lundi 25 mars 2019

La nouvelle réforme du système éducatif tunisien : Programme pour la mise en œuvre du projet " Ecole de demain " 2002 – 2007 (partie 5): les grandes orientations de la nouvelle réforme scolaire



Hédi Bouhouch
Nous poursuivons la publication du document relatif à la nouvelle réforme du système éducatif tunisien : Programme pour la mise en œuvre du projet " Ecole de demain " 2002 – 2007. Ce 5ème extrait présente les grandes orientations de la nouvelle reforme scolaire. Le lecteur sera surpris par la persistance des mêmes problématiques qui continuent à se poser aujourd'hui comme la question des langues, le temps scolaire, la place des sciences dans les programmes, l'introduction des nouvelles technologies de l'information…


Peu de temps après la promulgation de la deuxième loi sur la réforme de l’éducation en Tunisie (loi no 65 / 1991 du 29 juillet 1991 sur le système d’enseignement) on a commencé à réfléchir à un nouveau projet de réforme connu sous le nom de "l’école de demain". La réflexion est venue pour répondre à la présidence de la république qui avait appelé en 1995 à une "réflexion sur le renouvellement de la mission de l'école dans un monde qui devrait connaître de profonds changements dans la structure des sociétés de la connaissance et dans les méthodes de travail et les moyens de production."
En 1998, la "Commission de l'école de demain" fut instituée, présidée par le professeur Rafaa Ben Achour, alors président de l'université de Tunis 2. Ensuite, le ministère de l’éducation avait organisé un symposium international sur l’école de demain les 4 et 5 mai 1998 en coopération avec la Banque mondiale. Les résultats du symposium furent soumis à une consultation nationale, qui a abouti à des propositions pour la remise à niveau de l'école tunisienne.

La réflexion s'est poursuivie par des commissions au niveau du ministère de l'éducation pendant plus de 4 ans. Cet énorme effort fut couronné par la production d'un document très important publié en juin 2002 dans sa version arabe (avant la publication de la loi d'orientation de 2002) suivie par la version française en octobre 2002 sous le titre "La nouvelle réforme du système éducatif tunisien : Programme pour la mise en œuvre du projet " Ecole de demain " 2002 – 2007.
Compte tenu de la valeur de ce document fondateur qui a marqué un tournant dans la pensée éducative dans notre pays, nous avons voulu publier des extraits de ce travail afin de préserver la mémoire de l'école tunisienne et de rendre hommage à l'équipe qui avait contribué à sa conception et à sa rédaction. Cette équipe qui avait travaillé sous la direction du Ministre Moncer Rouissi, était constituée par feu Abdelmalek Sallami, inspecteur de français, feu Najib Ayed, ancien  directeur de l'Institut national des sciences de l'éducation, Omrane Boukari, le directeur des programmes et Mustafa Neifar, directeur de la formation. 
Présentation du document.
Le document est constitué de 5 grands chapitres:

I- Le cadre stratégique de la nouvelle réforme du système scolaire         
II - La place du système scolaire tunisien sur l’échiquier éducatif mondial 
III -Les évaluations réalisées depuis 1992
IV - Les grandes orientations de la nouvelle réforme
V - Le calendrier de la mise en application du plan relatif aux programmes


IV-Les grandes orientations de la nouvelle réforme scolaire
Pour habiliter l’école tunisienne à répondre aux exigences nouvelles imposées par les mutations en cours au plan national et international, mais aussi pour corriger les dysfonctionnements cumulés qui ont affecté son rendement, il convient de suivre un cheminement progressif dans le cadre d’une approche systémique qui embrasse toutes les composantes du système, et non pas seulement ses aspects strictement pédagogiques. Les principaux axes de la stratégie retenue sont les suivants :
1.    Placer l’élève, qui est l’acteur principal du système éducatif, au centre de l’action éducative.
2.    Mettre les technologies de l’information et de la communication au service des activités d’enseignement-apprentissage.
3.    Professionnaliser les enseignants.
4.    Valoriser l’établissement scolaire et en améliorer le statut.
5.     Mettre en œuvre le principe d’équité.
6.    Moderniser le système éducatif et améliorer sa capacité à répondre à la demande de plus en plus exigeante de la société.


IV- 1. L’élève, acteur central du système éducatif
Pour accomplir sa mission, l’école se doit de placer l’élève au premier rang de ses préoccupations. Un ensemble de mesures doivent être prises pour réaliser cet objectif :

des mesures d’ordre pédagogique, qui concernent l’activité d’apprentissage dans toutes ses dimensions.
  des mesures structurelles, qui ont trait à l’organisation des cycles, des filières, et du système d’orientation.
Des mesures organisationnelles portant essentiellement sur l’organisation des rythmes scolaires et de la vie dans les écoles.


Concrètement, un plan d’action s’articulant autour des activités suivantes sera mis en œuvre à partir de la rentrée 2002 :
§  Rénovation des programmes scolaires et des méthodes d’enseignement dans l’optique de l’approche par compétences.
§  Conception d’une nouvelle génération de manuels et d’outils didactiques.
§  Promotion des arts et des activités culturelles.
§   Révision de la grille horaire dans l’enseignement de base.
§   Introduction des apprentissages optionnels dans le 2ème cycle de l’enseignement de base.
§  Restructuration du cycle secondaire : création de nouvelles filières et amélioration des mécanismes d’orientation
§  Mise en place d’un système de vérification - validation périodique des acquis des élèves.


IV- 1.1- La rénovation des programmes et des outils pédagogiques
Les programmes scolaires seront réécrits conformément aux exigences suivantes :
a.     L’appui sur un référentiel international en matière de conception des programmes.
b.    La définition de normes et de standards dans les différents domaines d’apprentissage, dans tous les cycles.
c.     La conception des programmes dans l’optique de l’approche par compétences en lieu et place de la perspective sommative et cumulative qui caractérise les programmes actuels. Il s’agit de faire acquérir à l’élève les capacités lui permettant d’accéder par lui-même à une information sans cesse renouvelée, et de s’en servir dans des situations nouvelles, différentes de celles rencontrées au cours de l’apprentissage.
d.     La révision de la grille des disciplines et des matières, ainsi que de l’horaire qui leur est imparti, dans le sens du renforcement des apprentissages de base (langues, mathématiques, sciences) et d’une plus grande intégration intra et extra champs et matières. On veillera dans ce cadre :
§  à promouvoir l’enseignement des sciences et de la technologie et à intégrer les technologies de l’information et de la communication dans le processus d’apprentissage dès les premières étapes du cursus scolaire ;
§  à développer l’enseignement des langues étrangères afin que l’élève tunisien maîtrise réellement, au terme de l’enseignement de base, les deux langues enseignées ;
§   à enrichir le contenu culturel des programmes afin de familiariser les élèves avec les diverses formes d’expression littéraire, artistique et symbolique ;
§   à intégrer les prérequis à la formation professionnelle et à l’enseignement supérieur dans les programmes d’études.
e.     La mise à la disposition de l’enseignant d’une plage horaire qu’il pourra gérer librement, selon les besoins des élèves, soit pour des activités de soutien et de remédiation, soit pour l’approfondissement de certaines questions étudiées.
L’évolution de l’environnement éducatif - suite à l’entrée des nouvelles technologies à l’école et aux mutations subséquentes qui ont affecté les méthodes d’enseignement et les supports de communication - nous commande de rénover les supports didactiques, et en premier lieu le manuel scolaire, afin qu’ils répondent aux attentes des élèves et qu’ils continuent à jouer efficacement leur rôle d’auxiliaires de l’apprentissage.
Il faudra, dans ce contexte, faire évoluer la production des supports didactiques aux plans de la conception, de l’édition, de la publication et de l’évaluation. Cela implique :
§  L’adoption des normes  techniques  les plus récentes et les plus exigeantes en matière d’édition de manuels scolaires et de supports didactiques, qu’ils soient destinés aux élèves ou aux enseignants, qu’ils servent à des usages individuels ou collectifs.
§  La formation, selon les normes les plus récentes, d’experts nationaux en matière de conception d’outils didactiques. Ces experts seront chargés de superviser les opérations de rénovation des manuels scolaires pour tous les niveaux d’enseignement, conformément à l’approche par compétences.
§  L’amélioration de la qualité du manuel scolaire à tous les niveaux : contenu, mise en page, écriture, illustrations, impression.
§  Le développement de supports didactiques numérisés et multimédias qui accompagneront le manuel scolaire, dans une perspective de diversification des sources du savoir et des supports d’apprentissage.
IV- 1.2. La promotion des arts et des activités culturelles
Les activités culturelles et les arts jouent un rôle de premier plan dans l’apprentissage du «vivre ensemble» et dans le développement d’un climat favorable à l’apprentissage. Ces activités font donc partie intégrante de l’action éducative dont elles constituent l’un des éléments essentiels que l’on ne saurait négliger, sous peine de porter atteinte à la mission même de l’école.
Les activités culturelles, en milieu scolaire, ont principalement pour objectif :
a.     de contribuer au développement des diverses formes d’intelligence chez les apprenants : intelligence mentale mais aussi sensible ; tant il est vrai que le développement équilibré et harmonieux de l’enfant dépend de la complémentarité entre son épanouissement intellectuel et affectif ;
b.     de développer l’imagination et la sensibilité et de promouvoir l’aptitude à la créativité et à l’exploration des diverses voies de la création artistique ;
c.     d’enrichir la culture générale des élèves en approfondissant les apprentissages à caractère littéraire, artistique et scientifique, tout en veillant à intégrer les connaissances acquises dans les différentes disciplines.
d.    d’inculquer à l’élève, dans la pratique quotidienne, les règles du «vivre ensemble» en cultivant en lui le sens de l’initiative et du travail en commun, ainsi que la confiance dans ses possibilités.
C’est dans cette optique qu’a été créé un lycée pilote consacré aux arts, que fréquentent les élèves ayant une vocation confirmée pour la musique, le théâtre et les arts plastiques.
Dans le même sens, il sera procédé prochainement à la création d’une nouvelle filière, consacrée aux arts, menant au baccalauréat et vers laquelle seront orientés, au terme de la neuvième année de l’enseignement de base, les élèves doués en la matière.
Parallèlement, et dans le but de promouvoir l’animation culturelle en milieu scolaire, d’en enrichir le contenu et d’en diversifier les formes et les modalités, un plan d’action, fondé sur les principes suivants, a été établi :
§  Elargir la sphère de l’exercice des activités culturelles en y faisant participer le plus grand nombre d’élèves.
§  Veiller à la qualité et à la variété des activités culturelles proposées aux élèves.
§  Encourager les élèves à fréquenter les espaces culturels en organisant des visites dans les musées, les salles de cinéma, les théâtres, les galeries d’arts...
§   Mettre au point des formes variées de partenariat entre les établissements scolaires d’une part, et les intervenants culturels et les artistes d’autre part.
La concrétisation de ces principes se fera à travers :
§  La densification du réseau des clubs culturels dans les écoles primaires par la création de nouveaux clubs et/ou la réactivation des clubs existants, de sorte que dans chaque école il y ait plus d’un club et que soit ainsi offerte à tous les élèves la possibilité d’exercer une activité culturelle. Ces activités peuvent se dérouler également en dehors de l’école, grâce à l’institution de formules de partenariat avec les espaces culturels avoisinants ou avec les structures, organisations et associations à vocation culturelle.
§  La création, dans tous les collèges et lycées, d’un comité d’action culturelle qui aura pour tâche de veiller à la programmation et à la coordination des activités culturelles des divers clubs de l’établissement et d’en assurer le suivi et l’évaluation.
§
§   Le renforcement des «classes culturelles» existantes et la poursuite de la mise en place de nouvelles classes tout en œuvrant à les doter des ressources humaines et matérielles nécessaires, afin qu’elles contribuent à l’enrichissement de la formation dispensée aux élèves dans les activités d’enseignement.
§  La mise en place de clubs spécialisés dans les disciplines culturelles et artistiques dans tous les collèges et lycées.
Dans ce contexte, il a été procédé, depuis le début de l’année scolaire 2001-2002, à la création :
a.     d’un club de cinéma dans chaque école préparatoire et lycée. Le club programme un ensemble de films à l’intention des élèves, qui sont projetés soit au sein de l’institution scolaire, soit dans les salles spécialisées. La projection est suivie d’une discussion sur les différents aspects du film. Cela est de nature à enrichir la culture cinématographique des élèves et, plus généralement, à consolider leur culture générale, tout en leur offrant un support motivant pour l’exercice de l’art de la discussion et de la culture du débat.
b.    de clubs de théâtre, de peinture, d’arts plastiques, de littérature, d’internet et d’informatique dans chaque collège et lycée, animés par des spécialistes ou des enseignants ayant une certaine maîtrise de ces sujets et/ou leur vouant un intérêt particulier, et ce indépendamment de leur discipline d’enseignement.
c.     de clubs de musique et d’expression corporelle dans les collèges et lycées disposant d’un personnel d’encadrement compétent.
d.     d’un comité de suivi des activités culturelles dans chaque direction régionale de l’enseignement. Ce comité prépare le programme culturel trimestriel au niveau de la région, puis veille à sa réalisation et à son évaluation. Il repère les initiatives réussies et en assure la diffusion à travers le programme régional. Il est en outre appelé à prendre toutes les mesures susceptibles d’élargir le cercle des bénéficiaires de l’action culturelle et d’en consolider les assises au sein des institutions scolaires.

Fin du cinquième extrait à suivre, Pour revenir à la première partie, Cliquer ICI ; Pour revenir à la deuxième partie, Cliquer ICI
Présentation : Mongi Akrout, inspecteur général de l'éducation
Révision : Adessalem Bouzid, inspecteur général de l'éducation


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