On a choisi de présenter les différentes
sections ou filières de l’enseignement secondaire depuis 1976 jusqu’à nos jours en essayant de monter les
rapports entre l’évolution des différentes sections et les principales réformes
du système éducatif tunisien, sachant qu’avant cette date on comptait six
sections ou séries qui étaient : La section philosophie lettres classiques, la section philosophie lettres modernes, la section sciences, la section mathématiques, la section technique mathématiques
et la série économique.[1]
Pourquoi 1976 ?
La session de 1976 a marqué une rupture
avec la période précédente ; en effet, jusqu’en 1975 , le
baccalauréat tunisien comportait des épreuves écrites , des épreuves pratiques
et des épreuves orales, pour les admissibles ; et il se déroulait en deux sessions séparées par
les vacances d’été , la première session se déroulait au mois de juin , à la
fin de l’année scolaire, et la deuxième session avait lieu au début de l’année
scolaire qui suit ( la session d’octobre) ; cette organisation a été modifiée
par une circulaire ministérielle,[2]en décembre 1975 .
Depuis, les épreuves orales avaient disparu,
et la session d’octobre est remplacée par une session de contrôle qui se tient
immédiatement après la session principale (deux à trois jours après la
proclamation des résultats de la session principale).
Depuis, l’organisation générale s’étant
maintenue, sans grands changements, nous pourrons faire une étude comparative
Des différentes sections ou filières depuis 1976[3] jusqu’à nos jours sachant
qu’avant 1976 il existait six sections au baccalauréat qui sont :
philosophie lettres classiques, philosophie lettres modernes, mathématiques,
sciences, techniques mathématiques et sciences économiques.
Tableau
1 : les
sections du baccalauréat de 1976 à 2015
1976
- 1980
|
1981
- 1991
|
1992-2003
|
2004-2007
|
Depuis
2008
|
4
sections
|
3
sections
|
5
sections
|
6
sections
|
7
sections
|
Lettres
|
Lettres
|
Lettres
|
Lettres
|
Lettres
|
math
sciences
|
math
sciences
|
Mathématiques
|
Mathématiques
|
Mathématiques
|
math
technique
|
math
technique
|
Sciences
expérimentales
|
Sciences
expérimentales
|
Sciences
expérimentales
|
sc.
économiques
|
Economie et gestion
|
Economie et gestion
|
Economie et gestion
|
|
Technique
|
Technique
|
Sc.
Techniques
|
||
Sport
|
Sport
|
|||
sc.
Informatiques
|
Le tableau précédent nous permet de distinguer
trois grandes périodes : la période 1976 - 1991 marquée par la
révision de la réforme de 58, la période des années quatre vingt dix qui
correspond à une deuxième grande réforme de l’enseignement, et la période qui
débute avec l’année 2002 qui correspond à la troisième loi sur l’enseignement.
1.
la période 1976 - 1991
Au cours de la période 1976 - 1991, à l’exception
de la section économique qui était en voie d’extinction[4], trois sections dominaient
la scène scolaire, deux d’entre elles ont un caractère mathématique : la
première à dominante scientifique et la deuxième à dominante technique ;
ces deux sections regroupent plus de 70% des élèves de terminales ( 72.8% au cours de l’année 1978-79 ( voir tableau
ci-dessous).
Tableau : répartition des élèves de terminale par
section
section
|
1978-79
|
1981-80
|
||
nombre
|
nombre
|
nombre
|
%
|
|
mathématiques
sciences
|
8269
|
63,88%
|
10287
|
55,46%
|
mathématiques
technique
|
1151
|
8,89%
|
1712
|
9,24%
|
lettres
|
3524
|
27,22%
|
6547
|
35,30%
|
Total
|
12944
|
18546
|
Source : Ministère de l’éduction nationale, le rapport sur le
mouvement éducatif en Tunisie (1976-78) présenté à la 37 éme session de la
conférence internationale de l’éducation, Genève , juillet 1979
Cette
configuration traduit les nouvelles orientations du système éducatif tunisien,
à partir du milieu des années soixante dix, exprimées clairement dans le décret[5] de 1980 fixant la mission
du Ministère de l’éducation nationale, et surtout dans le rapport sur le mouvement
éducatif en Tunisie ( 1976-78) [6] où nous lisons notamment que « dans
un souci d’assurer à l’enseignement secondaire l’efficacité , la rentabilité et
la qualité souhaitée , plusieurs mesures ont été prises .Elles visent le renforcement du caractère scientifique et
technique et professionnel :
- renforcement
de l’expérimentation de l’enseignement des sciences physiques dans le tronc
commun[7]
- étendre
à tous les établissements l’initiation technologique dans tout le tronc commun
- renforcement
de la formation technique et pratique des élèves de l’enseignement technique et
professionnel. »
Il est évident que le caractère
scientifique et technique était dominant, dans le but de mieux préparer les
élèves aux écoles d’ingénieurs et aux facultés des sciences exactes, en
renforçant leur formation en mathématiques au lycée ; seulement, la
réalité du terrain n’a pas suivi, la proportion des élèves qui ont choisi la
section littéraire a progressé au détriment des sections scientifiques et
techniques (voir les statistiques de l’année scolaire 1980-81).
2.
La réforme de 1992
La réforme de 1992 a mis en place une
nouvelle structure pour l’enseignement secondaire ;[8] seule l’ancienne section
« lettres » est maintenue ; quatre nouvelles sections voient le
jour : il s’agit de la section « mathématiques » et la « section
sciences expérimentales » qui héritent
l’ancienne section mathématiques-sciences , la section « Economie et
gestion » ( c’est un retour à l’ancienne section sciences économiques), et
la section « technique » qui hérite la section « mathématiques
technique » ; l’éventail des sections en passant de 3 à 5 sections[9], sans que cela n’entraine un changement de fond .
La réforme de 1992 a essayé de revoir
aussi les orientations des années quatre vingt qui avantageaient les sciences
et les techniques, en cherchant à établir un certain équilibre entre les différents champs du savoir, en
renforçant la place des langues et des disciplines sociales, pour contrecarrer
les méfaits constatés par la
prédominance des sciences ; la réforme cherchait à donner aux nouvelles
générations une éducation qui assure un équilibre entre les différentes
disciplines scolaires ( les humanités et les sciences exactes) et un équilibre
entre les savoirs et les savoirs être .
Cette
nouvelle orientation s’est traduite par
l’introduction d’épreuves de langues (français, anglais) et de philosophie aux
examens du baccalauréat et
l’introduction d’épreuves optionnelles d’histoire et de géographie pour les
candidats des sections à caractère scientifique et technique.
3.
La réforme de 2002 et les tentatives avortées de changer l’architecture
de l’enseignement secondaire
L’année 2002 fut l’année la promulgation de la loi
d'orientation pour l'éducation et l'enseignement scolaire, et le démarrage de
la mise en œuvre du plan de l’école
de demain 2002-2007.
L’évaluation de l'étape précédente, et surtout
de l’examen de baccalauréat, avait
conclu que les filières (sections) en place depuis 1992 ont un caractère généraliste : « trois
d’entre elles (les sections mathématiques, sciences expérimentales, technique) sont
à caractère scientifique , les deux autres (les sections lettres et économie
-gestion) ont pour dominantes les sciences sociales et humaines. Ces filières n’étaient plus en mesure, en leur état actuel, d’asseoir les prérequis indispensables pour la
formation post-baccalauréat ; d’autre part , comme elles sont
rattachées aux domaines précis des sciences exactes , sociales et humaines,
elles n’offrent pas de perspectives aux élèves ayant d’autres dispositions[10] », d’autant plus que les flux sont
devenus de plus en plus denses, et de plus en plus hétérogènes , suite à la quasi disparition des anciens filtres
d’une part ( réforme de la sixième et la fin du diplôme de fin d’études de
l’enseignement de base), et la
disparition des anciennes filières ( l’enseignement professionnel et les
sections techniques industrielles et économiques) qui accueillaient environ le
tiers des élèves, pour une formation courte ( 3 ou 6 ans).
Sur la base de cette évaluation, il a
été décidé de créer de nouvelles filières
dans l'enseignement secondaire, de faire évoluer les mécanismes de l'orientation scolaire, et d’assurer
un meilleur agencement entre les filières
de l'enseignement secondaire et les filières
de l'enseignement supérieur :
« il est urgent de rationaliser et d’affermir la relation entre la
formation que reçoivent les élèves dans les différentes sections de l’enseignement secondaire et celles
dispensées dans les filières qui vont les accueillir dans l’enseignement
supérieur »[11].
Ainsi, le programme a proposé une nouvelle architecture pour
l’enseignement secondaire qui consistait à :
§ Scinder la section « lettres »
en deux sections : une section pour les langues et une autre pour les
sciences humaines et sociales.
§ Réunir les sections mathématiques, sciences expérimentales et
technique en une seule section : la section des sciences fondamentales et
expérimentales
§ Restructurer la grille des matières de la section Economie et
gestion et la révision des ses programmes.
§ Créer une filière qui prépare à un baccalauréat sport pour les sportifs de
l’élite nationale
§ Créer une filière qui
prépare à un baccalauréat dans le
domaine des arts (musique, arts plastiques, théâtre)
§ Créer des filières qui mènent au
baccalauréat dans les domaines de a technologie :
-
Un
baccalauréat technologique dans le domaine des services
-
Un
baccalauréat technologique dans le domaine des industries[12]
Entre 2002 et 2004, la nouvelle structure des sections a été
définitivement arrêtée, les profils des élèves et les compétences attendus définis,
l’horaire et les contenus fixés.
Les commissions chargées de ce travail gigantesque ont veillé à
accorder le même intérêt à la formation générale de l’élève que celui accordé à
la formation spécifique, c’est ainsi que l’horaire imparti à l’étude des
langues représentait le tiers de l’horaire total pour toutes les filières, les
enseignements de spécialité entre le tiers et le quart.
D’autre part, le programme a prévu une orientation graduelle en
deux temps, faisant de la première année une sorte de tronc commun, en deuxième
année, l’élève choisit une des filières qui lui sont proposées , les troisième
et quatrième seront réservées aux sections ; le tableau suivant illustre
la nouvelle architecture de l’enseignement secondaire[13] prévue par le programme pour la mise en œuvre du projet de
l’école de demain 2002-2007.
Tableau :
les filières et les sections de l’enseignement secondaire
les 4 filières
|
les sections et les baccalauréats associés
|
lettres
|
sciences humaines et sociales
|
langues
|
|
sciences
|
mathématiques
|
sciences expérimentales
|
|
sciences techniques
|
|
technologie informatique
|
informatique et multimédia
|
informatique industriel
|
|
économie et service
|
économie et gestion
|
commerce et affaire
|
En dépit de la grande campagne de
sensibilisation organisée par le ministère, pour faire connaitre le nouveau
système d’orientation et la nouvelle architecture auprès des élèves, des
enseignants et des directions des lycées , en utilisant divers supports et moyens[14] , le nouveau ministre de l'éducation et
de la formation avait décidé de surseoir
l’application de cette réforme et de maintenir l’ancienne structure avec les
mêmes sections ; ce qui explique la persistance des sections instituées par la loi de 1991.
Ainsi la nouvelle structure n'a pas vu
le jour sur décision personnelle du nouveau ministre. Seules deux nouvelles sections et
deux nouveaux baccalauréats ont pu voir le jour :
-
le baccalauréat Sport institué en 2004
à l’époque du ministre Mohamed Raouf Najjar pour accueillir les sportifs d’élite,
avec un programme et un examen adapté.
-
Et le baccalauréat « sciences informatiques »,
institué en 2008 dans le cadre de la mise en évidence de l'importance des
nouvelles technologies[15].
Ainsi le nombre de section passe à 7,
sans pour autant résoudre deux questions épineuses :
-
La première est relative l’existence d’une
hiérarchisation des sections, en sections nobles ( en premier la section « mathématiques » et en second la
section « sciences expérimentales »
qui recrutent leur population parmi les meilleurs élèves , et qui leur ouvrent
les meilleurs horizons par la suite au niveau des études supérieures ( grandes écoles ,écoles préparatoires, médecine,
HEC, architecture …), et des sections moins cotées
qui accueillent « les non orientables » et dont les bacheliers rencontrent plus tard
beaucoup de difficultés à obtenir une orientation universitaire qui les
satisfait , se retrouvant dans des filières courtes ou dans l’amphi des faculté
des lettres , des sciences humaines ou des sciences fondamentales.
-
La deuxième question est le net déséquilibre entre les sections au point de
vue leur attractivité ; en effet, trois sections sur 7 ( lettres, économie
gestion et sciences expérimentales) concentrent plus des deux tiers des élèves
( voir tableau ci-dessous) , alors que les quatre autres se partagent le tiers
restant, la section mathématiques restant la section de l’élite, la section des
sciences techniques n’arrivent pas à s’imposer, la nouvelle section des
sciences informatiques n’arrive pas à franchir le cap de 10% pour diverses
raisons.
Tableau :
répartition des candidats selon les séries du baccalauréat en 2014
Série
|
Nombre de candidats
|
pourcentage
|
Lettres
|
35825
|
24,92%
|
Économie et gestion
|
33954
|
23,62 %
|
Sciences expérimentales
|
28870
|
20,08%
|
Mathématiques
|
14789
|
10,29%
|
Technique
|
17751
|
12,35%
|
Sciences informatiques
|
11416
|
7,94%
|
Sport
|
1157
|
0,80%
|
Total
|
143 762
|
100%
|
Conclusion :
Il semble que la carte actuelle
des sections qui préparent à l’examen du baccalauréat est incapable
d’offrir des filières adaptées aux différents profils de tous les élèves qui accèdent
à l’enseignement secondaire , le taux très élevé de décrochage au niveau de
l’enseignement secondaire et les taux d’échec élevés à l’examen du baccalauréat
en sont les manifestations .
Annexe : Que font les autres pays ?
Au Maroc « Le cycle de
baccalauréat, d’une durée de deux années, est ouvert aux élèves issus du
tronc commun et comprend deux filières principales : une filière
d’enseignement technologique et professionnel et une filière d’enseignement
général, étant entendu que chaque filière est composée de plusieurs branches,
et que chaque branche comporte des disciplines obligatoires et des
disciplines à option »[16].
La
rentrée 2014-15, le Maroc a connu le lancement du baccalauréat d’enseignement
technologique et professionnel (BETP) permettant l’accès :
-
Soit
à la vie active directement ;
-
Soit
aux instituts de formation de techniciens spécialisés rattachés ou non aux
universités, sur examen de dossier
-
Soit
aux classes préparatoires des grandes écoles ;
-
Soit
aux études universitaires, éventuellement après un passage dans la vie
active, sous réserve de satisfaire aux conditions d’admission à ces
institutions et de compléter les pré-requis d’apprentissage exigés par elles.
Ce
nouveau bac « vise la diversification de l’offre scolaire et la mise en
place de filières professionnelles dans l’enseignement secondaire. »
|
L’Algérie a opté aussi pour
deux voies : l’enseignement général avec 5 sections classiques dont certaines
rappellent les sections du bac tunisien (Lettres philo, économie gestion,
sciences expérimentales, mathématiques, lettres et langues étrangères) et
l’enseignement technologique avec 4
spécialités : génie mécanique, électrique, civil, génie des procédés.
|
Hédi Bouhouch & Mongi Akrout
Inspecteurs généraux de l’éducation
Tunis , Mai 2015
[1] Arrêté
du ministre de l’éducation, de la jeunesse et du sport en date du 14 avril 1970
modifiant l’arrêté du secrétaire d’état
à l’éducation nationale relatif à l’examen du baccalauréat de l’enseignement
secondaire
[2] Circulaire de la direction de l’enseignement secondaire
(service des examens) n° 239 du 3 décembre 1975. La circulaire portait la
signature du secrétaire d’état M. Hédi Zghal
[3] Avant 1976, il ya avait six (6) sections : philo et
lettres modernes- philo et lettres classiques - sciences - mathématiques - technique
mathématiques - économie,
(Arrêté du 14 avril 1970 modifiant
l’arrêté du secrétaire d’état à l’éducation nationale relatif à l’examen du
baccalauréat de l’enseignement secondaire)
[4] La dernière promotion est sortie à la session 1978, elle
comptait 249 candidats.
[5] Décret n° 80-954 du 19 juillet 1980
relatif à la définition de la mission et des attributions du Ministère de
l’éducation nationale, jort n° 44 - 1-5 aout 1980
[6] Ministère de l’éduction
nationale, le rapport sur le mouvement éducatif en Tunisie ( 1976-78) présenté
à la 37 éme session de la conférence internationale de l’éducation, Genève ,
juillet 1979.
[7] Le tronc commun comprenait les trois
premières années de l’enseignement secondaire, l’équivalent de la 7,8 et 9ème
actuellement)
[8] Décret 92- 1182 du 22 juin 1992 relatif
à la détermination du nombre et de la nature des différentes sections du 2ème
cycle de l’enseignement secondaire et des diverses sortes de diplômes des
baccalauréats, jort n° 41 du 26 juin 1992.
[9]
Cette nouvelle organisation a entrainé la disparition de l’enseignement
secondaire court qui préparait au diplôme de technique industriel (TI) et au
diplôme économique de gestion (TEG) et le diplôme économique administratif ( TEA)
[11] Source précédente p 77
[13] la structure de l’enseignement
secondaire, ministère de l’éducation et de la formation, 2004.
[14] La direction générale des programmes a organisé des réunions avec les directeurs
des lycées de toute la république pour présenter les nouvelles filières et les
nouvelles sections , ainsi que les nouvelles modalités de l’orientation , la
nouvelle structure de l’enseignement secondaire , document élève , octobre
2004.
[15] Voir le décret n° 29 du 2 janvier 2008 relatif à la détermination du nombre
et des différentes sections de l’enseignement secondaire et les
diverses sortes du diplôme du baccalauréat.
[16] Le site officiel
du Ministère de l’éducation nationale et
de la formation professionnelle marocain
http://www.men.gov.ma/sites/fr/Lists/Pages/cycles_ens_qualif_objectifs.aspx
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