lundi 14 mars 2016

Les réformes scolaires depuis l’indépendance : Les commissions permanentes : orientations et recommandations : partie 2


Avant propos
Nous poursuivons avec cette  note, la présentation de deux importants documents qui sont les témoins du débat sur l’enseignement dans notre pays, depuis la fin du des années soixante ; ce débat avait précédé et préparé les réformes des années soixante- dix.( Pour revenir à la première partie ,cliquer ICI)



il s’agit du rapport de synthèse de la commission de l’enseignement secondaire : les grandes lignes de la réforme des structures et de l’organisation de l’enseignement secondaire , qui nous ont été gracieusement remis par l’illustre éducateur le professeur Ahmed Zghal , l’ancien directeur du lycée 15 novembre 1955  de Sfax  et l’ancien directeur régional de l’enseignement de Sfax qui nous a ouvert les portes de sa bibliothèque personnelle, une véritable mine de trésors qui renferme des documents rares qui se rapportent à l’histoire de l’école tunisienne . Nous voulons profiter de cette occasion pour lui présenter nos meilleurs sentiments de reconnaissances et lui souhaitons santé et longue vie.
Rappel
Deux années seulement après la fin des travaux de la commission nationale de l’enseignement[1] qui a été instituée en 1967  et la remise de ses rapports qui avaient arrêté  les grandes orientations pour les trois degrés de l’enseignement[2], dont certaines avaient déjà été mises en application, dès la rentrée  d’octobre 1967,  par le ministre M. Messadi , puis par le Ministre A. Ben Salah, dès Juillet 1968. ( voir L’histoire des réformes scolaires en Tunisie, depuisl’indépendance (Chapitre 3) : Evaluation de la réforme de 1958 et lestentatives d’adapter le système à l’évolution continue de la réalité : Les réformes de la période de 1967 à 1969.


Le gouvernement de  Hédi Nouira a formé une commission ministérielle qui s’était chargée  « d’analyser les points faibles du système éducatif et d’introduire les améliorations nécessaires » ,[3]  ensuite des «  commissions permanentes spécialisées » avaient été constituées au cours de l’été 1970 qui avaient  «  travaillé sans relâche , au sein du ministère de l’éducation ( à l’époque du ministre Chedly Ayari [4] puis de  son successeur Mohamed Mzali ) ; ces commissions avaient réalisé des études approfondies  du système éducatif et des ses différentes disciplines .» [5] Mais en réalité les commissions visaient au départ à « effacer » les mesures introduites par l’ancien ministre de l’éducation Ahmed Ben Salah. (Une sorte de « débensalhisation », puis elles sont devenues un outil entre les mains du Ministre Mzali et sa politique d’arabisation.
Le contexte général
Il est nécessaire de rappeler le contexte général de l’époque, pour comprendre certaines recommandations proposées par ces commissions : le pays venait de vivre une grave crise politique, l’ancien ministre de l’éducation et président de la commission de 1967 venait d’être limogé du ministère de l’éducation et remplacé par Ahmed Noureddine (En novembre 1969) puis jugé et condamné[6] , l’ancien modèle de développement est abandonné (le socialisme destourien) au profil du modèle libéral.  Les commissions permanentes avaient travaillé dans ce contexte de « débensalhisation, le résultat sur le plan éducatif fut un gel des réformes et des mesures introduites entre octobre 1967 et 1969 et un retour à la situation d’avant.
Les commissions permanentes ont travaillé de 1970 à 1972 , pour préparer leur rapport  ; elles se sont appuyées sur les résultats d’une «  large  consultation et sur des rapports de diverses commissions techniques dont surtout des commissions régionales constituées par le parti socialiste destourien  et sur plusieurs études [7] que les commissions avaient réalisé ; tout ceci  dans le but de mettre en place les bases d’une nouvelle politique éducative en adéquation avec les nouvelles orientations économiques libérales, surtout que le système éducatif mis en place depuis la réforme de 1958 s’est distingué par  «  un déficit au niveau de l’efficacité et son coût élevé ».
Ainsi la mission des commissions permanentes consistait à concevoir une nouvelle politique éducative qui devrait être différente de celle entreprise depuis l’indépendance, et non plus l’introduction de simples aménagements de la réforme de 1958. C’est dans cette optique « que les commissions permanentes avaient d’abord axé leurs travaux sur les changements qui avaient touché le système éducatif entre 1958 et 1970, pour proposer ensuite les nouvelles orientations et fixer les mesures qu’il est nécessaire de prendre pour remédier aux insuffisances enregistrées »[8] .
Les commissions permanentes s’étaient organisées par cycle, c'est-à-dire en trois sous commissions : la sous- commission de l’enseignement primaire, la sous- commission de l’enseignement secondaire la sous-commission de l’enseignement supérieur ; et c’est au mois de juin 1972[9]  que les commissions avaient remis leurs rapports et les résultats de leurs travaux[10] ; dans cette note, nous allons nous intéresser aux résultats qui concernent   le cycle primaire et secondaire  pour présenter brièvement  les résultats de son diagnostic, ses recommandations  et ses orientations.
                                                                               
Deuxième partie : Les orientations et les recommandations de la commission permanente de l’enseignement secondaire  

Nous nous référons au rapport de la commission permanente de l’enseignement secondaire[11] ; ce rapport est composé de trois parties et d’un bref avant propos :
La première partie de neuf pages intitulée analyse de la situation en vigueur dans l’enseignement secondaire. La deuxième partie de trois pages intitulée : Objectifs de l’enseignement secondaire .La troisième partie qui comprend sept pages sous le titre de : projet d’une nouvelle organisation de l’enseignement secondaire et professionnel.
La dernière partie du rapport est constitué de 4 annexes sous la forme de tableaux et de données relatives aux différentes sections, aux enseignants et aux établissements de l’enseignement secondaire du pays

1.    L’évaluation des aménagements introduits sur le système

a.    Au sujet de la durée et de la structure de l’enseignement secondaire
Les commissions avaient énuméré les modifications introduites depuis octobre 1967, comme :
-         L’allongement de la durée des études secondaires de 6 à 7 ans et l’enseignement professionnel de 3 à 5 ans, puis elle fut ramenée à 4 ans dès 1970.
-         L’unification du premier cycle de l’enseignement secondaire et de l’enseignement moyen par l’institution d’un tronc commun depuis la rentrée 1967/68. puis de leur scission l’année suivante (1969/70)
-         L’abandon des sections A ou la section classique dont l’enseignement était assuré en arabe, et la section C dont l’enseignement se faisait en français, pour ne conserver que la section B ; c’est à dire la section qui utilise le bilinguisme, mais qui « accorde à la langue française une place particulière » selon les commissions.
b.    Au sujet des sections de l’enseignement secondaire, le rapport a énuméré les principales modifications comme :
-       la fusion des deux sections lettres modernes et lettres classiques en une seule section appelé la section « Lettres »,
-       ou le regroupement des sections normales dans les écoles normales des instituteurs ou des institutrices dont l’accès se faisait depuis 1970 par la voie d’un concours et non plus par la voie de l’orientation
-       ou la suppression de la section générale de l’enseignement professionnel depuis 1968 et la réforme de la section commerciale de l’enseignement professionnel depuis 1970, ne laissant que la section industrielle qui va constituer le fondement de l’enseignement professionnel nouvellement mis en place en remplacement de l’enseignement moyen.
-       Ou les nouvelles sections de l’enseignement secondaire et le  nouveau système de l’orientation ( une première orientation à la fin de la troisième et une deuxième à la fin de la quatrième, à ce propos le rapport estime qu’il y a «  encore beaucoup de filières et une multitude de spécialités , et que les élèves ne désirent pas s’orienter vers les sections techniques, car ils ne souhaitent pas suivre une carrière de profession manuelle, et ils évitent la section mathématique,  car ils pensaient qu’elle est difficile » .

c.     Au sujet des disciplines et des matières : certaines matières ont vu leur horaire, d’autres ont vu leur programme modifié, comme les programmes des langues, ou ceux des disciplines sociales et des sciences, les principales modifications ont touché :
-          L’horaire de la langue arabe pour le tronc commun et les sections scientifiques.
-          L’allègement des programmes de français qui étaient jugés au dessus du niveau des élèves et l’orientation vers l’étude des thèmes contemporains, de la langue et des auteurs contemporains.
-          Le report de l’enseignement de l’anglais à la troisième année puis à la quatrième année, au lieu de la deuxième année avec une réduction de l’horaire.
-          La suppression de quelques disciplines des programmes de certaines sections comme les sciences physiques ou l’histoire et la géographie.  
-          L’introduction de l’enseignement des mathématiques modernes (d’une façon précipitée d’après le rapport).[12]
d.    Le corps enseignants : le rapport estime que le corps enseignant de l’enseignement secondaire « se caractérisait par son hétérogénéité, son instabilité et le déficit de sa formation professionnelle » … et qu’un nombre important de professeurs enseignaient des disciplines qui n’étaient leur spécialité »
Pour conclure, Le rapport  signale  que «  les modifications et les aménagements cités ci-dessus ont été la cause directe et constante d’une large  expansion d’un sentiment d’instabilité et d’inquiétude parmi les élèves, les parents et les enseignants, les changements ont été aussi  à l’origine d’une dégradation de la discipline dans les rangs des élèves   ( les  rapports entre  élèves  et le rapport des élèves vis-à-vis de la direction et des enseignant sont devenus tendus, les élèves affichent un sentiment de frustration.»[13] 
2.    Les orientations et les recommandations des commissions permanentes
a.    Au sujet des objectifs de l’enseignement secondaire
Les commissions estiment que les objectifs de la loi 1958 n’ont pas été atteints et elles proposent de redéfinir ces objectifs plus clairement, les commissions avaient fixé quatre objectifs pour la réforme :

-      Premièrement relever le niveau de l’enseignement et améliorer sa qualité : cet objectif constitue pour les commissions la priorité absolue ; cela nécessite la révision du concours d’entrée en première année de l’enseignement secondaire, des programmes et des méthodes d’enseignement, et enfin des modes d’évaluation et de passage et du niveau des diplôme délivrés à la fin de l’enseignement secondaire ;  cela implique enfin une politique bien conçue pour la formation initiale et continue des enseignants au niveau de l’université, une formation qui inclura les « aspects académiques , professionnels et moraux » .
-      Deuxièmement la matérialisation de l’authenticité au niveau de l’enseignement : ce deuxième objectif est, du point de vue des commissions, « une nécessité inéluctable et une finalité vitale pour toute nation qui tient à sa souveraineté et son immunité » ; il est aussi la condition pour assurer une participation de notre pays au développement culturel de l’humanité et au dialogue avec les civilisations avoisinantes.
Le corollaire naturel  de cet objectif est «  la tunisification du cadre enseignant et l’arabisation des disciplines scolaires » , les commissions considèrent que l’arabisation  est « une obligation   qui n’a pas besoin de preuves »), et  si elles  concédaient que l’arabisation des matières scientifiques devrait se faire par étapes, les commissions estiment  que  celle « des disciplines littéraires devrait se faire dans un délai relativement court, et dans les meilleures conditions », les commissions ont demandé l’arabisation de l’histoire, de la géographie, de la philosophie, de l’instruction civique, de l’instruction religieuse  et des mathématiques.
-      Troisièmement L’efficacité du système[14] éducatif, pris dans le sens de la réduction de l’abandon scolaire, l’amélioration des taux de réussite aux examens nationaux, en dotant l’école des moyens naturels afin qu’elle puisse assurer son rôle de moteur de progrès tout en améliorant son efficience, c'est-à-dire « réduire le coût de la formation par élève ».

-      Quatrièmement Consolider les liens entre l’enseignement et l’emploi  et «  faire en sorte que « la formation dans les établissements scolaires soit en rapport avec le marché de l’emploi,  et veillant à réaliser l’adéquation  entre les enseignements programmés ( surtout dans les filières techniques et professionnelles) et les normes exigées par les employeurs », ce 4ème  objectif nécessite , bien évidemment, que le ministère de l’éducation  ait à sa disposition une liste des besoins immédiats et des besoins à long terme dans les diverses catégories de cadres pour le développement du pays. »[15]
b.    A propos de la structure de l’enseignement secondaire
Nous avons déjà vu que les commissions estimaient que le nombre des filières dans l’enseignement secondaire était élevé  et que les spécialités étaient très nombreuses, et elles ont proposé une nouvelle structure qui se base sur les principes suivants :
-         Maintien du concours d’entrée à l’enseignement secondaire, en fixant l’âge limite à 14 ans.
-         Généralisation de la durée pour le secondaire  (7 ans d’études pour toutes les filières  et toutes les sections)  et de l’examen du baccalauréat.

-         Introduction de l’initiation technologique au niveau de la 4ème année secondaire (l’équivalent de la 1ère année actuelle), sans pour autant aller vers un excès de spécialisation.
-         Report de l’orientation finale pour la 5ème année pour éviter au maximum les erreurs et réduire le taux des hésitations.
-         Adopter des programmes scolaires au niveau de la sixième année qui permettent aux élèves de choisir la spécialité vers laquelle ils seront dirigés.
-         Aménager les programmes de la section sciences mathématiques et de la section technique de façon à encourager les élèves à les choisir.
-         Créer une nouvelle section dédiée aux sciences islamiques à la fin de la quatrième année Lettres vers laquelle on orienterait 5% des élèves de la section Lettres et qui auront le même enseignement moderne avec un complément de formation spécifique en sciences religieuses.

Selon les principes présentés ci-dessus, les commissions avaient proposé la structure suivante : 

1ère 2ème  3ème
4ème
5ème
6ème
7ème
tronc commun
LETTRES
30%
Lettres
25%
lettres arabes
langues vivantes
Sciences humaines
Sciences religieuses 5%
sciences mathématiques
70%
Sciences mathématiques
sciences
Mathématiques
Sciences Techniques
mathématiques
math technique
Technique  industrielle
20%
Génie civile
électromécanique
Technique Economique
10%
économie gestion
économie administrative



En résumé, la structure qui est proposée aboutit en 7ème année à 4 spécialités pour la section Lettres et 7 autres pour la section « Sciences mathématiques » ; cela nous donne 11 spécialités, ce qui représente une réduction effective du nombre de sections (deux sections seulement) et la suppression deux sections (la section agricole et la section Sciences de l’éducation), une augmentation des filières, et l’institution d’une orientation au niveau de la classe terminale. 
Cette  structure proposée ne diffère pas de celle mise en place par Ben Salah (seul le moment de spécialisation n’est pas la même) ; c’est ainsi que la section sciences et Mathématiques est presque une image de la section Sciences dans le projet du Ministre Ben Salah.
c.     En ce qui concerne l’enseignement professionnel
La commission prévoit un enseignement de trois ans fondé selon les principes suivants :
-         Passer par le concours d’entrée pour les admis qui dépassent 14 ans et ont moins de 16 ans.
-         Conserver la seule section industrielle.
-         Réduire l’horaire imparti aux matières générales au profit des travaux pratiques au collège.
-         Remanier le programme pour assurer l’harmonisation avec les besoins de la formation professionnelle.
-         Créer un conseil dans chaque collège avec des représentants des entreprises et les organisations sociales de la région afin d’assurer une formation fonctionnelle et l’organisation de stage pour préparer la voie à l’emploi.
d.                        En ce qui concerne les programmes et le régime des études
Les commissions recommandent de :
-      Soigner l’élaboration des programmes, et adopter le principe de l’expérimentation pour éviter tout changement radical et brusque et assurer la stabilité nécessaire.
-      La tunisification des contenus de toutes les matières littéraires, car la nécessité implique   que les centres d’intérêt, les faits de civilisation et les textes choisis soient puisés de la réalité, de l’histoire et de la culture tunisienne et arabe.
-      La tunisification et l’arabisation des programmes d’histoire .
-      L’encouragement des enseignants à élaborer des manuels scolaires conformes aux nouveaux programmes.
-      Instituer une épreuve d’arabe à l’examen du baccalauréat dans toutes les spécialités.
-      Remanier les programmes de français en le considérant comme une première langue vivante et comme un outil d’ouverture sur le monde moderne et d’accès direct aux sciences et à la technologie.
-      Introduire l’enseignement de l’anglais dès la troisième année, avec un nouvel horaire à cause de la pénurie de cadres enseignants tunisiens et lui accorder une attention puisqu’il est considéré comme le premier outil pour maitriser certaines spécialités scientifiques et économiques.
-      Organiser l’enseignement de la philosophie sur les cours magistraux, l’étude de textes et le débat animé avec les élèves.
-      La nécessité d’unifier les programmes de sciences physiques et de chimie pour faciliter l’élaboration des manuels et l’équipement les laboratoires.
-      La nécessité d’un retour à l’enseignement de l’arithmétique au premier cycle de l’enseignement secondaire, pour les filières de la section technique industrielle et pour l’enseignement professionnel.
e.     En ce qui concerne le corps enseignant
«  l’amélioration de l’état de l’enseignement secondaire dans le plus rapidement possible »  nécessite «  l’adoption d’un plan précis qui vise à former le nombre suffisant d’enseignants tunisiens ( en quantité  et en  qualité), pour remplacer les professeurs étrangers, et pour répondre aux nouveaux besoins, pour les matières techniques dont l’enseignement est actuellement assuré pour l’essentiel par des moniteurs d’enseignement professionnel, ou par des professeurs adjoints d’enseignement technique qui n’ont pas eu une formation suffisante qui les habilite à enseigner les aspects théoriques, il faudrait créer une école normale supérieure d’enseignement technique, afin de promouvoir ce corps et tunisifier les cadres de cet enseignement »[16].
f.      En ce qui concerne les établissements scolaires
Pour permettre à l’enseignement de retrouver ses qualités et son efficacité, il faudrait fixer la taille maximale des établissements, qui ne devrait être entre 1500 et 2000 élèves au maximum dans tous les cas, car au-delà de cet effectif l’établissement deviendrait ingérable.
g.    Au sujet de la vie scolaire
L’innovation devrait toucher le régime des études et celui de la discipline, elle devrait consacrer la coopération entre la famille et l’école, il faudrait aussi organiser et activer les moyens de distraction au sein des établissements scolaires par l’encouragement des divers clubs (clubs d’étude et de recherche, clubs culturels) avec la participation effectives des enseignants.
h.    A propos de l’arabisation
Les commissions recommandent les mesures suivantes :
-      La possibilité d’arabiser l’enseignement de la philosophie dans un intervalle de 5 ans.
-      La poursuite de l’arabisation de l’enseignement de l’histoire à partir de la 4ème année et l’enseignement de la géographie dès la 1ère année. Pour les autres matières, les commissions  proposent le calendrier suivant : les sciences naturelles  et les mathématiques ( démarrage de l’arabisation en 1981/82), les sciences physiques ( démarrage de l’arabisation en 1984/85) .
Les commissions pensent que pour mettre en application les recommandations précédentes, il est nécessaire de constituer des commissions techniques spécialisées qui se chargeraient de préparer les programmes, et les moyens didactiques, ainsi que les textes d’application relatifs au régime des études et au système de l’évaluation des apprentissages ; c’est une tâche qui « nécessite le maximum de stabilité et de continuité pour assurer les chances réelles de succès. » [17]

Telles étaient les grandes orientations des commissions permanentes de l’enseignement, dont la finalité était de relever le niveau de l’enseignement et de sa qualité, et d’assurer l’authenticité des contenus et des programmes, d’arabiser l’enseignement secondaire, d’accorder un grand intérêt  aux disciplines scientifiques et techniques,  et enfin d’assurer aux enseignants une  formation initiale et continue qui leur donne les moyens de remplir leur mission dans les meilleures conditions .
Ces orientations tendent à assurer à tous les élèves de l’enseignement secondaires les mêmes horizons, puisque toutes les filières amènent au baccalauréat dans une tentative d’éliminer la distinction entre les sections « nobles » et les filières courtes.
Enfin ces orientations représentent les  bonnes semences   qui vont   engendrer le système éducatif, et l’on retrouverait leurs échos ou au moins les échos de certaines d’entre elles dans   les réformes qui seront  décidées  par  les ministres au cours de la décennie. »
Conclusion générale
Les commissions permanentes et avant elles la commission nationale de 1967 étaient deux mécanismes similaires pour évaluer le système éducatif   engendré par la loi de 1958  et les réformes qui étaient initiées entre 1967 et 1970 , cette dernière période fut une période d’instabilité et d’hésitation pour le système éducatif , elle fut marquée par la prise de certaines mesures qui furent ensuite annulées ou gelées  ou modifiées en fonction de la conjoncture et les conceptions du Ministre qui dirigeait le département .
Les deux commissions avaient adopté une  même approche ( constitution de sous commissions par cycle , partir du diagnostic de la situation en vigueur pour aboutir aux propositions et aux recommandations , élaboration d’un rapport indépendant pour chaque cycle , absence d’un travail de synthèse qui couvre les trois cycles qui trace les orientations générale du système éducatif).


La comparaison des rapports des  rapports de synthèse des  commissions permanentes  nous montre que les deux sous commissions ( celle du primaire et celle du secondaire ) partageaient les mêmes soucis,  dont le plus important était la faiblesse du rendement du système causé par les programmes, le temps scolaire et les compétences des enseignants , dès lors il n’est pas étonnant  que l’on constate que les deux sous commissions aient cherché à redéfinir les finalités du cycle qui l’intéresse , c’est ainsi que le commission de l’enseignement primaire  proposa  que l’enseignement primaire soit une entité autonome dont la finalité est de donner aux enfants les principes éducatifs élémentaires , elle proposa aussi de rompre les liens entre la formation au niveau du cycle primaire et le passage   pour le cycle secondaire , si bien que tout élève qui achève les études primaire devrait quitter l’école.
Quant à la commission de l’enseignement secondaire, elle avait fixé quatre objectifs pour le deuxième cycle qui cherchent à améliorer le niveau  et la qualité  des études et à consolider son authenticité par l’arabisation , et  la tunisification des contenus et du cadre enseignant  et enfin à améliorer  l’efficacité de l’enseignement secondaire et renforcer ses liens avec le marché du travail .
Les commissions permanentes partageaient le même intérêt pour la langue de l’enseignement et la place des langues étrangères , c’est ainsi que la sous commission de l’enseignement primaire a longuement évoqué la question du bilinguisme qui prédominait à l’époque au niveau de l’école primaire  , pour la sous commission le bilinguisme s’est fait au détriment de la langue nationale , c’est pour cette raison que la sous commission a appelé à l’arabisation de toutes les matières à l’école primaire , et de reporter l’apprentissage du français au niveau  la 5ème et la 6ème année qui sera enseignée comme une langue vivante étrangère .
La sous commission de l’enseignement secondaire a suivi la même voie en appelant à la poursuite de l’arabisation de l’enseignement de l’histoire et à entamer celui de la géographie , elle a proposé un calendrier pour  démarrer l’arabisation l’enseignement de la philosophie, des sciences naturelles , des mathématiques et des sciences physiques, tout en reconnaissant que l’arabisation des disciplines scientifique demanderait du temps , alors que celles des sciences sociales  devrait se faire dans des délais très brefs , la sous commission a en outre proposé de programmer une épreuve d’arabe au baccalauréat pour tous les candidats,  ces orientations n’avaient  pas  l’intention d’enfermer les élèves dans le cadre de la langue nationale , pour la sous commission l’apprentissage des langues étrangères est très utiles car il permet l’ouverture sur le monde et l’accès direct aux sciences et à la technologie ,néanmoins  la sous commission  a proposé de réviser les programmes du français pour qu’elles soient plus conformes aux nouveaux objectifs et elle a recommandé de développer l’enseignement de la langue anglaise.
Les commissions permanentes partagent aussi le même intérêt pour les compétences scientifiques et professionnelles  du corps enseignant , la sous commission de l’enseignement primaire déplore le recrutement d’un grand nombre de moniteurs et d’instituteurs non qualifiés , elle explique la baisse du niveau des élèves par ces recrutement imposé par le choix de la généralisation très rapide de l’enseignement , la sous commission regrette  aussi la décision de se passer des instituteurs français compétents qui avaient le mérite de donner à nos enfants une formation de qualité qui leur a permis de maîtriser la langue française , la sous commission pense qu’il n’y avait pas d’espoir de retrouver le niveau d’antan chez les élèves d’aujourd’hui  , toute fois elle recommande de mettre sur pied un plan de recrutement  d’élèves pour les écoles normales pour leur donner une formation  de qualité , elle recommande aussi d’assure un encadrement continu pour les instituteurs et de charger les meilleurs inspecteurs de cette mission surtout au cours les premières années de métier.
La sous commission de l’enseignement secondaire  a estimé que le corps des professeurs était très hétérogène et souffre d’un déficit de formation professionnelle , un grand nombre enseigne des matières qui n’ont aucun rapport avec leurs diplômes , la sous commission recommande de concevoir un plan de formation de professeurs  et d’ouvrir une école supérieur de l’enseignement technique  à l’instar de l’école normale supérieure qui formaient des professeurs de l’enseignement général car la réalisation des objectifs arrêtés par la commission dépend  essentiellement de la qualité des enseignants.
Enfin les deux sous commissions demandent  que l’autorité de tutelle assure une certaine stabilité pour le système éducatif et d’éviter les mesures précipitées  et l’improvisation afin de rassurer  tous les acteurs du système et afin de permettre au système de regagner la confiance de la société.
Hédi Bouhouch & Mongi Akrout , inspecteurs généraux de l’éducation ,
Tunis , 25 septembre 2015.



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http://bouhouchakrout.blogspot.com/2016/01/lhistoire-des-reformes-scolaires-en_25.html







[1] le 17 janvier 1967 le parti socialiste destourien a institué ,dans le cadre de la commission des études socialistes, la sous- commission de l’enseignement présidé par le secrétaire général adjoint Ahmed Ben Salah,  le président de la république Habib Bourguiba avait présidé la séance inaugurale des travaux le 31 janvier 1967  , ils furent achevés  au cours de l’été de la même année ,  ,  la  mission de la commission était  «  d’évaluer le système éducatif mis en place par la réforme de 1958  et de  faire des propositions qui permettraient une meilleure adéquation entre les objectifs de la réformes et des ses produits .

[2]  La commission nationale s’est scindée en 3 sous commissions   : une pour  l’enseignement primaire, une autre  pour l’enseignement secondaire, et une troisième pour l’enseignement supérieur .
[3] Voir le rapport de synthèse de la commission de l’enseignement secondaire : les grandes lignes de la réforme des structures et de l’organisation  de l’enseignement secondaire, juin 1972, P1, imprimé par le collège professionnel Bab Alouj, Tunis, Non daté . Ce document nous a été gracieusement remis par M° Ahmed Zghal, ancien directeur du lycée 15 novembre de Sfax et ancien directeur régional de l’enseignement de Sfax au début des années 80.
[4]  Chedly Ayari a succédé à Mohamed Mzali  au mois de juin 1970 , il fut remplacé le 29 octobre 1971 par le même Mohamed Mzali. 

[5] Opt  cité n° 3
[6] Ben Salah  fut traduit devant la Haute Cour et condamné le 25 mai 1970 à dix ans de travaux forcés pour haute trahison, manque e confiance, falsification des statistiques
[7]  Opt cité p 1
[8] Voir le document publié par le ministère de l’éducation nationale en juin 1972 sous le titre :   «  rapport de synthèse: les grandes lignes de la réformes des structures et de l’organisation de l’enseignement secondaire  » avril 1972 , p 4, le rapport imprimé par le collège secondaire professionnel de Bab Al Alouj  ( sans date) , ce rapport de 20 pages  de texte et plusieurs annexes sous la formes de graphiques et de statistiques.
[9] Il est utile de faire remarque que les travaux des commissions avaient démarré avec le ministre Chedly Ayari et s’étaient poursuivi  sans interruption avec le ministre Mohamed Mzali , signe que le gouvernement était décidé de traiter la question dans le cadre institutionnel
[10] Les commissions permanentes avaient produit trois rapports , un rapport par cycle d’enseignement, nous avons eu la chance d’accéder à ses rapports qui nous été offerts gracieusement par notre cher professeur Ahmed Zghal , l’ancien directeur du lycée 15 novembre de Sfax ( l’ex annexe de la zitouna ) et ancien directeur régional de l’enseignement de Sfax qui a eu la gentillesse et l’amabilité de nous ouvrir les portes de sa bibliothèque personnelle , une véritable mine de documents rares  pour les chercheurs et les historiens de l’éducation , qu’il en soit vivement remercié.
[11]  Voir le document publié par le ministère de l’éducation nationale en juin 1972 sous le titre :   «  rapport de synthèse: les grandes lignes de la réformes des structures et de l’organisation de l’enseignement secondaire  » avril 1972 , p 4, le rapport imprimé par le collège secondaire professionnel de Bab Al Alouj  ( sans date) , ce rapport de 20 pages  de texte et plusieurs annexes sous la formes de graphiques et de statistiques. Dans la première page  il était indiqué que le rapport  de synthèse fut élaboré à partir des rapports des commissions permanentes de chaque discipline .

[12]  Le rapport p 3
[13]  Opt cité page 3
[14]  L’efficacité du système éducatif est la capacité du système à atteindre  les objectifs assignés par la nation
[15] Tout ce qui est en italique dans le texte est reproduit du rapport de synthèse déjà cité
[16] Opt cite p 17
[17] Opt cite p 20

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