lundi 7 octobre 2019

Les critères de l'élaboration des curriculums scolaires en Tunisie (1 ère partie)



Hédi Bouhouch
Le blog pédagogique publie cette semaine le texte d'une communication  donnée par M° Brahim Ben Salah, l'inspecteur général de l'éducation  , il y a 13 ans,  à l'occasion d'une rencontre co-organisée par l'ALESCO et l'ISESCO les 17-18-19 septembre 1906  à  ACHAARIKA aux Emirats arabes unis,  où il représentait la Tunisie chargé par la direction générale des programmes et de la formation.

M° Ben Salah a consacré sa communication à la présentation de l'expérience de Tunisie en matière d'élaboration des programmes , il a essayé d'expliciter les critères de cette élaboration  et de mettre en exergue la continuité de l'œuvre éducative en Tunisie depuis la réforme de 1958 , en passant par celle de 1991 pour arriver à la réforme de 2002.
Vu  la richesse de cette communication et sa valeur historique , nous avons juger utile de la publier pour en faire profiter nos lecteurs, et à cette occasion , le blog pédagogique tient à remercier M° Brahim Ben Salah pour cette nouvelle  publication car le blog pédagogique  lui a déjà  plusieurs contributions.


Les critères de l'élaboration des curriculums scolaires en Tunisie

Introduction
Nous pensons qu'aujourd'hui personne ne met en doute le rôle central de l'éducation dans la formation de l'individu et la construction de la société ,  mais c'est désormais une évidence, et pour certains  la valeur de l'homme est la moisson de ses savoirs de même que tant il est vrai la civilisation d'une société est la somme des savoirs que ses enfants ont reçus grâce à l'éducation. Cette vision est incarnée  par la situation du peuple tunisien, qui c'est un peuple qui a cru en l'éducation et a misé sur elle en tant que valeur recherchée pour elle même et pour ses bienfaits pour les gens , il a haussé la quête de l'éducation  au rang du devoir sacré. Le peuple tunisien ne fait- il pas partie de la ¨umma  dont la première recommandation divine (Lis au nom de ton seigneur qui a tout créé – Dieu est véridique)
Le peuple tunisien a pris conscience depuis le début du dix neuvième siècle jusqu'à nos jours que la question du sous développement ne pourrait être résolue que par l'association de deux demandes  simultanément , la liberté et le savoir(Hammadi Ben Jaballah) c'est pour cela que dès son accès à l'indépendance le 20 mars1956 les autorités avaient promulgué le 4 novembre 1958  une loi sur l'enseignement ,  loi purement tunisienne , qui fut à la base d'un programme  qui a permis de former des générations tout au long de trois décennies ou plus.
L'école de 1958  a répondu aux aspirations du peuple tunisien qui  a payé cher pour accéder à l'indépendance : en effet la scolarisation fut généralisée , et l'école est devenue le moyen de la promotion sociale et de l'amélioration des conditions de vie , elle a aussi donné à la population de grands espoirs , et les familles ont lié l'avenir de leurs enfants à cette nouvelle institution.
Grâce à ses choix, à ses orientations et à ses programmes l'école de novembre 1958 a beaucoup donné au pays , elle a formé des compétences qui ont permis  au pays de faire des pas respectables sur le chemin du progrès social,culturel et économique , elle a permis aussi de donner naissance à une élite de penseurs et de savants qui  ont porté haut la voix de la Tunisie à travers le monde .
Seulement , après trente années d'éminents services , cette école commençait à s'essouffler pour plusieurs raisons ;  ce qui avait nécessité sa révision afin de remédier à ses insuffisances  au moyen de nouvelles orientations éducatives et  de développement  exprimées dans les principes généraux de la deuxième loi éducative promulguée le 29 juillet 1991.
L'école de juillet 1991 a choisi d'être l'école de la qualité et des lumières après l'école de la quantité et de l'émancipation , elle a voulu être le lieu  du questionnement et du doute  pour permettre à l'apprenant de passer d'un état à un autre état où il se libèrerait de la certitude  et où le relatif prendrait  la place de l'absolu, ainsi s'élargissent les horizons  de sa compréhension et mûrit sa conscience ce qui lui permet de devenir un cadre compétent et de grande qualité .
L'école de juillet 1991 avait choisi la voie de la qualité en dépit de la promulgation de la scolarisation obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans, et l'Etat a veillé à relever le taux de scolarisation en redoublant d’  efforts au niveau des constructions scolaires et en les mettant à proximité des élèves; quant à ses programmes, ils étaient caractérisés par la densité,l’exhaustivité , la richesse et la bonne élaboration ce qui a permis d'améliorer le rendement de l'école surtout   sur le plan qualitatif, mais l'entrée en vigueur de la nouvelle loi  a coïncidé avec  le plus grand et le plus rapide changement qu'avait connu l'humanité .
Le "choc de l'avenir" subi par les systèmes éducatifs dans le monde et non en Tunisie seulement a révélé leur inadéquation avec l'avenir et leur incapacité à soutenir le rythme des changements , on avait l'habitude de penser que c'était l'école qui façonnait les valeurs de la société et que c'est elle qui préparait les nouvelles générations à s'adapter à la société et à satisfaire leurs besoins; mais aujourd'hui l'école est en crise  en raison des changements qui l'obligent à revoir sa mission et ses objectifs  pour pouvoir survivre.
La survie de l'école dépend de sa capacité d'adaptation aux changements et de sa capacité à répondre aux nouvelles exigences présentes et futures, ainsi il est devenu  légitime de se poser les deux questions suivantes : quoi enseigner ? et comment enseigner? pour permettre aux générations futures de s'adapter aux nouvelles réalités.  
L'évolution des savoirs et les nouvelles aspirations  sociales, spirituelles et personnelles ont poussé les autorités de tutelle et les responsables concernés à réviser les contenus des programmes scolaires et les méthodes d'enseignement promulgués par la loi du 29 juillet 1991 , c'est ainsi qu'est née la troisième loi scolaire tunisienne le 23 juillet 2002 qui a constitué la base juridique et la référence des nouveaux programmes dont l'élaboration fut réalisée selon la démarche explicitée dans ce rapport.
Les étapes de l'élaboration des programmes éducatifs en Tunisie

Pour l'élaboration des programmes éducatifs , on a constitué plusieurs commissions avec des missions différentes pour faire un diagnostic de la situation et pour étudier les différents cadres  de l'élaboration des programmes et pour proposer des référentiels pour cette opération , parmi les plus importantes  commissions , nous citons la commission du programme des programmes , la commission des domaines d'apprentissage  et les commissions consultatives .
La commission du programme des programmes
C'est une commission qui comprend des représentants des différents ministères et des  représentants des différentes spécialités ainsi que les partenaires sociaux , sa mission consiste à produire un document de référence générale pour les  commissions spécialisées qui doivent.se référer  aux orientations et aux critères qu'elle a définis  afin que les programmes scolaires des différentes spécialités soient cohérents entre eux et en adéquation avec les finalités de la loi d'orientation de 2002
La commission a préparé ce document qui est composé de 4 chapitres:

Le premier chapitre: les raisons du renouvellement des programmes
Dans ce premier chapitre la commission a énuméré  et a analysé les raisons du renouvellement des programmes, certaines d'entre elles étaient en rapport avec les contenus , d'autres étaient relatifs aux méthodes d'enseignement , enfin des troisième étaient liées aux différents acteurs  de l'école.
Les raisons relatives aux contenus  de la formation ( le diagnostic)
Les différentes évaluations internes et externes  qui ont été utilisées comme base pour la révision des programmes et leur réécriture  ont montré que les programmes de 1991 (et ce qui reste des précédents programmes) souffraient de plusieurs insuffisances , que nous citons ci-dessous sans ordre ni classement:
* l'archaïsme de certains contenus qui étaient là depuis des décennies sans changement ou remaniement , même si nous reconnaissons leur valeur scientifique  et leur rôle dans la  formation de plusieurs générations qui sont devenues les cadres scientifiques et administratifs ayant contribué au développement du pays , seulement certains éléments de ces contenus ne répondent plus aux besoins des apprenants d'aujourd'hui , et ne sont plus en accord avec l'évolution des savoirs et des sciences , ce qui impose une révision et l'élaboration de nouveaux programmes.
* La non concordance entre le savoir  donné par  l'école et les attentes des élèves ; ce qui a entraîné une  répulsion de l'école, l'augmentation des taux de redoublement et d'abandon scolaire , ainsi il est devenu nécessaire de mettre en place des programmes scolaires différents.
* La non prise de conscience  de l'évolution de la technologie des savoirs qui de  simple outil  est devenue une source de savoirs parmi d'autres.
*l'orientation vers la quantité dans l'élaboration des programmes , car la loi de 1958 devrait former à court terme les cadres moyens pour répondre aux besoins urgents de la société qui vient d'accéder à l'indépendance et souffrait d'un manque de personnels qualifiés dans plusieurs secteurs vitaux ,mais aujourd'hui la plupart de ces besoins ont été satisfaits et le niveau des exigences est devenu plus en plus  élevé et il ne cesse de le faire car les métiers évoluent sans cesse et ils nécessitent des compétences de grandes qualités , si bien qu’il devient urgent de faire évoluer les programmes scolaires vers un produit de qualité .
*L'évolution du système des valeurs alors que l'ancien régime ne comprend pas certaines de ces valeurs ce qui a obligé le législateur à  le réviser   pour intégrer les nouvelles valeurs.
* Le programme en cours avait besoin de certaines corrections suite à l'évolution des savoirs aussi bien dans le domaine des sciences exactes que des sciences humaines .
* l'absence de certains savoirs dans les programmes  des sciences physiques et de chimie au collège.
*Certaines méthodes d'enseignement désuètes empêchent l'élève tunisien d'exploiter ses acquis et de les utiliser dans la résolution de nouveaux problèmes.
* L'hétérogénéité des apprenants de la même classe ou  de la même école qui est le résultat de l'augmentation des effectifs et de l'obligation de l'enseignement; cette nouvelle donne a obligé le législateur à revoir les approches pédagogiques .
* le faible niveau des élèves  en langues et en expressions orale et écrite a nécessité le renforcement de l'horaire consacré à l'apprentissage des langues , ce qui a nécessité un changement des programmes en usage .
* La prédominance des connaissances générales et théoriques aux dépens des savoirs méthodologiques et pratiques.
Les raisons relatives aux méthodes  de la formation
Après ce bref et rapide diagnostic  - qui était en réalité le résumé de plusieurs études scientifiques , des études de terrain et de longues et pénibles discussions-  la commission s'est penchée sur les fondements de l'approche pédagogique sur lesquels ont été bâtis les précédents  programmes ( sa vision vis-à-vis du savoir , de la méthodologie , de l'apprenant et de l'enseignant) , la commission  avait entrepris son évaluation , en s'attardant sur ses aspects positifs(  qui  étaient nombreux ) et sur les aspects négatifs  ( qui étaient aussi nombreux)  et elle a fini par remarquer ce qui suit:
1- L'école béhavioriste  a beaucoup influencé l'élaboration des programmes de 1991 puisqu'ils ont été rédigés selon l'approche des objectifs généraux et des objectifs spécifiques , des contenus et des directives pédagogiques , l'approche par objectifs a permis de réaliser une élaboration  rationnelle des programmes  qui avantage les contenus , et qui devrait permettre aux apprenants d'acquérir des capacités variées , et aussi de mesurer le degré de cette acquisition en comparant les inputs et les outputs et de calculer les taux de déperdition .
Cette approche est du point de vue  pédagogique  excellente du moment qu’elle  aide beaucoup dans la planification et la programmation ; tient compte de la progression des apprentissages et donne aux enseignants la responsabilité de l'organisation de leurs activités selon des objectifs spécifiques (opérationnels) et selon une répartition précise dans le temps qui laisse peu de place à l'improvisation et offre une base solide pour l'évaluation.
2- Dans cette approche , le bon enseignant  se considère comme l'unique source du savoir , et il fait tout pour réaliser tous les éléments du programme dans les temps impartis, sans se soucier des différences qui pourraient survenir entre les apprenants  et sans tenir compte du temps de l'apprentissage , car pour lui le temps d'enseignement et le temps d'apprentissage sont les mêmes et que l'apprenant est un récepteur passif , une page blanche sur laquelle l'enseignant peut tout mettre comme si l'apprenant était vide de tout savoir et toute expérience dans la vie.
3- Cette  approche est centrée sur les contenus  sans se soucier des méthodes pour les transmettre , c'est une approche qui tend vers l'encyclopédisme , et c'est cela qui nous est arrivé avec les programmes de 1991, qui étaient très longs  et qui voulaient tout enseigner, il est vrai que ces programmes ont permis de donner aux apprenants une culture scolaire riche et variée ; seulement les savoirs sont restés fractionnés , car ils se sont préoccupés des détails et n'ont pas aidé à construire un esprit de synthèse capable d'intégrer les acquis et de les mobiliser pour résoudre les nouveaux problèmes qui surviennent. Cette approche a consacré une culture de la reproduction et de la mémorisation en réduisant l'apprentissage à une simple opération de reproduction de ce que l'apprenant a réussi à mémoriser ou à mesurer le taux de déperdition entre les savoirs présentés par l'enseignant et les savoirs rendus par l'apprenant lors des évaluations , on s'est aperçu que nos élèves n'ont pas la capacité de mobiliser leurs acquis ni dans la vie courante ni même dans le cadre scolaire , c'est-à-dire  en passant d'une matière à une autre , à cause de l'indigence de leurs capacités à synthétiser et à intégrer.
Nous avons senti le besoin de donner à la jeunesse une nouvelle  éducation qui les initie à entreprendre , à devenir autonome  au cours de l'apprentissage , à s'appuyer sur soi , à chercher , à créer , et  à concevoir des projets. Tout cela n'était possible avec l'approche béhavioriste , nous avons su que nous avons besoin d'une nouvelle éducation  qui adopte une pédagogie active  qui encourage l'apprentissage , où la relation apprenant/enseignant sera fondée sur l'accompagnement à la place de l'affrontement , sur l'initiation à la recherche de solutions  de substitution à la place des solutions  toutes prêtes  ( clé en main).
C'est la raison pour laquelle nous avons choisi l'approche constructiviste  qui s'appuie sur l'ancienne approche , parmi les fondements de cette nouvelle approche , il y a le principe de l'intégration des savoirs du côté  des contenus de formation et le principe qui met l'apprenant au centre de l'apprentissage du côté de la construction des savoirs et des apprentissages.
L'approche constructiviste dans l'enseignement que nous avons voulue est celle qui appelle à permettre aux apprenants  de jouer des rôles  à partir des leurs pré- requis  pour construire de nouveaux  savoirs, c'est-à-dire que le courant constructiviste insiste sur le rôle de l'apprenant dans l'acquisition des savoirs et la constitution d'une méthode qu'il va suivre pour cela.
Cette approche  pourrait avoir besoin de la mobilisation des pré requis , elle pourrait avoir besoin de recourir au contexte social dans lequel se réalise l'apprentissage ( le constructivisme social) , car certains pensent que si la construction des savoirs se fait d'une manière individuelle et interne , ceci ne doit pas occulter le rôle des facteurs sociaux qui ont permis la construction de ces savoirs, car le social et le savoir sont inséparables dans la construction de l'esprit . Pour résumer nous disons que ce qui nous a alléché  dans cette approche  c'est qu'elle ne réduit pas l'apprentissage - comme c'est le cas dans l'approche par objectifs-à une simple accumulation de savoirs , mais parce qu'elle part des savoirs de l'apprenant et tout ce qui s'est incrusté dans ses structures mentales  pour renforcer ce qui est correct et utile et détruire tout ce qui est faux pour le remplacer , ainsi on obtient des savoirs plus justes et  de qualité meilleure; à condition de faire tout cela à partir de situation d'apprentissage qui ont du sens et au moyen d'obstacles  éducatifs qui encouragent l'apprenant à mobiliser ses pré- requis.
La mobilisation des différents pré- requis pour résoudre des problèmes qui se posent à l'apprenant est la véritable manifestation du principe de l'intégration , c'est-à-dire briser les barrières entre les savoirs , les  spécialités et les disciplines , le plus grand obstacle devant la construction de l'esprit critique , de l'esprit de synthèse et de la pensée méthodologique , est la présentation  aux apprenants des savoirs fragmentés sans véritables liens entre eux  comme si l'esprit humain était constitué de tiroirs où chaque tiroir contient un type de savoir.
Les raisons relatives aux acteurs éducatifs
A propos du sens de l'apprentissage
*Les principaux acteurs de l'éducation sont l'enseignant et l'apprenant , et on a pris l'habitude dans l'approche de 1991 de considérer l'enseignant comme la source unique ou presque du savoir  et que l'apprenant n'est qu'une pâte que l'enseignant modèle selon ses désirs ou comme une page blanche sur laquelle il écrit ce qui semble utile ; le seul lien entre ces deux acteurs ce sont les savoirs exprimés en objectifs opérationnels  que l'enseignant choisit pour l'apprenant et pour lui-même; le rapport entre les deux est un rapport vertical , c'est le rapport entre celui qui détient le pouvoir et celui qui exécute les ordres.
Nous n'avons pas voulu le maintien de ce type de rapports , car la transmission des savoirs de cette manière est stérile et parce qu'il n'y a plus une seule et unique source de savoir  et que les savoirs qui restent gravés dans la mémoire de l'apprenant sont ceux- là même qu’il contribue à bâtir lui-même afin de les approprier.
c'est la relation horizontale entre l'apprenant et l'enseignant qui est la plus efficace parce qu'elle permet une communication plus solide et plus souple  entre les deux , elle fait de l'enseignant une ressource et un élément qui aide à résoudre les problèmes et non le détenteur des solutions et des clés du problème , on est là dans une pédagogie de l'accompagnement à la  place de la pédagogie de l'affrontement.
Selon l'approche constructiviste, l'apprenant ne pourra se représenter  les apprentissages qui lui sont proposés ou participer à leur construction  que s'ils ont un sens ; c'est ce sens qui lui permet d'acquérir le savoir et de l'intégrer à ses savoirs précédents. L'intégration de ces savoirs est l'un des principaux objectifs de l'école , la responsabilité de l'intégration incombe aux deux acteurs , l'enseignant est responsable de créer les conditions qui aident à intégrer les savoirs et donner un sens aux apprentissages , quant à l'apprenant , il est responsable de la mobilisation  de ses acquis dans de nouvelles situations-problèmes.C'est ce partage de la responsabilité qui oblige l'apprenant à assumer une part du poids de l'apprentissage qui donne un sens au contrat éducatif,  qui implique un partage de responsabilité , d'un côté l'enseignant est appelé  à expliquer les tâches que doit accomplir l'apprenant et de l'autre  l'apprenant est appelé à  découvrir ce qui est demandé par l'enseignant; l'explication d'un côté et la  découverte de l'autre sont les deux fondements du contrat éducatif, mais c'est le premier qui doit faire l'objet d'une attention plus grande  , car  c'est à l'enseignant de fournir les moyens qui pourraient aider à la résolution du problème proposé.
Nous voyons par le passé l'enseignant comme l'unique source du savoir,  les autres savoirs qui proviennent d'autres sources sont sans importance ,et par conséquent l'apprenant devrait s'en débarrasser et les remplacer par les savoirs scolaires , et le modèle à suivre est l'image de l'enseignant , l'élève était appelé à le suivre, mettant  ainsi  en avant  le moral  sur le savoir.
 Tant que l'apprenant  n'a pas senti  le besoin pour les contenus des programmes scolaires dans sa vie  pratique ; tant qu'il ne sent pas que sa méthode de pensée  est déficiente dans une situation donnée  et que ce qu'il apprend à l'école pourrait l'aider à y  remédier , et tant qu'il  ne sent pas enfin le besoin d'intégrer les savoirs scolaires dans sa propre expérience pour les transformer en savoirs pratiques dans la vie réelle , ces savoirs scolaires vont rester sans valeur et ne résisteront pas au temps.
En d'autres termes, l'apprentissage ne se fera que si un besoin oblige l'élève à apprendre c'est-à-dire quand ses anciennes connaissances s'avèrent inaptes à résoudre certains problèmes   , à ce moment il essaie l’expérimentation d'autres moyens qu'il conçoit  lui-même. Il va sans dire que ce qui échappe au contrôle de l'homme le pousse  à apprendre et à changer continuellement ses méthodes  d'apprendre et de concevoir les choses .
Le savoir dans cette optique , n'est qu'une construction par une ou plusieurs personnes , l'homme qui construit son savoir n'a d'intérêt dans cela que dans les limites des problèmes  qu'il rencontre , et si certains  savoirs scolaires n'entrent pas dans cette catégorie , l'élève va les bouder et ses résultats seront mauvais.
En résumé, l'apprenant ne s'intéresse guère à la représentation des disciplines et des savoirs  scolaires , ce qui l'intéresse dans tout cela c'est leur contribution   dans l'organisation de l'expérience qu'il est en train de vivre pour se construire et pour construire ses rapports aux autres .
La professionnalisation dans l'enseignement
Ceci est se rapporte à l'apprenant et à l'importance du sens de l'apprentissage pour lui , quant au  nouveau système éducatif  l'enseignant souhaité est un enseignant professionnel qui a "une  conception  de  lenseignement  non  pas  comme  une  technique  appliquée automatiquement par le biais dapproches pédagogiques et dorientations méthodologiques mais comme un ensemble dinitiatives lenseignant engage sa responsabilité et prend, en toute liberté, les décisions qu’il juge pertinentes pour affronter des situations inédites  et introduire les différenciations pédagogiques les mieux à même de répondre aux besoins réels des apprenants."
Selon les nouvelles législations éducatives , l'enseignant professionnel  est celui qui dispose  d’une « identité » professionnelle reflètant  une autonomie créatrice, une vision propre de lenseignement, des pratiques pédagogiques originales appropriées aux  différentes  situations  et  une  remise  à  jour  constante  de  sa  discipline  et  de  sa didactique en vue d’une plus grande efficacité dans son enseignement" afin de répondre aux besoins réel de ses élèves
, l'enseignant professionnel c’est celui qui ne considère pas son métier comme le formatage des élèves et l’imposition d’ un modèle de comportement exerçant sur eux une forme de domination ;il se doit au contraire concevoir sa tâche comme une  une initiation des élèves à comment réfléchir sur les questions de la vie , parce qu'ils les considèrent comme des personnes libres qui aspirent à devenir maître d’eux-mêmes , qui ont leurs propres idées  et leurs propres visions des choses et de la vie, c'est enfin celui-là qui prend son métier comme une perpétuelle conception de nouvelles situations d'apprentissage  qui permettent de découvrir les capacités et les aptitudes  cachées des apprenants loin des pratiques monotones qui dominent  actuellement dans nos classes.
Ceci  est le premier critère dans l'élaboration des nouveaux programmes , c'est un critère qui semble être à première vue de nature pédagogique et éducative  mais en fait s'oriente vers ce qui est humain dont la plus noble manifestation est " la prise de conscience d'un soi comme valeur transcendantale dans la mesure (ou) elle est  le fondement des  différentes représentations et il est aussi le fondement de toutes les valeurs " selon l'expression du Docteur Hamadi Ben Jaballah , professeur de philosophie à l'Université de Tunis.

FIN de la première partie , A suivre
Pour accéder à la deuxième partie , cliquer ici

Brahim Ben Salah , inspecteur général de l'éducation
Achaariqa , septembre 2006.

Traduction : Mongi Akrout, inspecteur général de l'éducation et Noureddine Fallah, professeur d'université.
Pour accéder à la version AR, cliquer ICI

1 commentaire:

  1. Grand merci aux auteurs pour cet article qui est d'une grande importance.

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