Le blog pédagogique a choisi de
présenter à ses lecteurs la conclusion des instructions qui ont accompagné les
nouveaux programmes scolaires français entrés
en application en 1923 , ces instructions étaient signées par le Ministre
en personne ; bien qu’elles remontent à peu d’un siècle , les instructions
- qui s’appliquaient à l’école en
Tunisie à cette époque - renferment plusieurs
principes qui n’ont rien perdu de leur valeur -
et sont encore valables de nos jours , c’est la raison pour laquelle le blog a voulu les partager
avec ses lecteurs et invite tous les enseignants à y méditer .
Le texte de la conclusion
Les anciennes
pratiques n'auront pas été du jour au lendemain remplacées par des pratiques
contraires; aucune révolution brutale n'aura bouleversé nos institutions
scolaires
|
« Lorsque
le nouveau plan d'études entrera en vigueur, lorsque les instructions qui le
commentent seront appliquées selon leur esprit, qu'y aura-t-il de changé dans
notre école nationale ? Certes, les anciennes pratiques n'auront pas été du
jour au lendemain remplacées par des pratiques contraires; aucune révolution
brutale n'aura bouleversé nos institutions scolaires. Nombreux sont les maîtres
qui, dès maintenant, s'inspirent de
principes analogues à ceux qui ont dicté les nouveaux programmes.
Mais, en devenant plus générale, l'application de ces principes permettra de
réaliser de sérieux progrès.
commentaire
le Ministre rappelle
un principe, souvent ignoré par les concepteurs des réformes : la mise
en application de nouveaux programmes et des instructions qui les
accompagnent nécessite du temps, les enseignants ont besoin d’accompagnement
et de temps pour les assimiler, il faudrait être patient pour voir
disparaitre les anciennes pratiques qui sont souvent très résistantes
|
L'école, telle que nous la rêvons, sera,
du dehors, avenante et accueillante, entre un jardin fleuri et des cours
ensoleillées. à l'intérieur elle sera inondée d'air et de lumière. Et cette
gaieté que lui donneront les dispositions matérielles prises par l'architecte,
nous voudrions qu'elle soit entretenue grâce aux dispositions pédagogiques
prises par l'instituteur.
On ne travaille bien que dans la joie.
Bien démodées sont les bâtisses scolaires — encore trop fréquentes cependant —
qui ressemblent à de sombres prisons. Mais un magister au ton rude ne
serait pas moins archaïque. Ce n'est pas à dire que tout règlement
disciplinaire doit être aboli : la volonté et la raison de l'enfant sont trop
peu formées pour qu'on puisse tout espérer de la persuasion. Mais on peut faire
en sorte que l'emploi de la punition devienne exceptionnel et que l'atmosphère
de la classe soit à peu près constamment d'une parfaite sérénité. Ce
n'est pas par la crainte, c'est par l'affection que le maître obtient le
travail le plus régulier et le plus productif.
commentaire
« On ne travaille bien que dans la joie
…c'est par l'affection que le maître obtient le travail le plus régulier et
le plus productif » . Ce
principe est aujourd’hui intégré dans
un concept appelé le climat scolaire
qui inclut entre autre les rapports maitre/élève , les études sur la question
qui ont connu un grand développement
depuis les années cinquante du siècle passé ont montré
le lien très fort
entre « climat scolaire » et qualité de
l’apprentissage , l’engagement des
élèves, leur motivation et leur
réussite .
|
Le travail sera d'autant plus régulier,
d'autant plus productif que l'enseignement sera plus vivant. A chaque page de
ces instructions, qu'il s'agisse de l'enseignement de la morale ou de celui du
travail manuel, de celui de la grammaire ou de celui de la musique, de celui de
l'histoire ou de celui des sciences, nous avons préconisé les méthodes
susceptibles d'intéresser l'enfant, bien plus, de lui inspirer pour son travail
une sorte d'enthousiasme.
nous voulons que les
écoliers travaillent avec plaisir, parce que le plaisir est un moyen efficace
de stimuler leur activité
|
On aurait tort de confondre la théorie
contenue dans ces pages avec la théorie de l'éducation attrayante. Notre but
n'est pas d'amuser les écoliers. Mais nous voulons que les écoliers travaillent
avec plaisir, parce que le plaisir est un moyen efficace de stimuler leur
activité. Le plaisir dont il s'agit n'est pas une jouissance passive, c'est la
joie qui accompagne toute activité libre, consciente de
travailler à la réalisation d'un bel idéal.
C'est la joie qu'éprouve le touriste au
cours d'une ascension qui exige pourtant de lui beaucoup d'efforts et beaucoup
de fatigue, mais où il sait que chaque pas le rapproche d'un spectacle
magnifique. Ce que nous souhaitons, ce n'est pas qu'on réduise au minimum les
efforts intellectuels de l'écolier : c'est, au contraire, qu'on
l'amène à les multiplier en les lui faisant accomplir dans la joie.
Tous les procédés qui rendent
l'enseignement concret, qui font appel à l'activité de l'enfant, qui
permettent de passer par d'habiles transitions du jeu à la leçon, sont de
nature à créer dans la classe les dispositions intellectuelles et morales sans
lesquelles il n'est pas de bon travail : la curiosité est éveillée, l'intérêt
excité, et chacun fait avec une tâche dont il tirera bon profit. Nous ne
demandons pas qu'on laisse chacun agir au gré de son caprice : l'école n'est
pas plus une salle de jeu qu'elle n'est une prison. L'école est l'école : une
réunion d'enfants qui travaillent de bon cœur à leur éducation commune, sous la
direction de leur maître.
commentaire :
« Le travail sera d'autant plus
régulier, d'autant plus productif que l'enseignement sera plus vivant »
la troisième recommandation du Ministre porte sur la méthode d’enseignement,
elle défend la méthode active qui permet à l’enfant d’être un acteur actif dans
toutes les leçons, c’est pour le ministre une condition pour intéresser
l’enfant et l’impliquer dans l’apprentissage
« Tous les procédés qui rendent
l'enseignement concret, qui font appel à l'activité de l'enfant,
qui permettent de passer par d'habiles transitions du jeu à la leçon, sont de
nature à créer dans la classe les dispositions intellectuelles et morales
sans lesquelles il n'est pas de bon travail »
Le quatrième principe avancé par les
instructions officielles touche aussi la méthode d’enseignement,
c’est un appel à rendre l’enseignement concret pour les enfants pour les aider à comprendre et à acquérir
les savoirs, pousser l’enfant à être actif au cours de l’apprentissage
et joindre jeux et leçons en passant des uns aux autres , tout cela
est à même de créer une bonne condition pour un travail utile et bénéfique
|
Plus d'air, plus d'aisance, plus de
liberté, plus de joie et partant plus de travail. Des efforts plus nombreux
parce qu'ils seront plus volontairement consentis; des efforts mieux équilibrés
et mieux coordonnés parce que chaque discipline occupera sa juste place; des
efforts plus fructueux parce qu'ils seront mieux adaptés aux besoins présents
de notre patrie; des enfants mieux instruits par un dosage plus exact des
connaissances qu'ils doivent progressivement acquérir, par une culture plus
méthodique de leurs facultés; des caractères mieux formés par une éducation
morale moins abstraite mais non moins haute : voilà ce que nous attendons de
cette réforme de l'enseignement primaire. Puisse-t-elle donner au pays des
travailleurs, des citoyens, des hommes qui, imbus de son idéal, contribuent à
accroître sa prospérité et sa grandeur.
Paris, le 20 juin 1923.
Le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-arts,
LÉON BERARD.
Arrêté du 23 février 1923 modifiant les programmes des
écoles primaires élémentaires
Source : Bulletin officiel de la direction générale de l’instruction
publique et des beaux arts - Régence de Tunis, protectorat français, N°13 - Mai
-Juin 1923, 37° année.
Présentation , et commentaire Hédi bouhouch , Mongi Akrout Inspecteurs
généraux de l’éducation, et Brahim Ben Atig, Professeur Principal émérite.
Tunis , 2017
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