lundi 30 septembre 2019

Le programme de "compétences de base": Une nouvelle approche de l'apprentissage et de l'évaluation (partie 2)

Feu Abdelmalak Sallami  avec son sourire éternel

Voilà sept années déjà, que nous avions accompagné le corps de Si Abdelmalek Sallami à sa dernière demeure dans le cimetière de sa ville natale  Thibar , il pleuvait beaucoup ce 12 septembre 2012 .

Abelamalek Sallami  fut l’un des piliers de l’inspection pédagogique  de Français et  l’un des acteurs de la réforme de 2002 en compagnie  d’une équipe exceptionnelle  qui comptait parmi ses membre feu Nejib Ayed  , Hédi Bouhouch, Omrane Boukhari  …
 Sallami  fut aussi l’un des pionniers du projet de l’approche par les compétences (APC), il fut pendant plusieurs années le pilote du programme visant l’introduction de cette approche dans l’enseignement scolaire, il y a assuré des activités  de conception, d’expérimentation, avant la  généralisation puis l’évaluation de tout le processus.
Sallami était sur plusieurs fronts à la fois. Il a contribué activement à plusieurs autres programmes  éducatifs novateurs en particulier le Programme des Ecoles d’Education Prioritaire (PEP).
On lui doit aussi d’avoir conduit une réflexion portant, d’une part sur le renouvellement  des missions de l’inspecteur pédagogique dans un contexte de réforme systémique, et d’autre part sur la vie scolaire. Ce travail de réflexion a abouti  à la publication de deux décrets parmi les plus consistants dans l’arsenal législatif induit par la Réforme de 2002.
 Abelamalek Sallami  a commencé sa carrière comme professeur  de Français dans les lycées, il deviendra inspecteur en 1982 après avoir passé avec succès le concours, il termina sa carrière  en tant qu’inspecteur général de l’éducation.
En outre il  travailla au cabinet du ministre avant d’être nommé Directeur général chargé de la coordination entre les directions régionales de l’enseignement et de la formation (en 2005) , puis Directeur général du Centre national de formation et d’ingénierie de la formation  (CENAFIF) en 2007 , poste qu’il occupa jusqu’à la date de sa retraite en Juillet 2009.
Le blog pédagogique a  voulu commémorer sa mémoire  publiant le texte d'une communication qu'il  a donnée  au cours des journées d'étude sur l'école de demain  tenues à Tunis les 4&5 mai 1998 intitulée: le programme de "compétences de base": Une nouvelle approche de l'apprentissage et de l'évaluation

Qu’il repose en paix.   
Le blog pédagogique  septembre  2019.
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Le programme de "compétences de base": Une nouvelle approche de l'apprentissage et de l'évaluation


                       III.            la mise en œuvre du programme : état des lieux.
le programme "compétence de base " a vu le jour en 1994/1995[1], à la suite de deux séminaires nationaux ( appelés PIPO) au cours desquels les principaux responsables du ministère et un certain nombre d'inspecteurs du primaire et du secondaire ont mis au point  une stratégie pour l'implantation de  l'évaluation formative dans le premier cycle de l'enseignement de base.
Au lieu de faire un descriptif linéaire des actions entreprises depuis lors , je vais essayer, pour la cohérence de l'exposé, de dresser un état des lieux des différentes composantes du programme : la recherche, la formation , l'expérimentation, la base de données , la gestion et le suivi.

A.             La recherche et la production d'outils et de documents de références
Des groupes de recherche ont été constitués en 1994/95 , une année avant le démarrage de l'expérimentation .Ces groupes qui ont été encadrés par le professeur J.M.De Ketele, ont procédé à :
·                  L'élaboration du cadre de référence théorique et méthodologique du programme.
·                  L'analyse approfondie des programmes officiels d'arabe, de mathématiques et de français afin d'en extraire les objectifs et les contenus les plus importants au regard des performances  attendues dans chacune de ces disciplines au terme du premier cycle de l'enseignement de  base .
أ La traduction des objectifs et des contenus identifiés en termes de compétences , c'est-à-dire en capacités cognitives et/ou psychomotrices s'exerçant sur des contenus précis, dans des situations déterminées, par exemple :manipuler les nombre de 1 à 100 dans une situation d'achat au marché (compétence en mathématiques à maitriser avant la fin de la 2ème année ).
·         Le classement des compétences retenues en deux catégories: les compétences fondamentales ( compétences de base ou C.B.) sur lesquelles reposent les apprentissages ultérieurs, et les compétences de perfectionnement qui sont utiles mais dont l'acquisition ne revêt pas un caractère d'urgente nécessité.
·         La hiérarchisation des compétences  de base à faire acquérir dans chaque degré du premier cycle ( rappel : un degré équivaut à deux années d'étude), puis la définition pour chacun de ces ensembles hiérarchisés de compétences , d'une macro compétence qui les intègre toutes. Cette macro compétence appelée objectif terminal d'intégration (O.T.I.), clôture chaque degré du premier cycle et constitue l'unique repère pour l'évaluation finale des acquis des élèves.
·         la validation des compétences de base(C.B) et des objectifs terminaux d'intégration (O.T.I.) au moyen de tests spécifiques administrés dans plusieurs classes.
·         La production , en fin de parcours, d'un document de référence regroupant cet ensemble d'outils.
Les documents produits par les groupes de recherche ont été validés sur le terrain , puis améliorés. Actuellement les maîtres chargés de l'expérimentation du programme C.B. disposent d'une variété de documents:
·                  Des documents de références relatifs aux trois disciplines fondamentales: l'arabe , les mathématiques et le français.
·                  Un guide du maître en arabe et en français.
·                  des modèles de test    d'évaluation  qui se rapportent à l'ensemble des objectifs d'intégration , de la 1ère à la 6ème année de l'enseignement de base.

Nous nous apprêtons maintenant à élaborer des documents complémentaires :
§     Des livres d'exercices à caractère intégratif en mathématiques,  en arabe et en français;
§     Un document pédagogique sur les "savoir-être  de base" qui permettra d'opérationnaliser certaines valeurs et attitudes essentielles ( la tolérance, l'autonomie, l'esprit critique etc.).
§     Des documents audio visuels qui seront utilisés comme supports  aux activités de formation.
B.             La formation,
La réussite  du programme C.B. est tributaire , dans une très large mesure de la formation des différentes catégories d'éducateurs  chargés de sa mise en œuvre ( les instituteurs, les inspecteurs, les assistants pédagogiques et les directeurs d'écoles). C'est pour cette raison que , dès le départ, l'accent a été mis sur ce volet, et que des actions d'envergure ( séminaires ,stages sessions de formation à l'école d'été ont été réalisés)
Au fil des années, notre méthodologie dans ce domaine s'est affinée. L'an dernier, nous avons conçu et mis en œuvre une démarche en trois étapes:
Première étape :Elaboration de référentiel des compétences requises chez chacune des catégories d'éducateurs  participant à la conception et /ou à la mise en œuvre du programme : les chercheurs , les assistants pédagogiques, les directeurs d'écoles et bien entendus ,les enseignants. Ces référentiels ont été conçus collectivement , souvent par /ou avec la participation des représentants des catégories concernées puis validés au cours des sessions de formation.
Deuxième étape : mise au point , sur la base des référentiels des compétences , de plans de formation qui précisent , les objectifs, le nombre et la durée des modules  de formation destinés aux différentes catégories  d'éducateurs cités ci-dessus.
Troisième étape: Conception à partir des plans de formation  , de modules à l'usage des formateurs , ces modules se présentent comme des cahiers des charges précis , comportant un descriptif détaillé des activités à réalisées au cours de chaque session ou journée de formation auquel sont joint les documents de travail et de référence dont le formateur est appelé à se servir.
Tous les modules programmés ( une vingtaine) ont été validés au cours des séminaires de formation organisé cette année . Grace à l'appui de l'Unicef, nous avons commencé à éditer ces documents sous une forme à la fois pratique et attrayante.
En complément à ces actions, nous avons entrepris de former , à laide des experts du BIEF , des formateurs de formateurs . 80 inspecteurs et assistants pédagogiques , répartis sur toutes les régions, ont bénéficié de cette formation , et sont aujourd'hui, à même de former , d'une manière adéquate, les instituteurs chargés de l'expérimentation du programme.
L'expérimentation du programme C.B dans les classes
L'expérimentation a démarré en 1995/96 dans 65 écoles situées dans 8 gouvernorats différents. Actuellement 275 écoles réparties sur les 23 directions régionales de l'enseignement, sont concernées par l'expérimentation. L'année prochaine , le nombre des écoles expérimentales avoisinera les 500 , c'est-à-dire l'équivalent de 10% du nombre total des écoles primaires.
L'expérimentation est axée sur les quatre volets principaux du programme:
§    La planification des apprentissages selon le modèle intégratif  ( qui implique l'intégration des savoirs et des savoir-être à faire acquérir, et non la simple, juxtaposition de contenus d'enseignement);
§    La pratique d'une pédagogie d'intégration centrée sur la maîtrise des compétences de base et des objectifs terminaux d'intégration;
§    Le recours fréquent à l'évaluation formative, à caractère diagnostique;
§    L'organisation régulière d'activités de remédiation.

S'il est encore prématuré de tirer des conclusions définitives concernant l'impact du programme dans les classes expérimentales , l'on peut cependant affirmer que l'apprentissage et l'évaluation fondée sur les compétences de base ont considérablement modifié - dans le sens positif du terme- le rapport des maîtres et des élèves au savoir.
C.             La base de données
Conçue comme un tableau de bord comportant   différents indicateurs permettant de mesurer les progrès accomplis par les chiffres, celle-ci a été mise en place au cours de la première année d'expérimentation, (1995/96) . on y  a   emmagasiné , depuis cette date, diverses données - régulièrement actualisées- concernant un échantillon de 50 écoles  réparties sur l'ensemble de DRE et incluant chacune un échantillon de 9 élèves  choisi dans la même classe.
Parallèlement , une base de données spécifiquement pédagogique , a été implanté à l'institut  national des sciences de l'éducation (INSE) . La fonction principale se cette seconde base est la validation des tests de fin de trimestre administrés dans les classes expérimentales.
Ces deux bases de données ne sont pas encore entièrement opérationnelles. Nous comptons cependant réaliser , avec le concours d'experts en la matière , les traitements nécessaires pour l'élaboration d'un premier rapport qui sera soumis à M. le Ministre vers la fin du mois  de juin 1998.

D.             La gestion du programme.
L'originalité du programme C.B. , à ce niveau, réside que la responsabilité de sa mise en œuvre est partagée entre diverses parties: l'INSE , la direction générale des écoles , la direction générale de la formation continue, la direction de la prospective et la direction des programmes.
Pour assurer la coordination entre ces différents partenaires, un comité de pilotage regroupant les responsables des directions concernées a été  mis en place en1995/96 . Ce comité prend toutes les décisions concernant le programme C.B . La préparation et le suivi de ces décisions sont assurés par le directeur de l'INSE , aidé en cela par un coordinateur nommé par M. le Ministre.
Au niveau régional , des équipes formées d'inspecteurs et d'assistants pédagogiques sont en train de se constituer progressivement. ces équipes sont appelés à prendre en charge certaines composantes du programme ( formation des maîtres, suivi de l'expérimentation, élaboration d'outils d'évaluation,,etc.) dans leurs régions respectives.

CONCLUSIONS

La mise en œuvre du programme "compétence de base" a nécessité comme vous le voyez , la mise en place d'un dispositif complexe. En  fait , et contrairement à d'autres projets  antérieurs qui ont rapidement périclité , les initiateurs du projet ont envisagé  le problème  sur tous les aspects : conceptuel, méthodologique, pédagogique et organisationnel.
Les diverses composantes du programme se complètent les unes les autres et convergent vers le même but :doter les élèves de compétences solides et stables qui les habilitent à poursuivre leurs études sans difficulté, et réduire, ce faisant les disparités en matière de résultats scolaires que nous constatons actuellement.
Le bon fonctionnement du programme est lié au degré d'engagement des diverses parties chargées de sa mise en œuvre. Les éducateurs impliqués dans les activités de recherche et de formation, ainsi que les enseignants chargés de l'expérimentation, se sont acquittés, jusqu'à présent , à titre bénévole, des lourdes tâches qui leur ont été confiées . Je tiens à cette occasion, à leur rendre un vibrant hommage . Je voudrait également saisir cette opportunité pour remercier les responsables de l'UNICEF pour leur adhésion sans faille et leur soutien continu au programme.
Le programme C.B/ préconise une approche de l'apprentissage et de l'évaluation qui tranche avec les modèles sommatifs traditionnels. Il s'agit là d'une conception d'avenir, qui balise la voie de l'école de demain. Cependant , il faut se garder d'être trop optimiste. Pour que les objectifs du  programme soient pleinement atteints, certaines conditions doivent être réunis. La plus importante , c'est la compétence professionnelles des enseignants et leur maîtrise de la matière qu'ils enseignent.
En dépit des perspectives prometteuses qu'il ouvre, le programme C.B. ne doit pas être considéré comme une panacée (Produit qui était jadis réputé actif contre un grand nombre de maladies (panacée d'Esculape ou thapsia, par exemple). Remède prétendu universel contre tous les maux, capable de résoudre tous les problèmes : Une panacée dans le domaine économique.)  . La rénovation de notre école, la mutation qualitative de notre enseignement , ne sont pas seulement tributaires de l'existence de bons programmes, d'un bon matériel pédagogique et d'un bon système d'évaluation . Elles dépendent également du bon niveau de qualification des enseignants, de la qualité de la gestion des établissements , et d'autres facteurs encore que nous sommes appelés à identifiés ensemble au cours de notre réflexion sur l'école de Demain.

ABDELMALEK SALLAMI, coordinateur du programme "compétence de base"
Le programme de "compétences de base": Une nouvelle approche de l'apprentissage et de l'évaluation
Communication présentée  au cours des journées d'étude sur l'école de demain  tenues à Tunis les 4&5 mai 1998.
Publié par le ministère de l'éducation tunisienne et la banque mondiale ( secteurs sociaux, moyen orient et Afrique du nord). pp ,161 - 171.



[1]  Les différents ministres qui ont accompagné les débuts de ce programme ,il s'agit de M.M Hatem Ben Othman,(novembre 1994-octobre 1997), Ridha Firchiou (oct 97/fév99), Abderrahim Zouari,Ahmes (fév 99 , janv 2001)  Yadh Ouiderni( jan 2001/août 2003).


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