lundi 8 avril 2019

La nouvelle réforme du système éducatif tunisien : Programme pour la mise en œuvre du projet " Ecole de demain " 2002 – 2007 (partie 7) : les grandes orientations de la nouvelle réforme scolaire



Hédi Bouhouch
Nous poursuivons la publication du document relatif à la nouvelle réforme du système éducatif tunisien : Programme pour la mise en œuvre du projet " Ecole de demain " 2002 – 2007. Ce 7ème extrait présente les grandes orientations de la nouvelle reforme scolaire, comme l'introduction des apprentissages optionnels en 8ème et 9ème année de l'enseignement de base, la réorganisation des filières dans l'enseignement secondaire afin d'offrir plus de choix aux élèves dont les profils sont de plus en plus variés suite à l'arrivée de flux de plus en plus nombreux, la révision du système d'orientation et l'institution d'un système d'évaluation diagnostique périodique.


Peu de temps après la promulgation de la deuxième loi sur la réforme de l’éducation en Tunisie (loi no 65 / 1991 du 29 juillet 1991 sur le système d’enseignement) on a commencé à réfléchir à un nouveau projet de réforme connu sous le nom de "l’école de demain". La réflexion est venue pour répondre à la présidence de la république qui avait appelé en 1995 à une "réflexion sur le renouvellement de la mission de l'école dans un monde qui devrait connaître de profonds changements dans la structure des sociétés de la connaissance et dans les méthodes de travail et les moyens de production."
En 1998, la "Commission de l'école de demain" fut instituée, présidée par le professeur Rafaa Ben Achour, alors président de l'université de Tunis 2. Ensuite, le ministère de l’éducation avait organisé un symposium international sur l’école de demain les 4 et 5 mai 1998 en coopération avec la Banque mondiale. Les résultats du symposium furent soumis à une consultation nationale, qui a abouti à des propositions pour la remise à niveau de l'école tunisienne.

La réflexion s'est poursuivie par des commissions au niveau du ministère de l'éducation pendant plus de 4 ans. Cet énorme effort fut couronné par la production d'un document très important publié en juin 2002 dans sa version arabe (avant la publication de la loi d'orientation de 2002) suivie par la version française en octobre 2002 sous le titre "La nouvelle réforme du système éducatif tunisien : Programme pour la mise en œuvre du projet " Ecole de demain " 2002 – 2007.
Compte tenu de la valeur de ce document fondateur qui a marqué un tournant dans la pensée éducative dans notre pays, nous avons voulu publier des extraits de ce travail afin de préserver la mémoire de l'école tunisienne et de rendre hommage à l'équipe qui avait contribué à sa conception et à sa rédaction. Cette équipe qui avait travaillé sous la direction du Ministre Moncer Rouissi, était constituée par feu Abdelmalek Sallami, inspecteur de français, feu Najib Ayed, ancien  directeur de l'Institut national des sciences de l'éducation, Omrane Boukhari, le directeur des programmes et Mustafa Neifar, directeur de la formation. 
Présentation du document.

Le document est constitué de 5 grands chapitres :

I - Le cadre stratégique de la nouvelle réforme du système scolaire         
II - La place du système scolaire tunisien sur l’échiquier éducatif mondial 
III - Les évaluations réalisées depuis 1992
IV - Les grandes orientations de la nouvelle réforme
V - Le calendrier de la mise en application du plan relatif aux programmes


IV-1.4 L’introduction d’apprentissages optionnels dans le second cycle de l’enseignement de base

Le deuxième cycle de l’enseignement de base constitue le prolongement naturel du premier cycle, en ce sens qu’il permet de parachever les apprentissages dispensés au cours des six premières années du cursus. Il s’agit aussi d’une étape cruciale de la scolarité car sa finalité première est de doter les élèves d’une base solide qui puisse servir de socle pour une formation générale de qualité, tout en les préparant, dans le même temps, à un choix réfléchi entre les différentes filières de formation ultérieures.
Aussi, et compte tenu de l’accroissement continu du nombre des élèves qui accèdent à ce cycle, grâce à l’amélioration des taux de promotion - et ce qui s’en suit quant à la diversification des profils des apprenants, aux disparités qui marquent leurs motivations, leurs vocations et leurs rythmes d’apprentissage - est-il devenu nécessaire de procéder à la réorganisation des apprentissages dans ce cycle, dans les directions suivantes :
offrir des apprentissages communs à tous les élèves en 7ème, 8ème et 9ème années dans les disciplines scolaires «traditionnelles» comme les langues, les sciences, les disciplines sociales et les arts, auxquelles 90% environ du volume horaire global seront consacrés.
Introduire, à partir de la 8ème année, des apprentissages optionnels à caractère scientifique, technologique - professionnel, littéraire, artistique... qui donneront une coloration spécifique à la formation de l’élève  et l’aideront à effectuer ultérieurement, pour la suite de ses études, un choix qui corresponde réellement à ses prédispositions et à ses souhaits.
Intégrer ces apprentissages optionnels dans le programme d’études et la grille horaire en 8ème et 9ème années à raison de 2 à 3 heures par semaine; l’élève devant choisir obligatoirement l’un des domaines suivants :
Sciences et technologie
Techniques et métiers
Sciences de la nature
Arts et humanités
Langues et civilisations
Ces apprentissages optionnels ont pour objectif de permettre à l’élève d’approfondir sa formation dans un champ bien précis, choisi par lui, comme ils visent à le préparer à l’orientation dans le cycle secondaire. Cependant le choix effectué à ce stade ne revêt pas un caractère contraignant, ni définitif, l’élève ayant la possibilité de changer de choix en  9ème année.
Les programmes spécifiques pour ces apprentissages optionnels seront conçus dans le cadre d’une approche intégrative et interdisciplinaire permettant de développer des compétences transversales et d’asseoir des habitudes de travail en équipe, et ce par le recours à des démarches actives et diversifiées, en rupture avec les approches linéaires et standardisées qui démotivent les élèves et ôtent toute efficacité à ces apprentissages.
Par ailleurs, on peut envisager, dans le cas particulier du domaine des «techniques et métiers», que le volet pratique de l’apprentissage soit réalisé dans le cadre du partenariat entre l’école préparatoire et le centre de formation professionnelle le plus proche.
Introduire davantage de souplesse dans la gestion d’une partie du temps scolaire en consacrant une heure hebdomadaire en 8ème et en 9ème années à des activités que les enseignants, en accord avec les élèves et leurs parents, programmeront, en fonction des besoins, pour consolider les apprentissages de base dans le domaine des langues et/ou des sciences.
IV- 1.5 Restructuration du cycle secondaire : création de nouvelles filières et amélioration des mécanismes d’orientation
Le cycle secondaire comprend actuellement cinq filières ou sections où prédomine l’enseignement général : trois d’entre elles (les sections mathématiques - sciences expérimentales - techniques) sont à caractère scientifique, les deux autres (les sections lettres - économie et gestion) ont pour dominante les sciences sociales et humaines.
Ces filières, qui se veulent spécialisées, ne sont pas en mesure, en leur état actuel, d’asseoir les prérequis indispensables pour la formation post-baccalauréat dispensée dans les institutions de l’enseignement supérieur. D’autre part, comme elles sont rattachées aux domaines précis des sciences exactes, sociales et humaines, elles n’offrent pas de perspectives aux élèves ayant d’autres prédispositions.
Par ailleurs, et compte tenu de l’orientation du gouvernement visant à mettre en place des universités multidisciplinaires, il est devenu urgent de rationaliser et d’affermir la relation entre la formation que reçoivent les élèves dans les diverses sections de l’enseignement secondaire et celle dispensée dans les filières qui vont les accueillir dans l’enseignement supérieur. Cela évitera la déperdition des énergies et contribuera à améliorer aussi bien le rendement de l’enseignement secondaire que celui de l’enseignement supérieur. Cela exige :
que soit clairement établie la distinction entre deux types de filières dans l’enseignement secondaire :

les  filières  qui  préparent  principalement  à l’enseignement supérieur, où la formation générale occupera une place importante à travers des apprentissages communs dans les domaines des langues, des sciences et des humanités, lesquels  apprentissages constituent la base même de la formabilité requise par l’université ;
les filières à double finalité, au  bout desquelles les élèves auront des aptitudes suffisantes pour une insertion réussie dans la vie active, sans pour autant que leur soit fermé l’accès à l’enseignement supérieur.
que soient intégrés dans les programmes de toutes les sections de l’enseignement secondaire les prérequis pour les études dans les différentes filières de l’enseignement supérieur.
que l’on  aménage les  programmes des sections de l’enseignement secondaire ayant pour principale vocation de préparer à l’enseignement supérieur, de telle sorte qu’ils assurent, non pas une spécialisation dans un domaine précis - forcément étroit -  mais une préparation à la spécialisation dans une famille de domaines du savoir.
Sur la base de ces exigences, et sachant que la diversification des filières est de nature à élargir l’éventail du choix des élèves et à garantir une meilleure prise en compte de la diversité de leurs profils, de leurs aptitudes et de leurs prédispositions, l’organisation des filières et des sections du secondaire sera révisée comme suit :
a.    Restructuration des filières actuelles :
  La filière «lettres» sera scindée en deux sections :
la section «langues»
la section «sciences sociales et humaines»
Les sections «sciences expérimentales, mathématiques et techniques» seront réunies en une seule section : la section «sciences fondamentales et expérimentales».
La grille des matières de la section « économie et gestion» sera restructurée et ses programmes seront réécrits.
Une filière « sportive» sera créée. Elle sera sanctionnée par «le baccalauréat sport» et sera ouverte aux élèves faisant partie de l’élite sportive.
b.    Création de nouvelles filières dans deux directions :
*une filière qui mène au baccalauréat dans le domaine des arts (musique, arts plastiques, théâtre)
*un ensemble de sections menant au baccalauréat dans les domaines de la technologie.

Les secteurs de l’Education et de la Formation Professionnelle étant complémentaires dans ce domaine, il est  envisagé :
● d’instituer, au sein du système scolaire, un baccalauréat technologique spécialisé dans le secteur des services.
● d’instituer un baccalauréat technologique spécialisé dans le secteur industriel et dans le cadre du partenariat entre les établissements scolaires et les institutions de formation professionnelle ; les premiers assurant les formations à caractère théorique et général, les seconds, la formation technologique, dans les centres de formation et/ou au sein des entreprises (formation en alternance).
c.     Amélioration des mécanismes de l’orientation scolaire conformément aux principes suivants :
préparer les élèves à l’orientation en leur offrant la possibilité, dès la 8ème et la 9ème années, de bénéficier d’apprentissages optionnels ayant trait aux domaines du savoir sur lesquels sont fondées les filières de l’enseignement secondaire. Cela leur permettra de connaître les différents parcours d’enseignement offerts et de construire leur propre projet scolaire. Ainsi pourront-ils opérer leurs choix au moment voulu en pleine connaissance de cause.
retenir le principe de l’orientation graduelle, de sorte que :
la 1ère  année de  l’enseignement  secondaire  soit consacrée aux apprentissages communs, tout en continuant le panachage des formations par les apprentissages optionnels ;
les  2ème  et  3ème  années  soient  consacrées  à la formation dans une «famille» de domaines d’apprentissage : langues - sciences humaines et sociales - économie et gestion - sciences fondamentales et expérimentales -  technologie ;
la 4ème année soit consacrée à une formation approfondie, dans une proportion de l’ordre de 20 à 30 %, dans l’une des branches de la filière que l’élève aura suivie au cours des deux années précédentes (par exemple les mathématiques ou les sciences techniques, dans la section «sciences fondamentales et appliquées»).
faire preuve de souplesse en matière d’orientation en offrant la possibilité à ceux qui souhaitent modifier leur parcours scolaire en cours de route de changer de filière.
✦ assurer une formation générale solide à tous les élèves, dans toutes les sections et filières, en réservant aux apprentissages communs une place importante de manière que soit garantie à chacun la double possibilité de changer de filière d'une part, et de se préparer, d'autre part, d'une manière adéquate, à poursuivre ses études dans les universités pluridisciplinaires.
L’orientation vers la filière des beaux arts et la filière sportive se fera au terme de la 9ème année de l’enseignement de base. Les études dans ces deux filières se poursuivront d’une manière continue, sans nouvelle orientation, jusqu’à la fin de la 4ème année de l’enseignement secondaire. Les élèves ont toutefois la possibilité, le cas échéant, de changer de filière.
IV- 1.6- Mise en place d’un système d'évaluation périodique des acquis des élèves.
Au cours des dernières années, la plupart des pays ont opté pour l’allègement du dispositif classique des examens unifiés, à caractère national, particulièrement au cours de la période de scolarité obligatoire, lui substituant un système plus souple de contrôle continu.
En contrepartie, ces pays ont développé des systèmes d’évaluation périodique permettant d’assurer le suivi des acquis des élèves et du rendement de leurs systèmes éducatifs.
La Tunisie s’est engagée dans ce courant international en supprimant l’examen régional de passage à la 7ème année de l’enseignement de base et en adoptant le système du contrôle continu pour le passage de l’enseignement de base au cycle secondaire.
Pour compléter ce dispositif, il est nécessaire d’instituer un système national d’évaluation dont la fonction n’est pas certificative, mais qui joue le rôle d’un observatoire national chargé de mesurer le degré de réalisation des objectifs fixés, sur le plan de la qualité des apprentissages et du niveau des acquis des élèves.
Ce type d’évaluation s’effectuera au moyen de tests unifiés portant sur les apprentissages de base (langues, mathématiques, sciences), et que l’on fera passer à un échantillon représentatif d’élèves. Ces évaluations seront réalisées périodiquement et en alternance entre les classes de 4ème, 6ème et 8ème années de l’enseignement de base et de 2ème année de l’enseignement secondaire.

Fin de la 7ème partie ; A suivre

Présentation : Mongi Akrout, inspecteur général de l'éducation
Révision : Abdessalem Bouzid, inspecteur général de l'éducation
Tunis ; février 2019



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