 et ses perspectives, publication interne
Les différents indicateurs traduisent les efforts consentis par l’état au cours de la première décennie de la réforme, le taux de scolarisation  est proche de 75% en 1969 ( 27%  en 1956), la scolarisation des filles ayant progressée de 290 % , celle des garçons de 235%.( même source précédente) .
§  Une réforme de la réforme inachevée
Les motivations de la réflexion et de l’évaluation lancées en 1967 étaient nobles, les réformes qui s’en sont suivies aspiraient vers :
-      Relever le niveau de l’enseignement primaire et poursuivre son extension ;( poursuivre les constructions et l’équipement de nouvelles salles et de nouvelles écoles)
-      Améliorer le système de formation et de recrutement des enseignants et veiller à leur donner une bonne formation académique et professionnelle ;
-      Faire de l’enseignement secondaire un enseignement efficace et utile, amarré aux différents secteurs économiques du pays et capable de répondre aux besoins de l’économie en cadres moyens ;
Avec Ben Salah, la réforme prend une autre envergure, la réforme se voulait radicale avec de nouvelles représentations quant aux rapports entre la société, l’éducation et l’enseignement, et de nouvelles conceptions quant à la fonction de l’enseignant, le rôle du directeur des établissements scolaires.
Elle était aussi une réforme de fond en ce sens qu’elle a :
-      misé sur une formation éclairée des enseignants qui leur permet de s’ouvrir sur le monde moderne et d’être perméables aux innovations.
-      Mis les fondements de la décentralisation dans le secteur de l’enseignement.
Mais ce fut une œuvre inachevée, car après le limogeage du professeur Ben Salah, alors que la réforme était en plein chantier, ses successeurs ont gelé certaines mesures et avaient annulé d’autres (retour à l’enseignement professionnel de trois ans sans passer par le tronc commun, retour à l’arabisation totale des trois premières années du primaire, arrêt de la décentralisation…), il semble même que des directives ont été données pour ne pas appliquer les nouveaux programmes de 1969.
Le système scolaire va entamer la traversée du désert, une période d’hésitation aggravée par la succession de plusieurs titulaires du portefeuille de l’éducation au cours de la décennie quatre vingt (voir tableau ci-dessous)

Annexe : Les ministres de l’éducation de 1958 à 1988

Période
Le Ministre
Période
Le Ministre
mai 76/avril 80
Mohamed Mzali
8
mai 58 / juint 68
Mahmoud Messadi
1
avril 80/mai 86
Frej chedly
9
juill  68 / nov 69
Ahmed ben Salah
2
mai 86 / juil 86
Abdel aziz Ben Dhia
10
nov 69/déc 69
Ahmed Noureddine
3
juil 86 /mai 87
Amor chedly
11
déc 69/juin 70
Mohamed Mzali
4
mai 87/ Nov87
Mohamed Sayah
12
juin 70/oct 71
Chedly ayari
5
/ Avril 88
Tijani Chelly
13
oct 71/ mars 73
Mohamed Mzali
6
Avril 88/avril 89
Mde Hédi Khalil
14
mars 73/ mai 76
Driss Guiga
7


Hédi Bouhouch & Mongi Akrout , Inspecteurs généraux de l’éducation
Tunis, octobre 2014


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[1] Une réforme en 1972 -73 réduit la durée de l’enseignement professionnel à trois années seulement, (rapport 1982 -84)
[2] Au cours de la cérémonie d’installation du nouveau secrétaire d’état, le premier ministre Bahi Ladgham justifia le remaniement dans ces termes   «dans la Tunisie nouvelle aucun effort ne peut porter ses fruits s’il n’y a pas une coordination de tous les secteurs et interaction de toutes les activités. Ainsi la nécessité s’est fait sentir de rapprocher l’enseignement du plan et de l’économie nationale. En effet le premier département qui fournit au pays les cadres nécessaires dans tous les domaines »
Sraieb, N. colonisation Décolonisation et Enseignemen l'exemple tunisien. Paris: Centre national de la recherche scietifique (Paris) Institut national des sciences  de l'éducation  de Tunis 1974.p 264
[3] Au cours des mois de juillet et août 1968 Ben Salah  a organisé une série de réunions pour consultation avec le conseil élargi de l’université le 15 juillet, puis avec les jeunes instituteurs le 21 juillet à l’occasion de leur séminaire national tenu à Monastir, , la conférence élargie des enseignants le 22 juillet à la bourse du travail à Tunis, les directeurs régionaux de l’enseignement le 14 août à Tunis ; au cours de ces rencontres le secrétaire d’état avait exposé les grandes lignes de la réforme , ces discours édités et publiés par le secrétariat d’état aux affaires culturelles et à l’information  sous le titre «  Fi chououn Attarbkya wa attaalim » est notre principale source , ce document nous a été gracieusement offert par notre cher maitre Si Ahmed Zghal. Parmi  les réunions les plus importantes fut la réunion du 18 mars 1969 tenue  au Lycée du Bardo avec les commissions chargées de la révision des programmes.
[4] Discours de ben Salah du 22 juillet 1968 , Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 47.
[5] Discours de ben Salah du 22 juillet 1968 , Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 48.
[6] Discours de ben Salah du 21 juillet 1968 , Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 27.
[7] Par décret 238 - 1968 du 30 juillet 1968 quatre ( 4) directions centrales ont été créées ,et par les décrets 245-249 du 30 juillet 1968  ont été nommés directeur d’administration centrale .MM : Tawfik Mazigh, Nacer Chlioui ( enseignement secondaire) ,Ali Hili ( enseignement supérieur),Hafedh Tarmiz et Chedly Fitouri( directeur le l’institut des sciences de l’éducation
[8] Opt cité p86 Discours du 14 août 1968
[9] Les 13  directeurs régionaux ont pris leur fonction le 27 juillet 1968 , il s’agit de Abdelaziz ben hassan(Tunis), Mohamed Achour( Bizerte),Mohamed Boulabiar ( Kef), Mohamed Zbouna ( Jendouba),Bouraoui jerdi (Kasserine) Hédi Mzabi( Sousse) Tawfik Ben Arfa( Sfax) , Taher Mdhaffar( Gabès), Sadok gouider( Gafsa) Moncef Bouabid( Medenine) Hsan al Mahjoub ( kairouan) Mohamed el Hédi Khalil ( Nabeul) Moncef Ben Mahmoud ( Béja)
[10] . في شؤون التربية والتعليم، ص81، من خطاب 14 أوت 1968
[11] Discours de ben Salah du 14 août  1968 , Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 86.
[12]  Opt cité p 79et 80
[13] Opt cité p 82
[14] Opt cité p 49 et  50
[15] Opt cité p82
[16] Opt cité p83
[17] Ben Salah espérait un retour au régime de 30 heures pour toutes les classes «  on aurait aimé, sur ce point, avoir la possibilité d’aller au-delà des décisions de la commission nationale et généraliser le régime de 30 heures pour tous les niveaux » Discours de ben Salah du 10 août  1968 , Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 78. Opt cité
[18] Cette décision est contraire aux recommandations de la commission nationale de maintenir l’arabisation totale des deux premières années de l’école primaire.
[19] Ben Salah a évoqué la question dans le discours du 10 août 1968,faisant remarquer que la presse se met à publier les résultats durant trois mois … pour des raisons commerciales … disant que selon lui on pourrait s’en passer complètement , et qu’il n’y avait plus de raison de maintenir cet examen… »  , Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 87. Opt cité

[20] Discours de ben Salah du 21 juillet  1968 , Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 26. Opt cité

[21] Discours de ben Salah du 15 juillet  1968 , Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 23. Opt cité

[22] Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 48. Opt cité

[23]  Discours du 14 août 1968 Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 48. Opt cité
[24] Discours du 15 Juillet  1968 , Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 48. Opt cité
[25]  Lelong, M : Le patrimoine musulman dans l’enseignement tunisien après l’indépendance, thèse d’état p 113
[26]  Discours du 18 mars 1969 Sraieb  Fi chououn Attarbkya wa attaalim , opt cit  et Sraieb, opt cité , p,281
[27]  « Le premier point évoqué par  A.Ben Salah à la réunion des commissions chargées des réformes des structures , horaires, et programme tenue le 18 mars 1969  au lycée du Bardo concerne l’unification de l’enseignement du second cycle qui devra  comporter pour tous les élèves un tronc commun de trois ans «  le tronc commun … doit permettre aux jeunes de se familiariser avec l’enseignement technologique et de s’intéresser aux programmes scientifiques quel que soit les débouchés qui leur seront ouverts »

[28]  Sraieb , p 288 , 289 , opt cité
  Sraieb-  colonisation , décolonisation et enseignement p 286 287
[30]  Les auteurs du blog furent parmi les premiers normaliens à profiter de cette mesure, H.Bouhouch est venu de la section normale du Lycée Carthage présidence avec  …  et M.Akrout lui est venu de l’Eni de Sfax avec 4 autres élèves ( Mohamed Raouf Karray , Abdelwaheb Zaghdne,  Ftouh Kharrat et ….)
[31] Discours du 10 août 1968 Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 62 et 63. Opt cité
[32] Discours du 22 juillet  1968 Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 51 Opt cité
[33] Discours du 10 août 1968 Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 64. Opt cité
[34] Discours du 14 août 1968 Fi chououn Attarbkya wa attaalim  , p 88. Opt cité
[35] Discours du 21 juillet  1968 Fi chououn Attarbya wa attaalim  , p 68. Opt cité.

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