lundi 8 décembre 2014

Les châtiments corporels infligés aux élèves

Frapper un animal s’appelle cruauté.
Frapper un adulte s’appelle agression.
Frapper un enfant s’appelle éducation.
Olivier MAUREL,


Punitions et châtiments: vraie-fausse méthode pour enseigner ?

La question les  châtiments corporels, infligés aux élèves à l’école, est l’une des facettes de la violence dans le milieu scolaire ;  les enfants  ont été toujours, depuis que l’école existe et dans tous les systèmes éducatifs, victimes de la violence  qui peut prendre des formes très différentes , les unes aussi néfastes  que les autres ; parmi celles-ci , nous allons nous intéresser aux châtiments corporels infligés aux écoliers, une pratique qui était tolérée et même «  autorisée » dans  l’ancien milieu scolaire ; mais bannie depuis la fin du XIXème siècle dans les écoles publiques.
 Cette question a préoccupé les éducateurs dans notre pays depuis des générations, et surtout dans sa dimension « institutionnelle ».
Nous avons voulu présenter cette semaine 3 documents officiels qui ont traité la question ; tous les trois s’accordent à interdire cette pratique, qui a certes connu un net recul sans, malheureusement, disparaitre de nos écoles, en dépit de toutes les mesures.

 

Le premier document : Extrait du1° règlement intérieur scolaire (1886)



Considérant qu’il est indispensable d’établir un règlement scolaire applicable dans toutes les écoles publiques de la régence
Arrête

Article 19 : les seules punitions dont l’instituteur puisse faire usage sont :
-      Les mauvais points
-      La réprimande faite en particulier
-      La réprimande faite en public
-      La privation partielle de la récréation
-      La retenue après la classe, sous la surveillance de l’instituteur
-      L’exclusion temporaire
Cette dernière ne pourra pas dépasser deux jours.
Avis en sera donné immédiatement par l’instituteur aux parents de l’enfant, au président de la commission scolaire, et à l’inspection primaire.
Une exclusion de plus longue durée ne pourra être prononcée que par le directeur de l’enseignement.
Article 20 – il est absolument interdit à l’instituteur de n’infliger aucun châtiment corporel.
Fait à Tunis le 20 décembre 1886
Le Directeur de l’enseignement public
L. Machuel [1]
Source : Bulletin officiel de l’instruction publique n°1 - 1° Année- 1-1- 1887





Le deuxième document : Circulaire du 16 Mars 1950 relative aux châtiments corporels infligés aux élèves

« Je vous rappelle que l’article 17 de la loi du 15 septembre 1888 et l’article 22 du règlement scolaire interdisent formellement d’infliger aux élèves tout châtiment corporel.
Je vous prie de veiller à ce que les règlements en la matière soient respectées .les châtiments corporels n’ont jamais été un procédé d’éducation « ils rendent les âmes serviles » écrivait Locke. Ils sont indignes d’éducateurs dignes de ce nom.
Je vous informe que je suis décidé à sanctionner très sévèrement toute infraction à la règle sans préjudice des suites judiciaires que pourront entrainer des plaintes portées contres les maîtres pour sévices exercés sur les enfants.
P. le Directeur de l’instruction publique et p. o l’inspecteur, chef de service de l’enseignement primaire.
A. Signoret

Bulletin officiel de l’instruction publique n°1, Janvier-Février, Mars 1950   -  Année- 1950





La circulaire publiée par le chef de service de l’enseignement primaire à Tunis, en 1950, exprime l’inquiétude de la direction de l’instruction publique devant la persistante d’une pratique jugée « indignes d’éducateurs dignes de ce nom. » La circulaire avait tenu à rappeler le règlement interdisant tous les types de châtiments corporels et menacent les contrevenants de sanctions très sévères et même de poursuites judiciaires.

Document 3 : extrait du règlement scolaire des établissements de l’enseignement primaire


ART 36 : Il  est interdit aux maîtres d’infliger des châtiments corporels aux élèves sous peine d’encourir des peines disciplinaires prévues par les règlements en vigueur.
ART 37 :Les seules punitions  dont l’élève  peut faire l’objet sont :
1)    La retenue après la classe
2)    L’avertissement
3)    La réprimande
4)    L’exclusion temporaire
5)    L’exclusion définitive.
La retenue après la classe doit être passée sous la surveillance d’un maître et consacrée par l’élève à la préparation de leçons mal apprises ou des devoirs mal faits.
L’avertissement et la réprimande sont infligés par le directeur de l’école sur proposition du maître et doivent être porté à la connaissance des parents de l’élève.
L’exclusion temporaire ne peut dépasser trois jours pour la première faute grave ni cinq jours en cas de récidives.
Dans l’une comme dans l’autre cas, elle est prononcée, après avis du conseil des maîtres, par le directeur de l’école qui est tenu de communiquer les décisions, avec indication des motifs, aux parents de l’élève et à l’inspecteur de l’enseignement primaire.
L’exclusion temporaire pour plus de cinq jours ne peut être prononcée que par l’inspecteur de l’enseignement primaire, sur proposition du directeur de l’école après avis du conseil des maîtres entendu.
Dans le cas d’une proposition d’exclusion de plus de cinq jours ou d’une proposition d’exclusion définitive, l’élève peut, si les circonstances particulièrement urgentes l’exigent, être rendu provisoirement à sa famille, en attendant la décision de l’autorité compétente.
source : jort du 28/01/1964

 

En 1964 ,c'est-à-dire six année après la promulgation de la loi de 1958  sur l’enseignement, un Arrêté[2] du secrétaire d’état de L’Education nationale fixa le règlement scolaire des établissements de l’enseignement primaire ; il reprend les mêmes règles déjà en vigueur depuis le règlement de 1886 ; le nouveau règlement a consacré un article ( art 36) aux châtiments  corporels  pour insister sur l’interdiction et les risques encourus par les instituteurs qui le ne respecteraient pas cette interdiction.


A notre  connaissance,  c’est le dernier texte  de ce niveau  publié par le ministère Tunisien de l’éducation qui s’est intéressé à la question,  puisque le ministère  s’était limité à publier en 1991  une circulaire [3] relative à la question de la discipline scolaire destinée aux établissements de l’enseignement secondaire et aux écoles normales des instituteurs   dans laquelle il rappelle les sanctions prohibées en les énumérant , les châtiments corporels occupant la première place.
 La loi d’orientation sur l’éducation et l’enseignement scolaire de 2002 avait bien précisé que le « régime disciplinaire dans les établissements scolaires sera fixé par arrêté du Ministre de l’éducation ( art 14) .
Seulement , cet arrêté n’a  jamais vu le jour ; l’école tunisienne continue à se référer à la circulaire de 1991 ; cette situation  (de vide juridique) traduit peut - être la difficulté de concilier entre les choix éducatifs et pédagogiques qui mettent en avant la politique de dialogue  et le respect de la personnalité de l’enfant en l’encourageant à exprimer ses points de vue en toute liberté ,et l’instauration d’une  discipline  qui pourrait user de sanctions qui constitueraient une atteinte aux choix évoqués plus haut.

Mais quelque soient les choix, le système scolaire a besoin d’un cadre précis pour gérer la question de la discipline ; celui-ci doit mettre en avant les mesures de prévention d’ordre pédagogique (traitement de l’échec et des difficultés d’apprentissage) et d’accompagnement des élèves et des enseignants.

Hédi bouhouch &  Mongi Akrout ; Inspecteurs généraux de l'éducation

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Barnett  Laura-  La loi et lechâtiment corporel : L'article 43 du Code criminel
Division du droit et du gouvernement révisé le 20 juin 2008

Conseil de l’Europe , le Commissaire aux droits de l'homme  - Les enfants et les châtiments corporels:« Le droit à l’intégrité physique, aussi un droit de l’enfant »

Khadija Skalli - Le châtiment corporeltoujours infligé à l'école 

Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 19 - 05 - 2006 

 














[1]  Louis Machuel, arabisant d’origine française , né en Algérie  le 2 juin 1848 , a appris le coran  et la langue arabe , il est devenu professeur d’arabe , a été  nommé en 1883 par Paul Cambon , le résident général  français en Tunisie, directeur de l’instruction publique , il a contribué au développement de l’enseignement en Tunisie à l’époque du Protectorat en créant les écoles franco-arabes, le collège Alaoui pour former les instituteurs bilingues, Machuel est parti à la retraite en 1908 , décédé en Août 1922 , il fut enterré selon ses vœux au cimetière de Rades Maxula
[2] Arrêté du secrétaire d’état de L’Education nationale du 25 janvier 1964 portant règlement scolaire des établissements de l’enseignement primaire ( jort du 28/01/1964)

[3]  La circulaire n°93 - 1991 du 1° octobre 1991 relative au régime  de la discipline scolaire

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