Nous avons consacré la note précédente ( partie 1 : pour y accéder cliquer ICI ) à la présentation
du contexte général ( politique, économique et social) du début des années
soixante dix et aux différentes mesures
qui visaient la réorganisation du
ministère de l’éducation nationale au
niveau central et régional , prélude aux différentes réformes pédagogiques qui
allaient être engagées au cours de cette décennie, nous commençons avec cette deuxième partie par les réformes qui
avaient été engagées à l’école primaire .
2.
Les aménagements introduits dans les
différents degrés de l’enseignement : ( a ) Les mesures concernant l’enseignement primaire ou le
premier degré
Les années soixante- dix avaient
connu ,grâce aux initiatives des ministres qui s'étaient succédé à la
tête du ministère de l’éducation nationale et surtout du temps des ministres
Driss Guiga et Mohamed Mzali ,
des réformes d’importance et d’impact
différent qui ont touché les composantes du système éducatif ( les
programmes , le cadre enseignant , l’évaluation…) . dans le but de faire face à
l’abandon scolaire, à la faiblesse du rendement du système, à la prédominance
des aspects théoriques et abstraits de l’enseignement, et enfin au dysfonctionnement entre la formation et les besoins du marché
de l’emploi …
Plusieurs mesures avaient été décidées pour le premier degré, elles avaient concerné plusieurs aspects,
dont :
§ la mission et
des objectifs de l’enseignement primaire
Entamé avec Ben Salah , une nette évolution de la mission de l’école
primaire prend forme au cours de la décennie soixante- dix ; en effet , en
plus de la mission première ( définie par la loi de 58) qui consistait à
préparer les élèves à poursuivre leurs études secondaires générales ou
professionnelles, l’école primaire s’est vue attribuer une nouvelle mission ,
celle de préparer l’enfant à intégrer la vie active, en cas d’échecs répétés au
concours d’entrée en première année de l’enseignement secondaire.
Ainsi, désormais l’enseignement
primaire se voit appeler à poursuivre un
objectif double : c’est une étape autonome, qui prépare l’enfant à la vie
active et professionnelle ; et c’est
aussi une étape qui fait partie d’une chaîne, puisqu’elle prépare l’accès à
l’enseignement secondaire ; ceci représente une évolution par rapport aux
objectifs définis par la loi de 1958 qui stipulait que «l’enseignement primaire a pour but
essentiel d’assurer une formation élémentaire
destinée à dégager l’ensemble de ses virtualités ( l’enfant) … et à
dégeler ses aptitudes en vue d’une meilleure orientation pour la suite de ses
études » ( loi 58 , titre
II, art 7).
Cette évolution de la mission de l’école
primaire, qui explique la place importante
accordée au travail manuel à l’école, afin de faciliter l’insertion des
élèves qui décrochent ( et ils étaient
fort nombreux) dans la vie active ;
elle explique aussi l’institution d’un
cycle post- primaire de deux années[1], depuis 1977 , la 7ème
et la 8ème année ; la 7ème prépare les élèves comme
la sixième au concours, mais donne aux élèves une formation professionnelle qui
les prépare à la vie active ; la 8ème , par contre, accueille
les élèves qui n’ont plus le droit de passer le concours pour dépassement d’âge
( plus de 16 ans) ; elle était intégralement consacrée à la préparation de
l’élève à intégrer la vie professionnelle, en suivant une initiation dans des
structures agricoles ou industrielles.
La formation donnée aux élèves, au cours
de ces deux années, constitue en réalité un prolongement du programme
d’initiation aux travaux manuel (ITM) ; ainsi l’école primaire voulait se
transformer « en une structure qui n’élimine pas mais qui oriente et
qui donne à l’élève une formation manuelle qui facilitera son intégration dans
le système économique ».[2]
§ Révision des
programmes de l’école primaire
Les années soixante- dix ont connu une
profonde révision des programmes de l’école primaire, dont les objectifs étaient :
-
De« corriger
les insuffisances et les distorsions constatées », d’améliorer la qualité
de l’enseignement et la formation des élèves, et de réduire le redoublement et
l’abandon « ;
-
« D’atténuer le caractère académique et
livresque des programmes » ;
« D’articuler les programmes étroitement
avec la réalité du pays, et leur donner un caractère légitimement national et
conforme à la personnalité culturelle du pays »[3].
Partant de ces objectifs généraux ou de
ces principes, le ministère de l’éducation a pris les mesures suivantes :
-
Augmentation de l’horaire de la première années de 5
heures par semaine ( passage de 15 à 20 ),
pour consolider le temps consacré aux apprentissages fondamentaux, comme
l’expression écrite et orale, le calcul ; ( il est bon de rappeler qu’à la
rentrée 1969-70, il a été décidé de suspendre l’horaire décidé par Ben Salah (
25 h ), suite au retour de l’enseignement du français dès la 1er
année, et le retour à l’ancien horaire) voir l’annexe suivant :
Annexe : tableau de l’évolution de l’horaire
hebdomadaire à l’école primaire
Avant 58
|
Réforme 58
|
Octobre 69
|
Octobre 70
|
Réforme 1973
|
|
1er année
|
30 h
|
15
|
25 h dont 10 pour le FR
|
15
|
20
|
2ème année
|
30 h
|
15
|
25 h dont 10 pour le FR
|
25
|
25
|
3ème année
|
30 h
|
25
|
25
|
25
|
25
|
4ème année
|
30 h
|
25
|
25
|
25
|
25
|
5ème année
|
30 h
|
25
|
25
|
25
|
25 ou 27*
|
6ème année
|
30 h
|
25
|
25
|
25
|
25 ou 27*
|
7ème année
|
30 h
|
Supprimée
|
|||
Total
|
210
|
130
|
150
|
140
|
145 ou 149
|
* Deux heures pout l’ITM
D’après Mongi Bousnina,
développement scolaire et disparités régionales en Tunisie, PUT, 1991, p 103
-
Poursuite de la mise en œuvre du processus
d’arabisation
de l’école primaire ; depuis la rentrée 1977 – 78, la langue arabe est
devenue, pour les 4 premières années de l’école primaire, la seule langue véhiculaire du savoir (travaux manuels, sciences,
mathématiques, histoire, géographie…) ; l’arabisation s’étendra à tout le
cycle primaire en 1981 -82 et l’utilisation de la langue française comme langue
étrangère depuis la quatrième année »[4]
-
la généralisation de l’éveil scientifique à toutes les classes de l’école
primaire.
-
Considérer la langue française comme une langue
vivante dont l’enseignement commencerait en 4ème année , l’application de cette décision
devrait commencer dès la rentrée 1978-79 et atteindra la 6ème au
cours de l »année scolaire 1980-81[5] .
-
« L’introduction
de l’initiation aux travaux manuels [6] dans les programmes
de la 5ème et de 6ème année depuis la rentrée 1972/73 à
raison de deux heures par semaine, ces travaux étaient axés sur les activités
agricoles et industrielles ou artisanales selon le milieu de l’école, les
travaux manuels deviennent très importants en 7 et 8ème qui ont été instituées depuis 1977 au
niveau des écoles primaires, pour assurer ces apprentissages le ministère de
l’éducation nationale avait sollicité l’aide du ministère de l’agriculture et
de l’office national de la formation professionnelle. « Le projet de l’ITM est passé par
trois étapes : une étape expérimentale ( 1971/72-1975/76) au cours de laquelle les élèves suivent
l’initiation dans les centres de l’office des travailleurs à l’étranger et de
l’emploi , elle est assurée par les moniteurs du ministère des affaires
sociales, une deuxième étape ( 1975/76 -1976/77) l’ITM est transférée aux
écoles primaires équipées et assurée par
des instituteurs formés spécialement pour cette activité, enfin la troisième
étape ( 1977/78) c’est la généralisation
dans toutes les écoles en attendant la création de la 7ème et de la 8ème année » [7]
-
L’introduction d’un fond lexical maghrébin « Racid -Loughaoui maghribi»
destiné à élaborer un enseignement fonctionnel
de la langue Arabe, et qui fixe une terminologie adaptée à l’école
primaire (les trois premières années), dans le cadre des pays du Maghreb et
l’extension de la méthode active pour consolider les capacités des élèves dans
la communication orale en langue arabe.
-
L’expérimentation d’une méthode pour faire aimer la lecture par les élèves , cette expérience était
supervisée par des experts de l’institut des sciences de l’éducation.
-
L’élaboration des manuels et des guides nécessaires pour assurer la bonne
application des nouveaux programmes, cette tâche a été confiée à la nouvelle
direction des programmes et de la formation continue [8] qui a
produit en 1984 85, 52 manuels.
§ Amélioration
de la formation des instituteurs
Les responsables de l’école tunisienne
de l’époque étaient conscients que le succès du plan de mise à niveau du
système éducatif est lié essentiellement aux qualités du cadre enseignant et
des hautes compétences et de ses capacités à s’adapter et à innover ;
c’est la raison pour laquelle ils avaient accordé à la formation académique et professionnelle des
instituteurs et des institutrices toute l’attention afin, de relever leur
niveau. Pour atteindre cet objectif, le ministère avait pris les mesures
suivantes :
-
L’arrêt du recrutement de moniteurs dès l’année
scolaire 1973/74 et dispenser
d’enseigner ceux qui n’arrivent
pas à faire leur preuve et n’ont pas réussi à améliorer leur niveau.
-
Le recours au concours pour le recrutement des élèves
instituteurs (et non l’orientation imposée), pour sélectionner des candidats
sur la base de leur formation de leur culture générale, pour éviter les échecs
et les redoublements.
-
L’arabisation de toutes les disciplines enseignées
dans les écoles normales en 1977/78 et
« l’introduction des activités manuelles et techniques en tant que
matières de bases »[9]
-
L’amélioration de la formation au métier d’enseignant donnée à l’élève
instituteur au cours de la quatrième année, au cours de laquelle l’élève
instituteur reçoit une formation théorique en psychologie et en pédagogie, et
une formation pratique qui consistait à suivre des séances d’observation, et à
la prise en charge partielle d’une classe , sous la supervision de l’instituteur de la
classe. Cette quatrième année s’achève par un examen pour l’obtention du
certificat de fin de stage.
-
L’organisation de la formation continue par
l’ouverture du centre national de formation continue de Korba au cours de l’année scolaire 1974/75 dont la
mission est d’assurer la formation continue des instituteurs et des directeurs
des écoles primaires, et l’encadrement des instituteurs recrutés directement,
sans être passés par les écoles normales, parmi les bacheliers, ou parmi les
étudiants qui ont épuisés leur droit à une nouvelle inscription à l’université,
en raison de leurs échecs répétés, plus connus à l’époque sous l’appellation de
« cartouchars » et le centre national de formation de Carthage
-
L’amélioration des taux d’encadrement des instituteurs par le recrutement de nouveaux
inspecteurs et de conseillers pédagogiques spécialisé dans la formation
d’instituteurs spécialisés dans l’initiation aux travaux manuels (ITM).
-
A suivre Partie 3 : Les réformes qui avaient concerné le
second degré
Hédi Bouhouch & Mongi Akrout ,
inspecteurs généraux de l’éducation
Tunis , octobre 2014.
Articles publiés par le
blog pédagogique sur le même thème
Bennour,
A. « A propos de le réforme éducative : les références
juridiques : première partie ».; Blog pédagogique
Bennour, A : « A propos de le
réforme éducative :les références de la réforme scolaire : deuxième
partie » ; Blog pédagogique
http://bouhouchakrout.blogspot.com/2015/11/histoire-des-reformes-educatives-en.html#more
Bouhouch et Akrout . Rapport
de la commission sur l’enseignement secondaire[1] L’Action 18-9-1967, ; Blog pédagogique
Jerbi,A. La
politique éducative ou quelle politique éducative pour quelle réforme de
l'éducation?
Boukhari . O. la
gouvernance du système éducatif tunisien
Bennour, A : Les
références de la réforme scolaire : Deuxième partie
Bouhouch et Akrout. Histoiredes réformes éducatives
en Tunisie depuis le XIXème siècle jusqu’à no jours :les réformes de la période
précoloniale (1ère partie) . Blog pédagogique
Bouhouch et Akrout.Histoire des réformes éducatives
enTunisie depuis le XIXème siècle jusqu’à no jours : les réformes de la période
précoloniale(2ème partie) ; Blog pédagogique
Bouhouch et Akrout.Histoire des réformes éducatives en Tunisie
depuis le XIXème siècle jusqu’à no jours : les réformes de 1958 (1er partie) ; Blog pédagogique
http://bouhouchakrout.blogspot.com/2015/12/les-reformes-scolaires-depuis_28.html
Bouhouch et Akrout.Histoire des réformes éducatives en Tunisie
depuis le XIXème siècle jusqu’à no jours : les réformes de 1958 (2ème partie) ; Blog pédagogique
http://bouhouchakrout.blogspot.com/2016/01/les-reformes-scolaires-depuis.html
Bouhouch et Akrout.Histoire des réformes éducatives en Tunisie
depuis le XIXème siècle jusqu’à no jours : les réformes de 1958 (3ème partie) ; Blog pédagogique
http://bouhouchakrout.blogspot.com/2016/01/les-reformes-scolaires-depuis_11.html
Bouhouch et
Akrout.Histoire des réformes éducatives en Tunisie depuis le XIXème siècle
jusqu’à no jours 3ème partie : Evaluation de la réforme de 1958 et
les tentatives d’adapter le système à l’évolution continue de la réalité :
Les réformes de la période de 1967 à 1969( 1° partie)
Bouhouch et Akrout. Histoire
des réformes éducatives en Tunisie depuis le XIXème siècle jusqu’à nos jours 3ème partie : Évaluation de la réforme de 1958 et les
tentatives d’adapter le système à l’évolution continue de la réalité : Les
réformes de la période de 1967 à 1969(2ème partie)
http://bouhouchakrout.blogspot.com/2016/01/lhistoire-des-reformes-scolaires-en_25.html
[1] Cette mesure rappelle
étrangement l’enseignement post primaire institué par le deuxième Directeur de
l’enseignement public Charletty en 1909.
[2] Ministère
de l’éducation nationale - Rapport sur le mouvement éducatif en Tunisie( 1976
-78)présenté à la 37ème session de la conférence internationale de l’éducation-
(Genève / juillet 1979)
[3] Voir le rapport sur e
système éducatif tunisien 1974-76 p 16 , septembre 1977- Mohamed Ben Gsouma, sous directeur des programmes de
l’enseignement primaire ,a rapporté que la réforme des programmes a débuté en
1976 « et elle s’est occupée de l’arabisation et à la l’enracinement des
contenus et des outils qui complètent
les programmes » le système éducatif tunisien : sa réalité et son évolution , 1985 , P 77
[6] La chambre
des députés avait approuvé en 1976 le programme de l’extension progressive du programme de l’ITM
[7] Ahmed Al Aied , directeur de l’enseignement
primaire, le système éducatif tunisien , opt cite p 62, 63.
Une nouvelle réforme de l'enseignement est annoncée pour 2024. Une approche ultra moderne s'appuyant sur une consultation populaire via le Net !
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