dimanche 31 mai 2015

Les sections du baccalauréat depuis 1976



On a choisi de présenter les différentes sections ou filières de l’enseignement secondaire depuis 1976  jusqu’à nos jours en essayant de monter les rapports entre l’évolution des différentes sections et les principales réformes du système éducatif tunisien, sachant qu’avant cette date on comptait six sections ou séries qui étaient : La section philosophie lettres classiques, la section philosophie lettres modernes, la section sciences, la section mathématiques, la section technique  mathématiques et la série économique.[1]

Pourquoi 1976 ?

La session de 1976 a marqué une rupture avec la période précédente ; en effet, jusqu’en 1975 , le baccalauréat tunisien comportait des épreuves écrites , des épreuves pratiques et des épreuves orales, pour les admissibles ; et il  se déroulait en deux sessions séparées par les vacances d’été , la première session se déroulait au mois de juin , à la fin de l’année scolaire, et la deuxième session avait lieu au début de l’année scolaire qui suit ( la session d’octobre) ; cette organisation a été modifiée   par une circulaire ministérielle,[2]en décembre 1975 .
Depuis, les épreuves orales avaient disparu, et la session d’octobre est remplacée par une session de contrôle qui se tient immédiatement après la session principale (deux à trois jours après la proclamation des résultats de la session principale).
Depuis, l’organisation générale s’étant maintenue, sans grands changements, nous pourrons faire une étude comparative
Des  différentes sections ou filières depuis 1976[3] jusqu’à nos jours sachant qu’avant 1976 il existait six sections au baccalauréat qui sont : philosophie lettres classiques, philosophie lettres modernes, mathématiques, sciences, techniques mathématiques et sciences économiques.  
Tableau 1 : les sections du baccalauréat de 1976  à 2015

1976 - 1980
1981 - 1991
1992-2003
2004-2007
Depuis 2008
4 sections
3 sections
5 sections
6 sections
7 sections
Lettres
Lettres
Lettres
Lettres
Lettres
math sciences
math sciences
Mathématiques
Mathématiques
Mathématiques
math technique
math technique
Sciences expérimentales
Sciences expérimentales
Sciences expérimentales
sc. économiques

Economie et gestion
Economie et gestion
Economie et gestion


Technique
Technique
Sc. Techniques



Sport
Sport




sc. Informatiques

Le tableau précédent nous permet de distinguer trois grandes périodes : la période 1976 - 1991 marquée par la révision de la réforme de 58, la période des années quatre vingt dix qui correspond à une deuxième grande réforme de l’enseignement, et la période qui débute avec l’année 2002 qui correspond à la troisième loi sur l’enseignement.
1.    la période 1976 - 1991 
Au cours de la période 1976 - 1991, à l’exception de la section économique qui était en voie d’extinction[4], trois sections dominaient la scène scolaire, deux d’entre elles ont un caractère mathématique : la première à dominante scientifique et la deuxième à dominante technique ; ces deux sections regroupent plus de 70% des élèves de terminales ( 72.8%  au cours de l’année 1978-79 ( voir tableau ci-dessous).
Tableau : répartition des élèves de terminale par section
section
1978-79
1981-80
nombre
nombre
nombre
%
mathématiques sciences
8269
63,88%
10287
55,46%
mathématiques technique
1151
8,89%
1712
9,24%
lettres
3524
27,22%
6547
35,30%
Total
12944

18546

 Source : Ministère de l’éduction nationale, le rapport sur le mouvement éducatif en Tunisie (1976-78) présenté à la 37 éme session de la conférence internationale de l’éducation, Genève , juillet 1979

Cette configuration traduit les nouvelles orientations du système éducatif tunisien, à partir du milieu des années soixante dix, exprimées clairement dans le décret[5] de 1980 fixant la mission du Ministère de l’éducation nationale, et surtout dans le rapport sur le mouvement éducatif en Tunisie ( 1976-78) [6]  où nous lisons notamment que «  dans un souci d’assurer à l’enseignement secondaire l’efficacité , la rentabilité et la qualité souhaitée , plusieurs mesures ont été prises .Elles visent  le renforcement du caractère scientifique et technique et professionnel :

- renforcement de l’expérimentation de l’enseignement des sciences physiques dans le tronc commun[7]
- étendre à tous les établissements l’initiation technologique dans tout le tronc commun
- renforcement de la formation technique et pratique des élèves de l’enseignement technique et professionnel. »
Il est évident que le caractère scientifique et technique était dominant, dans le but de mieux préparer les élèves aux écoles d’ingénieurs et aux facultés des sciences exactes, en renforçant leur formation en mathématiques au lycée ; seulement, la réalité du terrain n’a pas suivi, la proportion des élèves qui ont choisi la section littéraire a progressé au détriment des sections scientifiques et techniques (voir les statistiques de l’année scolaire 1980-81).
2.    La réforme de 1992  
La réforme de 1992 a mis en place une nouvelle structure pour l’enseignement secondaire ;[8] seule l’ancienne section « lettres » est maintenue ; quatre nouvelles sections voient le jour : il s’agit de la section « mathématiques » et la « section sciences expérimentales »  qui héritent l’ancienne section mathématiques-sciences , la section « Economie et gestion » ( c’est un retour à l’ancienne section sciences économiques), et la section « technique » qui hérite la section « mathématiques technique » ; l’éventail des sections en passant de 3 à 5 sections[9], sans que cela  n’entraine un changement de fond .
La réforme de 1992 a essayé de revoir aussi les orientations des années quatre vingt qui avantageaient les sciences et les techniques, en cherchant à établir un certain équilibre  entre les différents champs du savoir, en renforçant la place des langues et des disciplines sociales, pour contrecarrer les méfaits  constatés par la prédominance des sciences ; la réforme cherchait à donner aux nouvelles générations  une  éducation qui  assure un équilibre entre les différentes disciplines scolaires ( les humanités et les sciences exactes) et un équilibre entre les savoirs et les savoirs être .
Cette nouvelle orientation s’est  traduite par l’introduction d’épreuves de langues (français, anglais) et de philosophie aux examens du baccalauréat  et l’introduction d’épreuves optionnelles d’histoire et de géographie pour les candidats des sections à caractère scientifique et technique.
3.    La réforme de 2002  et les tentatives avortées de changer l’architecture de l’enseignement secondaire
L’année  2002 fut l’année la promulgation de la loi d'orientation pour l'éducation et l'enseignement scolaire, et le démarrage de la mise en œuvre   du plan de   l’école de demain 2002-2007.
 L’évaluation de l'étape précédente, et surtout de l’examen de baccalauréat,  avait conclu que les filières (sections) en place  depuis 1992 ont un caractère généraliste   : « trois d’entre elles (les sections mathématiques, sciences expérimentales, technique) sont à caractère scientifique   , les deux  autres (les sections lettres et économie -gestion) ont pour dominantes les sciences sociales et humaines.  Ces filières  n’étaient plus  en mesure, en leur état actuel,  d’asseoir les prérequis indispensables pour la formation post-baccalauréat  ; d’autre part , comme elles sont rattachées aux domaines précis des sciences exactes , sociales et humaines, elles n’offrent pas de perspectives aux élèves ayant d’autres dispositions[10] », d’autant plus que les flux sont devenus de plus en plus denses, et de plus en plus hétérogènes , suite à  la quasi disparition des anciens filtres d’une part ( réforme de la sixième et la fin du diplôme de fin d’études de l’enseignement de base),  et la disparition des anciennes filières ( l’enseignement professionnel et les sections techniques industrielles et économiques) qui accueillaient environ le tiers des élèves, pour une formation courte ( 3 ou 6 ans).
Sur la base de cette évaluation, il a été décidé  de créer de nouvelles filières dans l'enseignement secondaire, de faire évoluer  les mécanismes de l'orientation scolaire, et d’assurer un meilleur agencement entre  les filières  de l'enseignement secondaire et les filières  de l'enseignement supérieur :  «  il est urgent de rationaliser et d’affermir la relation entre la formation que reçoivent les élèves dans les différentes sections de l’enseignement secondaire et celles dispensées dans les filières qui vont les accueillir dans l’enseignement supérieur »[11].

Ainsi, le programme a proposé une nouvelle architecture pour l’enseignement secondaire qui consistait à :
§  Scinder la section « lettres » en deux sections : une section pour les langues et une autre pour les sciences humaines et sociales.
§  Réunir les sections mathématiques, sciences expérimentales et technique en une seule section : la section des sciences fondamentales et expérimentales
§  Restructurer la grille des matières de la section Economie et gestion et la révision des ses programmes.
§  Créer  une filière  qui prépare à un  baccalauréat sport pour les sportifs de l’élite nationale
§  Créer  une filière qui prépare à un  baccalauréat dans le domaine des arts (musique, arts plastiques, théâtre)
§  Créer des filières qui mènent au  baccalauréat dans les domaines de a technologie :
-         Un baccalauréat technologique dans le domaine des services
-         Un baccalauréat technologique dans le domaine des industries[12]

Entre 2002 et 2004, la nouvelle structure des sections a été définitivement arrêtée, les profils des élèves et les compétences attendus définis, l’horaire et les contenus fixés.
Les commissions chargées de ce travail gigantesque ont veillé à accorder le même intérêt à la formation générale de l’élève que celui accordé à la formation spécifique, c’est ainsi que l’horaire imparti à l’étude des langues représentait le tiers de l’horaire total pour toutes les filières, les enseignements de spécialité entre le tiers et le quart.
D’autre part, le programme a prévu une orientation graduelle en deux temps, faisant de la première année une sorte de tronc commun, en deuxième année, l’élève choisit une des filières qui lui sont proposées , les troisième et quatrième seront réservées aux sections ; le tableau suivant illustre la nouvelle architecture de l’enseignement secondaire[13] prévue par le   programme pour la mise en œuvre du projet de   l’école de demain 2002-2007.

Tableau   : les filières et les sections de l’enseignement secondaire

les  4 filières
les sections et les baccalauréats associés
lettres
sciences humaines et sociales
langues
sciences
mathématiques
sciences expérimentales
sciences techniques
technologie informatique
informatique et multimédia
informatique industriel
économie et service
économie et gestion
commerce et affaire

En dépit de la grande campagne de sensibilisation  organisée par  le ministère, pour faire connaitre le nouveau système d’orientation et la nouvelle architecture auprès des élèves, des enseignants et des directions des lycées ,  en utilisant divers supports et moyens[14] , le nouveau ministre de l'éducation et de la formation avait décidé  de surseoir  l’application de cette réforme  et de maintenir l’ancienne structure avec les mêmes sections ; ce qui explique la persistance des sections  instituées par la loi de 1991.
Ainsi la nouvelle structure n'a pas vu le jour  sur décision  personnelle du nouveau  ministre. Seules deux nouvelles sections et deux nouveaux baccalauréats ont pu voir le jour :
-         le baccalauréat Sport institué   en 2004 à l’époque du ministre Mohamed Raouf Najjar pour accueillir les sportifs d’élite, avec un programme et un examen adapté.
-         Et le baccalauréat « sciences informatiques », institué en 2008 dans le cadre de la mise en évidence de l'importance des nouvelles technologies[15].
Ainsi le nombre de section passe à 7, sans pour autant résoudre deux questions épineuses :
-         La première est relative l’existence d’une hiérarchisation des sections, en sections nobles ( en premier la section  « mathématiques » et en second la section  « sciences expérimentales » qui recrutent leur population parmi les meilleurs élèves , et qui leur ouvrent les meilleurs horizons par la suite au niveau des études supérieures (  grandes écoles ,écoles préparatoires, médecine, HEC, architecture …), et des sections  moins cotées  qui accueillent «  les non orientables »  et dont les bacheliers rencontrent plus tard beaucoup de difficultés à obtenir une orientation universitaire qui les satisfait , se retrouvant dans des filières courtes ou dans l’amphi des faculté des lettres , des sciences humaines ou des sciences fondamentales.
-         La deuxième question est le net  déséquilibre entre les sections au point de vue leur attractivité ; en effet, trois sections sur 7 ( lettres, économie gestion et sciences expérimentales) concentrent plus des deux tiers des élèves ( voir tableau ci-dessous) , alors que les quatre autres se partagent le tiers restant, la section mathématiques restant la section de l’élite, la section des sciences techniques n’arrivent pas à s’imposer, la nouvelle section des sciences informatiques n’arrive pas à franchir le cap de 10% pour diverses raisons.

Tableau : répartition des candidats selon les séries du baccalauréat en 2014
Série
Nombre de candidats
pourcentage
Lettres
35825
24,92%
Économie et gestion
33954
23,62 %
Sciences expérimentales
28870
20,08%
Mathématiques
14789
10,29%
Technique
17751
12,35%
Sciences informatiques
11416
7,94%
Sport
1157
0,80%
Total
143 762
100%

Conclusion :


Il semble que la carte actuelle  des sections qui préparent à l’examen du baccalauréat est incapable d’offrir des filières adaptées aux différents profils de tous les élèves qui accèdent à l’enseignement secondaire , le taux très élevé de décrochage au niveau de l’enseignement secondaire et les taux d’échec élevés à l’examen du baccalauréat en sont les manifestations .

Annexe : Que font les autres pays ? 

Au Maroc « Le cycle de baccalauréat, d’une durée de deux années, est ouvert aux élèves issus du tronc commun et comprend deux filières principales : une filière d’enseignement technologique et professionnel et une filière d’enseignement général, étant entendu que chaque filière est composée de plusieurs branches, et que chaque branche comporte des disciplines obligatoires et des disciplines à option »[16].
La rentrée 2014-15, le Maroc a connu le lancement   du baccalauréat d’enseignement technologique et professionnel (BETP) permettant l’accès :
-         Soit à la vie active directement ;
-          Soit aux instituts de formation de techniciens spécialisés rattachés ou non aux universités, sur examen de dossier
-         Soit aux classes préparatoires des grandes écoles ;
-         Soit aux études universitaires, éventuellement après un passage dans la vie active, sous réserve de satisfaire aux conditions d’admission à ces institutions et de compléter les pré-requis d’apprentissage exigés par elles.
Ce nouveau bac « vise la diversification de l’offre scolaire et la mise en place de filières professionnelles dans l’enseignement secondaire. »

L’Algérie a opté aussi pour deux voies : l’enseignement général avec   5 sections classiques dont certaines rappellent les sections du bac tunisien (Lettres philo, économie gestion, sciences expérimentales, mathématiques, lettres et langues étrangères) et l’enseignement technologique   avec 4 spécialités : génie mécanique, électrique, civil, génie des procédés.

En France , trois voies amènent au bac : le bac général qui  a accueilli en 2014 en moyenne 50%  des bacheliers avec  ses trois sections ( littéraire, sciences , sciences économiques et sociales) ; le bac technologique (20% des candidats)  avec deux options ( industriel , tertiaire) ; le bac professionnel  ( 30% des candidats)  avec une multitude d’option.


Hédi Bouhouch & Mongi Akrout
Inspecteurs généraux de l’éducation
Tunis , Mai 2015





[1] Arrêté du ministre de l’éducation, de la jeunesse et du sport en date du 14 avril 1970  modifiant l’arrêté du secrétaire d’état à l’éducation nationale relatif à l’examen du baccalauréat de l’enseignement secondaire
[2] Circulaire  de la direction de l’enseignement secondaire (service des examens) n° 239 du 3 décembre 1975. La circulaire portait la signature du secrétaire d’état M. Hédi Zghal
[3] Avant 1976, il ya avait six (6) sections : philo et lettres modernes- philo et lettres classiques - sciences - mathématiques - technique mathématiques - économie, (Arrêté du 14 avril 1970 modifiant l’arrêté du secrétaire d’état à l’éducation nationale relatif à l’examen du baccalauréat de l’enseignement secondaire)
[4] La dernière promotion est sortie à la session 1978, elle comptait 249 candidats.
[5] Décret n° 80-954 du 19 juillet 1980 relatif à la définition de la mission et des attributions du Ministère de l’éducation nationale, jort n° 44 - 1-5 aout 1980
[6] Ministère de l’éduction nationale, le rapport sur le mouvement éducatif en Tunisie ( 1976-78) présenté à la 37 éme session de la conférence internationale de l’éducation, Genève , juillet 1979.
[7] Le tronc commun comprenait les trois premières années de l’enseignement secondaire, l’équivalent de la 7,8 et 9ème actuellement)
[8] Décret 92- 1182 du 22 juin 1992 relatif à la détermination du nombre et de la nature des différentes sections du 2ème cycle de l’enseignement secondaire et des diverses sortes de diplômes des baccalauréats, jort n° 41 du 26 juin 1992.
[9]  Cette nouvelle organisation a entrainé la disparition de l’enseignement secondaire court qui préparait au diplôme de technique industriel (TI) et au diplôme économique de gestion (TEG) et le diplôme économique  administratif ( TEA)
[10] Le programme pour la mise en œuvre du projet de   l’école de demain 2002-2007, p 77
[11] Source précédente p 77
[12] Op cité page 80 -81
[13] la structure de l’enseignement secondaire, ministère de l’éducation et de la formation, 2004.
[14]  La direction générale des programmes  a organisé des réunions avec les directeurs des lycées de toute  la république  pour présenter les nouvelles filières et les nouvelles sections , ainsi que les nouvelles modalités de l’orientation , la nouvelle structure de l’enseignement secondaire , document élève , octobre 2004.
[15]  Voir le décret n° 29  du 2 janvier 2008  relatif à la détermination du   nombre  et des différentes sections de l’enseignement secondaire et les diverses sortes du diplôme du baccalauréat.
[16]  Le site officiel du Ministère de l’éducation  nationale et de la formation professionnelle  marocain http://www.men.gov.ma/sites/fr/Lists/Pages/cycles_ens_qualif_objectifs.aspx

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire