Ce deuxième extrait s'intéresse aux facteurs de réussite et d'amélioration des résultats et nous présente un ensemble de recommandations et de propositions pratiques à même de résoudre le problème des mauvaises performances de la région. ( POUR REVENIR A LA 1er PARTIE CLIQUER) Le blog
pédagogique remercie Si Mustapha pour toutes ses contributions. |
L'action participative fait la différence et crée le succès
« Tout ce que vous faites pour moi sans moi est contre moi. »
Gandhi(
- Le lycée Farhat Hached de Haffouz arrive en deuxième position
au niveau régional avec un taux de réussite de 53,9%, dépassant – tant au
niveau régional que national – de nombreux lycées situés dans des zones où le niveau de
ressources matérielles et le niveau de la capacité à financer des cours
particuliers sont élevés. Cela signifie que les facteurs objectifs –
économiques et sociaux – n’expliquent pas à eux seuls les résultats. Le
directeur du lycée Farhat Hached, de Haffouz,
M. N. A, nous a précisé que 53 enseignants
sur 56, qui vivent dans la région, font, bénévolement- chaque année une heure de
cours supplémentaire. Ils se distinguent par leur efficacité, leur fidélité et
leur enthousiasme. Ils aiment leur travail et leur discipline et les enseignent
selon une méthode qui plaît aux élèves.
Ceci explique les notes élevées (par rapport à la moyenne régionale et nationale) obtenues par les élèves au baccalauréat dans certaines matières, comme la
philosophie, l'histoire, la géographie et les sciences physiques,(comme l'a
confirmé un inspecteur présent).
Le même directeur
a souligné l'importance de la participation de tous pour créer les
conditions propices à la réussite des élèves, d'une manière humaine et avec de
bonnes et fortes relations humaines, dans une atmosphère de spontanéité et de
sens des responsabilités, « loin des formalités et de la langue de bois
». Sans discrimination et sans rigidité dans l'exercice des fonctions
officielles, au point qu'un des visiteurs de du lycée (un inspecteur financier
et administratif) n'a pas fait la distinction, lors de sa visite, entre le
directeur, le surveillant général et le censeur. .. Ce trio n'hésite pas à multiplier
les tournées des classes terminales pour encourager les élèves, leur remonter
le moral et les motiver pour les études universitaires, tout cela pour
les aider à faire face aux situations de désespoir, de
désintéressement qu'ils peuvent avoir ou la peur
de l'examen.
Il semble que le facteur décisif pour
affronter les difficultés du milieu environnant et des conditions de travail
soit l'incarnation réelle et non formelle du processus d'institutionnalisation,
l'esprit de l'équipe éducative, le principe du travail participatif et la
valeur du volontariat dans les différents domaines. Dans ce contexte, la
recherche pédagogique s'accorde pour considérer « le travail collectif et
l'équipe coopérative comme le facteur le plus important de réussite de
l'innovation pédagogique » (Tadlaoui 1991, p. 162). Cela transparaît clairement dans ce que les
participants ont évoqué sur les traditions de travail au lycée Farhat Hached de
Haffouz : échanges, préparation commune des cours et des examens, cours de
soutien gratuits, aide financière aux élèves dans le besoin, travail en dehors
des heures officielles requises, accompagnement pédagogique et briefing
psychologique avec les élèves de l'établissement auquel participent la plupart
des enseignants, et les cadres administratifs (directeur, surveillant général, …)
La réussite du travail participatif et
l’accumulation de l'expérience dans ce domaine sont autant de facteurs capables
de transformer la pratique pédagogique en une institution, comme l’explique le
chercheur marocain Mustafa Mohsen : « Par institution, nous n’entendons pas
ici son cadre formel, structurel, matériel et codifié, mais nous entendons plutôt
par là, ce système intégré d'expertise,
de connaissances, d'expériences et de modèles d'intervention et d'action... Et
parmi les normes, les symboles, les coutumes ou les traditions
professionnelles... qui peuvent être considérés comme des cadres de référence
ou des paradigmes orientés à la
réflexion, à la pratique , à l'échange, et
à la prise d'initiatives dans tous les
domaines du système éducatif tels que l'enseignement, l'encadrement,
l'administration éducative, la planification et la programmation, l'orientation
scolaire et professionnelle, etc... (Mohsen 2006, p. 51) .
Remarques de base
1. L’évaluation des résultats du baccalauréat sur la
base du seul critère du nombre des admis, ne permet pas une lecture approfondie
de la qualité des outputs du processus éducatif et cache le problème de la
disparité entre les régions et même
entre les établissements de la même région. Les régions et les établissements ayant le plus petit
nombre d'admis sont aussi ceux qui enregistrent des taux de rachats élevés. Il a été précisé dans le projet
régional pour l'éducation à Kairouan (page 66) que le plus
faible taux de réussite au baccalauréat en 2009 a été enregistré dans la
délégation de Oueslatia (28%), qui est la même délégation dans laquelle on
retrouve le pourcentage le plus élevé d'admis grâce au rachat (47%), tandis qu'à Kairouan Nord, le taux de
réussite était de 55% et le pourcentage de réussite avec rachat était de 17%. La qualité de la réussite au
baccalauréat se reflète dans le degré de compétitivité pour conquérir des
places « très précieuses » dans l’orientation universitaire, et c’est ce qui
contribue à reproduire les conditions sociétales existantes ou à les modifier.
Notre collègue Moncef Khemiri a évoqué cette question dans
un article publié dans le journal Al-Shorouk le 24 août 2015, sous le titre «
Les résultats du baccalauréat de la condensation quantitative au tri qualitatif
», où il a montré, à travers l'indicateur de l'entrée aux facultés de médecine
par région, l'ampleur de la disparité dans ce domaine.
Pour approfondir l'évaluation des résultats du
baccalauréat, nous pourrons exploiter les résultats de l'orientation universitaire
de l'année 2015 pour regarder la répartition des bacheliers de Kairouan et
d’autres régions, entre les différentes filières universitaires, notamment les
« très valorisées ». L'examen qualitatif des résultats du baccalauréat et
l'explication de leurs implications sur l'orientation universitaire permettent
de stimuler et de mobiliser toutes les forces actives internes et externes du
lycée afin de changer ce qui apparaît comme des « fatalités géographiques » ou
des « contraintes sociologiques ». .»
2.
Il est souhaitable que l'évaluation ne se concentre pas tant sur les résultats
finaux que sur les parcours et les distances parcourus entre le point de départ
diagnostiqué et les points d'arrivée, c'est-à-dire les objectifs fixés dans le
cadre du projet de l'établissement et du projet de la région. C'est l'essence
même de l'équité dans les processus d'évaluation des élèves et du cadre
d'encadrement administratif et pédagogique. En l’absence de cela, les chiffres
et les résultats finaux du lycée seront une fin en soi, et la motivation sera
absente et les dérives comportementaux et les phénomènes négatifs augmenteront
à différents niveaux, y compris parmi les élèves et tous les acteurs éducatifs.
Dans un tel contexte, un sentiment d'infériorité et de l'accusé se développe
chez tous ceux dont le lycée se trouvait mal classé. Des pratiques malsaines
font alors leurs apparitions telles que « le gonflement des notes », « la
fraude aux examens », « les abus liés
aux cours particuliers », « priver les bons élèves de la liberté de choisir
l'orientation scolaire qu'ils désirent et les obliger à poursuivre leurs études
dans les seules sections disponibles au lycée afin qu'un autre lycée ne récolte
pas leurs excellents résultats au baccalauréat....
3. Au milieu du dialogue sur les raisons du succès et
de l'échec ou sur la réforme éducative attendue, une analyse globale est
souvent absente et nous constatons une exagération et une surestimation du rôle de l'école dans la société pour la tenir responsable de l'échec en occultant les causes qui échappent à l'autorité du
ministère de l'Éducation et même à l'autorité de l'État. La société traverse
actuellement une crise globale qui affecte tous les aspects de la vie sociale,
et les valeurs du marché investissent tous les domaines et tous les groupes
sociaux.
Le rôle des médias et de moyens de la communication
modernes, avec leur large diffusion et leurs hautes technologies, est de plus
en plus grand pour influencer l'esprit et la conscience des élèves.
Ils reformulent les relations sociales, les rôles, les fonctions, les systèmes
et les institutions dans les divers domaines. Dans ce contexte actuel de
mondialisation et de postmodernisme, l'enseignant (ni le parent) n'est plus le
seul à qui l'on confie l'éducation comme ce fut le cas par le passé, et il
n'est plus non plus la première source d'information, et l'élève lui-même ne
ressemble plus beaucoup à l'élève d'hier... Le paradoxe est que, malgré tout cela, la culture élitiste
prédomine toujours dans la société, beaucoup parlent encore de recettes simples
et toutes faites pour résoudre des problèmes complexes et infiniment compliqués.
L'image de l'éducateur traditionnel, l'exemple de l'élève discipliné et
obéissant et le modèle de l'école traditionnelle qui donne une image rassurante
pleine de compétence, de précision et de fermeté, sont encore fortement
présents dans l'esprit de nombreux enseignants et dans la culture d'un grand
nombre de parents et de fonctionnaires.
4.
« L'évaluation n'est pas seulement les résultats d'une étude, mais c'est une
situation psychologique et sociale », comme le confirme le directeur du
lycée Farhat Hached de Haffouz, qui a
rappelé le cas de « l'élève El A. M,
classé premier dans la section de
mathématiques à Haffouz (avec une moyenne de 18/20 au premier trimestre) et qui
allait passer l'examen du baccalauréat en 2015, mais il a été attiré par
l'idéologie de l'Etat islamique et a participé à la fusillade contre deux militaires au bureau de vote de
l'école d'Ain Zana à Haffouz lors des élections présidentielles de fin décembre
2014». En l’absence d’une vision globale de l’évaluation, et à la lumière
du vide spirituel et de l’absence de formation dans les aspects psychologiques,
sociaux et moraux, l’idéologie de l’E.I réussit, grâce à l’utilisation intensive
d’Internet, à conquérir les esprits, les cœurs et en attirant les bons élèves, étudiants,
enseignants et ingénieurs...
Initiatives collectives et recommandations pratiques
1. M. M.CH, inspecteur d'arabe, a parlé lors de
l'entretien de groupe d'une initiative de « la conférence de la langue arabe
de Kairouan », qui « vise à reconsidérer les approches de l'enseignement de
la langue arabe ». Trois sessions ont été réalisées (en mai 2012, mai 2013, et
décembre 2014). Il a également parlé de l'initiative de la Délégation Régionale
de l'Éducation de Kairouan qui a organisé la première session des Journées des
Langues de Kairouan du 15 avril au 15 mai 2015. Ces journées visaient à enseigner
les langues selon une méthode différente et originale qui adopte l'approche
culturelle de l'enseignement des langues. Elles comportaient notamment une animation
culturelle de la vie scolaire avec l'organisation d'expositions, de soirées
culturelles et d'ateliers d'initiation à l'expression écrite, à l'écriture de la
poésie et des récits, ainsi que des activités théâtrales... Les participants
ont souligné la nécessité de poursuivre et de renforcer cette expérience et de la
reproduire auprès des différentes régions.
2. L'une des propositions les plus importantes qui ont
émergé de l'entretien de groupe, et qui a été bien accueillie par les
participants, était la proposition de M. A.W., l'inspecteur concerné.
3 - Autres suggestions et recommandations
pratiques :
• Instaurer le concept des mutations des enseignants pour nécessité
pédagogique (au sein d'une même ville pour commencer(.
• Institutionnaliser la valeur du volontariat en incluant des heures de
service social à tous les niveaux scolaires (participation à des campagnes de
propreté, aux saisons de la cueille des olives ou de la moisson, ou
organisation de conférences nationales et internationales...)
• Institutionnaliser les excursions scolaires, les rendre obligatoires,
motiver les élèves du secondaire à y participer et les exploiter dans des cours
de langue afin qu'ils contribuent à élargir l'horizon de compréhension et de perception
de la vie et à développer les capacités d'expression et d'écriture.
• Inclure le soutien
scolaire et les cours de rattrapage dans le curriculum et réserver du temps
pour réviser les devoirs au sein de
l'établissement.
• Suppression de la semaine bloquée et l'adoption du régime semestriel au lieu du régime trimestriel
• Impliquer le cadre d'enseignement et d'encadrement du primaire dans ces
rencontres et diversifier les occasions de construire des projets communs avec
eux.
• Sortir les acteurs éducatifs de toutes catégories le l'état
d'isolement en consacrant le principe du
travail en commun face à des situations professionnelles difficiles ou en
consacrant le principe de recoupement et d'intégration entre les disciplines
dans la mise en œuvre des programmes nationaux de formation continue.
• Capitaliser les expériences réussies - comme celle du lycée Farhat
Hached - les détecter, les valoriser, les évaluer soigneusement, et les publier
dans divers médias, encourager financièrement et moralement leurs auteurs et
les exploiter dans des activités de formation...
• Élaborer des plans et des stratégies d'intervention urgente basés sur la
réalité sur laquelle ils s'appuient et impliquer les forces actives dans cette
réalité.
• Flexibilité dans la gestion et accroitre la capacité à concilier les
caractéristiques de la centralisation et les caractéristiques de la
décentralisation dans l'élaboration, la conception des plans et dans leur évaluation.
• Former les forces actives à travailler selon la méthodologie du projet
de l'établissement et du projet de la région.
• Créer une matière d'éducation aux médias ou « de l'éducation numérique » pour s'adapter aux
exigences de l'époque et faire face aux dangers imminents du monde des chaînes
satellitaires et d'Internet (notamment l'idéologie de l'EI).
Conclusion
Cette étude n'a pas comme priorité d'apporter un complément de données,
car le projet régional de l'éducation de Kairouan (2016-2020) est disponible,
et il contient beaucoup d'informations et un diagnostic complet de la réalité
éducative de la région et les objectifs qu'elle cherche à atteindre au cours de
la période susmentionnée.
Dans ce travail, nous avons cherché à
produire à partir des informations recueillies une « connaissance pertinente »
au sens défini par Edgar Morin, pionnier de l'interdisciplinarité, c'est-à-dire
« lier les relations, cadrer, contextualiser et reconnaître les liens entre
le macro et le micro… » (Morin 2004) et de formuler quelques observations générales
et des conclusions susceptibles d’aider
à approfondir la compréhension et l’interprétation des résultats du
baccalauréat 2015 dans la région de Kairouan et de la réalité éducative
tunisienne en général, en utilisant notre expérience de terrain et quelques
études antérieures, et oscillant entre généralisation et spécification,
c'est-à-dire entre la théorisation et l'abstraction générale des phénomènes
d'une part, et l'examen des détails et les témoignages de la réalité vivante
d'autre part.
L'expérience a montré que les différents projets et les réformes qu'avait
connus le ministère de l'Éducation comportaient les meilleurs diagnostics et
les plus beaux plans, mais leur efficacité et leur efficience sont restées limitées. Au contraire, la réalité des
institutions éducatives allait dans le sens inverse des objectifs fixés par documents
officiels (Cheikh Al-Zawali 2015). Notre précédente étude sur ce sujet
concluait que la réalité sociale ne change pas en adoptant des approches
techniciennes ou simplement en diagnostiquant et en formulant de beaux paris,
comme ce fut le cas avec la réforme de 2002. Nous ne manquons pas d’outils de
recherche, ni de techniques statistiques. Ce ne sont pas non plus les
propositions, les idées ou les valeurs qui manquent dans notre monde, mais ce
sont les personnes qui manquent de valeurs et qui n’ont pas suffisamment de
détermination et d’initiatives sincères et efficaces pour provoquer les
changements souhaités.
Il est temps de dépasser les aspects
négatifs des approches techniciennes pour les
approches culturelles. Il est nécessaire d’adopter l’approche de communication
pour le développement, de mettre en avant le rôle stratégique de la fonction des
médias et de communication et d’en faire une priorité pour le ministère de
l’Éducation. L'un des sens du recours à cette approche est : l'incarnation
réelle - et non pas formelle- de l'institutionnalisation, de l'esprit de
l'équipe éducative et du principe du travail participatif, qui imposera la
coexistence des rôles et le lien étroit entre les revendications des droits,
l'accomplissement des devoirs[1] et l'utilisation optimale
des ressources disponibles, aussi limitées soient-elles. La première tâche, et
la plus difficile, est de convaincre les citoyens, en particulier les acteurs de
la communauté éducative, qu'ils sont capables de faire la différence et de
réaliser des changements pour le mieux, pour leur propre intérêt et pour celui de leurs enfants et de la
société. Il est donc utile que les mesures que le ministère prendra à la
lumière des différents rapports soient accompagnées d'une campagne médiatique
ou d'un plan global d'information et de communication garantissant
l'implication des médias nationaux pour convaincre l'opinion publique des
mesures proposées. , notamment à travers la télévision nationale, et avec la
large participation d'éducateurs et d'experts qui font la distinction entre
plaidoyer sincère et la propagande.
Cheikh Al-Zaouali, Mustapha, Conseiller Général Expert de la Vie Scolaire chez Ministère de l'Éducation nationale de la Tunisie
Traduction Mongi Akrout, inspecteur général de l'éducation
Tunis, Juin, 2024
Pour
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[1] L'un des présent au focus, qui est un responsable syndical, a affirmé
qu'il est temps de régler la boussole pour donner la priorité aux droits de ses
adhérents et à leur confort pour s'occuper des droits des élèves et leur
confort.
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