Hédi Bouhouch |
Voilà 93 années que disparaissait une grande personnalité de
l’éducation et de l’enseignement , pour commémorer sa mémoire le blog pédagogique a voulu rendre un hommage à cette figure nationale
qui a marqué son époque par son action éducative et son engagement
politique, il s’agit de Mohamed Lasram , né en 1866 et décédé en mars 1925.
.
Mohamed Lasram a étudié
à la grande Mosquée Zitouna et
au Collège Sadiki.
Il séjourna ensuite durant deux ans en France à l’école normale des instituteurs de Versailles en France , à son
retour , il enseigna au Collège Alaoui
, puis au collège Sadiki et enfin à l'Ecole supérieure de langue et de
littérature arabes , maitrisant parfaitement
les deux langues ,il fut l’un des meilleurs spécialistes des cours de version
et de thème.
Mohamed Lasram est un
homme engagé , il adhère au mouvement
des Jeunes Tunisiens et devient l’un de ses membres
, entre 1900 et 1909 il est devenu le doyen de l'association de
la Khaldounia , il participa à la conférence
coloniale organisée à Marseille en
septembre 1906 et à la conférence nord-africaine
tenue du 6 au 10 octobre 1908 en compagnie d'Abdeljelil Zaouche, Sadok Zmerli et Khairallah Ben
Mustapha.
Il fut remarqué par sa
communication sur l’enseignement des jeunes tunisiens , il publia plusieurs articles dans différentes revues où il appelle à la généralisation de l'éducation des jeunes
tunisiens des deux sexes, et à la
protection des habous, et l'engagement des Tunisiens dans la vie
politique et le rapprochement entre Français et Tunisiens.
Pour honorer la mémoire
de cette personnalité, nous publions un document vieux de plus de 90 ans, que
nous avons trouvé dans le Bulletin officiel de l’instruction publique de 1925,
il s’agit de l’oraison funèbre prononcée
par le Directeur de l’instruction publique le jour de l’enterrement de Mohamed
Lasram, la grâce de Dieu et sa pitié à son âme.
DISCOURS prononcé par le Directeur général de
l'Instruction publique et des Beaux-Arts aux obsèques de M. Mohammed Lasram,
Le 16 mars 1925
Le décès prématuré de M.
Mohammed Lasram n'est pas seulement une grande perte pour l'Enseignement
public. Il prive ce pays d'un fils qui
lui faisait le plus grand honneur par sa haute culture, par les dons de son
esprit et l'élévation de son caractère, par les services rendus à la France, et
à la Tunisie, qu'il n'a jamais cessé de confondre dans une commune affection.
M. Lasram appartenait à cette élite de
jeunes musulmans, qui, dès l'origine du Protectorat, méritèrent, par leur vive
intelligence, secondée par un travail assidu, d'aller poursuivre leurs études
en France, sur les bancs de nos grandes écoles, côte à côte avec l'élite de la
jeunesse française.
Né à Tunis, le 23 novembre 1866, entré
au Collège Sadiki, dès la fondation de ce célèbre établissement, il fut un des
premiers à y obtenir le brevet de capacité. Envoyé aux frais du
Collège à l'Ecole Normale de Versailles, il y obtint, après d'excellentes
études, le brevet supérieur.
Sa vie fut ensuite tout entière vouée à
l'étude et au bien public.
Après avoir, pendant quelque temps, à
son retour de Versailles, enseigné au Collège Alaoui, M. Lasram nous quitta
pour entrer dans une autre Administration. Mais il avait avant tout la vocation
de l'Enseignement; il nous revint en 1913, date où il accepta de faire à l'Ecole
supérieure de langue et de littérature arabes un cours de traduction, auquel
fut ajouté après la guerre
l'enseignement du thème arabe, qui est, on le sait, la partie la plus
difficile et la plus délicate de l'enseignement dans les écoles d'arabe.
Sa méthode était faite de précision, de
minutie et de clarté, ne laissant rien dans' l'ombre et ses auditeurs
conserveront toujours le souvenir des leçons si solides qu'il leur donna
pendant son séjour à l'Ecole.
En 1918, pour combler le vide laissé par
la disparition d'un de ses professeurs, la Direction du Collège
Sadiki fit appel au dévouement de l'ancien élève du Collège, resté
toujours si attaché à l’établissement où il avait fait ses premières études. M.
Lasram répondit à cet appel.
L'autorité que lui conféraient sa haute
culture et son goût marqué pour l'enseignement eut les plus heureux effets sur
les progrès des élèves. La finesse pénétrante de son commentaire, les qualités
de clarté et de précision, déjà signalées dans ses cours de l'Ecole supérieure
d'arabe, enfin la souriante bonté qu'il apportait dans ses relations avec les
élèves faisaient d'eux ses obligés et bientôt ses amis.
Plus que personne M. Lasram aura
contribué à donner aux études arabes, tant à l'Ecole supérieure qu'au
Collège Sadiki, l'éclat et la solidité que requiert l'intérêt de ces deux
établissements. Il aura été l'un des meilleurs ouvriers de l'œuvre si
importante du haut enseignement de la langue arabe en Tunisie. Cette œuvre, il
l'a continuée sans défaillance jusqu'à la fin de l'année scolaire 1923-1924,
jusqu'au jour où il fut terrassé par la maladie qui devait l'emporter.
Eh lui, le goût de l'étude et le souci
des problèmes relatifs à l'éducation étaient intimement liés à l'activité
professionnelle.
Qu'il me suffise de mentionner la
traduction qu'il fit avec M. le Contrôleur civil Serres de deux
ouvrages arabes et sa communication si remarquée au Congrès de Marseille.
Le Gouvernement du Protectorat avait
reconnu et récompensé ses mérites en lui conférant de hautes distinctions : la cravate
de Commandeur du N'ichan-Iftikhar, les palmes académiques, le mérite agricole
et, l'année dernière, la rosette d'Officier de la Légion d'honneur.
Il
avait été nommé membre du Conseil de l'Administration des Habous.et
n'avait quitté ce poste, élevé que pour être appelé, tout récemment, à de
délicates et importantes fonctions. La mort inexorable ne lui aura
pas permis de donner, dans ce nouvel emploi, la mesure de sa valeur et d'y
justifier la confiance à bon droit
placée, en lui.
La France et la Tunisie doivent un
commun tribut de reconnaissance et de regret à la mémoire de cet
enfant de la Tunisie, que l'on peut appeler aussi un fils spirituel de la
France. II honora le pays qui l'avait vu naître comme celui qui avait
parachevé son éducation. Nous garderons précieusement sa mémoire.
Source : Bulletin officiel de la direction générale de l’instruction publique et des beaux-arts, n°9 , Mars, Avril 1925,39°
année.
Hédi
Bouhouch & Mongi Akrout , Inspecteurs généraux de l’éducation retraités
Brahim
ben Atig , professeur principal émérite
Tunis
, 2018
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