Hédi Bouhouch |
Nous poursuivons la publication du
document relatif à la nouvelle réforme du système éducatif tunisien :
Programme pour la mise en œuvre du projet " Ecole de demain " 2002
– 2007. Ce 6ème extrait présente les grandes orientations de la
nouvelle reforme scolaire. Le lecteur sera surpris par la persistance des
mêmes problématiques qui continuent à se poser aujourd'hui comme la question
des langues, le temps scolaire, la place des sciences dans les programmes,
l'introduction des nouvelles technologies de l'information…
|
Peu de temps après la promulgation de la deuxième loi sur la
réforme de l’éducation en Tunisie (loi no 65 / 1991 du 29 juillet
1991 sur le système d’enseignement) on a commencé à réfléchir à un nouveau
projet de réforme connu sous le nom de "l’école de demain". La
réflexion est venue pour répondre à la présidence de la république qui avait
appelé en 1995 à une "réflexion sur le renouvellement de la mission de
l'école dans un monde qui devrait connaître de profonds changements dans la
structure des sociétés de la connaissance et dans les méthodes de travail et
les moyens de production."
En 1998, la "Commission de l'école de demain" fut
instituée, présidée par le professeur Rafaa Ben Achour, alors président de
l'université de Tunis 2. Ensuite, le ministère de l’éducation avait organisé un
symposium international sur l’école de demain les 4 et 5 mai 1998 en
coopération avec la Banque mondiale. Les résultats du symposium furent soumis à
une consultation nationale, qui a abouti à des propositions pour la remise à
niveau de l'école tunisienne.
La réflexion s'est poursuivie par des commissions au niveau du
ministère de l'éducation pendant plus de 4 ans. Cet énorme effort fut couronné
par la production d'un document très important publié en juin 2002 dans sa
version arabe (avant la publication de la loi d'orientation de 2002) suivie par
la version française en octobre 2002 sous le titre "La nouvelle réforme
du système éducatif tunisien : Programme pour la mise en œuvre du projet "
Ecole de demain " 2002 – 2007.
Compte tenu de la valeur de ce document fondateur qui a marqué
un tournant dans la pensée éducative dans notre pays, nous avons voulu publier
des extraits de ce travail afin de préserver la mémoire de l'école tunisienne
et de rendre hommage à l'équipe qui avait contribué à sa conception et à sa
rédaction. Cette équipe qui avait travaillé sous la direction du Ministre
Moncer Rouissi, était constituée par feu Abdelmalek Sallami, inspecteur de
français, feu Najib Ayed, ancien
directeur de l'Institut national des sciences de l'éducation, Omrane
Boukari, le directeur des programmes et Mustafa Neifar, directeur de la
formation.
Présentation du document.
Le document est constitué de 5 grands chapitres:
I- Le cadre stratégique de la nouvelle réforme du système
scolaire
II - La place du système scolaire tunisien sur l’échiquier
éducatif mondial
III -Les évaluations réalisées depuis 1992
IV - Les grandes orientations de la nouvelle réforme
V - Le calendrier de la mise en application du plan relatif aux
programmes
IV- 1.3. La révision de la
grille des horaires dans l’enseignement de base
VI-1.3. Le point de la situation : l'horaire
hebdomadaire :
La comparaison de
l’horaire en vigueur dans le premier cycle de l’enseignement de base en Tunisie
avec l’horaire pratiqué dans les pays européens fait apparaître une différence
nette tant au niveau du nombre d’heures de classe hebdomadaires qu’au niveau de
la répartition de ces heures sur les disciplines et/ou les domaines
d’apprentissage.
L’horaire hebdomadaire
moyen dans les pays de l’Union Européenne est de 21h environ dans les premières
années de l’enseignement primaire, nonobstant quelques différences - parfois
importantes - entre l’horaire minimum (15 heures au Danemark) et l’horaire
maximum (27 heures en Italie).
Dans les dernières années
de l’enseignement primaire, l’horaire hebdomadaire moyen atteint les 22h et
demi avec également un seuil minimum (18h au Danemark) et un seuil maximum (27h
en Italie).
Dans le système scolaire
tunisien, l’horaire est de 22 heures et demi par semaine au cours des deux premières
années de l’enseignement de base, et de 30 heures durant les quatre années qui
suivent.
Ainsi l’horaire
hebdomadaire tunisien dans le 1er cycle de l’enseignement de base dépasse,
dans tous les cas de figure, l’horaire moyen en vigueur dans les pays de
l’Union Européenne; il avoisine le seuil maximum appliqué dans certains de
ces pays.
|
Quant à la journée
scolaire en Tunisie, elle est organisée selon le régime de la double séance.
Cela signifie que la moitié des élèves commencent leur journée à 7h et demi du
matin et que l’autre moitié ne la termine qu’à 17 heures 30.
Il est donc devenu
nécessaire d’introduire un certain nombre de correctifs au niveau du volume et
de la répartition de l’horaire hebdomadaire, tout en mettant en place une
nouvelle organisation de la journée scolaire. Les grandes lignes de la démarche
retenue sont les suivantes :
a.
Institution du principe de la progressivité dans l’horaire
hebdomadaire :
§ 20 heures pour les 1ères et 2èmes années
de l’enseignement de base (au lieu de 22 heures et demi actuellement).
§ 25 heures pour les 3èmes et 4émes années
(au lieu de 30 heures).
§ 30 heures pour les 5èmes et 6èmes années
(l’équivalent de l’horaire actuel).
§ 32 heures pour la 7ème année (au lieu de 30 heures)
et 33 heures pour les 8èmes et 9èmes années (au lieu de
30 heures).
Tableau comparatif :
horaire
hebdomadaire
|
horaire annuel
|
||||
actuel
|
Nouveau
|
différence
|
actuel
|
Nouveau
|
|
1ère année
|
22h 30
|
20
|
-2h30
|
630
|
560
|
2ème année
|
22h 30
|
20
|
-2h30
|
630
|
560
|
3ème année
|
30h
|
25
|
-5h
|
840
|
700
|
4ème année
|
30h
|
25
|
-5h
|
840
|
700
|
5ème année
|
30h
|
30
|
0
|
840
|
840
|
6ème année
|
30h
|
30
|
0
|
840
|
840
|
7ème année
|
30h
|
32
|
+2
|
840
|
896
|
8ème année
|
30h
|
33
|
+3
|
840
|
924
|
9ème
année
|
30h
|
33
|
+3
|
840
|
924
|
b.
Distinction, à l’école primaire, des apprentissages de base des
autres apprentissages
Notre culture scolaire actuelle, qui privilégie l’accumulation
des connaissances dans une perspective encyclopédiste, a conduit à une sorte de
nivellement des disciplines et des différents domaines du savoir qui ont fini
par perdre, petit à petit, leurs caractéristiques distinctives.
L’on se comporte en effet vis-à-vis des différents champs
disciplinaires et des activités pédagogiques qui leur correspondent comme si
leurs fonctions et leurs objectifs étaient identiques, et comme si les
démarches d’apprentissage qui y sont mises en œuvre et les critères
d’évaluation qui en mesurent l’acquisition l’étaient également. La conséquence
en est que les différences entre ces domaines, devenues purement formelles, ne
tiennent plus qu’à un ordre hiérarchique imposé par un système de coefficients,
au demeurant assez arbitraire.
Cette approche a semé la confusion, aussi bien dans l’esprit des
élèves que dans celui des enseignants. Ainsi voit-on ces derniers adopter
quasiment la même méthode d’enseignement et d’évaluation en mathématiques par
exemple et en éducation civique, si bien qu’il est devenu difficile de
distinguer les objectifs pédagogiques spécifiques de telle discipline à forte
charge cognitive de ceux de telle autre discipline à vocation morale ou
artistique.
Quant aux élèves, ils ne font aucune différence entre les
matières d’éducation civique et artistique et les autres disciplines. Ils ont
tendance à mémoriser les premières mécaniquement, sans que rien n’indique, ni
dans leur comportement ni dans leurs réactions affectives - sauf exception rare
- qu’ils en ont intériorisé les valeurs et les savoir être visés. Cela peut
expliquer leur désaffection ou, au mieux, leur indifférence à l’égard de ces
matières.
Ce type de culture scolaire n’est plus adapté aux exigences
d’une éducation moderne. En effet, tout en sachant le rôle capital que jouent
les disciplines, dans (et par) leur diversité, dans la formation de l’élève, sa
connaissance du monde et l’épanouissement de son être, il y a lieu d’établir
une distinction nette entre, d’une part, les domaines et les matières qui sont
des moyens d’acquisition du savoir, comme les langues et les mathématiques, et
d’autre part les matières à caractère strictement éducatif et artistique. Dans
la même perspective, il est important de déterminer ce qui est essentiel au
sein de chaque domaine du savoir, afin de lui accorder la priorité dans
l’apprentissage.
Sur cette base, deux domaines d’apprentissage doivent être
clairement distingués :
§ Les domaines d’apprentissage
prioritaires qui constituent les clefs
et les outils de la connaissance, ainsi qu’un socle solide pour les
apprentissages ultérieurs et pour toute formation durable. L’enseignement des
disciplines relevant de ces domaines (langues, mathématiques et sciences) est
régi par une progression rigoureuse ; les notions et les concepts y sont
construits selon un processus d’intégration continu qui prend appui sur les
apprentissages antérieurs tout en préparant aux apprentissages ultérieurs.
Etant donné le caractère stratégique de ces apprentissages, des
séances spécifiques leur seront consacrées, dans la matinée ou dans l’après
midi, auxquelles sera réservée la part la plus importante de l’horaire
quotidien, hebdomadaire et annuel.
§ Les domaines d’apprentissage à
caractère éducatif et artistique
(l’éducation à la citoyenneté, l’éducation artistique, l’éducation physique)
qui ont pour vocation d’aider à développer la personnalité de l’élève, à
cultiver ses dons et à l’initier à la vie en communauté. Pour éviter
l’éparpillement qui caractérise ces apprentissages à l’heure actuelle, ils
seront désormais regroupés dans le cadre d’activités de clubs, tout en gardant
leur caractère obligatoire ; et ils seront abordés dans une perspective
intégrative qui garantit leur unité et leur cohérence au niveau à la fois des
objectifs visés et des méthodes d’animation.
Le club constitue particulièrement un espace libéré des
contraintes de la classe traditionnelle, et un cadre adéquat pour la
socialisation des élèves et pour le développement, en eux, de l’esprit
d’initiative et du sens de la responsabilité.
Le club se distingue de
la classe par de nombreux aspects :
· Au plan de l’organisation, puisqu’il peut prendre diverses formes : ateliers, travaux de
groupe (groupes restreints ou spécialisés), activités de plein air, activités à
l’extérieur de l’école (visite de musée, activité dans une maison de culture,
dans une municipalité...) etc.
· Au plan des programmes qui, dans le club, se
caractérisent par leur souplesse, en ce sens qu’ils constituent, non pas un
référentiel de formation contraignant, mais plutôt un cadre général suggérant
des démarches diversifiées. Tant au niveau des objectifs que des méthodes
d’apprentissage qu’ils préconisent, ces programmes accordent la priorité
absolue au développement d’attitudes positives, à l’intégration des valeurs et
au renforcement des habiletés et des savoir-faire pratiques chez les élèves.
· Au plan de l’évaluation, puisque ce type d’apprentissage requiert la mise en œuvre d’un
système d’évaluation différent au niveau de ses objectifs, des outils de
diagnostic utilisés, et de l’expression des résultats.
c.
Réaménagement
de la semaine scolaire, au niveau des deux premières années de l’enseignement
de base, en consacrant cinq journées aux
activités d’apprentissage conventionnelles et une journée aux activités au sein
des clubs.
d.
Adoption d’une démarche souple dans
l’organisation de la journée scolaire au premier cycle de l’enseignement de
base, et ce en laissant à l’équipe pédagogique de l’école le soin de
décider, après consultation des parents, de l’heure du démarrage des cours
(7h30 ou 8h00) ainsi que de l’opportunité et des modalités d’application du
régime de la séance
IV - 1.3.2. Répartition de l’horaire sur les différents domaines
d’apprentissage
La comparaison, sur ce point précis, de notre système éducatif
avec de nombreux systèmes aux performances attestées, fait ressortir des
différences très significatives, non seulement au niveau de l’horaire global
d’apprentissage, mais aussi dans la répartition de cet horaire sur les
différentes disciplines.
Ce constat, qui rejoint les conclusions des évaluations internes
et externes relativement aux modestes performances de nos élèves dans les
disciplines de base, nous impose de réviser notre grille des matières et
l’horaire imparti à chacune d’elles.
- Renforcement du choix
stratégique relatif aux apprentissages des langues
§ Rénover l'enseignement de la langue arabe, en prenant des
mesures structurelles et pédagogiques, et en premier lieu l'institution de
l'année préparatoire dont les programmes sont axés sur les activités orales, ce
qui va contribuer à un développement précoce des capacités de l'enfant à
communiquer et à s'exprimer. Ensuite, l'adoption de l'approche par compétences
qui est fondamentalement une approche intégrative, où toutes les disciplines
participeraient au développement des capacités à communiquer et à s'exprimer
par écrit et oralement, enfin l'introduction de l'enseignement de la langue
arabe dans les classes terminales pour toutes les sections du baccalauréat.
Ces mesures vont de pair avec la nouvelle répartition de
l’horaire d’enseignement consacré à cette discipline dans l’ensemble des cycles
et des niveaux. Il y a lieu de rappeler, dans ce contexte, que l’élève tunisien
apprend l’arabe en sa qualité de langue maternelle, dans ses dimensions
linguistique, littéraire et culturelle ; mais il le pratique aussi de façon
continue, en tant que langue véhiculaire, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit,
dans tous les domaines de la connaissance, puisque c’est dans cette langue
qu’il étudie toutes les autres disciplines (mathématiques, sciences, histoire –
géographie, éducation civique, éducation artistique) tout au long de
l’enseignement de base.
§
Le
redéploiement de l’horaire consacré à l’enseignement de la langue française
dans les deux cycles de l’enseignement de base et dans le cycle secondaire.
La répartition actuelle est marquée par un déséquilibre
important entre un horaire élevé dans le premier cycle de l’enseignement de
base et un horaire réduit - qui continue d’ailleurs à diminuer au fur et à
mesure que l’on progresse dans le cursus -
dans le second cycle et dans l’enseignement secondaire. Toutes les
évaluations portant sur ce sujet convergent dans leurs conclusions quant à la
nécessité de redistribuer, d’une manière plus équilibrée, l’horaire imparti à
l’apprentissage du français, afin de lui garantir la continuité et l’efficacité
requises.
Ainsi, il sera procédé progressivement à la réduction de
l’horaire du français dans le premier cycle de l’enseignement de base et à son
augmentation dans le second cycle de l'E.B et dans le secondaire, avec, en
parallèle, la création de clubs spécialisés pour en améliorer la pratique
orale.
D’une manière générale, néanmoins, il est attesté que la
maîtrise d’une langue donnée n'est pas tant liée au nombre d’heures que l’on
consacre à son enseignement qu’à la qualité des supports et des moyens
didactiques utilisés, à l’efficacité des méthodes pédagogiques mises en œuvre,
et -principalement- au degré de qualification des enseignants.
§
Le
renforcement de la présence de la langue anglaise dans le système scolaire tunisien
L’apprentissage de l’anglais débutera plus tôt et l’horaire qui
lui est imparti sera accru. Il a été décidé, dans ce sens, de consacrer - dans
le cadre des activités de clubs - trois heures obligatoires par semaine à cette
langue en 5ème et en 6ème années de l’enseignement de
base et de porter l’horaire hebdomadaire actuel en 7ème, 8ème
et 9ème années de 2 à 3 heures.
Grâce à cette mesure, le volume horaire imparti à
l’apprentissage de l’anglais dans l’enseignement de base passera de 168 heures
actuellement à 420 heures à l’avenir, ce qui fera progresser le taux horaire de
cette discipline de 2.3% à 6% par rapport au volume horaire global dans
l’enseignement de base.
- Développement de
l’enseignement des sciences en référence aux normes internationales. Il
sera procédé dans ce sens à :
§ L’augmentation de l’horaire consacré à l’enseignement des
mathématiques à raison d’une heure supplémentaire par semaine dans toutes les
classes de l’enseignement de base. L’horaire hebdomadaire de cette discipline
passera ainsi de 4 heures actuellement à cinq heures et, en conséquence, son
taux horaire progressera sensiblement puisqu’il passera de 14.1% à 17.3% de
l’horaire global.
§ L’ajout d’une demi-heure hebdomadaire à l’horaire réservé à
l’éveil scientifique dans le 2ème et le 3ème degré de
l’enseigne ment de base, ce qui portera l’horaire de cette discipline à 2
heures au lieu de 1h 30.
§ L’introduction des sciences physiques en tant que nouvelle
discipline dans le deuxième cycle de l’enseignement de base. Une heure et demi
par semaine seront réservés à cette discipline. De cette manière, l’horaire
hebdomadaire global réservé aux sciences naturelles et aux sciences physiques
sera de trois heures, ce qui est conforme à l’horaire en vigueur au plan
international.
- Promouvoir l’éducation à la
citoyenneté :
Dans le premier cycle, ces apprentissages seront intégrés dans
les activités des clubs et perdront ainsi le caractère scolaire et théorique
qui les a totalement déviés de leur objectif ;
Au niveau des écoles préparatoires, on remplacera les cours
actuels - à dominante théorique - par des activités pratiques axées sur
l’observation et l’étude de cas réels, et ce à travers des visites
d’institutions (municipalité, gouvernorat, chambre des députés...), et la
simulation en classe de situations concrètes et de participation à la vie
associative, etc.
Fin du sixième extrait à suivre,
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Présentation : Mongi Akrout,
inspecteur général de l'éducation
Révision : Adessalem Bouzid,
inspecteur général de l'éducation
Tunis ; février 2019
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