Notre ecole face a de nouveaux defis
Trois phénomènes interpellent aujourd’hui l’école :
Il y a, d’abord, la révolution scientifique et
ce qu’elle entraîne comme
explosion des savoirs et accélération vertigineuse du renouvellement
des sciences et des techniques.
Vient, ensuite,
le surgissement des TIC dans tous les champs de l’activité
humaine avec ce qu’elles suscitent
comme nouvelles
sources de connaissances et comme
nouveaux
supports didactiques.
Il y a, enfin, l’évolution rapide de la carte des métiers et l’apparition de nouveaux modes de production qui requièrent des compétences et des aptitudes que les formes
classiques de formation ne peuvent garantir aux jeunes.
Confrontés à ces transformations
conjuguées, les systèmes éducatifs découvrent, partout dans le monde,
leur inadéquation avec les réalités nouvelles et
leur impréparation à satisfaire leurs exigences. Du coup, l’Ecole se trouve dans l’obligation de tout remettre en question,
ses fonctions, ses objectifs, ses moyens et, surtout, les savoirs et les compétences
qu’elle avait l’habitude
d’offrir aux
apprenants et qui
répondaient, jusqu’à un
passé
récent, à leurs besoins et à ceux de la société.
Alors que son rôle consistait exclusivement à
garantir la pérennité des valeurs de
la société et à préparer les nouvelles générations
à s’y intégrer,
l’Ecole est désormais appelée à assumer d’autres fonctions
dont les plus importantes sont :
- Faire
acquérir aux apprenants des compétences
durables et l’aptitude à apprendre par eux-mêmes et tout au long de la vie.
- Réviser les outils didactiques et les approches pédagogiques et les renouveler dans le
sens d’une nouvelle relation entre
le maître, l’élève et le savoir.
- Revoir le référentiel
des aptitudes et des compétences
qui lui servait à former les élèves
et à
les préparer à l’avenir et ce dans le sens d’une meilleure adaptation
aux
changements, aux innovations et aux nouveaux métiers.
Nul doute que l’Ecole tunisienne a rendu d’insignes
services au pays en lui
fournissant les compétences
scientifiques et les cadres administratifs
dont il avait besoin pour s’engager sur la voie du progrès.
Par ailleurs, notre école a connu une progression exponentielle de ses effectifs due principalement à la gratuité et à l’obligation scolaire
qui ont contribué à la diffusion de
l’instruction parmi les enfants de toutes les catégories sociales et dans toutes les régions. Cette massification s’est traduite par une grande hétérogénéité
des profils des apprenants rendant inadaptés les parcours scolaires linéaires et uniformisés, et inopérants les modèles pédagogiques qui
ne
tiennent
pas
compte des caractéristiques de chaque
catégorie
d’élèves et de leurs besoins psychologiques et intellectuels conditionnés par leurs milieux
sociaux.
Pour toutes ces raisons,
les démarches didactiques et les processus
pédagogiques ont été soumis à des évaluations successives, tant externes et qu’internes, et qui ont révélé de graves insuffisances que nous pouvons résumer comme suit :
La
persistance du phénomène
de l’abandon scolaire
Malgré l’amélioration du taux de scolarisation qui atteint aujourd’hui
99% des enfants de 6 ans, l’ampleur du phénomène de l’abandon scolaire
qui touche un nombre important
d’élèves à tous les cycles
empêche l’école de mener à bien son œuvre éducatrice.
La situation devient insupportable
quand l’abandon est précoce et que les élèves qui
quittent l’école avant terme sont dépourvus des acquis les mettant à l’abri d’un retour
certain à l’illettrisme. Leur condition est d’autant plus injuste que l’échec qu’ils ont subi est
souvent abusif.
L’école se trouve donc dans l’obligation
d’identifier les facteurs responsables de cette «mortalité scolaire
», de revoir ses méthodes d’apprentissage et de trouver les moyens d’enrayer l’abandon et d’allonger la scolarité de l’élève jusqu’à lui permettre
de maîtriser
les compétences et les aptitudes nécessaires à l’apprentissage tout au long de la vie.
L’insuffisance des
acquis
des élèves
qui réussissent
L’examen
attentif des profils de ceux qui sortent de l’école montre qu’un
grand nombre d’entre eux ne possèdent pas les
compétences et les aptitudes nécessaires à l’apprentissage tout au long de la vie.
Si les facteurs responsables de ces insuffisances et du faible rendement quantitatif
et qualitatifs de l’école sont multiples et s’interpénètrent, les programmes d’enseignement
par leurs contenus, leur structure et les approches
pédagogiques qu’ils induisent, en sont
la cause principale.
La réflexion autour de l’école de demain, l’explosion
des savoirs et la multiplication
de leurs sources
et
des
modes leur transmission, et
le questionnement des
expériences
internationales les plus probantes en matière de réforme éducative, tout cela rend
nécessaire et urgent la rénovation de nos programmes conformément
aux
exigences du monde actuel afin de permettre à notre école d’assumer au mieux les principales
responsabilités que la loi d’orientation de l’éducation et de l’enseignement scolaire lui a fixées et garantir,
ainsi, à ceux qui en sortent des acquis de qualité et une large base de formabilité.
L’approche par les compétences :Fondements et concepts
L’approche
par les compétences se présente aujourd’hui comme la solution la plus
pertinente et la plus actuelle que plusieurs pays développés ont adoptée pour atteindre deux objectifs majeurs.
Le premier consiste
à faire face efficacement aux problèmes de l’échec scolaire
et celui de la baisse de la qualité des acquis des élèves. Le second vise à doter les apprenants
d’une base souple de formation et à leur faire acquérir les compétences qui garantissent les conditions nécessaires à une employabilité
durable dans un monde où les savoirs et les
métiers sont en perpétuel changement.
L’approche
par les compétences réfère à plusieurs théories
dont, principalement, le constructivisme qui
se
fonde, notamment, sur
les
travaux
de Vygotski et
ceux de Piaget.
La caractéristique principale de cette approche
est qu’elle s’intéresse
particulièrement à la nature du savoir et au rôle que joue l’apprenant dans sa construction. Elle accorde également une importance
capitale aux processus intellectuels, affectifs et sociaux qui
accompagnent l’acquisition de nouveaux savoirs et ce qu’ils supposent
comme réminiscence
et réorganisation continuelle des acquis antérieurs.
Le constructivisme attribue à l’apprenant un rôle primordial
dans le processus de maîtrise des connaissances et appelle à tenir
compte de la logique des apprentissages qui ne peut se
réduire à la logique des connaissances. L’activité d’apprentissage
suppose, exige même,
l’intervention cognitive de l’apprenant,
la connaissance n’étant que le résultat d’une construction réalisée par le sujet connaissant. Le rôle de l’enseignant
dans cette construction est celui
d’intermédiaire facilitateur plus que
celui d’un
dépositaire des savoirs
à transmettre. L’apprentissage n’est pas, dans la logique constructiviste, un processus cumulatif de savoirs
dispensés par l’enseignant
et s’ajoutant les uns aux autres,
mais plutôt une
construction – réorganisation continuelle
de
connaissances
antérieurement acquises ponctuée de ruptures et d’obstacles qu’on ne peut vaincre qu’en
disposant de suffisamment de temps, tant pour l’élève que pour l’enseignant.
L’apprenant
est appelé, dans cette
optique, à réaliser deux tâches importantes. La première est une opération d’intégration consistant
à assimiler les contenus que nous lui
proposons et la seconde consiste à accommoder ces contenus à ses représentations et aux savoirs
antérieurement maîtrisés.
Cette opération peut se révéler
difficile en raison du hiatus qui sépare les connaissances
acquises et celles que nous voulons lui faire apprendre. C’est là où on découvre le mérite
de l’évaluation formative qui aide à lever les obstacles
par le diagnostic des erreurs,
l’analyse de leur nature et la recherche des moyens pour y remédier.
L’approche
par les compétences repose sur un ensemble de concepts et de références qui
permettent de revoir la nature des relations entre les différentes
composantes du
processus enseignement-apprentissage.
En effet, elle met les connaissances au service de la construction des compétences,
fonde de nouvelles pratiques pédagogiques en rupture avec le modèle classique d’enseignement qui privilégie la transmission des savoirs et leur accumulation,
instaure un modèle
d’apprentissage qui place l’élève au centre de l’action éducative et, pour finir, met
l’évaluation au service
de l’apprentissage.
La voie la mieux à même d’instaurer cette
conception de l’enseignement
passe
par la construction de nouveaux programmes autour de
la notion de compétence, une notion
née de l’évolution de l’organisation du travail et de la production et qui a révolutionné
les modalités de la formation professionnelle avant d’inspirer le monde de l’éducation et de l’enseignement général dans sa recherche de nouvelles
normes et méthodes
pédagogiques. Les objectifs de l’apprentissage
étant d’accompagner l’élève dans la construction de ses
propres compétences, il devient nécessaire de faire des connaissances des ressources au service
de la construction de ces compétences.
Il n’est, par conséquent, plus permis de faire acquérir des savoirs
sans réfléchir à l’objectif
visé et à leur utilité
car les connaissances valent par l’usage qu’ou en fait. En effet, « la connaissance est pertinente chaque fois qu’elle résiste
à l’épreuve de la vie, » comme le soutient le constructivisme.
De ce point de vue, les connaissances sont des ressources auxquelles on
recourt pour dépasser une difficulté, comprendre une situation ou
résoudre un problème. L’élève n’adhère pleinement à un apprentissage que s’il
perçoit le bénéfice qu’il peut en tirer.
D’où la nécessité d’établir un rapport étroit entre les savoirs et ce qu’on attend
d’eux à l’école et
dans la
vie
quotidienne,
sans les séparer de la conscience des conditions de leur
réalisation.
|
Les
compétences transversales Elles
désignent les compétences générales qui ne se rapportent pas à une situation particulière
mais qui se déploient dans une gamme de situations multiples
et variées. Il s’agit de compétences qui traversent tous les champs d’apprentissage et à la construction
desquelles toutes les disciplines
et les activités scolaires participent. Elles sont transposables d’un contexte à un autre, de l’école à la vie courante
et peuvent, nous secourir pour résoudre des problèmes imprévus, trouver des solutions alternatives à celles communément admises. |
Les compétences
diffèrent les unes des autres par leur ampleur. Certaines
ne s’appliquent qu’à des situations spécifiques relatives à des champs particuliers du savoir ; alors que
d’autres couvrent plusieurs domaines et traversent une multitude de situations à la fois.
L’on peut, de ce fait, distinguer deux sortes de compétences,
celles que l’on désigne
comme compétences disciplinaires et
celles que l’on appelle compétences transversales.
Les compétences diffèrent les unes des autres par leur ampleur. Certaines ne s’appliquent
qu’à
des situations
spécifiques relatives à des champs particuliers du savoir ; alors que
d’autres couvrent plusieurs domaines et traversent une multitude de situations à la fois.
L’on peut, de ce fait, distinguer deux sortes de compétences,
celles que l’on désigne
comme compétences disciplinaires et
celles que l’on appelle compétences transversales
Les compétences disciplinaires
Ce sont les compétences
spécifiques à l’acquisition
desquelles contribue l’une des matières scolaires
ou l’une des activités
pratiquées à l’école (éducation physique et sportive par exemple).
Ce genre de compétence est déterminé par l’ampleur des savoirs et des savoir-faire
qu’acquiert l’élève dans le cadre d’une discipline appartenant à l’un des
champs du savoir humain.
L’évaluation au
service de l’enseignement apprentissage
Toute
approche
pédagogique induit sa propre conception de l’évaluation et les domaines qu’elle considère dignes d’être évalués, ainsi que les procédures adéquates et les objectifs visés par cette opération.
L’évaluation
que
privilégie l’approche par objectif, par exemple, s’intéresse
plus aux productions observables et mesurables de l’apprenant qu’aux processus suivis par l’esprit
soumis à l’examen ou aux transformations cognitives et intellectuelles produites par l’apprentissage dans l’intellect
de l’apprenant et ses comportements.
Quant aux outils que cette approche utilise pour l’évaluation,
ils font appel à la mémorisation
et à l’aptitude à la restitution. L’objectif de l’examinateur est, avant tout,
de mesurer le degré de maîtrise par l’élève des connaissances et des savoir-faire,
ce qui est certes
important, sans se soucier de l’intégration de ces savoirs ou la restructuration
des acquis antérieurs dans une démarche globale et un raisonnement
clairement mené par l’élève.
Pour ce qui est de l’évaluation développée par l’approche par les compétences
– celle désormais souhaitée – elle vise en premier lieu à soutenir l’apprentissage
et à
orienter l’action de l’enseignant. Dans cette optique, l’évaluation n’a de sens que si elle est partie
intégrante de l’apprentissage, excluant la séparation
entre situation d’apprentissage et situation d’évaluation.
La vraie situation d’évaluation est
celle- là qui mobilise l’activité cognitive de l’élève et la met au service
de ce qu’il cherche
tout en fournissant par la
même occasion
à l’enseignant des indicateurs pertinents lui permettant d’évaluer le degré de
maîtrise par l’élève de la compétence
visée.
Ce genre d’évaluation ne s’intéresse
pas à ce que l’élève a ou n’a pas assimilé comme
connaissances mais vise le processus même d’acquisition
des savoirs.
C’est pourquoi elle prend différentes formes pour réorienter les apprentissages. C’est
l’évaluation intégrée dans l’activité
quotidienne de l’élève et qui sert à diagnostiquer
les erreurs et à indiquer à l’enseignant les remédiations les plus efficaces.
Elle est, par conséquent, au service
de l’enseignement et de l’apprentissage et s’y identifie.
Ainsi,
l’apprentissage devient une occasion
pour évaluer, et l’évaluation offre de nouvelles opportunités pour l’apprentissage.
Une
telle évaluation est dite, à juste titre, formative.
Présentation
et sélection de l’extrait par Mongi Akrout, inspecteur général de l’éducation
Tunis,
mai 2025
Pour
accéder à la version ARABE , cliquer ICI
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire